Editions 2014 - Fracking: analyse économique de cette nouvelle

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Perspectives hebdomadaires
du marché
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Eclairage
Zurich, le 21. Mai 2014
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Fracking (fracturation hydraulique: analyse économique de cette nouvelle
technique d'extraction
S'il est vrai que le fracking entraîne, aux Etats-Unis, une baisse du cours du pétrole brut, le prix des
produits pétroliers tels que le carburant ou le mazout demeure néanmoins inchangé pour les
consommateurs finaux.
En revanche, les prix du gaz américain ont largement baissé, ce qui procure des avantages concur-
rentiels sur le marché mondial en particulier aux plus grands consommateurs d'énergie de l'indus-
trie américaine.
Si le boom du fracking n'a sur le marché américain de l'emploi que des conséquences minimes, il
représente toutefois un moteur majeur pour la réduction du déficit de la balance commerciale.
L'OPEP devrait être la perdante face à cette nouvelle technique d'extraction. Du fait de la croissan-
ce fulgurante du volume de pétrole extrait aux Etats-Unis, le cartel voit sa puissance s'éroder rapi-
dement.
L'écart de prix, auquel le fracking contribue, entre le WTI, pétrole brut important pour les Etats-
Unis, et le pétrole Brent, déterminant pour l'Europe, devrait se résorber d'ici la fin de l'année.
Les Etats-Unis pratiquent la fracturation hydraulique.
En dépit des risques d'accidents qui auraient de vastes
conséquences écologiques, des gisements de pétrole
et de gaz naturel dont on connait certes l'existence
depuis un certain temps déjà mais qui étaient encore
inaccessibles il y a peu, car emprisonnés dans de pro-
fondes couches rocheuses, sont désormais exploités
en Amérique par voie de fracturation hydraulique
(fracking).
Sur le plan écologique, le fracking est largement
controversé. Sur le plan économique, en revanche,
cette nouvelle technique d'extraction du pétrole cons-
titue, aussi bien pour l'économie américaine que, jus-
qu'à un certain point, au niveau global, un phénomè-
ne intéressant qui pourrait bien conduire à des chan-
gements à long terme.
De quoi s'agit-il?
On parle souvent, dans le cadre du fracking, d'huile de
schiste. A tort. Pour être exact, on emploiera la termi-
nologie utilisée par l'Agence internationale de l'éner-
gie (AIE) qui parle de tight oil. Cette précision est
d'une importance capitale aussi bien concernant le
type de pétrole que les techniques d'extraction corres-
pondantes. Ainsi, l'huile de schiste n'est pas présente
sous forme liquide dans la nature. Elle est contenue
sous forme non-liquide dans des couches de roches
sédimentaires sous forme de composés d'hydrocarbu-
re appelés kérogènes. L'extraction des huiles bitumeu-
ses se fait à l'aide de procédés thermo-physiques
complexes durant lesquels du gaz et une sorte de
pétrole brut sont tirés du kérogène par génération
d'une forte chaleur. Bien qu'il existe sur la planète de
nombreux et vastes gisements de formations rocheu-
ses abritant une part suffisamment élevées de compo-
sés de kérogène, seule l'Estonie extrait l'huile de schis-
te en quantité notable. Cette faible activité d'extrac-
tion est due à des raisons économiques et écologi-
ques. En effet, l'une des méthodes d'extraction des
roches riches en kérogène est à ciel ouvert, ce qui
entraîne une utilisation massive de surface et qui défi-
gure le paysage. Une autre méthode consiste à faire
chauffer les roches schisteuses in-situ afin de les ame-
ner à la température nécessaire (env. 500°C) en recou-
rant à des procédés d'inflammation ou de réchauffe-
ment électrique pour ensuite extraire par forage le
pétrole brut ainsi obtenu. L'utilisation de ces procédés
comprend toutefois le risque de réchauffement des
couches rocheuses environnantes, éventuellement
aquifères. Ces deux procédés génèrent d'importantes
émissions de CO2, sont extrêmement gourmands en
énergie et entraînent, en outre, d'énormes quantités
de résidus rocheux à peine exploitables (une tonne de
roches contenant du kérogène permet d'extraire envi-
ron 50 litres de pétrole brut). Même si certains grou-
pes pétroliers sont actuellement à la recherche de
procédés d'extraction plus doux et plus performants, il
n'en reste pas moins que, au vu des prix actuels du
pétrole, la production d'huile de schiste n'est pas ren-
table sur le plan économique.
Contrairement à l'huile de schiste, le tight oil est un
pétrole brut déjà sous forme liquide qui se trouve,
dans certains cas, à de très grandes profondeurs.
Contrairement aux gisements conventionnels de pétro-
le, le tight oil est lui renfermé dans la roche-mère car
2
les couches rocheuses environnantes présentent une
perméabilité trop faible (indicateur du degré de capaci-
té de circulation des fluides) ce qui empêche quasi-
ment ou totalement la migration du pétrole, rendant
ainsi une extraction par forage conventionnel impossi-
ble. Ce n'est qu'au début du nouveau millénaire que
les premières améliorations et innovations, alors fou-
droyantes, dans le domaine de la fracturation hydrau-
lique ont rendu pour la première fois possible d'un
point de vue technique l'extraction de tight oil. Dans le
cadre du procédé fracking, les couches rocheuses
riches en pétrole et gaz sont forées horizontalement,
parfois à de grandes profondeurs (environ 3'000 mè-
tres), sont dissociées des couches rocheuses avoisinan-
tes par cimentation, puis sont perforées. D'énormes
quantités d'eaux sont alors pressées à travers ces per-
forations artificielles afin de fissurer la roche-re à
différents endroits («fracturer»).
Ill. 1: Comparaison entre la fracturation hydraulique et le
forage conventionnel
Source: Raiffeisen Research
Dans les milieux de protection de l'environnement, le
procédé de fracturation hydraulique est critiqué no-
tamment en raison de la nécessité, après l'étape de
fissuration de la roche, d'injecter un fluide enrichi en
agents de soutènement, des proppants, et en produits
chimiques afin d'empêcher que les fissures créées
artificiellement ne se referment immédiatement dès
que la pression hydraulique diminue. L'utilisation de
produits chimiques est nécessaire, d'une part afin
d'éviter que des bactéries ne décomposent les fissures
et, d'autre part, afin de protéger de la corrosion les
outils et tuyau de forage. Même si les compagnies
pétrolières ne fournissent aucun renseignement exact
sur les produits chimiques utilisés, il ne fait aucun dou-
te qu'il s'agit là, en partie, de substances toxiques
susceptibles de provoquer, en cas de fuite, des dom-
mages imprévisibles pour l'environnement.
Des estimations ont montré que le fracking ne devient
économiquement intéressant qu'à partir d'un cours du
pétrole de 70-80 USD par baril et d'environ 3 USD par
1'000 pieds cubes pour le gaz, étant donné que, par
rapport au procédé conventionnel d'extraction, les
frais notamment entraînés par les agents de soutène-
ment capables de résister à d'énormes pressions, par
les additifs chimiques contenus dans le fluide de frac-
turation ainsi que pour la préparation et/ou le recycla-
ge de l'eau utilisée pèsent dans le budget. Au final, ces
dépenses supplémentaires font que le gaz extrait par
fracking est environ 70% plus onéreux que le gaz
obtenu par un procédé conventionnel.
Le fracking a fait ses premiers pas notables aux Etats-
Unis en l'an 2000, lorsque le groupe Halliburton a
démarré une série limie de forages (dans le cadre
dun test) dans la Formation de Bakken qui s'étend
dans le nord-ouest du Dakota du Nord, le Montana
ainsi que dans certaines parties de la province cana-
dienne du Saskatchewan et recouvre une zone de plus
de 520 000 km2, soit plus de douze fois la Suisse. Se-
lon les estimations de l'Agence américaine pour l'in-
formation sur l'Energie (EIA), la formation rocheuse
renferme un bassin de plus de 500 milliards de barils
de tight oil, se classant ainsi parmi l'un des plus
grands, si ce n'est le plus grand, réservoirs de pétrole
brut au monde. Techniquement, il devrait être possible
d'extraire 10 à 12 milliards de barils. Toutefois, face à
l'évolution en partie fulgurante de la technologie de
fracking, il est probable que ces chiffres soient revus à
la hausse dans les années à venir.
Après avoir rencontré quelques difficultés initiales, le
fracking a nettement progressé en 2008 dans la For-
mation de Bakken: par rapport à 2007, 422 nouveaux
forages ont vu le jour, permettant d'atteindre en fin
d'année une extraction de près de 150'000 barils par
jour. Jusqu'à la fin 2012, 4'180 nouveaux forages ont
été effectués, augmentant ainsi le taux de production
quotidien de plus de 650'000 barils, pour atteindre, fin
2013, une production d'environ 800'000 barils par
jouer.
Réfutation de la théorie du pic pétrolier?
La production annuelle de pétrole des Etats-Unis a
augmenté en 2013 de près de 15% par rapport à
l'année précédente. Plus de 90% de cette hausse pro-
viennent du procédé non conventionnel d'exploitation
utilisé dans la Formation de Bakken et dans le bassin
de Eagle-Ford-Shale (Texas), le second site aux Etats-
Unis le fracking est pratiqué à grande échelle. Les
deux millions de barils de tight oil extraits quotidien-
nement de ces deux formations correspondent à près
de 30% de l'ensemble de la production des Etats-Unis
et contribuent largement au fait que les Etats-Unis
aient enregistré, en 2013, la plus forte croissance
d’extraction depuis le début de la production de pétro-
le sur le sol américain en 1859. Si la production conti-
nue sur cette lancée, il est à prévoir que les USA de-
viendront, dès fin 2015, le plus gros producteur de
trole brut, devant la Russie et l'Arabie Saoudite.
Nappe phréatique
Couche barrière
Roche de dépôt
contenant du pétrole
Grès
Forage conventionnel Fracking
Pétrol
Gaz
Fissures rocheuses provoquées
par mélange de fracking
troleet/ou gaz
3
Ill. 2: Les cinq plus grands producteurs de pétrole brut
(condensats inclus; en milliers de barils/jour)
Source: EIA, AIE, Raiffeisen Research
Le fracking réfute-t-il dès lors la théorie du pic pétrolier
selon laquelle le maximum de production est atteint
dès le début du tout premier forage d'un site, pour
ensuite diminuer continuellement en raison de la pres-
sion en baisse constante? Le fait est que, selon Marion
King Hubbert, l'auteur de la théorie du pic pétrolier, la
production de pétrole aux Etats-Unis devait avoir at-
teint son point culminant au début des années 1970
ce qui, pendant longtemps, a d'ailleurs éconsidéré
comme fait irréfutable: le volume de production record
de 9,6 millions de barils par jour en 1970 n'a plus été
égalé depuis lors. Toutefois, le recul des quantités
annuelles produites, persistant depuis 1985, a pu être
renversé en 2009 grâce au fracking, de sorte que l'on
s'attend, dès 2016, à égaler voire dépasser le volume
de production de 1970. En effet, contrairement à l'ex-
traction conventionnelle de pétrole, les courbes repré-
sentant le nombre de forages et celles indiquant les
volumes extraits sont quasiment parallèles avec le
fracking. En d'autres termes, toute nouvelle fractura-
tion permet d'obtenir un taux d'extraction identique à
ceux des endroits déjà fracturés sur un me réser-
voir. En revanche, les sites d'extraction conventionnelle
se caractérisent généralement par un très haut débit
(initial) fourni par quelques forages, suivi par une bais-
se massive des quantités obtenues avec les forages
ultérieurs.
Ill. 3: Augmentation de la production américaine grâce au
fracking
Source: Bloomberg, EIA, Raiffeisen Research
L'exploitation non conventionnelle du tight oil par
fracking n'est toutefois, elle non plus, pas à l'abri
d'une baisse des quantités produites avec le temps: en
règle générale, le taux de production d'un puits de
fracturation recule de 50% durant les deux premières
années, entraînant ainsi un nombre élevé de forages
de compensation. La production non conventionnelle
de tight oil ne réfute ainsi pas la théorie du pic pétro-
lier mais contribue toutefois à relativiser le pic de taux
de production prévu pour une exploitation nouvelle
d'une réserves de pétrole et reporte à une date ulté-
rieure le volume de production maximal de pétrole
pronostiqué. Selon les prévisions actuelles, la produc-
tion américaine de pétrole l'atteindra en 2017.
Le WTI s'écarte du Brent, mais...
Le boom du fracking est synonyme, aussi bien pour
l'économie des Etats-Unis que pour le marché mondial
de l'énergie, de changements pour certains à long
terme. Le découplage des prix des deux principaux
types de pétrole constitue sans doute l'un des chan-
gements les plus évidents. Alors que le pétrole brut
West Texas Intermediate (WTI), déterminant pour les
Etats-Unis, et le pétrole brut Brent, type pertinent pour
l'Europe, ont affiché des cours quasiment identiques
pendant longtemps, le WTI subit une pression de plus
en plus importante depuis la percée du fracking et voit
sa cote passer, parfois nettement, en dessous de celle
du Brent.
Ill. 4: Découplage des prix du WTI par rapport au Brent
Source: EIA, Raiffeisen
L'écart de prix observable ces dernières années est dû,
d'une part, à la géographie économique et, d'autre
part, à l'infrastructure pétrolière des Etats-Unis. Ainsi,
Cushing, Oklahoma, est la plaque tournante du pétrole
brut. C'est de là que le pétrole brut est envoyé via des
pipelines vers les raffineries qui se concentrent pour la
plupart au sud du pays, dans le Golfe du Mexique. Les
bouleversements qui ont eu lieu ces dernières années
sur le marché américain du pétrole ont entraîné des
flux de pétrole auxquels l'infrastructure de Cushing et
des alentours du site n'était et n'est toujours pas prête
à faire face. D'une part, le Canada, le plus gros four-
nisseur en pétrole des Etats-Unis, a renforcé sa supré-
matie alors que les importations en provenance du
Mexique ou d'outre-mer ont nettement reculé, certai-
nes s'étant même effondrées. En conséquence, les flux
de pétrole ne proviennent plus du sud, donc du Mexi-
que et des grandes installations d'importation de
pé-
0
2'000
4'000
6'000
8'000
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2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013
USA Russland Saudi Arabien China Kanada
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60'000
1990 1994 1998 2002 2006 2010 2014
Production hors OPEP (milliers barils/jour)
Production OPEP, Irak exclue (milliers barils/jour)
-
Unis (milliers barils/jour; éch.dr.)
60
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120
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2010 2011 2012 2013 2014
Datenreihen1 Datenreihen2
Etats-
Unis Russie Arabie Saoudite Chine Canada
WTI Spot Brent Spot
4
trole dans le Golfe du Mexique, mais, bien au contraire,
du nord, pour la plupart du Canada. A cela s'ajoute
d'autre part une quantité en hausse constante de pétro-
le exploité par fracking, qui provient également du nord
de Cushing, à savoir de la Formation de Bakken située
dans le Dakota du Nord et le Montana. La circulation
des flux à l'intérieur des pipelines n'étant pas modifiable
ou seulement au prix de grands efforts financiers et
techniques, cette nouvelle donne a transformé Cushing
en un véritable goulot d'étranglement: la quantité qui
arrivait à Cushing, et y arrive encore, en provenance du
nord, est largement plus importante que celle pouvant
être transférée aux raffineries. Résultat: la constitution
de stocks immenses à Cushing et dans les environs.
Etant donné toutefois que Cushing est le point de livrai-
son des contrats de pétrole brut WTI, cet énorme stock
a, conformément à la loi de l'offre et de la demande,
exercé une pression parfois considérable sur les prix du
WTI, entraînant ainsi le début du découplage du prix du
Brent.
La construction prévue du pipeline
Keystone XL
permet-
trait d'apaiser dans une large mesure la situation. Celui-
ci transporterait le pétrole canadien depuis les zones
d'extraction directement jusqu'au site de raffinerie à
Port Arthur dans le Golfe du Mexique en contournant
Cushing, délestant ainsi largement les zones de stocka-
ge de Cushing. Toutefois, la réalisation de ce projet se
heurte, à ce jour encore, à des obstacles de nature
politique (environnementale). Etant donné qu'il s'agit là
d'un projet transfrontalier, la décision finale est,
conformément au droit aricain, du seul ressort du
président des Etats-Unis. Et jusqu'à ce jour, Barack
Obama ne s'est prononcé sur aucun calendrier concret.
En raison de la complexité des processus impliqués dans
la réalisation de projets de pipelines, les difficultés de
livraison ne sont supprimées que petit à petit, comme
cela a été le cas récemment, en janvier dernier, lorsque
la portion du pipeline conduisant au Golfe du Mexique
(une portion politiquement «non problématique» du
pipeline
Keystone XL
) a été mise en service. Si d'autres
pipelines sont prévus, et pour certains déjà en cours de
construction, afin de délester Cushing, la situation de
stockage à Cushing ne devrait se détendre que légère-
ment dans un premier temps. Par conséquent, le WTI
ne peut que lentement regagner du terrain par rapport
au Brent, sachant aussi qu'il est à supposer que le WTI
subira, au second semestre, une nouvelle pression liée
au fait que plusieurs raffineries dans le Golfe du Mexi-
que devront, pendant l'été, suspendre leur activité par-
tiellement, voire intégralement, et pour un long mo-
ment, en raison de travaux de maintenance.
... les prix des produits pétroliers restent inchan-
gés
Le pétrole brut tel quel ne revêt, pour l'économie réelle,
pratiquement aucun intérêt. Ce sont bien plus les diffé-
rents produits fabriqués à partir de la matière première
par le biais de procédés de raffinage qui comptent. La
majeure partie du pétrole brut (environ 85%) est trans-
formée en carburants destinés aux moteurs à essence
(environ 45%), en carburants diesel et mazout (environ
30%) ainsi qu'en kérosène utilisé pour les moteurs
d'avions jets et turbopropulseurs (environ 10%). La
question essentielle est de savoir dans quelle mesure le
prix pour le carburant et le mazout est en corrélation
avec celui du pétrole brut: en l'absence de corrélation,
ou en présence d'une corrélation minime, les répercus-
sions de l'écart de prix décrit ci-dessus entre le WTI et le
Brent ne revêtiraient pour l'économie réelle qu'une
importance minime. Il est donc d'autant plus surprenant
de constater que, aux Etats-Unis, le prix des principaux
produits raffinés s'oriente clairement sur celui du pétro-
le brut, cependant pas sur le WTI, déterminant pour les
Etats-Unis, mais bien plus sur le Brent, pertinent pour
l'Europe, comme l'illustre le graphique ci-dessous.
En y regardant de plus près, toutefois, on comprend
mieux la corrélation avec le Brent. En effet, bien que les
Etats-Unis développent continuellement leur production
de pétrole brut depuis le début du fracking, la part de
pétrole brut importé reste encore très importante. Fin
2013, le rapport entre les importations et la production
nationale de pétrole brut se situait à environ 1:1, alors
qu'au début de la période de découplage du prix du
WTI de celui du Brent, le pétrole brut importé corres-
pondait à environ deux tiers des quantités de pétrole
brut transformées dans les raffineries américaines. Dans
cette mesure, il n'est pas étonnant que le prix des pro-
duits raffinés soit plutôt en corrélation avec le Brent et
moins avec le WTI. On peut toutefois supposer que, la
baisse de la dépendance en pétrole brut des Etats-Unis
aidant, les prix des carburants et du mazout s'oriente-
ront à l'avenir de plus en plus sur le WTI, une tendance
d'ores et déjà reconnaissable par endroit pour le prix du
carburant destiné aux véhicules normaux.
Ill. 5: Les prix spot des produits distillés sont plutôt en corréla-
tion avec le Brent qu'avec le WTI
Source: EIA, Raiffeisen Research
On remarque que les écarts de prix entre les produits
raffinés décrits ci-dessus et le WTI se sont encore accen-
tués depuis l'essor du fracking: Bien que, ces dernières
années, le prix spot du WTI ait fortement chuté, les prix
du mazout, de l'essence normale, du diesel et du kéro-
sène ont enregistré une augmentation constante. Cette
évolution contraire aux attentes est sans doute due,
d'une part, à l'exploitation des capacités au sein de
l'industrie sous-traitante du pétrole brut. En effet, plus
les raffineries tournent à un taux proche de l'exploita-
80
90
100
110
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2.00
2.50
3.00
3.50
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2011 2012 2013 2014
Normalbenzin (USD/G) Heizöl (USD/G)
Jet-Treibstoff (USD/G) Niedrig-Schwefel Diesel (USD/G)
WTI (USD/F; r.S.) Brent (USD/F; r.S.)
Essence normale (USD/G)
Carburant pour jets (USD/G)
WTI (USD/B, éch.dr.)
Mazout (USD/G)
Diesel à basse teneur en soufre (USD/G)
Brent (USD/B; éch.dr.)
5
tion maximale, plus leur influence sur les prix est impor-
tante. Comme le laisse aussi penser l'illustration 6 (zo-
nes mises en évidence).
Ill. 6: Accroissement des écarts entre les prix du WTI et des
distillats
Source: EIA, Raiffeisen Research
D'autre part, il n'est pas exclu que les exploitants des
raffineries aient, durant la période d'observation, pour
ainsi dire profiter des prix WTI bas pour accroître leur
marge bénéficiaire.
Les prix du gaz nettement plus bas
Malgré la baisse du prix du WTI due à la production non
conventionnelle, l'économie américaine ne profite pas
encore de baisses de prix sur les produits pétroliers
décisifs. En y regardant de plus près, toutefois, on
s'aperçoit que cette situation ne revêt qu'une faible
importance, le pétrole et les produits troliers revêtant
eux-mêmes, par rapport aux autres sources d'énergie,
une faible importance pour l'industrie américaine, im-
portance qui a en outre encore baissé ces dernières
années.
Ill. 7: Consommation énergétique des entreprises industrielles
américaines par source d'énergie (en % de la consommation
totale en énergie)
1
Source: EIA, Sondages MECS, Raiffeisen Research
1
Etant donné que, selon les différentes sources d'énergie, les quanti-
tés sont parfois exprimées en différentes unités de mesure, il est
nécessaire d'effectuer une conversion en une unité de mesure uni-
forme afin de constituer un agrégat. Ainsi, les données présentées
dans ce document ont été converties en Btu
(British thermal unit),
l'unité uniforme habituellement utilisée dans le secteur de l'énergie.
(Voir aussi:http://www.iea.org/interenerstat_v2/energy_unit.asp)
Le critère essentiel est ici le gaz, source d'énergie de
loin la plus demandée et la plus utilisée dans l'industrie
américaine. Et c'est ici que le fracking procure à l'in-
dustrie un avantage concurrentiel non négligeable
dans la concurrence internationale. En effet, à l'instar
du pétrole, le gaz produit par fracturation hydraulique
entraîne une augmentation massive de l'offre sur le
marché américain. Contrairement au pétrole toutefois,
le gaz entraîne des frais de transformation relative-
ment faibles pour en faire un produit utilisable par les
consommateurs finaux: il est simplement «séché»
après avoir été extrait, en d'autres termes, débarrassé
de l'eau et, le cas échéant, des composés d'hydrocar-
bures supérieurs. Il est ensuite utilisable comme source
d'énergie pour le commerce, soit sous forme gazeuse,
soit sous forme liquide après un fort refroidissement,
en tant que GNL (gaz naturel liquéfié). L'écart entre le
prix spot du gaz naturel et le prix payable par l'indus-
trie reste ainsi à peu près constant à l'heure actuelle.
Ill. 8: Gaz - prix spot et prix consommateur final
Source: EIA, Raiffeisen Research
Cette baisse du prix du gaz représente, pour l'industrie
américaine, d'énormes économies au niveau des coûts
de production: lorsque les activités de fracking ont pris
de l'essor en 2008, le prix du gaz pour les consomma-
teurs industriels se situait à 9,65 USD (prix annuel
moyen); en 2013, il avait baissé de plus de la moitié, à
4,66 USD. Ainsi, en 2013, l'industrie américaine a
économisé, par rapport à 2008, près de 30 milliards de
dollars en dépenses de gaz tout en affichant une
consommation supplémentaire d'environ 10%. Ce
chiffre correspond à pas moins de 1% environ de la
production industrielle totale.
Avantage de coût sur le marché mondial
Même si les prix américains du gaz se situent sensi-
blement en-deçà des prix européens depuis mi-2005,
l'écart entre les prix américains et européens ne se
creuse nettement que depuis l'essor du fracking (à
partir de 2008). Ainsi, au début du troisième trimestre
2013, le gaz dédié à l'industrie américaine coûtait
environ un tiers de celui dédié à l'industrie européen-
ne.
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10
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2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
Raffinerieauslastung (in %, r.S.) Heizöl - WTI Diesel - WTI
0
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1994 1998 2002 2006
Erdgas sowie LPG & NGL Andere Energieträger
Kohle Schweröl und Distillierte Ölprodukte
Koks und Koksgruse
40
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60
70
2
6
10
14
36892 37622 38353 39083 39814 40544 41275
US-Trockengasrderung (Mrd. Kubik-Fuss; r.S.)
Henry Hub Gas Spot-Preis (USD/Mio. Btu)
Endpreis für Industrielle Verbraucher (USD/Tsd. Kubik-Fuss)
Exploitation des raffineries (en
%, éch.dr.)
Mazout
-
WTI
Diesel
-
WTI
Gaz naturel ainsi que GPL et GNL
Charbon
Coke et menu coke
Autres sources d'énergie
Huile lourde et produits pétroliers
distillés
Extraction US du gaz sec (mia. de pieds cubes; éch.dr.)
Prix spot du gaz Henry Hub (USD/mio. Btu)
Prix final pour les consommateurs industriels (USD/milliers de pieds cubes)
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
1 / 11 100%

Editions 2014 - Fracking: analyse économique de cette nouvelle

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