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archéoThéma no 30 | septembre-octobre 2013
> l’article Deux villas D’exception en pays lingon
avenue encadrant l’espace rituel des pertes de la Venelle et
d’une ferme celtique (Goguey 2007b) (gure 2).
Sur la rive droite, l’existence de la « Ville d’Ogne » à Lux
gardait des traces dans la mémoire collective : on y voyait
l’emplacement d’une agglomération, dont les premiers textes
mentionnent la tenue en juin 1116 des grands plaids de dieu
qui se t à la demande d’Hugues II, souverain du Duché de
Bourgogne et de Guillaume III. Ils en xèrent le lieu sur les
frontières de la Champagne et des ducs de Bourgogne qui
furent victimes des multiples invasions dont celles des Nor-
mands. Ils choisirent la plaine entre les villages de Lux et de
Til-Châtel.
Il semble qu’à cette époque la villa est totalement détruite.
Aux XVe et XVIe siècles, à son emplacement reconnu par des
pierrailles, des fouilles ont mis à découvert des fondations
d’édices et ont fourni des statuettes, des pièces de mon-
naies anciennes... et un tombeau en pierre d’Is-sur-Tille orné
de statues dont les têtes servirent longtemps de boules dans
les jeux des enfants du village (Antiquaires... 1823, p. XCI, M.
Girault).
Au XVIIIe siècle, Diderot visite le site, dont il rédige la
notice dans son Encyclopédie (volume 20, p. 639) : « Près de
Lux est une petite contrée appelé Val d’Ogne... En fouillant
la terre il y a 80 ans et en 1772, on a découvert des briques
longues et larges, des fragments de vieilles ferrures, d’armes
et 10 médailles dont trois d’argent... Je les ai vus en octobre
1776 chez M. Dubois, contrôleur à Til-Châtel, directeur des
chemins. Des tombeaux, du marbre blanc d’autres morceaux
curieux qu’on y déterre chaque jour annoncent l’antiquité de
ce lieu, où il n’y a pas de maison ».
Peu de temps après, en 1787, la route de Lux à Til-Châtel,
qui passait au sud de la villa, est remplacée par une nouvelle
chaussée qui traverse la pars urbana en diagonale. Les trou-
vailles durent être nombreuses, si l’on en juge par les dégâts
observés en 1974 par la déviation routière de Diénay au cœur
de la villa gallo-romaine du Paradis. En 1866 encore, on rap-
porte qu’on a trouvé au Val d’Ogne une quantité de débris,
des armes, des squelettes... Mais, en dehors d’une estampille
militaire sur tegula « VEXILL LEG... » dicilement lisible (Le
Bohec 2003, p. 350, D4), rien n’a été répertorié... Cependant,
en 1980 encore, l’un des propriétaires du terrain se souvient
que son grand-père, carrier, allait sur l’emplacement de la
villa quand il avait besoin d’un bloc de pierre.
Lux et la photographie aérienne
C’est en 1965 que les vols sur l’axe Dijon / Langres permettent
de repérer les premiers indices d’habitat gallo-romain au Val
d’Ogne. L’importance du site justia la multiplication des
prises de vue à moyenne et basse altitude, malgré les di-
cultés causées par le carrousel d’avions de chasse à l’entrée
du champ de tir d’Epagny. Les photographies sur neige, en
décembre, en janvier, en février et en mars d’années dié-
rentes rent ressortir les variations de l’hydrologie autour de
la villa (gure 3). A l’inverse des autres sites, 1976 n’apporta
que peu d’éléments nouveaux. C’est en 1967, 1973, 1986, 1989
et 2002 que les images les plus révélatrices furent obtenues
aussi bien pour les plans d’ensemble que pour les détails les
plus ns. Jusqu’en 1974, les « missions-photos » furent réali-
sées dans le cadre de l’entrainement des équipages de l’Armée
de l’Air, depuis la Base Guynemer de Dijon-Longvic et la Base
de la 33e Escadre de Reconnaissance de Strasbourg-Etzheim.
De 1990 à 2001, un avion R3000 spécialement construit pour
la photographie aérienne fut aecté par le Conseil Régional
de Bourgogne au programme « de la Loire au Rhin » (gure
4). Les données rassemblées sur Lux sont donc particulière-
ment riches avec des clichés de tous formats, en photo verti-
cale stéréo et oblique (Goguey 1972, p. 11-12 ; 1994, p. 203-206 ;
2007, p. 43). Un premier plan de la villa, redressé approxima-
tivement, a été établi en 1994 par Anne Richeton. En 2012,
Alexandra Cordier a réalisé un plan plus précis et plus com-
plet, redressé sous le logiciel QGis (gure 5).
L’essentiel de la villa s’inscrit dans un rectangle long de 350
m, large de 235 m, soit approximativement 8 hectares (gure
6). Son axe principal est orienté du nord-ouest pour la pars
urbana au sud-est pour la pars rustica. Avec 260 m x 225 m,
la pars rustica (A), couvre 6 hectares. Deux bassins, dont l’un
avec entrée (abreuvoir ?), sont visibles dans cette cour, que
traverse en biais une canalisation. Celle-ci peut être un aque-
duc venant du sud-ouest, ou un égout se déversant dans la
rivière. Sur le côté nord on distingue six bâtiments dont le
plus important (no 1 sur gure 5), avec cour et portique, est
interprété comme le logement de l’intendant (gure 7). Il
sera l’objet d’une fouille de diagnostic de 1981 à 1983. Les trois
pavillons suivants (nos 2, 3 et 4 sur gure 5), habituels dans une
cour agricole, sont alignés à l’extérieur du mur d’enceinte,
avec leur façade en saillie sur la cour. Le dernier (nos 5 sur
gure 5), plus important, est divisé en six pièces.
On retrouve sur le côté opposé trois petits pavillons (nos 6,
7 et 8 sur gure 5), mais ce dernier (no 8 sur gure 5) empiète
sur un édice en double rectangle centré (no 9 sur gure 5)
qui lui est donc antérieur. L’hypothèse d’un temple a été
suggérée : mais les références font défaut. Le bâtiment no 10
empiète aussi sur le no 9 et marque un décrochement de la
cour agricole (hypothèse d’entrée latérale ?) (no 11 sur gure
5 ; gure 8).
Le troisième côté de la cour agricole est en partie masqué
par des zones de pierraille qui en rendent la lecture dicile.
Ainsi, les photographies verticales sur neige n’en montrent-
elles que la masse (gure 9). En juin-juillet, la végétation
révèle un alignement de pavillons (no 12 sur gure 5) et une
bande interrompue parallèle à un ancien bras de la Tille (no
13 sur gure 5) (gure 10).
L’architecture de la pars urbana présente un plan inhabi-
tuel. D’ordinaire, la pars urbana est nettement séparée de la
cour agricole, soit par un portique du quatrième côté d’une
cour péristyle comme à Attricourt, soit par un mur et une
tour-porche comme dans les villas de la Somme (Agache,
Somme préromaine, g. 193, p. 318). Ce qui devrait être la
cour d’apparat est divisé à Lux en cinq cours secondaires
(B1, B2, B3, B4, B5) qui en rompent l’unité. Une telle organi-
sation est comparable à celle de la villa de Wordchester en
Angleterre (Gros, p. 342). Mais par ses dimensions la pars
urbana de Lux atteint le double de celle de Wordchester.
Tout ne pouvait être occupé par le logement du dominus et
de sa famille. L’habitat est rejeté à l’ouest et au nord (gure
11), prolongé par un espace quadrangulaire à portique sur