V
Les fouilles menées au
centre de Courroux
doivent permettre d’exhu-
mer de prometteurs vesti-
ges de l’époque romaine et
du Haut Moyen-Age.
V
En filigrane, les archéo-
logues espèrent en appren-
dre davantage sur la transi-
tion entre les deux périodes,
encore largement mécon-
nue à l’échelle régionale.
Reportage.
La connaissance de vestiges
d’une villa romaine au cœur
du village de Courroux, com-
me ils s’en trouvaient d’autres
en Ajoie et dans la vallée de
Delémont, ne date pas d’hier.
Des découvertes fortuites en
faisaient déjà état au XIXe siè-
cle. Une nécropole romaine
composée d’environ 150 tom-
bes a également été mise au
jour aussi un peu par hasard
vers la moitié du XXe siècle
dans la commune, au lieu-dit
Derrière la Forge.
La construction imminente
de deux locatifs et d’une aire
de parcage sur la place des
Mouleurs jouxtant l’église a
contraint les archéologues à
lancer des fouilles de sauveta-
ge pour préserver et étudier ce
patrimoine dormant. Selon les
sondages effectués en fin
d’année dernière, le site re-
monte bien à l’époque romai-
ne (Ier-IVe siècle de notre ère),
également avec des vestiges
du Haut Moyen-Age (dès le
VIe siècle).
«Nous sommes ici dans le
périmètre de la villa romaine»,
introduit Robert Fellner, ar-
chéologue cantonal, au milieu
d’un dédale de pierres et de
tuiles de terre cuite qui poin-
tent vers le ciel comme autant
de points d’interrogations
pour le béotien.
«Une villa peut s’étaler
sur plusieurs hectares»
L’intéressé, habillé d’un gi-
let fluo qui laisse entrevoir un
T-shirt à la gloire de Pompéi,
pilote le chantier depuis son
ouverture à la mi-juin avec Oli-
vier Heubi, son homme de ter-
rain.
«Une villa pouvait s’étaler à
l’époque sur plusieurs hecta-
res, plusieurs dizaines de per-
sonnes y vivaient, il faut se re-
présenter quelque chose qui
ressemble aux grands ranchs
que l’on connaît encore en
Amérique latine», fait remar-
quer ce dernier. Nulle trace
pour l’heure du mur d’encein-
te de la villa, ni de la bâtisse
cossue qui abritait le maître
des lieux.
«La villa de Courroux doit
faire au moins la taille de celle
de Vicques, sinon plus gran-
de», reprend Robert Fellner.
Autour de lui, une poignée
d’archéologues ou de techni-
ciens de fouilles s’emploient à
mettre au jour des structures,
pas toujours explicites. «Dans
cette zone, on a des entrepôts,
des silos, on peut aussi avoir
des structures qui servaient à
héberger les travailleurs de la
villa», note Olivier Heubi.
Sur les vestiges romains
sont venus s’agréger une occu-
pation et des constructions
médiévales et d’autres posté-
rieures, également des sépul-
tures, dont une douzaine est
en train d’être exhumée.
Les hommes de terrain sont
encore dans les supputations,
les mois qui viennent ne se-
ront pas de trop pour reconsti-
tuer le puzzle. «Les fouilles
vont nous donner des élé-
ments de réponses», glisse
l’archéologue cantonal, qui
spécule sur des «vestiges plus
importants» à quelques mè-
tres de là, plus à l’est, sur une
parcelle encore non fouillée.
Les travaux se poursuivront
jusqu’à la fin de l’année. A no-
ter au passage que la popula-
tion locale pourra y accéder
lors de visites organisées lors
de la prochaine fête du village,
le dernier week-end d’août.
Une bague en bronze, une
autre en argent, des poteries
quasi complètes, sinon des tes-
sons, une dalle travaillée, etc.,
font partie des pièces phares
déjà mises au jour, appelées à
venir garnir les rayons des col-
lections archéologiques canto-
nales, «en attendant un éven-
tuel musée», sourit Robert Fell-
ner. Un four à chaux, non enco-
re daté, a également été décou-
vert dans la partie méridionale
du site lors du décapage de sur-
face.
«Que s’est-il passé entre
le IVe et le VIe siècle?»
Avec ces découvertes, les
archéologues espèrent bien
en apprendre davantage sur
la période qui marque la tran-
sition entre l’Empire et le
Haut Moyen-Age: un hiatus
grosso modo d’un siècle.
«Qu’est-ce qui s’est passé en-
tre le IV
e
et le VI
e
siècle? Le
site a-t-il été occupé en conti-
nu? Cette période qui marque
la fin de l’Empire romain de
l’ouest est charnière. Avec les
invasions, il régnait alors une
insécurité dans la région. Les
gens sont-ils restés en plaine?
Se sont-ils réfugiés dans des
zones davantage abritées?»
s’interroge tout haut Olivier
Heubi.
«C’est assurément un site
intéressant qui devrait nous
permettre d’en apprendre plus
à ce niveau», acquiesce Robert
Fellner.
Raison de plus pour conti-
nuer à creuser.
JACQUES CHAPATTE
ARCHÉOLOGIE
A Courroux, tous les chemins
mènent à Rome, et après?
Robert Fellner, archéologue cantonal, présente une partie des vestiges déjà exhumés.
Parmi les premières trouvailles, un four à chaux de 4 mètres de diamètre environ, pas encore daté.
Une douzaine de sépultures a déjà été mise au jour. PHOTOS STÉPHANE GERBER
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