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BIBLIOMED
Les Analyses du
Centre de Documentation
de l’UNAFORMEC
Les corticoïdes inhalés sont-ils trop prescrits
dans les bronchopneumopathies chroniques obstructives (BPCO) ?
L’asthme et les bronchopneumopathies chroniques obstructives (BPCO) sont les deux grandes maladies
respiratoires de ce siècle. La prévalence de l’asthme dépasse 10% des adolescents français, celle des
BPCO 10% des hommes des USA.1 Des phénomènes inflammatoires sont présents dans les deux maladies. Il est reconnu que l’asthme bénéficie d’un traitement régulier par les corticoïdes inhalés, qui réduit les
symptômes, la fréquence des épisodes aigus et améliore la fonction respiratoire 2. En est-il de même pour
les BPCO ? Dans les poussées aiguës, malgré des essais souvent d’interprétation difficile, le consensus est
en faveur de leur usage par voie systémique durant une courte période, ne dépassant pas 15 jours 3,4. En
traitement de fond, cela reste sujet de controverses, faute d’études convaincantes. Et pourtant l’usage des
corticoïdes inhalés dans la BPCO est passé de 13% en 1987 à 40% en 1995 3,4. Quatre grands essais à long
terme viennent d’être publiés et apportent des données un peu plus solides.
Les quatre essais 1,5 ont eu un suivi prolongé, de 2 à 3 ans,
avec des patients atteint de BPCO de sévérité différente
(légère, modérée ou sévère). Un essai danois (290
patients), l’essai EUROSCOP (1277 patients fumeurs),
l’essai ISOLDE (740 patients), l’essai américain de la Lung
Health Study (LHS) (1116 patients fumeurs). Tous les patients ont été randomisés entre placebo et corticoïde inhalé (budésonide, triamcinolone, fluticasone).
Sur la fonction respiratoire, le résultat des 4
essais est négatif. Dans tous les essais, après une
amélioration initiale de quelques semaines à 6 mois, le déclin du VEMS redevient égal dans les deux groupes.
Sur les données cliniques les effets dépendent
de la sévérité de la maladie. Dans les 2 premiers
essais (BPCO légère), les effets étaient nuls ou non rapportés. L’essai ISOLDE (BPCO modérée à sévère) montrait un bénéfice sur les symptômes respiratoires, la fréquence des poussées aiguës, l’état de santé. Dans l’essai
LHS (BPCO modérée) il y a eu moins d’épisodes respiratoires (21% par an vs 28%), et de visite chez le médecin
pour maladie respiratoire (1,2% par an vs 2,1%).
Parmi les effets secondaires, on peut relever:
- un risque accru de décompensations aiguës après sevrage des corticoïdes inhalés dans l’essai ISOLDE.
- une densité osseuse(rachis lombaire et fémur) significativement plus basse dans le groupe traité 1-,5.
- un taux plus important de complications locales (gêne laryngée, candidoses) 1, une fragilité cutanée.
En pratique, les corticoïdes inhalés au long cours n’empêchent pas le déclin de la fonction respiratoire, et
n’ont un bénéfice clinique que pour les BPCO sévères à modérées, mais pas dans les formes légères. Le
risque d’ostéoporose existe; le sevrage peut s’accompagner d’une recrudescence de poussée aiguë. En
face de ces indications sélectives, quelles sont les conditions de prescription des corticoïdes ? Une analyse genevoise3 propose une réflexion sur les raisons potentielles de surprescription:
- l’assimilation de la BPCO avec l’asthme: l’inflammation est invoquée dans les deux (bien que les mécanismes n’en soient pas identiques); l’association des deux états est fréquente (et il est possible qu’une bonne
part des bénéfices des corticoïdes dans la BPCO soit due à un asthme associé).
- la difficulté de prévoir les répondeurs. Une amélioration de plus de 20% du VEMS après inhalation de bétamimétiques est considérée comme un critère dans deux études 1. D’autres proposent un test aux corticoïdes, mais qui doit être réalisé en période stable 3
- les controverses et lacunes de la littérature, et un besoin d’action devant la gêne du patient.
- les biais de représentation des bénéfices: sur-représentation par celui qui est surtout confronté à des
poussées aiguës; sous-estimation des effets secondaires; tendance activiste après un épisode grave; tendance à valoriser ce qui va en faveur d’une hypothèse et à minimiser l’inverse.
En pratique, la corticothérapie est un recours pour certaines BPCO; elle n’est pas la panacée,
et beaucoup disent que “nous avons un urgent besoin de médicaments efficaces dans les BPCO” 1. Mais il
reste qu’il ne faut pas oublier le rôle du tabac, et que le sevrage tabagique est le seul à avoir fait la
preuve de son efficacité pour ralentir la dégradation de la fonction respiratoire de ces patients.2 .
.
1- Jebrak G. Corticothérapies des insuffisances respiratoires obstructives. Trop dans les BPCO, trop peu dans l’asthme Presse Med 2000; 29,
26:1467-8, et 1479-87
2 - Mapp CE. Inhaled glucocorticoids in chronic obstructive pulmonary desease. N Engl J Med 2000;343(26):1960-61
3 - Nendaz M. Surprescription de corticostéroides dans la maladie obstructive chronique pulmonaire: causes et mécanismes potentiels. Me
Hyg. 2000;58(2421):2214-16
4 - Banner AS. Emerging role of corticosteroids in chronic obstructive pulmonary disease. Lancet 1999;354:440-1
5 - The Lung Health Study Research Group. Effect of inhaled triamcinolone on the decline in pulmonary function in chronic obstructive pulmonary desease. N Engl J Med 2000;343(26):1902-09
Mots clé: BPCO, corticoïde, médicament inhalé, tabac
Numéro 213 du 15 février 2001
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