
Correspondance.
© L’Encéphale, Paris, 2012
L’Encéphale (2012) 38, S33-S36
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
Les nouvelles formes du ralentissement dépressif
M. Freton
Service de Psychiatrie Adulte, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France
Le ralentissement dépressif est décrit depuis Hippocrate
et Arethée de Capadoce, qui le premier a décrit la stupeur
mélancolique, état de prostration avec une obtusion de
l’intelligence et des troubles du sommeil.
Le ralentissement dépressif peut être décrit de façon
dimensionnelle ou de façon catégorielle, et il constitue l’un
des signes cardinaux de la dépression ; il est l’un des 9 critères
de dépression du DSM-IV.
En 1983, Widlocher donnait comme défi nition : « le
ralentissement psychomoteur est une caractéristique des
actions humaines ; il s’articule avec d’autres conduites ou
d’autres caractéristiques des conduites pour réaliser un
comportement général qui constitue la condition dépressive ;
être déprimé, ce n’est pas être malade d’un trouble psycho-
logique ou physiologique dont le ralentissement serait un des
signes ; être déprimé, c’est être emprisonné dans un système
d’actions, c’est agir, penser et parler selon des modalités
dont le ralentissement constitue une caractéristique » [1].
Le ralentissement psychomoteur reste un concept diffi cile
à préciser. Il comprend des caractéristiques psychiques et
motrices : des troubles du discours, marqué par des pauses,
une diminution du tonus verbal, des réponses différées ; des
troubles des mouvements oculaires, avec un regard fi xe,
une pauvreté des contacts oculaires ; un ralentissement
global des mouvements des membres, du tronc, et de la
tête, avec trouble de la posture ; une augmentation des
auto-contacts, en particulier du visage ; enfi n, une expression
faciale appauvrie[2-5] (Tableau 1).
Spécifi cités du ralentissement dépressif
Deux approches se sont toujours opposées concernant la
compréhension de la dépression : on peut soit considérer
que le ralentissement est la conséquence de l’humeur
dépressive (l’absence d’action vient de la perte d’intérêt
ou de plaisir à l’action) ; soit considérer que la perception du
ralentissement psychomoteur, phénomène primaire, entraîne
un moindre intérêt ou un moindre plaisir à l’action.
Sur le plan symptomatique, le ralentissement représente
une inhibition généralisée, et se distingue ainsi de l’inhibition
anxieuse, plus localisée. Une symptomatologie d’agitation
dépressive peut être comprise comme complémentaire du
ralentissement, les auteurs décrivant un ralentissement axial
et une agitation périphérique.
Contrairement à une idée bien ancrée, les études cli-
niques ne permettent pas d’affi rmer de différence quant à
l’intensité du ralentissement entre les déprimés unipolaires
et les déprimés bipolaires. En revanche, la dépression avec
caractéristiques mélancolique s’accompagne d’un ralentis-
sement plus marqué [6].
De même, il n’existe pas de consensus dans la littérature,
pour considérer qu’il existe une corrélation entre sévérité
de la dépression et intensité du ralentissement, mais le
ralentissement apparaît absent dans les dysthymies, où la
symptomatologie dépressive est moins sévère [7].
Mesures du ralentissement dépressif
L’évaluation du ralentissement dépressif se fait de plusieurs
façons. La première est l’évaluation par l’observation cli-
nique (parole, marche…). La seconde repose sur l’utilisation
d’échelles générales de dépression (HAM-D, MADRS), qui
comprennent des items de ralentissement. La troisième
recourt à des échelles spécifi ques de ralentissement, comme
l’échelle ERD de Widlöcher [1] qui comprend 15 items
cotés de 0 à 4, évaluant les aspects cognitifs, moteurs et
verbaux du ralentissement, et dont l’étude de validation a
montré une structure factorielle à un facteur, représentant
60 % de la variance. Enfi n, en neuropsychologie, des tests
cognitifs et moteurs, explorant les fonctions exécutives, la
mémoire, l’attention, ont montré des corrélations entre le
défi cit de ces fonctions et l’importance du ralentissement
psycho-moteur.
Biologie du ralentissement dépressif
Si l’on fait, comme Widlöcher, l’hypothèse que le ralentis-
sement est rapporté à un mécanisme physiopathologique
unique, il faut identifi er le système cérébral en cause.