La constatation de la réduction de l’énergie utilisée pour la production des biens dans les pays industrialisés par Monsieur Michel JUVET Depuis le printemps 2003, le prix du baril de pétrole en dollars a été multiplié par trois, et pourtant aucun gros signe de faiblesse n’est apparu dans l’économie mondiale. Contrairement aux précédents chocs pétroliers il n’y a eu jusqu’à présent ni récession, ni véritable inflation. Tout juste commençons-nous à observer après bientôt trois ans de hausse, une progression des anticipations inflationnistes de la part des consommateurs, mais qui ne se traduisent toujours pas dans les faits puisque l’inflation de base « core inflation », ex énergie, reste contenue dans de faibles chiffres. Cette résistance des économies est étonnante car le choc pétrolier est en l’occurrence un vrai choc énergétique qui concerne toutes les matières premières liées au pétrole brut : le prix des carburants à la pompe, et le prix du gaz naturel de chauffage sont là pour nous le rappeler. Mais plus surprenant, le prix d’énergies alternatives comme l’uranium a lui aussi été multiplié par trois. Plusieurs facteurs expliquent ce comportement rassurant des économies. 1) Le fait qu’il n’y ait pas eu de rupture de l’offre de production de pétrole a permis une hausse des prix lente et très graduelle. Tous les acteurs économiques ont pu ainsi digérer les hausses de coûts et s’adapter. 2) La forte croissance économique mondiale et la très bonne santé des entreprises ont permis de compenser les pressions éventuelles sur les marges 3) Le recyclage des énormes recettes pétrolières de l’OPEP (300 milliards en 2003, 380 milliards en 2004, et probablement 500 milliards en 2005) dans les obligations internationales, américaines en particulier, a permis de maintenir une vague considérable de liquidités dans les marchés financiers et immobiliers. Les consommateurs ont pu alors profiter d’un effet richesse qui a quelque peu effacé les effets négatifs de la hausse du pétrole. 4) L’arrivée depuis quelques années sur le marché mondial du travail d’environ trois milliards d’individus (Chine, Inde,…) a permis de réduire les coûts salariaux et d’absorber ainsi la hausse des coûts des matières premières, et d’éviter une reprise inflationniste par les salaires 5) Enfin les programmes d’économie d’énergie et la mutation des économies occidentales vers des économies de services ont contribué à réduire leur sensibilité au prix du pétrole. On estime ainsi que l’Amérique a pu réduire de 40 % depuis 1981 sa consommation d’énergie nécessaire pour produire un dollar de produit intérieur brut. Néanmoins, aujourd’hui, les économies occidentales se retrouvent au pied du mur : à court terme la poursuite d’un prix élevé du pétrole finira par mordre sur la croissance économique, et à long terme, il serait illusoire de tabler sur un prix du pétrole bon marché : le prix du pétrole continuera de progresser de toute façon en proportion de la raréfaction progressive des réserves. Quant aux pays émergents, ceux-ci seront probablement les plus touchés par le choc énergétique actuel. En effet, si leur sensibilité énergétique a également diminué depuis 1980 1 (environ 60 % de moins en Chine), il n’en demeure pas moins que cette sensibilité reste aujourd’hui deux fois supérieure à celle que connaissaient les Etats-Unis en 1980 ! Sachant qu’un américain consomme plus de deux fois plus d’énergie qu’un européen, ou plus de dix fois plus qu’un chinois, et compte tenu de la limite des réserves en énergie non renouvelables, il ne fait aucun doute qu’il faudra dans les prochaines années, non seulement trouver d’autres formes d’énergie, mais surtout poursuivre tout programme de recherche d’économies d’énergie. Michel Juvet – octobre 2005 2