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REVUE DE PRESSE
dirigée par
le Pr T. Moreau
Une piste pour le traitement des patients en état
de conscience minimal
L’état de conscience minimal (MCS) est observable chez certains patients à la suite d’un
grave traumatisme cérébral. Il se distingue de l’état végétatif par la présence, chez le sujet, de phases ponctuelles durant lesquelles il présente un certain niveau d’éveil. Durant
ces phases, le patient va en particulier se montrer capable de répondre de manière
adéquate à des stimulations extérieures. En partant de l’hypothèse selon laquelle la
difficulté de ces patients à accéder à leurs fonctions cognitives serait en partie due à
une hypo-activité cérébrale, N.D. Schiff et al. postulent que stimuler l’activité cérébrale
de sujets en MCS devrait augmenter la fréquence des comportements conscients observables dans de tels cas cliniques. Cette étude, menée sur un patient en MCS, a analysé
l’effet de stimulations profondes du thalamus central (une région cérébrale impliquée
dans les processus d’éveil) sur la quantité des phases conscientes. Durant les périodes
de stimulations, les auteurs notent une augmentation de l’éveil émotionnel, de la communication ainsi que de la prise d’alimentation orale du patient. Ils suggèrent que cette
amélioration comportementale du patient pourrait être due à une activation du cortex
frontal et des ganglions de la base (des régions cérébrales fortement impliquées dans
la conscience, l’éveil et les mécanismes attentionnels) faisant suite à la stimulation du
thalamus central.
F. Esclassan,
CNIC, université Bordeaux I,
CNRS UMR 5228
Commentaire
Cette étude n’est menée que sur un patient présentant des caractéristiques bien particulières
telles que l’observation par neuro-imagerie d’un
circuit du langage intact. Ainsi, les résultats obtenus ne peuvent être généralisables à l’ensemble
des patients présentant un MSC. Cependant, il
s’agit de la première étude mettant en avant un
traitement potentialisant certaines des fonctions
cognitives préservées dans de tels cas cliniques,
offrant ainsi un espoir aux patients, mais aussi et
surtout à leur famille.
Référence bibliographique
Schiff ND, Giacino JT, Kalmar K et al. Behavioural improvements with thalamic stimulation after severe traumatic
brain injury. Nature 2007;448(7153):600-3.
Les cellules souches et la question de l’intégration
La thérapie cellulaire, qui consiste à greffer, chez l’adulte, des cellules embryonnaires dans
des zones endommagées, constitue une stratégie prometteuse pour le traitement de
diverses pathologies du système nerveux (par exemple, la maladie d’Alzheimer, la maladie
de Parkinson, etc.). Des études préalables avaient montré que des cellules transplantées
dans un cortex moteur endommagé pouvaient survivre, mais aucune donnée fiable n’était
disponible sur la capacité de ces neurones à reconstruire des connexions cohérentes loin
de leur site de transplantation. De manière à pouvoir suivre les connexions que formaient
les cellules transplantées, la stratégie utilisée par les chercheurs a consisté à transplanter,
chez des souris adultes lésées au niveau du cortex moteur, des cellules issues d’embryons
de souris transgéniques dont toutes les cellules exprimaient une protéine fluorescente : la
green fluorescent protein (GFP). Les résultats de cette étude sont spectaculaires, puisque
les cellules transplantées établissent des connexions à distance vers des zones motrices
(thalamus, moelle épinière). De manière importante, il apparaît que ces connexions ne
résultent pas de la simple fusion des cellules greffées avec des cellules corticales de l’hôte,
et qu’elles sont fonctionnelles, puisqu’elles établissent des contacts synaptiques avec les
cellules hôtes et qu’un nombre important d’entre elles sont myélinisées.
E. Coutureau,
CNIC, université Bordeaux I,
CNRS UMR 5228
Traitement de Parkinson et comportements impulsifs
Dans un précédent numéro (Les actualités, suppl. de La Lettre du Neurologue, vol.
VIII, n°1), nous évoquions l’étude de Fiorillo et al. concernant le rôle du système
dopaminergique mésolimbique dans les processus de récompense et les comportements de prise de risque. C’est en se plaçant dans ce cadre théorique que W.G. Ondo
et D. Lai se sont intéressés aux modifications comportementales observées lors de la
prise d’agonistes dopaminergiques (DA) chez des patients atteints de la maladie de
Parkinson (PD) ou du syndrome des jambes sans repos (RLS). Cette étude a été menée
durant 10 mois sur 300 sujets tous âges et sexes confondus. Elle montre effectivement
que ces traitements induisent une augmentation des comportements impulsifs liés à
la recherche de récompense (jeu, dépense d’argent, activité sexuelle) chez 19,7 %
des patients (24,6 % des parkinsoniens et 8,6 % des sujets souffrant de RLS). De
plus, l’augmentation observée est plus forte si le patient est jeune et si la dose du
traitement est élevée. Par ailleurs, plusieurs DA ont été testés, et il apparaît que les
modifications comportementales induites sont indépendantes de la nature du DA. Il
est cependant à noter que seuls les patients recevant un DA ayant la plus forte affinité
pour les récepteurs D3 (pergolide et pramipexole) développent des comportements de
jeu pathologique.
F.E.
104 | La Lettre du Neurologue • Vol. XII - n° 4 - avril 2008
Commentaire
Cette étude, très élégante, constitue une contribution significative tant sur le plan fondamental
que sur le plan thérapeutique. En effet, en montrant pour la première fois que le système nerveux central adulte est permissif à la repousse
axonale, ces résultats offrent de nouvelles perspectives dans le cadre du traitement de maladies
neurodégénératives.
Référence bibliographique
Gaillard A, Prestoz L, Dumartin B et al. Reestablishment of
damaged adult motor pathways by grafted embryonic cortical neurons. Nat Neurosci 2007;10:1294-9.
Commentaire
Ce travail est particulièrement intéressant, puisqu’il constitue la première étude longitudinale
comparant l’ampleur des comportements liés à
l’impulsivité et des comportements de jeu (pathologique et non pathologique) chez des patients
parkinsoniens et souffrant du RLS avant et après
traitement par DA. Il est à remarquer que l’évaluation du changement dans les comportements
liés à l’impulsivité ne repose sur aucun critère
standard mais sur une évaluation subjective de la
part du sujet et de son entourage.
Référence bibliographique
Ondo WG, Lai D. Predictors of impulsivity and reward seeking behavior with dopamine agonists. Parkinsonism Relat
Disord 2008;14(1):28-32.
REVUE DE PRESSE
L’anxiété face aux stimuli ambigus
Commentaire
Une des particularités des individus dépressifs ou souffrant de troubles de l’anxiété est
leur incapacité à discriminer des stimuli en fonction de leur valeur anxiogène. T. Tsetsenis
et al. ont fait l’hypothèse qu’un dysfonctionnement de l’hippocampe, connu pour jouer
un rôle dans le traitement de la valeur prédictive d’un stimulus aversif, pourrait participer à la mise en place d’un tel phénotype. Les auteurs ont utilisé une souche de souris
knock-out (KO) pour le récepteur 5HT1a qui présente des troubles de l’anxiété liés à des
déficits neurodéveloppementaux. Ils ont utilisé une technique pharmacogénétique originale qui consiste à exprimer le récepteur absent au sein de structures cérébrales spécifiques (gyrus denté ou noyau central de l’amygdale). Ainsi, l’administration périphérique
d’un agoniste de ce récepteur conduit à l’inhibition spécifique de cette structure. Dans
un protocole de conditionnement aversif, ils montrent que les souris KO manifestent un
comportement de peur conditionnée indifférencié que ce soit face à un signal qui prédit
parfaitement l’arrivée d’un choc électrique (lumière), ou face à un signal dit “ambigu”
dont la valeur prédictive est incertaine (son). Tandis que l’inhibition pharmacogénétique
de l’amygdale conduit à une diminution du comportement de peur aux deux stimuli,
celle du gyrus denté abolit spécifiquement la réponse de peur anormalement élevée face
au stimulus ambigu.
E. Lesburguères,
CNIC (Université Bordeaux I,
CNRS UMR 5228)
Cortex préfrontal : pour le stockage ou le rappel ?
Les déficits mnésiques liés au vieillissement touchent en premier lieu les mémoires récentes
et sont attribués à un dysfonctionnement hippocampique. En revanche, certaines maladies
neurodégénératives qui s’accompagnent d’une perte neuronale dans le néocortex conduisent à une altération de souvenirs plus anciens. Reste un aspect fondamental à élucider :
ces déficits sont-ils dus à une “destruction” des traces mnésiques ou à une perturbation
des capacités de rappel ? Dans cette étude, A. Fischer et al. ont non seulement tenté de
répondre à cette question, mais ils ont également essayé de déterminer si ces déficits
pouvaient être réversibles. Pour cela, ils ont utilisé des souris transgéniques chez lesquelles
l’expression de la protéine p25 – toxique pour les neurones – peut être contrôlée dans
le temps et induire une mort neuronale massive dans le cortex frontal. Ils montrent que
l’induction de la mort neuronale induit de forts déficits mnésiques pour des mémoires
anciennes (plus de 3 semaines). De manière fascinante, l’exposition à un environnement
enrichi ou l’administration journalière d’un inhibiteur des histones désacétylase (HDAC)
après la mort neuronale permettent une stimulation des régulations géniques, une augmentation des marqueurs synaptiques (sans effet sur le nombre de neurones) et un retour
à la normale des performances mnésiques.
P. Trifilieff,
Columbia University
Cette étude pointe une cible thérapeutique
neuro-anatomique avec la preuve de la contribution particulière des neurones du gyrus denté, et
non des neurones du noyau central de l’amygdale,
dans l’évaluation du potentiel prédictif ambigu
d’événements aversifs. Par ailleurs, bien que l’approche pharmacogénétique soit bien entendu peu
envisageable chez l’homme, ces travaux suggèrent
qu’une modulation de l’activité hippocampique
(inhibition) via ces récepteurs pourrait améliorer
certains symptômes des troubles de l’anxiété.
Référence bibliographique
Tsetsenis T, Ma XH, Lo Iacono L, Beck SH, Gross
G.Suppression of conditioning to ambiguous cues by pharmacogenetic inhibition of the dentate gyrus. Nat Neurosci
2007;10(7): 896-902.
Commentaire
Cette étude est majeure d’un point de vue tant
fondamental qu’appliqué. En effet, les auteurs
mettent en évidence que les déficits de mémoire
ancienne ne sont pas liés à une destruction des
traces mnésiques, mais bien à une perturbation
des capacités de rappel. Par ailleurs, ils montrent
que ces déficits sont réversibles si l’on stimule la
formation de nouvelles synapses (exposition à un
environnement enrichi, administration d’un inhibiteur des HDAC), et ce malgré la disparition
massive des neurones.
Référence bibliographique
Fischer A, Sananbenesi F, Wang X, Dobbin M, Tsai LH. Recovery of learning and memory is associated with chromatin
remodelling. Nature 2007;447(7141):178-82.
Réponse aux interférons
Sous interféron-bêta (IFNβ), quelques patients développent des anticorps liants (Babs) dont
certains sont neutralisants (Nabs) et empêchent l’action des IFNβ. Les Babs sont détectés
par méthode Elisa, et les Nabs par effet cytopathogène des virus (CPE). La fixation de
l’IFNβ sur son récepteur entraîne la transduction d’un signal intracellulaire à l’origine de
la production de myxovirus resistance protein A (MxA). La MxA est un biomarqueur de
l’activité des IFNβ. L’objectif de cette étude était d’évaluer la valeur pronostique des Babs,
des Nabs et de l’ARN messager de la MxA sur l’absence de poussée et sur le délai d’apparition d’une poussée. Cent trente-sept patients traités par un des trois IFNβ ont été suivis
pendant 3 ans. Une mesure des 3 paramètres a été réalisée après un an de traitement.
Cinquante-quatre pour cent des patients Babs – étaient libres de poussée contre 44 % des
Babs + (p = 0,1531). Le délai d’apparition d’une poussée était de 10 mois pour les Babs +
versus indéfini pour les Babs –. 55,8 % des patients sans poussée étaient Nabs – versus
17,6 % Nabs + (p = 0,0038). Le délai d’apparition d’une poussée était de 8 mois pour les
Nabs + versus indéfini pour les Nabs – (p = 0,0013). Cinquante-sept pour cent des patients
sans poussée étaient MxA + versus 21 % MxA – (p < 0,0001). Le délai jusqu’à la première
poussée était indéfini pour les MxA + et de 7 mois pour les MxA – (p < 0,0001).
A. Fromont,
service de neurologie,
hôpital Général, Dijon
Commentaire
La mesure des Nabs et de la MxA permet de
prédire le risque de survenue d’une poussée
sous IFNβ. Faut-il les doser systématiquement ou
attendre une reprise d’activité de la maladie ?
Référence bibliographique
Malucchi S, Gilli F, Caldano M et al. Predictive markers for
response to interferon therapy in patients with multiple
sclerosis. Neurology 2008;70:1119-27.
Vol. XII - n° 4 - avril 2008 • La Lettre du Neurologue
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