ANESTHESIE et INSUFFISANCE CARDIAQUE

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ANESTHESIE et INSUFFISANCE CARDIAQUE
Dr Patrick Dassier
Hôpital Broussais - HEGP
L’insuffisance cardiaque est un facteur de risque majeur pour toute chirurgie non cardiaque.
L’insuffisance cardiaque (IC) est une défaillance touchant le plus souvent du ventricule
gauche (IVG) parfois le ventricule droit (IVD) voire en fin les deux ventricules ou
insuffisance cardiaque globale (ICG).
On parle d’IVG quand la Pression télé diastolique du VG (PtdVG) est supérieure à 6 mm de
Hg et pour l’IVD si la PtdVD est > à 3 mm de Hg.
L’IC aborde tout acte chirurgical avec un handicap, car il ne pourra pas ou difficilement
adapter ses performances hémodynamiques à l’épreuve que représente l’acte chirurgical.
L’objectif de l’anesthésie réanimation est d’apprécier l’origine et le retentissement de l’IC en
vue d’adapter une stratégie péri opératoire.
APPRECIATION DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE
Les signes cliniques et les stades de l’insuffisance cardiaque :
L’IC est appréciée suivant la classification de la New York Heart Association (NYHA).
Les signes cliniques sont dominés par la tachycardie, la dyspnée d’effort qu’il faut quantifier,
la survenue d’un sub-OAP, voire d’un OAP.
Citons les épisodes d’asthme cardiaque.
Une IVG va progressivement évoluer à son propre compte, puis retentir sur la fonction
cardiaque droite (IVD) pour devenir terminale.
Classification NYHA
NYHA I
NHYA II
NYHA III
NYHA IV
Signes cliniques
Porteur d’une cardiopathie, mais sans aucune gène fonctionnelle
Limitation fonctionnelle pour des efforts intenses
Limitation fonctionnelle pour des efforts légers
Symptomatologie au repos
L’acte chirurgical ou une anesthésie mal conduite expose à la décompensation cardiaque.
Dr Dassier, Anesthésie et Insuffisance cardiaque, 01/02/11
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Le pronostic de l’IC :
Le risque de décompensation cardiaque est de :
- 10% en cas IC compensée par un traitement,
- de 20% en cas de signe majeur d’IVG (sub-OAP et OAP) malgré un traitement bien
conduit.
Tout acte chirurgical est contre – indiqué en cas d’IC décompensée en dehors
d’une urgence vitale.
La mortalité est proportionnelle à la classe d’IC :
- 4% en cas de NYHA I,
- 11% en cas de NYHA II,
- 47 % en cas de NYHA III
- et 67 % en cas d’IC IV.
Le risque se majore avec l’âge (> 70 ans), avec la présence d’antécédent d’OAP, la présence
d’une turgescence de jugulaire (IVD) et d’une PcP > 18mm de Hg.
L’IC peut être qualifiée de sévère :
si les signes cliniques surviennent pour un périmètre de marche est inférieur à 150 m. Elle
est jugée modérée pour un périmètre de marche de plus de 500 m.
Pour un certains nombre d’équivalents métabolique (MET), les signes d’IC peuvent
survenir. Un MET correspond à la consommation d’oxygène d’un homme de 40 ans au repos
soit 0,5 mL.kg-1.min-1. La capacité fonctionnelle est jugée médiocre, si les signes cliniques
surviennent pour une valeur inférieur à 4 MET (monter un étage sans s’arrêter, marcher
dans la rue…).
Les examens complémentaires permettant d’apprécier le niveau d’IC :
Le dosage du BNP
Une valeur supérieure à 100 témoigne de l’importance de l’IC et d’une évolution
péjorative.
La radiographie du poumon.
La RP apprécie :
- le niveau de dilatation des cavités cardiaques (rapport cardio-thoracique > 50%)
- et l’état de congestion pulmonaire (oédème interstitiel ou alvéolaire, épanchement
pleural).
- L’élévation du rapport cardio-thoracique est proportionnel à la baisse de la fraction
d’éjection (FE normale est de 60%)
L’ECG.
L’ECG met en évidence une hypertrophie des cavités cardiaques droites ou gauches, la
présence de troubles du rythme supra ventriculaire. La présence d’ESV témoigne déjà d’un
niveau de déchéance cardiaque. L’existence d’ESA expose au risque de passage en ACFA,
entraînant une chute de 30% du débit cardiaque (Qc).
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L’échocardiographie pré opératoire.
Elle permet d’attester l’IC par la mesure indirecte de la FE par la fraction de raccourcissement
(FR normale : 33%).
Elle diagnostique le type d’IC par la présence de dysfonction de la contractilité, de la
compliance ou de la relaxation.
La présence d’une dysfonction cardiaque à l’ECG de repos expose au risque d’un OAP
postopératoire. Le risque est de 33% si la FE est altérée.
Les épreuves d’effort.
Il peut s’agir de scintigraphie au thaluim persantine, voire à l’échocardiographie sous
dobutrex. Ces deux techniques permettent de mettre en évidence cardiaque à l’effort.
La ventriculographie et la coronarographie.
Citons la ventriculographie isotopique et l’IRM Cardiaque.
Le traitement de l’insuffisance cardiaque :
Le traitement de l’IC repose sur l’association du repos, et de précautions diététique. Le plus
souvent le traitement associe :
Un digitaliques.
Il convient de demander le dosage de la digoxinémie (digoxine) ou de la digitalinémie. Ces
produits sont inotropes positifs avec une effet bradycardisant. La kaliémie, la calcémie
doivent être systématiquement vérifiées.
Un diurétiques.
Ils peuvent induire des troubles hydro-électrolytiques (kaliopénie) qu’il convient de prévenir.
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion.
Qu’ils s’agissent des formes anciennes (Lopril ou Rénitec) ou des formes récentes, il est
actuellement admis que ces produits doivent être arrêtés le soir avant l’intervention.
Par leur effet vasodilatateur, ils exposent au risque d’hypoTA majeure à l’induction.
Les ARA II
Leurs indications se sont étendues pour les I. C : arrêt 24 à 48H avant la chirurgie.
Les bloquants sont formellement proscrits chez l’IC.
Seus le carvédilol (Cardensiel, Kredex), et le Temrit sont actuellement indiqués dans les IC
de grade II et III. Il s’oppose aux effets délétères de l’hyper stimulation sympathique, en
augmentant la FE et en diminuant la PtdVG.
Les anticoagulants.
Les anti-vitaminiques K doivent être précocement arrêtés et remplacés par des dérivés
hépariniques. Le bilan de la crase sanguine est systématique.
La pose d’un PM Triple chambre et d’un DAI
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LES DIFFERENTES ETIOLOGIES DE CARDIOPATHIES
Volontairement la cardiopathie ischémique (insuffisance coronaire) est exclue du propos.
Les cardiopathies hypertensives.
L’HTA est un des facteurs de risque de l’Insuffisance coronarienne.
La cardiopathie hypertensive se caractérise par l’hypertrophie myocardique qui est
péjorative sur le plan de la survenue de complications péri opératoire.
Pour toute intervention non cardiaque, l’HTA est un des facteurs de risque de complication au
même titre que l’IDM, et l’insuffisance rénale.
Les cardiopathies hypertrophique obstructive (CMHO).
Maladie à prédominance familiale, l’hypertrophie se caractérise par l’absence d’étiologie
classique (HTA, valvulopathie).
Cette hypertrophie peut être diffuse ou se localisée dans la chambre de chasse du VG.
La FE est le plus souvent altérée. Elle s’associe à une ischémie myocardique sous jacente
favorisée par la croissance de la demande énergétique, une interruption systolique et
diastolique du flux coronaire.
La mort subite est observée dans 2 à 3% des adulte, avec le risque de survenue de trouble du
rythme ventriculaire (TV ou FV) et supra ventriculaire, voire d’une bradyarythmie.
En per anesthésie,
Toute baisse de la TA, de la précharge, une tachycardie, une vasodilatation (Loxen) et
l’utilisation d’inotropes comme le dobutrex, majorent le risque d’obstruction de la chambre
de chasse du VG.
Il convient de privilégier la bradycardie (morphinique) le remplissage vasculaire et les
amines alpha mimétiques. La prévention de l’endocardite est systématique.
Les cardiopathies non obstructives.
Il s’agit le plus souvent d’une atteinte de la myofibrille par l’amylose, les collagénoses, le
LAED. Les patients peuvent être proposés à la transplantation cardiaque.
Les cardiopathies valvulaires.
En l’absence de l’urgence vitale, tout patient porteur d’une valvulopathie décompensée doit
être opéré de façon préventive.
Pour tout porteur d’une valvulopathie, la prophylaxie contre l’endocardite infectieuse doit
être systématique. Elle actuellement bien codifiée.
Tout rétrécissement valvulaire expose au risque d’une IC congestive (OAP) et d’un état de
choc.
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Les insuffisances valvulaires, dans leur forme sévère, entraînent une diminution de la
fonction ventriculaire gauche, qui impose une cure chirurgicale préventive avant toutes autres
chirurgies.
En cas de rétrécissement aortique (RA) il faut discuter toujours l’indication d’une cure
chirurgicale du RA. En effet au début les modifications valvulaires du RA évoluent vers une
forme hypertrophique avec le risque d’ischémie myocardique. Toute hypovolémie relative ou
absolue lors de l’induction peut entraîner un désamorçage de la pompe cardiaque.
Ultérieurement le cœur évolue vers une forme dilatée, avec le risque de trouble du rythme
supra ventriculaire : ACFA.
En cas d’Insuffisance Aortique (IA) toute élévation des résistances vasculaires
périphériques, une bradycardie, une diminution de l’inotropisme majorent la régurgitation.
La pression aortique diastolique diminue, avec le risque de diminution de la perfusion
coronaire.
En cas de rétrécissement mitral, il y a une majoration de l’altération de la contractilité
auriculaire gauche (OG) avec le risque d’hypertension pulmonaire, d’OAP et d’IVD. Tout
accès d’ACFA expose au risque de chute du Qc et de la TA.
En cas d’insuffisance mitrale, une valeur normale de FE (50 à 60%) témoigne déjà d’une
altération de la fonction cardiaque et d’une diminution des réserves myocardiques.
Toute hypoxie augmente les résistances vasculaires systémiques, majorent l’HTAP.
Les pathologies associés.
Elles prennent ici une valeur péjorative sur le plan pronostic, de la morbidité et de la
mortalité. L’insuffisance respiratoire est fréquente (BPCO), avec ses conséquences en cas de
chirurgie abdominale. L’anémie favorise l’hypoxémie.
L’insuffisance rénale et le diabète sont des associations de mauvais pronostic
comme un âge supérieur à 75 ans.
LE RETENTISSEMENT DE LA CHIRURGIE
L’acte chirurgical intervient dans l’évaluation du risque. Il faut distinguer :
Les conséquences de l’acte opératoire.
Les hémorragies.
Les actes hémorragiques exposent au risque d’ischémie myocardique et d’une majoration de
l’IC.
LA REACTION DE L’EQUIPE D’ANESTHESIE DOIT ETRE ANTICIPEE voire
précoce. Au besoin des méthodes de récupération per opératoire peuvent être proposée.
Le choc.
Certains patients sont opérés dans un état de choc infectieux. Une telle complication sur ces
terrains fragilisés peuvent être catastrophique, par le retentissement myocardique qu’elle
entraîne : acidose métabolique, hypoxémie et recours à des amines vasoconstrictives.
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Le post opératoire.
Il est dominé par le risque de complications infectieuses et les accidents thrombo-emboliques.
L’importance de l’acte chirurgical.
La durée de l’acte opératoire.
Tout acte de longue durée expose au risque hémorragique et de traumatisme tissulaire. Le
facteur temps est donc un élément capital dans le pronostic opératoire.
Le type de chirurgie.
La chirurgie abdominale haute expose à des retentissements importants de la fonction
respiratoire.
De même la coélioscopie retentit sur la précharge et la fonction respiratoire en per
opératoire. Il convient donc d’être très exigeant sur le niveau de pression intra abdominale
et le degré de trédelembourg.
Toute urgence chirurgicale, expose au risque hémorragique et infection : péritonite,
anévrysme de l’aorte abdominale pré fissuraire.
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L’ANESTHESIE –REANIMATION
Les différentes techniques.
L’anesthésie locorégionale.
La rachi-anesthésie expose au risque d’hypoTA, qu’il faut compenser préventivement par
un remplissage prudent, voire par le recours à de l’epinéphrine.
La péridurale permet une analgésie post opératoire . Ces deux techniques sont intéressantes
pour les interventions portant sur le petit bassin ou les MIF. Elles sont limitées par le
traitement pré opératoire en anticoagulant.
L’injection intrathécale de morphine en pré opératoire ou la péridurale thoracique, sont des
techniques intéressantes pour l’analgésie post opératoire.
Le bloc plexique est particulièrement indiqué pour toute chirurgie intéressant les M SUP.
L’anesthésie générale.
Tous les produits associent une hypovolémie relative avec une diminution du baroréflexe.
Seule la kétamine évite une chute de la TA au même titre que l’étomidate.
Intérêt de l’induction au thiopental 1% en cas de FE VG effondrée
Les morphiniques ont un effet bradycardisant, dose dépendante.
Les curares n’ont aucun effet délétère sur la fonction myocardique.
Seul le bromure de pancuronium est parasympatholytique.
Les effets cardiovasculaires des morphinomimétiques, des hypnotiques et des halogénés ont
été présentés dans le cours sur l’anesthésie du coronarien.
Il faut souligner ici l’intérêt de la technique de l’AIVOC, qui permet d’éviter les effets
délétères cardio-vasculaire.
Il convient de souligner l’importance, d’un remplissage prudent, de la
dénitrogénation pendant 3 à 5 minutes sous le contrôle de la spO2 et de la
FECO2.
Le monitorage hémodynamique.
Chez l’insuffisant cardiaque, il faut volontiers recourir à la surveillance hémodynamique par :
- une Pression Artérielle sanglante (PAS) après le test de Allen, qui permet la
surveillance de la gazométrie, de la kaliémie, de Hte, de l’Hg et de l’équilibre acidobasique.
- la surveillance du segment ST
- le monitorage de la température, et la pose d’un KT central
- une Swan Ganz à SVO2 à débit continu.
- Monitorage du débit cardiaque par une sonde doppler oésophagien .
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Exceptionnellement par une sonde ETO
Les autres monitorages :
-
maintenir un équilibre de la glycémie chez le diabétique
surveillance de la température et du BISS
La conduite pratique.
La prémédication et le traitement à visée cardiologique.
Toutes les médications à visée cardiologique sont maintenues hormis les IEC et les ARA II
qui sont arrêtés la veille de l’intervention.
Néanmoins, dans certaines situations les IEC (Lopril, Enalapril) peuvent être maintenus à
des posologies plus faibles. Il y a un réel risque d’hypo TA lors des inductions , hypo TA
qu’il faut anticipée et corrigée le plus rapidement.
Les antivit K sont systématiquement arrêtés la semaine précédente avec un relais par les
dérivés hépariniques ou HBPN.
L’aspirine et le Plavix doivent être stoppés 5 jours avant la date de la chirurgie. En cas de
cardiopathie valvulaire, la prophylaxie antibiotique permet d’éviter la greffe bactérienne,
doit être pratiquée.
Comme prémédication, on peut recourir au midazolam (per os) à la posologie de 1mg/10 kg
de poids sec.
L’anesthésie générale.
Après une dénitrogénation prononcée, l’induction est précautionneuse et lente.
Il faut tester la sensibilité individuelle du patient en titrant chaque produit d’anesthésie.
L’intubation se fait sous contrôle de la curarisation et après AL de la glotte (Xylocaïne à 5%).
Le réchauffement en fonction du type de chirurgie est une priorité absolue comme le
monitorage de la température.
Le patient doit passer systématiquement en salle de réveil, afin de permettre une
extubation en normo thermie, avec une hémodynamique stable, en l’absence de tout
saignement et sous une analgésie correcte.
La réanimation hydro-électrolytique est soigneuse en fonction du type de chirurgie.
Les différentes complications per opératoires.
Pendant l’intervention, il faut traiter sans retard, voire au mieux anticiper la survenue des
différentes complications :
-
la bradycardie : au besoin sulfate d’atropine ( de 1 à 2 mg IV),
-
la tachycardie : hormis une analgésie insuffisante (SVO2, FeCO2), elle témoigne soit de
la survenue d’une décompensation cardiaque, soit d’une hypovolémie relative ou absolue
(PVC, PcP),
-
une hypovolémie secondaire à une hémorragie, qui impose le remplissage sous le
contrôle des pressions de remplissage, avec recours si besoin aux amines
vasoconstrictives. L’hématocrite doit rester supérieur à 30%.
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-
les troubles du rythme supra ventriculaire ou ventriculaire impose d’apprécier leur
tolérance hémodynamique. Toute anomalie de la kalièmie, de la calcémie et magnésium
sanguin doivent être suspectés. Un traitement anti arythmique (cordarone IV ou Xylocaïne
IV ) peut être instaurer,
Les signes en faveur d’une ischémie myocardique, favorisés par une décompensation
coronarienne ou cardiaque,
-
Les chocs cardiogéniques qui imposent l’indication d’une réanimation en fonction des
données hémodynamiques, avec recours aux amines sympathomimétiques.
-
Les arrêts cardiaques.
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