Industrie Santé publique Education thérapeutique du patient Changement de modèle ! DR Laure Lechertier, responsable du département « Politique du médicament » à la Mutualité française (FNMF), explique la vision du monde mutualiste face à l’éducation thérapeutique du patient. « AVEC LA LOI HPST, ON PASSE D’UN MODÈLE DE PRESCRIPTION À UN MODÈLE D’ÉDUCATION », SOULIGNE LAURE LECHERTIER À LA FNMF. L’article 84 de la loi HPST ouvre la voie à une meilleure prise en charge par les malades de leur propre pathologie. Quel regard portez-vous sur ce texte ? ● La Mutualité française s’est largement félicitée de cet article de la loi HPST, car il reconnaît d’un point de vue législatif l’éducation thérapeutique qu’il ne faut pas réduire à la simple observance de traitement. Cette disposition va dans le sens de la démarche mutualiste, à savoir que le patient ne doit pas être qu’un objet de soins, mais sujet de sa santé. Cette reconnaissance du patient en tant qu’acteur de sa santé peut aider de manière importante à la qualité de la prise en charge et à l’accompagnement des patients. Avec ce texte, on assiste à un changement de paradigme : on passe d’un modèle de prescription à un modèle d’éducation, le patient étant au cœur de ce dispositif, avec pour lui, la possibilité d’acquérir plus d’autono- mie et des compétences d’auto soin. En outre, la clarification dans la loi entre les programmes d’éducation thérapeutique, les actions d’accompagnement et les programmes d’apprentissage nous semble importante. Que pensez-vous de la place faite à l’industrie pharmaceutique dans cet article ? ● L’industrie est un acteur essentiel du système de soin et elle a un rôle vital pour le patient. Mais ce sont des entreprises, avec des enjeux financiers et concurrentiels importants et, potentiellement, il existe un risque qu’un programme d’éducation réalisé par les laboratoires devienne promotionnel. C’est pourquoi nous avons la même position que l’HAS qui ne souhaite pas d’influence directe ou indirecte de l’industrie dans l’éducation thérapeutique. Ces recommandations vont aussi dans le sens du rapport de l’IGAS de 2007 qui attirait déjà l’attention sur le fait qu’on ne peut être juge et partie. Vous-mêmes d’ailleurs, dans Pharmaceutiques, (ndlr : de septembre 2008) avez souligné que les programmes d’accompagnement pouvaient répondre à une stratégie promotionnelle et marketing des laboratoires. Notre Les différents programmes de la Mutualité Des programmes d’accompagnement personnalisé ont été réalisés par les mutuelles dans différents domaines : arrêt du tabac, équilibre alimentaire et lutte contre l’obésité, maintien à domicile, etc. Ces services sont proposés via une plate-forme téléphonique – le 3935 – et sont accessibles aux clients des mutuelles qui adhèrent au programme « Priorité Santé Mutualiste », soit aujourd’hui 18 millions de personnes et à terme 30 millions. D’autres thématiques sont en cours de développement : cancer, cardiovasculaire, addiction…etc, ou encore santé visuelle qui devrait être lancée en janvier 2010 et devrait concerner les problématiques d’optique, de glaucome et de DMLA. crainte était qu’à terme, ces programmes poursuivent plus un objectif commercial de fidélisation à une marque qu’un réel objectif d’amélioration de la qualité des soins et du bon usage. C’est pourquoi l’HAS a lancé cette alerte et que le texte de loi tel qu’il est nous paraît plutôt satisfaisant. Les laboratoires pharmaceutiques pourront financer ces programmes et actions d’éducation thérapeutique. Etes-vous favorable à ce type de financement ? A défaut, quel financement proposez-vous ? ● Nous sommes favorables à un autre dispositif de financement tel que proposé dans le rapport sur l’éducation thérapeutique rédigé par les Pr. Charbonnel et Bertrand qui préconisent la création d’un fond public national. Ce fond pourrait recueillir, entre autres, des financements des entreprises qui souhaiteraient investir dans l’éducation thérapeutique et alimenter des fonds régionaux gérés par les ARS. Les ARS, en association avec les professionnels de santé et les associations de patients, piloteraient ensuite l’allocation de ces fonds en fonction des actions prioritaires à mener sur leur région. Notons toutefois, qu’une autre avancée majeure de la loi HPST réside dans l’article 74 qui vise à rendre plus transparentes les relations entre les laboratoires pharmaceutiques et les associations et qui demande aux associations de déclarer auprès de l’HAS le montant des aides qu’elles auront perçues. Cet article permettra plus de clarté et de transparence sur les financements. Propos recueillis par Brigitte Postel 128 PHARMACEUTIQUES - SEPTEMBRE 2009