Maurice Nguepé La Toute-Puissance de la Conscience 2 2 Préface Un quart de siècle de gestation d’une théorie C’est en 1990 que Maurice NGUEPÉ commence les réflexions autour de ce livre et en formule les premiers énoncés : « L’inconscient n’existe pas. Et même s’il existait en tant qu’état d’absence de volonté immédiate ou en tant qu’absence d’état de conscience, il ne pourrait être à l’origine de la production des rêves et d’autres phénomènes symboliques du psychisme humain. C’est bien la conscience qui commande tout. » Le postulat de l’inexistence de l’inconscient psychique n’est pas nouveau, puisque dans son ouvrage célèbre sur l’existentialisme, L’être et le néant, Sartre en avait déjà récusé l’existence en proclamant l’homme libre et conscient de son existence. Mais ce qui est mis en valeur ici, c’est, non seulement le postulat d’une conscience toute puissante agissant aussi bien à l’état d’éveil qu’à l’état de sommeil, mais aussi une approche théorique et méthodologique 2 3 élaborée à partir d’un référentiel nouveau et couronnée par la constitution d’une nouvelle science : la psychologie tridimensionnelle qui inclut à la fois la phénoménologie et la psychologie. Pour parvenir à l’élaboration de cette nouvelle théorie, il aura fallu vingt-cinq années. Vingt-cinq années à interroger l’être humain, du plus petit enfant qui vient de naître au vieillard à l’article de la mort, et à décrire les phénomènes de l’espace et du temps tridimensionnels pour en décoder le sens. Il aura fallu faire un travail de sondage, de collecte, d’analyse et d’expérimentation sur trois continents : l’Afrique, l’Europe et l’Amérique. C’est au cours de ces années que j’ai rencontré Nguepé, à Montréal (Canada), plus précisément en 2006. Je venais de soutenir un DEA en psychologie à l’université de Cocody en Côte d’Ivoire, et lui, un doctorat en anthropologie à l’université de Francfort en Allemagne. Il m’expliqua qu’il était à la recherche de la plus grande clé de compréhension des rêves prémonitoires. Il avait publié, trois ans plus tôt, L’essence des cultures, un livre dans lequel qu’il avait élaboré les premières catégories d’analyse des phénomènes symboliques. C’est alors qu’il me raconta le rêve prémonitoire de juillet 1991 (voir introduction) qui avait changé sa vision des sciences humaines. À la question de savoir si j’étais en mesure de lui fournir une explication de la raison d’être des rêves prémonitoires, je lui répondis par la négative, ajoutant que j’étais, moi aussi, à la recherche de la clé de compréhension d’un rêve sur l’incendie, rêve dont la définition freudienne comme manifestation des désirs refoulés ne permettait pas de résoudre l’énigme. Ce rêve est le suivant : « Vous êtes couchés sur votre canapé. Soudain, il y a 42 coupure de lumière électrique. Vous vous levez, allumez une bougie et la posez sur la table. Puis, vous vous recouchez sur le canapé, fixez la bougie un instant, somnolez et dormez. Quelques minutes ou heures plus tard, vous rêvez d’un incendie. » Un jour, alors que je m’étais inscrit à un DESS en psychologie à l’université du Québec à Montréal et que nos échanges étaient entre-temps devenus florissants, Nguepé me révéla qu’il venait de trouver la clé tant recherchée de l’analyse des rêves et de toutes les productions symboliques du psychisme humain. Il m’expliqua alors le rêve sur l’incendie comme suit : « L’inconscient n’existe pas. C’est plutôt la conscience qui possède trois facultés : la faculté analytique dont la fonction est d’observer unidimensionnellement l’objet et ne donner de lui que la définition de ce qu’il est ; la conscience synthétique qui pose le regard non plus sur un point de l’objet, mais bidimensionnellement sur plusieurs points pour dégager l’ensemble des règles qui le constituent ; et la faculté transcendantale qui utilise tridimensionnellement ces règles pour reconstruire l’objet pendant le sommeil, produisant par ce fait même un résultat. Ainsi, quand vous posez une bougie sur la table, la faculté analytique la fixe à la faveur de l’immensité de l’obscurité de la pièce et transmet l’information de l’objet de sa fixation à la faculté synthétique de la conscience. Celle-ci pose le regard, non plus seulement sur la bougie (unidimensionnalité), elle fixe à la fois la bougie et le cadre de la table en bois (bidimensionnalité) sur laquelle elle est posée et perçoit un probable danger (l’incendie) qui est, par la suite, reconstitué par la faculté transcendantale de la conscience dès que vous dormez. Le but du rêve n’est donc pas de satisfaire un 2 5 quelconque désir refoulé, mais de reconstruire le résultat de cette succession d’événements. » Je reçus cette explication comme un coup de tonnerre, et l’écho résonne encore plus aujourd’hui avec la publication de ce livre. Car, il y a bien plus à y découvrir : d’une part, les catégories d’analyse développées afin de rendre rationnelle la compréhension des rêves prémonitoires et non prémonitoires, des lapsus, des actes manqués, des intuitions et, d’autre part, l’élaboration d’une nouvelle théorie scientifique, dénommée psychologie tridimensionnelle, qui unifie plusieurs branches du savoir, en font une œuvre inédite. Le tout est couronné par ses hypothèses sur les maladies mentales (l’Alzheimer et l’autisme) qui ouvrent de nouvelles perspectives en recherche clinique. En 2016, Maurice Nguepé a donné les premières conférences publiques pour partager les thèses centrales de sa théorie. Certains participants ont alors affirmé que l’auteur venait de trouver l’homme que cherchait Diogène de Sinope, tandis que d’autres soulignaient que la psychologie tridimensionnelle était pour la psychanalyse classique ce que la théorie de la relativité était pour la mécanique de Newton. Pour ma part, Nguepé a apporté l’onguent nécessaire au traitement de la plus grande blessure que Freud, de son propre aveu, avait faite à l’humanité. La toute-puissance de la conscience est un véritable régal, la meilleure nourriture pour l’âme. Sylvestre René Assaa N.1 1 Sylvestre René Assaa N. est psychologue, spécialiste en santé mentale adulte (CISSS de Lanaudière, Qc) et membre de l’Ordre des Psychologues du Québec. 62 Introduction En juillet 1991, alors que j’avais 22 ans, je fis un rêve qui changea radicalement le regard que j’avais jusque-là posé sur la psychanalyse classique. C’était, pendant mes années du secondaire, un regard plein d’admiration, parce qu’à la découverte de ces concepts de subconscient, d’inconscient et de conscience, et des mécanismes de transfert d’informations de l’inconscient à la conscience, le jeune élève, que j’étais alors, avait reçu la théorie psychanalytique comme une illumination de sa propre existence. Avant la classe de philosophie, on est encore trop jeune, raison pour laquelle on se laisse facilement bercer par les théories scientifiques, l’impossibilité d’en élaborer certaines soi-même freinant l’aptitude à la critique. En effet, bien que les nombreux rêves faits jusqu’à l’âge de 22 ans avaient pu être expliqués par la théorie freudienne lors de mes premières années de philosophie, c’est celui de juillet 1991 qui avait pris, dans ma mémoire, la première place. Et pour cause, les catégories de la psychanalyse classique ne permettaient plus de le rendre compréhensible. Avant de faire la narration de ce rêve, il convient, 2 7 d’abord, de décrire le contexte de son apparition. Il y avait, au département d’études germaniques de l’université de Yaoundé des années 90, une condition unique d’accès au second cycle qui consistait, d’une part, à ne pas reprendre un seul niveau d’études parmi les trois du premier cycle et, d’autre part, à réussir en classe supérieure avec une moyenne minimale de 12/20 (mention assez-bien). Pour éviter d’être sous pression et se mettre à l’abri des aléas, les étudiants se mettaient alors au travail dès la première année, bossant sans relâche, avec une détermination hors du commun, dans le but d’obtenir la fameuse moyenne de 12/20. Une semaine avant les résultats de fin de première année académique, je fis alors le rêve suivant : « Je suis dans la plantation de café de mon père à la falaise de Dschang et, un coupe-coupe à la main, je défriche la terre avec une rapidité déconcertante. Puis, je quitte la plantation au pas de course, le coupe-coupe toujours en main, en défrichant au passage quelques herbes bordant la route qui mène chez mon grand-père maternel, Tsafack Waka, à 20 km de là. Soudain, je me retrouve en face de sa maison. Dans la réalité, cette maison est simple et comporte un salon et quatre chambres. Mais dans le rêve, elle est en étage et comprend un niveau. Je lève donc la tête et je vois, debout au balcon de l’étage, onze personnes qui me regardent sans dire mot. Et je me réveille. » Une semaine après, les résultats des examens universitaires furent proclamés. Je réussis l’accès en 2ème année avec une moyenne de 11,99 et non pas avec la moyenne de 12/20 tant attendue. L’accès au cycle de maîtrise ne fut donc pas assuré dès la première année. Mais ce rêve marqua le début d’une aventure scientifique inédite. En effet, la moyenne de 11,99/20 me plongea dans la 82 pratique interprétative des images symboliques, et je réalisai qu’en reconstruisant la maison de mon grand-père en étage, la conscience transcendantale, qui était à l’œuvre, indiquait que son but était de produire le résultat de mes efforts. Les onze personnes n’étaient pas au rez-de-chaussée, mais à l’étage, preuve que j’allais réussir mon passage au niveau supérieur. Mais ce passage allait être conditionné par une moyenne de onze et non de douze, d’où la présence des onze personnes sur le balcon de l’étage. Le caractère prémonitoire de ce rêve me bouleversa. Je retournai alors à mes bouquins pour relire Freud et ses disciples, mais je ne trouvai point de catégories pouvant expliquer ce qui fait qu’un rêve ne soit plus, comme disaient ces psychanalystes, la simple reproduction du lourd passé de nos désirs – ou encore le moment de leur satisfaction –, mais plutôt l’annonce d’un événement à vivre dans un futur proche. À chaque fois, je tombais sur la thèse centrale de la psychanalyse freudienne qui, partant du complexe d’Œdipe (ce personnage de la mythologie grecque qui tua son père pour épouser sa mère), stipulait qu’à l’origine des troubles névrotiques se retrouvaient les désirs refoulés qui subsistaient dans l’inconscient et accédaient à leur assouvissement dès lors qu’ils apparaissaient dans la conscience de manière déguisée, c’est-à-dire sous forme de rêves, d’actes manqués et de lapsus. Or, dans ce rêve de juillet 1991, le déguisement de la maison du grand-père visait certes à satisfaire mon désir de passer en classe supérieure, mais il allait au-delà de ce simple souci de satisfaction et représentait la construction d’une équation rationnelle, à la fois mathématique et architecturale, dont la production du résultat était le but 2 9 ultime : cette présentation, à l’étage, des onze personnes représentant ma moyenne de 11/20. Devant la beauté et la pureté de cette construction architecturale imagée, il devenait difficile de se faire à l’idée que le rêve était le produit d’un inconscient. Le soupçon se déporta vers un architecte plus conscient de ses œuvres, plus doué, bref, vers une conscience pure aux facultés transcendantales. C’est alors que les questions commencèrent à surgir à propos des fondements de la psychanalyse classique : si l’origine des névroses était l’absence de l’accomplissement d’un désir, et si le rêve, en tant que cure, était le moment de l’assouvissement de ce désir, alors rien n’explique pourquoi il procèderait par déplacement et par déguisement. Le meilleur traitement aurait plutôt consisté en ce que le rêve envoyât, à la conscience au repos, la scène claire et non déformée de l’assouvissement de ce désir. Seulement alors, il l’eut véritablement satisfait. La déformation des faits en ajoute plutôt sur le flou de la névrose, la rendant plus névrotique, et complexifie, pour le sujet rêvant, la véritable réalisation de son désir. Autrement dit, pour traiter ce désir devenu névrose, il aurait fallu véritablement le satisfaire et non le complexifier par la déformation des événements. Ceci suscita le questionnement sur le but ultime du rêve. Que vise-t-il finalement ? En se référant au rêve de juillet 1991, il y avait lieu de constater qu’au-delà de l’accomplissement des désirs humains, il visait à montrer, à travers des symboles représentant les phases de son élaboration rationnelle, ce que ce désir pouvait avoir comme effet sur le sujet. Et pour montrer cet effet, le rêve procède de façon cohérente et rationnelle pour produire un résultat. Tel est le but ultime du rêve : la production d’un 10 2 résultat, le résultat de nos peurs et de nos espoirs, de nos joies et de nos peines, de nos désirs et de nos aspirations. Le résultat de nos actions quotidiennes. Le déguisement, dans la formation de ce résultat, n’a pas de fonction thérapeutique. Il ne vise pas non plus à complexifier la lecture du rêve, mais plutôt à le rendre compréhensible. Il est le matériau de construction, la pièce de puzzle dont la raison d’être est de rendre rationnelles et cohérentes les différentes séquences du rêve. Pour construire ces différentes séquences, la conscience utilise les matériaux captés de l’environnement et leurs règles de fonctionnement pour faire le montage en tenant compte de la tridimensionnalité de l’espace et du temps, puisque l’environnement est tridimensionnel, de même que les objets qui s’y trouvent. Il devint cohérent de poser le postulat suivant : la conscience, au repos, jette, sur les images intériorisées, le même regard uni-, bi-, et tridimensionnel que celui de l’état d’éveil, et reconstruit un champ de perception en trois dimensions dans lequel elle insère les images constituant cette équation rationnelle et mathématique qu’est le rêve. La préoccupation centrale à laquelle nous nous devons de répondre est de savoir quels types de jugements la conscience est capable de produire. Quels sont les mécanismes au travers desquels elle produit un savoir sur le monde et quelle est la nature de ce savoir ? Pour y répondre, il faudra parcourir les facteurs qui conditionnent la morphologie des êtres vivants et déterminer le stade atteint dans leur processus de création perpétuelle. Il faudra étudier l’influence qu’a l’espace tridimensionnel non seulement sur la morphologie des corps, mais aussi sur celle des facultés mentales. Sur ce point 2 11 précis, la conscience humaine étant, elle-même, le produit d’une évolution historique de l’Homo sapiens dont l’avènement fut marqué par l’apparition de la faculté synthétique à côté de l’unique faculté analytique que possédaient ses ancêtres, il faudra trouver les origines de cette évolution, non dans sa nature ontologique, mais dans son environnement. Car, s’il existe une science qui étudie les activités mentales et les productions du psychisme humain en relation avec l’environnement, c’est bien, aujourd’hui, la psychologie qui est, elle-même, un prolongement de la phénoménologie que Husserl, son fondateur, définit comme l’étude descriptive de tous les phénomènes qui s’offrent à l’expérience du sujet. Seulement, l’environnement, qui est l’objet de la psychologie, n’est pas nécessairement géométrique. Il est culturel. Pourtant, la culture n’est elle-même que le résultat de l’activité de la conscience synthétique. C’est dire qu’elle – la culture − n’est pas antérieure, mais plutôt postérieure à la formation de la conscience et à l’émergence de ses facultés. Ceci laisse transparaitre un grand vide : celui d’une science décrivant l’influence de l’environnement géométrique antérieur à la formation de la conscience et déterminant les productions du psychisme humain. L’élaboration d’une telle science doit décrire l’environnement géométrique tel qu’il est, en trois dimensions (verticalité, horizontalité et profondeur), sans omettre la quatrième, la dimension du temps absolu. Or, le changement des jours et des nuits imposant au temps une autre tridimensionnalité (le passé, le présent et le futur), cette science du psychisme humain, que nous recherchons, ne pourra faire l’économie de la notion de tridimensionnalité spatiotemporelle. Elle doit donc 12 2 s’appeler psychologie tridimensionnelle et établir que les formes de perception uni –, bi – et tridimensionnelles déterminent les aptitudes de la conscience à formuler des jugements analytiques, synthétiques et transcendantaux et à reconstruire symboliquement le monde. 2 13 14 2 Première partie La psychologie tridimensionnelle 2 15 16 2 Chapitre I Les trois dimensions de l’espace La notion de dimension renvoie au nombre de directions indépendantes possibles. Dans l’espace, il y en a trois : La verticalité (direction haut/bas), représentée en mathématiques par l’axe y et appelée cote ; L’horizontalité (direction gauche/droite), représentée en mathématiques par l’axe x et appelée abscisse ; La profondeur (direction avant/arrière), représentée par l’axe z et appelée ordonnée. L’espace qui nous entoure a donc trois dimensions, parce qu’il est perçu des yeux en termes de verticalité, d’horizontalité et de profondeur. De là, on peut définir l’unidimensionnalité comme une situation exprimant le mouvement d’un regard qui va du sujet à l’objet traçant ainsi une ligne, ou comme la linéarité d’un objet, à l’exemple d’un fil dont on ne tient pas compte de la grosseur. Dans le cas d’une relation du sujet à l’objet, il se produit une attirance du premier vers le second qu’il cherche à 2 17 absorber, à faire un avec lui. Cet élan du sujet à l’objet crée une seule ligne sur laquelle le temps et l’espace se dissolvent. Cette relation unidimensionnelle se produit au niveau de la conscience analytique. Le mouvement unidimensionnel que porte la conscience analytique sur les objets a pour effet de rendre analytique le jugement du sujet. Un jugement analytique est vrai en raison de la formulation de sa seule définition. C’est donc un jugement de reconnaissance. Exemple : un homme est un être humain. La bi-dimensionnalité renvoie, quant à elle, à une situation où l’objet, perçu par l’œil, restitue sa seule surface plane, à l’exemple d’une feuille de papier qui ne laisse voir que ses deux axes x et y (appelés aussi longueur et largeur) dans la mesure où on ne tient pas compte de l’épaisseur. À l’unidimensionnalité de la relation du sujet à l’objet succède donc la bi-dimensionnalité de la recherche des dimensions de celui-ci. Une fois la relation constituée, le sujet déplace son regard sur plusieurs autres points du même objet pour en saisir tous les contours extérieurs ; et ceux qu’il perçoit sont plats, puisqu’il ne perçoit que la surface. L’objet s’offre donc à lui à partir de ses deux dimensions (la base et la hauteur, ou la longueur et la largeur). Dès lors, sa conscience connaît une nouvelle mutation : elle n’est plus figée dans sa fonction analytique (comme dans la relation unidimensionnelle), mais elle rentre dans une sorte de mouvement de synthèse de données et devient synthétique. La conscience synthétique ne porte pas de jugements analytiques (jugements de reconnaissance) sur les objets, dans la mesure où son regard n’est pas unidimensionnel, mais bidimensionnel. On peut donc dire qu’à l’observation 18 2 et à la reconnaissance analytique succède une connaissance synthétique nouvelle de l’objet. Exemple : un être humain est le produit de la rencontre d’une femme et d’un homme. La tridimensionnalité, enfin, est un état caractérisé par l’apparition d’un espace intérieur à l’objet, ce qui favorise le processus de projection du regard vers la profondeur. En architecture par exemple, pour construire une figure plane en trois dimensions, l’architecte trace des lignes de fuite qui, se déployant en perspective, font ressortir toute la morphologie de l’objet, de sorte qu’il n’est plus perceptible bidimensionnellement, mais tridimensionnellement. La tridimensionnalité, c’est donc l’objet représenté dans la totalité de sa verticalité, de son horizontalité et de sa profondeur. En s’exprimant par l’existence d’un intérieur rattaché à un extérieur qui est lui-même bidimensionnel, la profondeur a une incidence majeure sur la conscience. En effet, quoique les objets de l’espace aient une morphologie tridimensionnelle du fait qu’ils possèdent un intérieur, leur perception est, d’abord, analytiquement unidimensionnelle, avant d’être synthétiquement bidimensionnelle. La tridimensionnalité en tant que représentation mentale de la profondeur de l’objet affecte à la conscience un jugement transcendantal. Ainsi, les trois dimensions de l’espace favorisent, au niveau de la conscience, le déploiement de trois facultés. Le sujet qui, jusque-là, était allé analytiquement à l’objet de façon linéaire, unidimensionnelle, et qui avait cherché par la suite à en connaitre synthétiquement les formes extérieures bidimensionnelles pour mieux l’apprivoiser, est désormais soucieux d’en connaitre plus sur cet intérieur devenu l’objet de curiosité. 2 19