Chiffres non nuls dans le développement en base entière des

publicité
This article appeared in a journal published by Elsevier. The attached
copy is furnished to the author for internal non-commercial research
and education use, including for instruction at the authors institution
and sharing with colleagues.
Other uses, including reproduction and distribution, or selling or
licensing copies, or posting to personal, institutional or third party
websites are prohibited.
In most cases authors are permitted to post their version of the
article (e.g. in Word or Tex form) to their personal website or
institutional repository. Authors requiring further information
regarding Elsevier’s archiving and manuscript policies are
encouraged to visit:
http://www.elsevier.com/copyright
Author's personal copy
C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 350 (2012) 1–4
Contents lists available at SciVerse ScienceDirect
C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I
www.sciencedirect.com
Combinatoire/Théorie des nombres
Chiffres non nuls dans le développement en base entière des nombres
algébriques irrationnels
Non-zero digits in the expansion of irrational algebraic numbers in an integer base
Boris Adamczewski a , Colin Faverjon b
a
b
CNRS, Université de Lyon, Université Lyon 1, institut Camille-Jordan, 43, boulevard du 11 novembre 1918, 69622 Villeurbanne cedex, France
École normale supérieure de Lyon, 15, parvis René-Descartes, BP 7000, 69342 Lyon cedex 07, France
i n f o
a r t i c l e
r é s u m é
Historique de l’article :
Reçu le 8 novembre 2011
Accepté après révision le 2 décembre 2011
Disponible sur Internet le 15 décembre
2011
Nous donnons une minoration effective du nombre de chiffres non nuls parmi les N
premiers chiffres du développement dans une base entière d’un nombre algébrique
irrationnel.
© 2011 Académie des sciences. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Présenté par le Comité de rédaction
a b s t r a c t
We give an effective lower bound for the number of non-zero digits among the first N
digits of the expansion of an irrational algebraic number in an integer base.
© 2011 Académie des sciences. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Une conjecture classique prenant sa source dans les travaux d’Émile Borel [6] stipule que les nombres réels algébriques
irrationnels, ainsi que d’autres constantes classiques comme π ou e, devraient être des nombres normaux (voir [1–3,5]).
En particulier, si P (x, 2, N ) désigne le nombre d’occurrences du chiffre 1 parmi les N premiers chiffres du développement
binaire d’un nombre algébrique irrationnel x, on devrait avoir P (x, 2, N ) ∼ N /2. À ce jour, minorer la quantité P (x, 2, N )
reste un problème délicat. Les auteurs de [5] ont obtenu un premier résultat dans cette direction.
Théorème BBCP. Soient x un nombre réel algébrique de degré d 2, ε > 0, et c := ((2 + ε ) A d )−1/d , où A d est défini comme ci-après.
Pour tout entier N assez grand, on a P (x, 2, N ) > cN 1/d .
La preuve proposée dans [5] combine astucieusement des idées provenant de la théorie additive des nombres avec
le théorème de Roth. Nous montrons qu’en remplaçant ce dernier par un résultat nettement plus rudimentaire, à savoir
l’inégalité de Liouville, on obtient un résultat légèrement plus faible, la constante c étant remplacée par une constante C
plus petite. L’intérêt de cette approche est de fournir une preuve totalement élémentaire et un résultat effectif. En effet,
une lacune du théorème BBCP est qu’il ne permet pas de déterminer un entier N à partir duquel la minoration obtenue est
vraie.
Dans la suite, x désigne un nombre réel algébrique de degré d 2, b 2 un entier et log le logarithme en base b.
Notons (x)b := x−r x−r +1 · · · x0 • x1 x2 · · · le développement de x en base b, de sorte que xi ∈ {0, . . . , b − 1} pour tout i. Nous
nous intéressons à la quantité P (x, b, N ) := Card{i , 1 i N | xi = 0}. Posons α := x − x + 1, où x désigne la partie
entière de x, de sorte que (α )b = 1• x1 x2 · · · . Soit P ( X ) = A d X d + · · · + A 1 X + A 0 ∈ Z[ X ] le polynôme minimal de α , A d > 0.
Adresses e-mail : [email protected] (B. Adamczewski), [email protected] (C. Faverjon).
1631-073X/$ – see front matter
doi:10.1016/j.crma.2011.12.002
©
2011 Académie des sciences. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Author's personal copy
2
B. Adamczewski, C. Faverjon / C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 350 (2012) 1–4
Notons H := max{| A i | | 0 i d} la hauteur naïve de
suivant.
Théorème 1. Soient
vérifiant
α . Notre objectif est de donner une preuve élémentaire du résultat
ε ∈ ]0, 1/2] et C := (b − 1)−1 ((1 − ε)/(d( A d + 1)))1/d . Alors, on a P (x, b, N ) > C N 1/d , pour tout entier N
N > max d 4(b − 1) H
d+1
,
6d2
ε(b − 1)d−1
log
d 6d2
2
(1)
.
ε(b − 1)d−1
Remarque 1. Nous nous contentons de donner ici les principales étapes de la démonstration. Le lecteur intéressé est invité
à se reporter si nécessaire au texte [4] dans lequel les différents calculs sont détaillés. Notons également que le Théorème 1
permet de donner une mesure de transcendance de certaines séries lacunaires (voir [4]).
Dans toute la suite, ε désigne un nombre réel appartenant à ]0, 1/2] et N un entier fixé vérifiant (1). Nous raisonnons
C N 1/d . Pour n 1, on pose α1,n := xn et α1,0 := 1, de sorte que
par l’absurde en supposant que P (α , b, N ) = P (x, b, N ) (α )b = α1,0 • α1,1 α1,2 · · · . Pour
r . Pour tout entier k, 1 k d, et tout entier
k et n 0, notons αk,n := 0r n αk−1,r α1,n−
R 1, posons T k (α , R ) := m1 αk, R +m /bm . Posons également T (α , R ) := 1kd A k T k (α , R ). Une remarque importante
est que T (α , R ) ∈ Z (voir [5, p. 500]). Soit K := 2d log N . Afin d’obtenir une contradiction, nous allons majorer puis minorer
la quantité
S (α , N ) :=
T (α , R )
.
(2)
1 R N − K
Nous montrons tout d’abord une version effective de la majoration de S (α , N ) obtenue dans [5, p. 503].
Proposition 2. Si P (α , b, N ) C N 1/d , on a S (α , N ) C d ( A d + 1)(b − 1)d N.
Nous avons besoin du résultat suivant. Il s’agit d’une adaptation directe du Lemme 6.1 de [5] obtenue en reprenant les
preuves du Théorème 2.1 et du Lemme 6.1 de [5].
Lemme 3. Pour tout entier k, 1 k d, on a
T k (α , R ) (b − 1)k (P (α , b, N )k + b).
1 R N − K
Démonstration de la Proposition 2. D’après (2), le Lemme 3 implique S (α , N ) Puisque par hypothèse P (α , b, N ) C N
1/d
1kd
| A k |(b − 1)k (P (α , b, N )k + b).
, il vient :
S (α , N ) A d C d N + b (b − 1)d + H
C N 1/d
k
+ b (b − 1)k
1kd−1
et donc
d −1
C d−1 N 1−1/d (b − 1)d−1 − 1
d
1/d
S (α , N ) A d C N + b (b − 1) + H C N (b − 1) ·
+ Hb
(b − 1)k .
C N 1/d (b − 1) − 1
d
(3)
k =1
Supposons que b 3. Puisque (1) assure que N C −d , on a C N 1/d (b − 1) 2 et donc
C d−1 N 1−1/d (b − 1)d−1 − 1
C N 1/d (b − 1) − 1
De même, puisque b 3, on a
2C d−1 N 1−1/d (b − 1)d−1
C N 1/d (b − 1)
1kd−1 (b
·
− 1)k 2(b − 1)d−1 et (3) implique alors
S (α , N ) C d N (b − 1)d A d + b A d / C d N + 2H / C N 1/d + 2Hb/ C d N .
En outre, un rapide calcul à partir de l’inégalité (1) montre que 2H /(C N 1/d ) 1/2 et 3bH /(C d N ) 1/2. On en déduit
comme voulu que S (α , N ) C d N ( A d + 1)(b − 1)d . Supposons à présent que b = 2. On note que l’inégalité (1) implique que
N (2/C )d . On obtient ainsi
S (α , N ) A d C d N + 2 + 2H C d−1 N 1−1/d + 2dH ,
ou encore
S (α , N ) C d N A d + 2H / C d N + 2H / C N 1/d + 2dH / C d N .
D’autre part, (1) garantit que N (4H /C )d et un rapide calcul donne alors S (α , N ) C d N ( A d + 1).
2
Author's personal copy
B. Adamczewski, C. Faverjon / C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 350 (2012) 1–4
3
Nous allons à présent montrer la minoration suivante :
Proposition 4. Si P (α , b, N ) C N 1/d , on a S (α , N ) > (1 − ε ) N /d.
Comme par hypothèse P (α , b, N ) C N 1/d , nous pouvons majorer le nombre d’entiers n inférieurs à N pour lesquels
αd−1,n n’est pas nul. On obtient (voir [5, p. 501]) :
Q := Card{0 n N | αd−1,n = 0} C d−1 N 1−1/d .
(4)
Soient 0 = R 1 < · · · < R Q ces entiers, R Q +1 := N et I ε := {1 i Q | R i +1 − R i ε C 1−d N 1/d /2}.
Soit i un entier appartenant à I ε . Alors, il existe un entier R tel que T (α , R − 1) = 0 dans l’intervalle
Lemme 5.
R i +1 − R i − K −log(4d H (b−1))
, R i +1
d
[Ri +
− K ].
La preuve du Lemme 5 repose sur l’inégalité de Liouville (voir [7, Corollary A.2]) : si ξ est algébrique de degré d 2 et
de hauteur H , alors pour tout ( p , q) ∈ Z2 , q = 0, on a |ξ − p /q| > 2−d+1 H −1 max(| p |, |q|)−d .
Démonstration du Lemme 5. Montrons dans un premier temps que
R i +1 − R i − K − log 4d H (b − 1) 0.
(5)
Puisque i ∈ I ε , on a R i +1 − R i (ε /2)C 1−d N 1/d . Comme K 2d log N, il suffit de montrer que (ε /2)C 1−d N 1/d 2d log N +
log(4d H (b − 1)), c’est-à-dire que
N 1/d
log N
2C d−1
2d +
ε
log(4d H (b − 1))
log N
.
L’inégalité (1) donne N > ((6C d−1 d2 /ε ) log2 (6C d−1 d2 /ε ))d puisque C 1/(b − 1). On en déduit que
N 1/d / log N > 6C d−1 d/ε .
(6)
D’autre part, (1) implique que log(4d H (b − 1))/ log N d, ce qui démontre l’inégalité (5).
Notons 0 = p 0 < p 1 < p 2 < · · · les entiers r tels que α1,r = 0. Il existe un entier A 2b pk−1 tel que
α−
α1, p i b− p i = α − A /b pk−1 (b − 1)/b pk .
0i k−1
L’inégalité de Liouville implique alors b pk < (b − 1)4d Hbdpk−1 et on a donc pk < dpk−1 + log(4d H (b − 1)). D’après (5), il existe
R
− R − K −log(4d H (b−1))
un entier pk appartenant à [ i+1 i
, R i +1 − R i − K ]. Puisque
d
Notons R := R i + pk . En raisonnant comme dans [5, p. 502], il vient
T (α , R − 1) Ad
b
−
d −1
b Nd
| Ak |
k =1
α1, pk > 0 et αd−1, R i > 0, on a αd, R i + pk > 0.
( N + k)k (b − 1)k
·
(k − 1)!( N + 1)
En utilsant l’inégalité (1), on obtient aisément
d −1
b Nd
| Ak |
k =1
( N + k)k (b − 1)k
bH [( N + d − 1)(b − 1)]d − 1
d +1
2H (b − 1)d−1 / N < 1/b,
(k − 1)!( N + 1)
[( N + d − 1)(b − 1)] − 1
N
ce qui permet de conclure que T (α , R − 1) > 0.
2
Démonstration de la Proposition 4. D’après le Lemme 6.2 de [5] on a le résultat suivant : soient r0 et r1 deux entiers tels
que r0 r1 , αd−1,r = 0 pour tout r appartenant à [r0 , r1 ], et T (α , r1 ) > 0, alors T (α , r ) > 0, pour tout entier r ∈ [r0 , r1 ]. Si
i ∈ I ε , le Lemme 5 permet d’appliquer ce résultat avec r0 = R i et r1 = R − 1. Ainsi, pour tout r ∈ [ R i , R − 1], on a | T (α , r )| 1
puisque T (α , r ) est entier. En utilisant le Lemme 5 et l’inégalité (4), il vient :
S (α , N ) =
N
−K
R i +1 − R i − K − log(4d H (b − 1))
T (α , R )
>
R =1
d
i∈I ε
1 − ε /2
d
N−C
d −1
N
1−1/d
2 log N +
log(4d H (b − 1)) + d
d
,
Author's personal copy
4
B. Adamczewski, C. Faverjon / C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 350 (2012) 1–4
puisque d’après [5, p. 502], on a
(d log N ) 1. Ainsi S (α , N ) 1−ε /2
N( d
i ∈ I ε ( R i +1 − R i ) (1
N
− 3C d−1 log
) et (6)
N 1/d
− ε /2) N. On déduit aussi de (1) que (log(4d−1 H (b − 1)) + d)/
permet alors de conclure.
2
Démonstration du Théorème 1. Par définition de C , les Propositions 2 et 4 sont incompatibles.
2
Références
[1]
[2]
[3]
[4]
B. Adamczewski, On the expansion of some exponential periods in an integer base, Math. Ann. 346 (2010) 107–116.
B. Adamczewski, Y. Bugeaud, On the complexity of algebraic numbers I. Expansions in integer bases, Ann. of Math. 165 (2007) 547–565.
B. Adamczewski, Y. Bugeaud, F. Luca, Sur la complexité des nombres algébriques, C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 339 (2004) 11–14.
B. Adamczewski, C. Faverjon, Chiffres non nuls dans le développement en base entière des nombres algébriques irrationnels, manuscrit de 17 pages
disponible à l’URL : http://math.univ-lyon1.fr/~adamczew/Adamczewski_Faverjon_longue.pdf.
[5] D.H. Bailey, J.M. Borwein, R.E. Crandall,√C. Pomerance, On the binary expansions of algebraic numbers, J. Théor. Nombres Bordeaux 16 (2004) 487–518.
[6] É. Borel, Sur les chiffres décimaux de 2 et divers problèmes de probabilités en chaîne, C. R. Acad. Sci. Paris, Ser. I 230 (1950) 591–593.
[7] Y. Bugeaud, Approximation by Algebraic Numbers, Cambridge Tracts in Mathematics, vol. 160, Cambridge University Press, 2004.
Téléchargement