Attention, danger!

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Attention, danger !
ABB défie les lois de la physique pour renforcer la sécurité des travaux
sur les ouvrages électriques.
Jan Czyżewski, Maciej Wne˛k,
Marek Florkowski, Thomas Liljenberg,
Kurt Kaltenegger
Comme tout professeur de physique
s’évertue à le rappeler, il faut deux
points pour mesurer une tension
puisque celle-ci ne se définit que par
rapport à un point de référence.
Néanmoins, pour les personnes travaillant sur un appareillage électrique,
il est important de savoir si un
conducteur est sous tension ou non
par rapport à tout point à proximité,
qu’il s’agisse d’un conducteur ou d’un
élément mis à la terre. Pour les aider,
les chercheurs d’ABB ont développé
un indicateur qui détecte la présence
de tension … mais sans point de référence défini ! Comment ont-ils fait
pour défier les lois de la physique ?
Les indicateurs de présence de tension sont indispensables au personnel
travaillant sur les ouvrages de distribution en moyenne tension (MT). Ils
aident à localiser les défauts et indiquent quand on peut sans danger
mettre le réseau à la terre. Lorsqu’on
travaille sur du matériel électrique,
même s’il faut une mesure certifiée et
respecter des procédures formalisées
de sécurité, l’utilisation d’un appareil
redondant indépendant est un gage
de sécurité.
En règle générale, un système de détection de tension est constitué d’un
diviseur de tension (de type capacitif
ou résistif) qui réduit la tension à un
niveau directement mesurable (de
quelques volts à environ 100 volts).
Un simple indicateur de tension est
alors raccordé au diviseur. Dans la
plupart des systèmes, l’impédance primaire du diviseur est intégrée dans un
composant MT comme, par exemple,
une traversée, un transformateur de
courant ou un support isolant. Un fil
relie ce composant à un tableau intégrant l’impédance secondaire du diviseur et le détecteur. Généralement,
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ces systèmes ne sont utilisés que dans
les tableaux d’appareillages sous enveloppe.
Toutefois, alors que de nombreux
points d’un réseau de distribution nécessiteraient une indication de tension, on y renonce pour éviter de rendre les ouvrages trop complexes (obligation d’installer une protection d’extérieur coûteuse, absence d’impédance primaire, etc.). C’est notamment le
cas des traversées ou des bornes des
transformateurs de distribution, des
extrémités des câbles d’extérieur à la
jonction avec les lignes aériennes ou
des bornes des interrupteurs-sectionneurs d’extérieur.
ceptible pour des matériaux électrooptiques. Aucun matériau d’affichage
connu n’était en mesure de réagir
directement à des champs électriques
aussi faibles.
Malgré ces obstacles techniques, ABB
créa en 2002 un premier modèle de démonstration 1 présentant la sensibilité
requise, fabriqué en un tout nouveau
matériau souple d’affichage par électrophorèse, couramment appelé « papier
électronique ». Toutefois, ce matériau ne
peut pas réagir directement au champ
électrique en question. Une adaptation
développée par ABB permit d’accumu-
1
Dans l’idéal, pour autant que le coût
le permette, une indication de présence de tension devrait être placée en
tout point du réseau.
On pourrait ainsi imaginer un réseau
électrique dans lequel chaque jeu de
barres ou conducteur sous tension prendrait une couleur spécifique permettant
de le distinguer facilement des conducteurs momentanément hors tension.
Première démonstration de l’indicateur PVI.
Pour un champ électrique de courant alternatif à 50 Hz d’une amplitude moyenne de
1 kV/cm, l’indication visuelle est clairement
perceptible.
Absence de champ électrique
Effet de champ
Chaque conducteur sous tension étant
entouré d’un champ électrique dû à
la présence de la tension, l’idée serait
de développer un matériau ou un
dispositif qui modifie son comportement optique en présence d’un champ
d’une amplitude donnée.
C’est ce raisonnement qui a conduit
les chercheurs du programme sur les
nanotechnologies d’ABB Corporate
Research à s’intéresser aux technologies d’affichage. En théorie, elles pourraient quasiment toutes être adaptées
pour qu’un champ électrique modifie
les propriétés optiques du matériau
ou d’une structure sous tension, modification qui serait visible à l’œil nu. En
théorie seulement car le champ électrique entourant le conducteur d’un
appareillage de distribution isolé dans
l’air varie d’un à quelques kilovolts par
centimètre (kV/cm), une valeur imper-
Présence de champ électrique 1kV/cm
2
Prototype d’indicateur PVI
Revue ABB 1/2005
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Indicateurs PVI à l’essai sur ligne triphasée de 6 kV (distance entre pôles : 20 cm). La présence
de tension est indiquée par de grosses flèches en forme d’éclair (gauche). Essais au brouillard
salin (haut, droite) et en enceinte sous lampe à arc au xénon (bas, droite).
ler de l’énergie sur plusieurs périodes
d’oscillation du courant alternatif (en
moins d’une seconde) améliorant ainsi
la sensibilité. Résultat : le champ électrique local à l’intérieur du matériau
d’affichage augmente, son amplitude
étant beaucoup plus élevée que le
maximum de sa valeur externe. L’appareil peut ainsi réagir aux champs électriques inférieurs à 1 kV/cm.
Toutefois, pour pouvoir appliquer
cette technologie aux équipements
électriques, la sensibilité n’est pas le
seul critère. En effet, les équipements
MT, notamment d’extérieur, doivent
endurer des conditions climatiques sévères (grandes variations de température et d’humidité, intempéries et ensoleillement direct). Qui plus est, une
fois installés, ils doivent fonctionner
plusieurs années sans maintenance.
Avant de pouvoir soumettre la technologie du papier électronique « tout
plastique » à de telles conditions d’exploitation, d’importants travaux de développement sont encore nécessaires.
Au vu de la plage de températures
requise et des besoins de robustesse
du système, l’équipe de projet s’est intéressée aux écrans à cristaux liquides
(LCD) à nématique en hélice entre
deux substrats en verre – la plus simple mais aussi la plus résistante de
toutes les technologies LCD. Même si
la sensibilité de cette technologie reste
inférieure aux exigences par un facteur de 10–100, la création d’une strucRevue ABB 1/2005
ture d’affichage microscopique permettrait d’amplifier localement le
champ électrique. Ainsi, la sensibilité
recherchée pourrait être obtenue sans
perdre pour autant les avantages de
cette technologie (procédé de fabrication maîtrisé et faible coût).
La réussite de cette étape de développement encouragea l’équipe à élaborer
un prototype d’indicateur de tension 2 ,
baptisé Passive Voltage Indicator
(PVI), utilisable en extérieur. Fabriqués
à une centaine d’exemplaires, ces premiers prototypes subirent de nombreux essais 3 : essais de fonctionnement sur réseaux MT triphasés, essai
au brouillard salin, essais sous lampe à
arc au xénon simulant un ensoleillement intense et essais climatiques de
vieillissement accéléré. Les résultats de
ces essais montrent que l’appareil est
capable de résister à un « traitement de
choc ». Un produit pilote est en cours
de développement 4 . L’indicateur PVI
fonctionnera sans source d’alimentation externe et, une fois installé, ne
nécessitera aucune maintenance.
Deux types d’indicateurs PVI ont été
conçus pour deux gammes de sensibilité. Leurs caractéristiques couvriront
la plage complète de tensions nominales CEI et ANSI (3 à 36 kV). Les instructions d’emploi préciseront le type
d’indicateur PVI pour chaque application en fonction de la tension nominale du système et de la géométrie de
ses conducteurs. Par exemple, pour
4
Conception de l’indicateur pilote PVI à
enveloppe élastomère de silicone pour
utilisation permanente en extérieur
une tension nominale de 6 kV, il pourra être utilisé pour des distances entre
pôles de 125 mm (plus petite valeur
caractéristique) à 400 mm. Le seuil de
tension respecte les prescriptions des
normes CEI sur les systèmes indicateurs de présence de tension (CEI 61958
et CEI 61243), à savoir le seuil d’indication de présence de tension est
toujours inférieur à 45 % de la tension
nominale du réseau.
L’indicateur PVI conviendra aussi bien
aux travaux sur réseau hors tension
qu’à ceux sous tension avec perche
isolante. Il facilitera nettement la localisation des défauts et renforcera la sécurité des opérations de détection de
tension pour les mises à la terre.
Jan Czyżewski
Maciej Wne˛k
Marek Florkowski
ABB Corporate Research
Cracovie (Pologne)
[email protected]
Thomas Liljenberg
ABB Corporate Research
Västerås (Suède)
[email protected]
Kurt Kaltenegger
ABB Power Technology Products
Management Ltd
Zurich (Suisse)
[email protected]
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