ETUDE DE LA GESTION DES PROMOTIONS INTERNES AU SEIN

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ETUDE DE LA GESTION DES PROMOTIONS INTERNES AU
SEIN D’UNE ENTREPRISE PUBLIQUE : LA SNCB
Anne Goujon Belghit,
Doctorante OREM, enseignante à l’université de Lorient
Adresse : 9 rue du docteur Bonain
29200 Brest
Tel : 06 85 65 68 12
E-mail : [email protected]
Alain Roger,
Directeur de thèse. Professeur à l’université de Lyon 3, Directeur du centre de recherche
Magellan, Responsable Scientifique de l’Equipe de Recherche OREM
Adresse : Institut d’Administration des Entreprises de Lyon
6 cours Albert Thomas
BP 8242
69355 Lyon Cedex 08
Tel : 04 78 78 76 41
E-mail : [email protected]
RESUME
Les entreprises publiques sont aujourd’hui confrontées à un environnement changeant, la
législation européenne évolue et contraint ces organisations à ouvrir leur marché national, sur lesquelles
elles se situent généralement en position de monopole, aux concurrents étrangers.
Ces nouvelles exigences bousculent les habitudes de gestion ainsi que les salariés car le
sentiment de sécurité tend à s’évaporer. A la veille d’une transformation structurelle majeure annoncée à
la SNCB, nous analysons le processus de promotion interne afin de comprendre si les salariés se sentent
menacés vis-à-vis de leur carrière professionnelle au sein de cette entreprise.
La configuration classique des entreprises publiques repose sur une structure de type
bureaucratique, caractérisée par une gestion du travail fortement divisée, par une coordination entre les
services et les individus basée sur des mécanismes très formalisés. La SNCB est une entreprise ancienne,
de grande taille, répondant à ces critères.
La carrière des salariés dans une même structure repose sur des procédures formelles, entretiens de
progrès ou encore concours internes, ou sur des procédures de nature plus informelles, reposant sur la
constitution d’un réseau interpersonnel. En fonction de leurs réseaux, les individus peuvent mobiliser
diverses ressources nécessaires dans leurs possibilités de négociation avec l’entreprise. Ils restent
vigilants sur les ouvertures de postes, sur les procédures et contacts à établir pour bénéficier d’une
promotion.
Les relations interpersonnelles favorisent la constitution d’un capital social. Trois formes distinctes
de capital social peuvent être répertoriées : la confiance, les normes et les réseaux. Il peut être mesuré en
fonction du nombre de contacts qu’une personne possède. Les réseaux constitués de « liens forts »,
membres de la famille ou amis proches, favorisent les relations de confiance mais pas la richesse d’accès
à l’information. L’établissement et le maintien d’un réseau de connaissances sont également propices à
la promotion, les « amis » ont tendance à être sélectionnés en premier. La constitution d’un réseau de
« liens faibles », réseau constitué de connaissances, amis éloignés, permet l’obtention d’une information
non redondante concernant l’ouverture des postes en promotion interne.
La SNCB, entreprise publique performante assurant à ses salariés des conditions d’emplois
favorables notamment en ce qui concerne la sécurité de l’emploi, propose à ses employés deux types
distincts de promotions selon leur degré de qualification. Deux processus s’opposent selon la
formalisation des procédures de promotions internes. Les techniciens s’inscrivent à des concours
internes tandis que les managers instaurent des relations interpersonnelles essentielles pour leur parcours
professionnel interne.
MOTS CLES
Entreprise Publique, Carrière, Promotions Internes, Capital Social, Réseaux Sociaux
ETUDE DE LA GESTION DES PROMOTIONS INTERNES AU
SEIN D’UNE ENTREPRISE PUBLIQUE : LA SNCB
Les entreprises publiques sont souvent caractérisées par une certaine longévité, une grande taille
et une réglementation des procédures de gestion interne. De nature bureaucratique, souvent influencées
par la présence de syndicats pour représenter les salariés, le travail est fortement divisé et la coordination
entre les différents services est assurée par des mécanismes formalisés, procéduraux.
La gestion des ressources internes dépend de procédés standardisés, planifiés, issus de
négociations entre les dirigeants et les syndicats, facilement identifiables puisqu’ils sont érigés pour être
lisibles et équitables.
Toute organisation comprend une composante formelle, représentée par la réglementation
interne, et une composante informelle, observable grâce aux réseaux interpersonnels. Le salarié n’agit
pas de manière isolée dans cette structure, aussi formalisée soit elle, mais est encastré malgré lui dans un
réseau social, constitué de liens plus ou moins forts. La constitution de ces réseaux va favoriser la
création d’un capital social, la possibilité de bénéficier de ressources pour agir sur l’environnement. Les
ressources dont dispose un salarié génèrent un levier d’action sur la structure, sur sa carrière interne,
donc sur ses possibilités de promotions internes.
La législation européenne entraîne des modifications majeures dans le paysage organisationnel,
certaines entreprises publiques doivent ouvrir leur marché national, sur lequel elles se trouvent en
position de monopole, aux concurrents étrangers.
La problématique de notre étude est : quelles sont les possibilités d’action des salariés dans une
entreprise publique, confrontée à des changements organisationnels importants afin de se conformer à la
législation européenne, en termes de carrière professionnelle à travers l’étude des processus de
promotions internes ?
Notre analyse se base sur une configuration tripolaire :
•
L’entreprise : elle doit gérer sa main-d’œuvre en orientant ses salariés vers les secteurs porteurs,
afin de rester performante. Elle peut s’adresser directement aux salariés ou choisir de changer les
règles internes.
•
Le salarié : il doit s’adapter aux règles imposées par l’entreprise ou tenter de les modifier afin
d’envisager l’évolution de sa carrière.
•
Les règles du jeu : elles changent selon les besoins exprimés par l’entreprise ou l’action des
salariés.
Ces trois pôles étant interdépendants, nous étudions leurs relations à travers un processus : le système de
promotion interne.
1
Nous débattons sur les perspectives de carrière des salariés, que ce soit dans des organisations privées ou
publiques, en précisant le rôle du capital social et des réseaux sur les promotions internes. Puis nous
présentons notre enquête, fondée sur 30 entretiens conduits à la SNCB, Entreprise Nationale des
Chemins de Fer Belge. Par la suite, nous analysons les différentes solutions proposées par la SNCB à ses
salariés en termes de promotion. Finalement, nous identifions les moyens d’action des salariés sur leur
carrière dans cette entreprise publique.
1. Les salariés face à leur carrière
1.1. Pourquoi faire carrière ?
En termes de carrière, diverses opportunités s’offrent aux salariés : ils peuvent opter pour la fidélité à
une structure ou au contraire préférer un changement d’environnement régulier en se dirigeant vers les
offres disponibles sur le marché professionnel.
La carrière, définie comme « l’évolution professionnelle dans une organisation donnée ou de manière
plus large, comme un ensemble d’expériences diverses tout au long de la vie » indique qu’un salarié peut
rester fidèle à une entreprise ou au contraire opter pour une vie plus « nomade ». (Livian in Guerrero et
ali, 2004).
Divers facteurs influencent le choix des individus à s’orienter soit vers une carrière professionnelle
axée sur un métier soit vers une ascension hiérarchique liée à l’entreprise dans laquelle ils évoluent.
Deux types de carrière peuvent être répertoriées : les carrières professionnelles et les carrières
traditionnelles. (Roger in Peretti et al., 2001).
CARRIERE
Professionnelle
Traditionnelle
communauté professionnelle
Entreprise
Valeurs, orientations
Diplômes, Progrès des
Connaissances, compétence
Professionnelle, élitisme
Expérience
Hiérarchie de l’organisation
Loyauté, résultats, pouvoir.
Evaluateurs principaux
Collègues, pairs.
Supérieurs hiérarchiques
Référence principale
Figure n°1 : Principales caractéristiques d’une orientation de carrière professionnelle ou traditionnelle. (Figure
extraite de Roger in Peretti et ali, 2001, P 188).
La motivation des salariés pour une carrière peut être définie comme concernant « tout ce qui pousse les
individus à agir indépendamment du contexte, c'est-à-dire en fonction de leurs besoins » (P. Bernoux,
1985). Pourtant, ces besoins vont naître des normes qu’ils auront intégrées au cours de leur parcours
social : l’école, l’Etat et bien entendu, l’entreprise dans laquelle ils évoluent. L’individu diplômé aura le
choix de se concentrer sur sa profession et éprouvera moins d’attachement à une structure, son sentiment
2
d’appartenance à une communauté professionnelle désigne ses pairs comme juges. Au contraire, le
salarié qui a travaillé jeune a acquis ses compétences par l’intermédiaire de son environnement
professionnel et non par l’école. Il éprouve plus facilement un sentiment de loyauté envers
l’organisation: sa hiérarchie est alors sa référence.
Roger (Peretti et ali, 2001) analyse les perspectives de carrière des individus en fonction des stratégies
observées dans leur entreprise. La figure suivante montre les critères d’évolution par type de stratégie, la
manière dont la mobilité s’opère ainsi que les moyens alloués aux salariés pour prétendre à une carrière
professionnelle. Quatre types de stratégies d’entreprises sont présentées selon les intérêts suivants : les
résultats, les procédures, l’ambiance ou bien le développement individuel.
Entreprise centrée sur
- Les résultats
Critère d’évolution
Réalisation d’objectifs
Mobilité
Moyens
Interne ou
externe
Autonomie
Délégation
- Les procédures
Respect des règles
Réussite aux
Examens,
Ancienneté
Interne
Règles formalisées,
Grilles, examens,
concours.
- L’ambiance
Loyauté,
esprit d’équipe
Interne
Parrains, mentors
Information interne
- Le développement
individuel
Potentiel
Interne et
externe
Entretiens
d’orientation
Bilans
Professionnels
De compétences
Formation.
Figure n°2 : La gestion des carrières dans différents types d’entreprise. (Figure extraite de Roger in Peretti et ali,
2001 P185).
Les salariés optant pour une carrière traditionnelle dépendent des choix stratégiques de leur organisation,
ils ne souhaitent pas changer de structure. La première entreprise laisse beaucoup d’autonomie à ses
salariés, leur promotion dépend de leurs performances, de l’atteinte de leurs objectifs. Dans la deuxième,
la promotion est basée sur la réussite de concours internes : les salariés sont responsables de leur
carrière. Dans la troisième catégorie, les relations interpersonnelles sont encouragées, les collaborateurs
travaillent en équipe et s’évaluent mutuellement. Finalement, dans la dernière configuration, la carrière
dépend du potentiel des individus, la hiérarchie détecte les salariés compétents pour les accompagner
dans leur évolution et les guider sur de nouveaux postes.
3
Ainsi :
•
Les entreprises peuvent orienter la carrière de leurs salariés, elles choisissent le contexte
réglementaire dans lequel évoluent les acteurs.
•
Les individus peuvent préférer une carrière traditionnelle ou professionnelle. Selon les
ressources qu’ils disposent, ils peuvent prétendre ou non à une promotion.
•
La réglementation définit la structure et organise les relations entre les salariés. Elle n’est pas
figée, elle évolue selon les besoins de l’entreprise ou selon les actions des individus.
La réglementation peut être perçue comme vecteur : L’organisation et les salariés dépendent de la
réglementation mais ils peuvent également la changer. Leurs relations s’expriment de la manière
suivante :
ORGANISATION
REGLEMENTATION
SALARIES
Figure n°3 : La réglementation comme vecteur des relations entre l’organisation et les salariés.
La réglementation, considérée comme cadre inférant de l’intérieur sur l’organisation comme sur les
salariés, devient personnalisée. Envisagée comme un « construit politique et culturel », elle génère des
codes de conduite et des procédures à suivre. (Crozier, Friedberg, 1977). Le schéma suivant souligne
l’interdépendance entre ces trois éléments :
ORGANISATION
SALARIES
REGLEMENTATION
Figure n°4 : Les relations d’interdépendance entre l’organisation, les salariés et la réglementation.
C’est au cœur de ces relations triangulaires d’interdépendance que nous allons analyser le système de
promotion interne, ce dernier soulignant les intérêts de chacun des acteurs à cohabiter ensemble.
4
1.2. Le système de promotion interne
Le système de promotion consiste en la nomination d’une personne à un emploi supérieur1, il s’agit
d’un processus d’évolution dans une entreprise. Deux formes de promotions internes distinctes et
cependant imbriquées peuvent être répertoriées dans la littérature :
•
Un système formel caractérisé par des outils spécifiques
•
Un système informel où les jeux d’acteurs, le capital social et les réseaux sociaux sont prégnants.
1.2.1 Présentation du système de promotion interne formel.
Le système de promotion interne formel, obéissant à des règles précises, est caractérisé par des outils
spécifiques clairement identifiés. Les individus accèdent au rang supérieur. Ce système, ancré dans la
structure formelle de l’entreprise est identifiable par l’étude de la réglementation interne.
Tout d’abord, une analyse des relations d’autorités entre les acteurs d’une entreprise grâce à la
visualisation d’un organigramme indique la constitution de réseaux interpersonnels formels.
L’organigramme est « une carte » qui « donne une image exacte de la division du travail et indique du
premier coup d’œil comment l’autorité formelle circule entre les postes… ». (Mintzberg, 2003).
L’autorité formelle est définie par l’organisation, certains acteurs ont un pouvoir, « une autorité
légitime » sur d’autres membres de la structure. (Crozier, Friedberg, 1977). La « hiérarchisation » des
individus ainsi que leur fonction dans l’entreprise va permettre à l’organisation d’investir certains
acteurs de missions basées sur des règles précises comme la sélection des salariés à promouvoir.
Du point de vue de l’entreprise, la promesse de reconnaissance et de gratification par la valorisation
des meilleurs éléments favorise l’investissement de certains individus dans leur travail. Au niveau du
salarié, la perspective d’une carrière est un facteur de motivation. Certaines entreprises instaurent la
promotion à l’ancienneté, comme dans l’étude de l’agence comptable parisienne présentée par Michel
Crozier (Crozier, 1963), où l’organisation peut modeler des « habitudes de comportement du futur
cadre », l’apprentissage s’effectue avec le temps. D’autres entreprises optent pour une promotion basée
sur concours internes écrits de type scolaire, ils ne se basent pas sur les compétences nécessaires au
nouveau rang, métier, mais sur les connaissances générales de l’individu. Ils visent à sanctionner un
« niveau de culture générale…, leur préparation demande donc de longs et pénibles efforts ». (Crozier,
1963, P53, P18). Certaines organisations proposent des entretiens annuels d’évaluation. L’objectif de
ces entretiens est de faire un bilan de l’année écoulée, définir les objectifs de l’année à venir et de
convenir des outils appropriés pour les réaliser. L’entreprise identifie son personnel qualifié afin de gérer
au mieux ce capital. L’accroissement des compétences du personnel de l’entreprise, la possibilité de
formations en interne ou en externe sont envisageables au cours de cet entretien, cela génère de la valeur
ajoutée. (Aubin, 2002). L’entreprise peut sous-traiter les évaluations des promotions et s’adresser à
des organismes professionnels, des « Assessment Centers ». La sélection des candidats pour le nouveau
1
Hachette dictionnaire, 1991
5
poste s’effectue par des techniques de reconnaissance des compétences, recouvrant par exemple le
savoir, savoir faire et savoir être. Le 360° Feed Back ou encore l’exercice In Basket sont deux exemples
de tests auxquels sont soumis les candidats. Le premier consiste à faire évaluer le salarié par les
membres de son entourage pour découvrir ses points faibles et forts. La deuxième technique vise à
mettre en situation le salarié afin d’appréhender ses réactions face à des situations difficiles à gérer. Les
meilleurs éléments sont ainsi sélectionnés.
De multiples facteurs incitent le salarié à envisager une carrière professionnelle, la plus souvent citée
étant l’augmentation salariale. Pourtant, l’homme peut trouver d’autres sources d’intérêt au travail que la
rémunération, la théorie des besoins et des motivations évoque ainsi « l’épanouissement au travail »
(Bernoux, 1985)
La promotion est un critère de satisfaction du salarié dans l’entreprise. Une promesse explicite ou
implicite de carrière a le mérite de retenir l’individu dans l’organisation, de lui procurer une lisibilité sur
son avenir professionnel. Diverses techniques formelles permettent au salarié d’obtenir un avancement.
L’entretien professionnel représente l’occasion d’informer son supérieur hiérarchique direct de son
ambition personnelle, cela ne signifie pas qu’il sera promu mais qu’il a l’occasion de faire connaître ses
ambitions. Dans une structure où les promotions internes se déroulent sous forme d’examen, le salarié a
l’initiative de se présenter. Le secteur d’activité, s’il est économiquement porteur, est générateur
d’opportunités. Les opportunités de promotions dépendent directement du secteur professionnel du
salarié. Le recours aux formations internes ou externes permet une augmentation du champ de
compétences pour une éventuelle évolution hiérarchique. (Aubin, 2002)
Selon l’action qu’exercent les individus ou selon les besoins des organisations, ces règles de
promotions internes formelles s’adaptent, elles ne sont pas figées. L’intérêt pour les organisations de
proposer des promotions réside dans la gestion de sa main d’œuvre. Les salariés tirent profit des
différentes opportunités qui s’offrent à eux, ils bénéficient d’une lisibilité dans leur avenir professionnel.
Nous ne pouvons cependant pas limiter notre analyse des promotions internes au système formel car
l’organisation n’est pas simplement régulée par des règles internes, elle l’est également par un système
de relations informelles.
1.2.2. Présentation du système de promotion informel.
La gestion des relations établies entre les salariés ainsi que la résolution des problèmes rencontrés à
tous les niveaux de la hiérarchie ne sont maîtrisées que partiellement par l’organisation. Une entreprise
ne correspond pas seulement à un ensemble entièrement contrôlé par des règles figées, « il existe dans
les organisations des centres de pouvoir qui ne sont pas officiellement reconnus », cela implique qu’une
décision de promotion peut être prise « indépendamment du système régulé ». (Mintzberg, 2003). En
fait, les entreprises ne fonctionnent pas sans ce système informel même si ce dernier échappe totalement
au contrôle de la structure, « les organisations sont le résultat de compromis entre les acteurs qui la
composent » (Bernoux, 2004). Le système de promotion interne informel consiste à analyser « les liens
6
spontanés et flexibles établis entre les membres de l’organisation sur la base de sentiments et d’intérêts
personnels », certains individus, grâce aux liens qu’ils auront su tisser avec leur entourage, favorisent
leur ascension hiérarchique. (Mintzberg, 2003).
L’identification de la place de l’acteur dans la structure favorise la compréhension de ses possibilités
d’action sur l’organisation, plus particulièrement sur le système de promotion. La maîtrise de
l’environnement, contribuant à la satisfaction des intérêts des salariés, est envisagée par Michel Crozier
et Erhard Friedberg comme une source de « pouvoir ». Ils définissent le « pouvoir » comme étant « une
relation d’échange, donc réciproque, mais où les termes de l’échange sont plus favorables à l’une des
parties en présence ». (Crozier, Friedberg, 1977). Les acteurs doivent s’armer de « ressources » pour
favoriser leur carrière, ces dernières peuvent être de quatre types différents :
1/ La maîtrise d’une compétence particulière, une spécialisation fonctionnelle
2/ L’entretien d’une relation personnelle entre son organisation et l’environnement
3/ L’individu maîtrise la communication et l’information
4/ La maîtrise des règles organisationnelles générales pour mieux les utiliser dans son propre intérêt.
Grâce à leurs différentes sources de « pouvoir » sur le système, les salariés disposent de divers procédés
pour acquérir un contrôle sur leur carrière professionnelle.
La participation aux décisions stratégiques et managériales, liées à la position du salarié dans la ligne
hiérarchique, autorise l’accès à un réseau interpersonnel influent, générateur de simplification des règles.
La connaissance des ouvertures de postes avant toute divulgation officielle, les relations entretenues
avec les membres du jury sont des atouts dans les procédures de sélection des candidats (Nizet, Pichault,
2001) Son investissement dans la vie de l’entreprise, créateur de valeur ajoutée, place le salarié en
position favorable de négociation.(Crozier, Friedberg, 1977).
Ensuite, certains acteurs rattachés au centre opérationnel, c'est-à-dire les « membres… dont le travail est
directement lié à la production de biens et de services », bénéficient de sources de pouvoir grâce à leur
position d’ « expert du terrain » (Mintzberg, 2003). Leurs compétences sont incontournables dans la
résolution de difficultés techniques, d’ordre opérationnelles. Cet expert, refusant de communiquer son
savoir faire, maîtrise une « compétence particulière » dont il obtiendra une « source de pouvoir ».
(Crozier, Friedberg, 1977).
Afin d’éviter l’autarcie, certains postes sont créés pour entretenir et faciliter les relations entre
l’entreprise et son environnement. Certains salariés sont responsables de négociations avec des
partenaires extérieurs à l’organisation comme des conseillers municipaux, ils assurent le rôle
d’intermédiaire. La maîtrise des canaux relationnels, la capacité à s’adresser aux interlocuteurs adéquats
au moment opportun, confèrent au salarié des moyens de pression sur sa ligne hiérarchique (Crozier,
Friedberg, 1977). Ses fonctions sont liées à celles d’un traducteur, les intérêts de l’entreprise doivent
rejoindre ceux des intervenants externes (Callon, 1986). Les compétences de l’individu étant
7
difficilement transférables, ses possibilités de carrière sont fonction non seulement de sa position
particulière au sein de la structure mais également de ses capacités de négociation.
La distribution des « pouvoirs » officiels s’effectue d’après la ligne hiérarchique, du sommet stratégique
au centre opérationnel, les marges décisionnelles s’amoindrissent. Bien que les relations
interpersonnelles soient dictées par cette organisation, certains acteurs, désireux de devancer
l’information, court-circuitent ce système. Le réseau interpersonnel du salarié, constitué de personnes
influentes, salariés mieux placés ou pairs, autorise la connaissance d’ouvertures de postes avant toute
divulgation officielle. Son attitude lui permet de connaître les jurys de sélection des candidats, plaçant le
salarié en position favorable de négociation. Le choix de divulguer ses connaissances implique un
moyen de pression sur son entourage, sur ses propres supérieurs. Il « affectera la capacité de jouer de ses
correspondants », il est acteur de son ascension sociale. (Crozier, Friedberg, 1977).
L’individu, par la connaissance des règles organisationnelles, maîtrise les « zones d’incertitude » pour
son bénéfice personnel (Crozier, Friedberg, 1977). En cas de conflit, par exemple si les procédures de
promotion ne sont pas respectées, le salarié bénéficiant du soutien des syndicats dispose d’un
« pouvoir » sur l’organisation : ses souhaits peuvent primer sur ceux de ses collègues en fonction de
l’entreprise.
Les salariés, désireux de promouvoir leur carrière professionnelle, optent pour la maîtrise d’une de
ces sources de « pouvoir », en fonction de leurs capacités personnelles. La constitution d’un réseau
social, favorisant la diversification des sources potentielles de « pouvoir » et autorisant l’accroissement
des ressources, représente un atout dans le processus de promotion interne.
2. Le rôle du capital social et des réseaux sociaux.
2.1 Définition et rôle du capital social dans le processus des promotions internes
Le capital social renvoie aux ressources issues des relations sociales plus ou moins
institutionnalisées. Le capital social peut exister sous trois formes distinctes (Landry, Amara, Lamari,
2001) :
•
La confiance : variable dépendante du temps et de la fréquence des relations entretenues,
•
Les normes : elles sont établies en fonction de la nature des échanges dans le temps,
•
Les réseaux : Ils sont formés par les acteurs lors de leurs interactions avec d’autres individus
grâce à une communication efficace et fiable.
Trois dimensions distinctes de capital social peuvent être identifiées : la dimension structurelle, la
dimension relationnelle et la dimension cognitive.
Les formes structurelles définissent les « rôles, règles, procédures et réseaux qui facilitent les efforts de
coordination, la création d’attentes et la réduction des coûts de transaction ». (Landry, Amara, Lamari,
2001).
8
La dimension relationnelle concerne les relations entre les individus (la confiance ou encore la
réciprocité).
La dernière dimension, le capital social cognitif, regroupe les « normes, valeurs, attitudes et croyances
affectant l’interdépendance entre les acteurs ». (Landry, Amara, Lamari, 2001).
Il faut distinguer le capital social du capital humain. Le capital humain comprend les
« connaissances, les aptitudes, les compétences et les autres attributs, réunis chez les individus, qui ont
trait à l’activité économique ». (Schuller, 2001). Il est généralement mesuré par la durée de scolarité ou
encore les degrés de qualification. Le capital social fait référence aux réseaux, à la manière dont ces
derniers s’articulent afin de permettre aux individus d’atteindre leurs objectifs. Le capital humain étudie
le comportement des individus, la manière dont ces derniers additionnent leurs connaissances et leurs
aptitudes. Le tableau suivant permet de mieux visualiser la distinction entre capital humain et capital
social (Schuller, 2001).
Capital Humain
Capital Social
Orientation
Individu
Rapports
Mesures
Durée de scolarité, qualification
attitudes, valeurs.
Appartenance/participation à
un groupe. Degré de confiance
Résultats
Directs : revenus, productivité
Indirects : santé, activité civique
Cohésion sociale, réalisation
économique
Modèle
Linéaire
Interactif, Circulaire
Figure n°5 : Les rapports entre la capital humain et le capital social. (Schuller, 2001).
Le capital humain repose donc sur une dimension individuelle alors que le capital social sur un
aspect relationnel. Cependant, la décision d’investir dans un capital social appartenant à l’individu et non
à un réseau, la dimension individuelle complète l’approche relationnelle. (Glaeser, 2001).
Le capital social individuel concerne « l’ensemble des qualités sociales que possède un individu, le
charisme, les contacts humains…, tout ce qui l’enrichit dans ses relations avec les autres. (Glaeser,
2001). E.L. Glaeser propose de définir le capital social de la manière suivante :
Le Capital Social (= une variable de stocks « S ») génère à chaque période des revenus marchands (Rm)
et des revenus non marchands (Rn).
Les revenus marchands regroupent toutes les compétences et les relations sociales, ces dernières
peuvent être utilisées afin d’obtenir une promotion interne.
Les revenus non marchands désignent les gains résultants de l’investissement dans le capital social.
9
Investir dans le capital social nécessite du temps et a un coût. L’auteur estime que « l’investissement
privé optimal dans le capital social implique que les individus s’investissent jusqu’au point où les coûts
marginaux privés correspondent aux bénéfices marginaux du capital social ». (Glaeser, 2001). Le
modèle suggère que l’investissement dans le capital social :
•
Diminue avec la mobilité
•
Décline sur la durée du cycle de vie
•
Croît avec les bénéfices en terme d’emplois.
Le capital social peut être mesuré en fonction du nombre de contacts qu’une personne possède. On
désigne par « contact » un autre acteur avec qui la personne étudiée serait en relation directe. (Coleman,
1988).
La décision d’investissement dans un capital social peut être guidée par un désir de promotion. L’acteur
opte alors pour une stratégie sur le long terme : la constitution d’un réseau social prend du temps. Les
résultats dépendent de la capacité de l’individu à entretenir ses contacts, le capital social a un coût.
2.2 Utilité des réseaux sociaux dans le processus des promotions internes
Le capital social implique la constitution d’un réseau interpersonnel. Dans le cadre d’une promotion
interne, les compétences, les aptitudes ET le capital social du salarié permettent la sélection des
candidats.
En théorie, dans le cadre d’échanges marchands, un réseau est évolutif dans le temps : un vendeur peut
décider de négocier avec différents acheteurs d’un jour à l’autre. La récurrence des échanges n’a donc
rien à voir avec le marché établi dans le passé. Choisir le meilleur échange suppose que chaque personne
possède de l’information sur les biens disponibles sur le marché, sur les vendeurs, sur les acheteurs et
sur les prix. La structure des relations sociales sur un marché donné peut affecter, voire remplacer le rôle
de l’information. Ce phénomène est défini comme « la contagion » et la « proéminence » des réseaux
comme capital social. (Burt, 2001). La constitution d’un réseau social par les salariés d’une entreprise
est envisagée comme une source d’informations bénéfique à la connaissance de l’organisation d’une
promotion interne.
La communication est un processus qui nécessite du temps, les premières relations dans le temps établies
par une personne affectent directement son savoir. L’information tend à se diffuser, en premier lieu, au
sein d’un groupe puis dans un deuxième temps, entre les différents réseaux interpersonnels. Les
individus ne sont donc pas simultanément au courant des différentes opportunités qui peuvent s’offrir à
eux, notamment en terme de promotions internes. (Burt, 2001).
La densité des réseaux favorise la coopération entre les individus, une mutuelle surveillance découlant
de la nature des liens : ils sont étroits. Un réseau dense réduit les risques qu’engendre la coopération.
Ronald S. Burt parle d’ « enclos » : un réseau clôturé permet non seulement l’accès à l’information, par
l’intermédiaire du réseau, mais également la mise en place par le groupe de sanctions. Cette situation
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favorise la coopération, la confiance entre les acteurs. Ce type de réseau est propice à la divulgation de
l’information concernant les possibilités de promotions internes. (Burt, 2001).
La capacité d’un individu de connecter deux groupes sociaux conduit à une situation de négociation : de
“courtage”. Un avantage compétitif naît des « trous structuraux », des liens non établis naturellement ou
volontairement entre deux groupes sociaux. Les « trous structuraux » entre deux groupes ne signifient
pas que le premier groupe ignore le deuxième, cela implique seulement que les personnes du premier
groupe sont centrées sur leurs propres activités et qu’elles ne se préoccupent pas de celles du deuxième
groupe. Chaque individu, appartenant à un groupe ou à un autre, fait circuler différents types
d’information. Les « trous structuraux » représentent une opportunité pour « vendre » l’information
entre deux groupes distincts, et une manière de contrôler les projets qui relient les différentes personnes
impliquées indifféremment de leur groupe social d’appartenance. (Burt, 2001). La richesse de
l’information concernant les ouvertures de postes à l’interne dépend directement des liens établis entre
différents groupes sociaux, et non de leur taille.
Les possibilités de promotion interne dépendent également de la nature des liens établie par les acteurs.
Deux types de liens sont répertoriés (Granovetter, 1983):
•
Les liens forts : ils unissent les personnes d’une même famille, les amis proches,
•
Les liens faibles : ils unissent les relations de travail, les amis des amis, les personnes que l’on
côtoie dans son quotidien.
L’auteur prend l’exemple d’un individu appelé Ego qui a plusieurs amis proches, la plupart se
connaissent entre eux, ils constituent un réseau à forte densité. Ego fréquente également des relations,
des connaissances, et ces personnes ne se fréquentent pas obligatoirement. Par contre, chaque personne
appartenant au réseau de « liens faibles » connaît Ego et possède en parallèle son propre réseau de
« liens forts ». Le réseau de connaissances d’Ego n’est donc pas simplement un réseau de « liens
faibles » mais un pont crucial entre différents réseaux de
« liens forts ». (Granovetter, 1983).
M.Granovetter soutient que sans « liens faibles », une personne est désavantagée sur le marché du
travail, elle bénéficie de moins d’informations et dépend directement de ses « liens forts ». Les « liens
forts » unissant des personnes qui se ressemblent, l’information qui circule dans ce cercle a souvent un
caractère redondant (Granovetter, 1983). Cette conclusion peut être ramenée à l’échelle d’une
organisation : sans « liens faibles », un salarié ne bénéficie pas souvent de l’information concernant les
promotions internes, notamment au niveau de la diffusion de l’information concernant les ouvertures de
postes. L’établissement et le maintien d’un réseau de connaissances est également propice à la
promotion, on sélectionne des amis…. Dans son étude, S.Langlois suggère que les personnes
sélectionnées pour un nouveau poste bénéficient de liens faibles dans les structures d’accueil. (Langlois,
1977).
11
La construction d’un réseau interpersonnel n’est pas suffisante pour s’assurer d’une promotion interne,
la santé économique de l’entreprise est un facteur notable dans le processus d’ouverture et de sélection
des candidats. (Lin, Nan, Ensel, Vaughn, 1981 ; Granovetter, 1983 ).
Résultats de l’entreprise
Liens faibles (hypothèse : une aide pour être promu)
Seulement si le lien faible est relié à une personne haut placée dans la structure
Figure n°6 : Les possibilités de promotion dépendent de la santé de l’entreprise et de la position
hiérarchique du lien faible dans la structure.
Dans une entreprise performante, le lien faible est d’autant plus efficace que sa position dans la structure
est élevée.
L’obtention d’une promotion interne est facilitée par la constitution d’un réseau interpersonnel. Les liens
faibles sont nécessaires car ils permettent l’accès à une information différente de celle que l’on possède
dans son réseau de liens forts. Connaître la personne responsable des promotions est un atout dans le
processus. L’établissement de liens avec elle peut suffire mais il est plus avantageux d’être en rapport
avec un ami proche de cette personne. Il est donc nécessaire d’établir des ponts entre différents réseaux
de liens forts. Ces ponts « locaux » tendent à être des liens faibles car les liens forts encouragent une
proximité triadique qui élimine les ponts locaux, on aborde la notion de transitivité.
SI A
B
ET B
C
ALORS
A
B
C
Figure n°7 : Illustration des rapports transitifs dans un réseau de liens forts.
Les réseaux des liens forts tendent à être transitifs, si A connaît B et que B est en relation avec C, alors A
est amené à rencontrer C.
Les réseaux des liens faibles ne sont pas obligatoirement transitifs, certains sont même intransitifs. A
n’est pas forcément en relation avec C, il peut même ignorer son existence. Les réseaux des liens faibles
sont moins structurés, ils ont un rôle de pont reliant les différents groupes sociaux. (Granovetter, 1983).
Nous allons maintenant évoquer les possibilités de promotions internes des salariés de la SNCB par
l’analyse des processus de promotions internes formels et informels.
12
3. Présentation de la stratégie mise en place par la SNCB pour promouvoir sa main
d’oeuvre
3.1 Le contexte : le cas d’une entreprise des chemins de fer Belge, la SNCB.
Nous étudions l’influence du capital social et des réseaux sociaux sur les possibilités de carrières des
salariés à partir d'une étude de cas : la SNCB.
Après avoir introduit la SNCB, nous détaillons notre méthode de recueil de données.
Créée en 1926, la SNCB ou Société Nationale des Chemins de Fer Belge, entreprise publique
autonome de droit belge, forte d’un chiffre d’affaires de 2,33 milliards d’euro en 2003 et d’un réseau
s’étendant sur 3521 KM, a pour métiers de base :
•
L’acheminement des voyageurs
•
L’entretien du réseau
•
Le transport des marchandises.
Nous sommes en présence d’une structure bureaucratique caractérisée par une centralisation des
pouvoirs et une réglementation rigide, « qui ne tient pas seulement aux pressions qui viennent d’en haut.
Les subordonnés acceptent de jouer ce jeu qui leur est imposé dans la mesure où ils peuvent s’en servir
dans leur propre intérêt et en tirer parti ». (Crozier, 1963). Quatre facteurs sont révélateurs du degré de
rigidité d’une structure (Crozier, 1963) :
1) L’étendue du développement des règles interpersonnelles
2) La centralisation des décisions
3) L’isolement de chaque strate ou catégorie hiérarchique et l’accroissement concomitant de la
pression du groupe sur l’individu
4) Le développement de relations de pouvoir parallèles autour de zones d’incertitude qui subsistent.
L’analyse des objectifs principaux, que nous allons détailler, désignés par le directeur des ressources
humaines en terme de gestion du personnel indique que nous nous situons dans ce cadre. Ces objectifs
sont divisés en cinq points2 :
1) La coordination des relations sociales et des conditions de travail au sein de la SNCB
2) La coordination de la gestion des effectifs de la SNCB (besoins en personnel, formation, gestion du
personnel d’encadrement supérieur)
3) La définition d’un cadre réglementaire pour les carrières : politique salariale, mutations…
4) La gestion de l’administration du personnel (recrutements et formation, carrières et rémunérations,
pensions, relations sociales et services médicaux)
5) Coordination et gestion de la politique du personnel de la SNCB.
2
13
Source internet : www.b-rail.be suivre L’entreprise -organigramme.
Le premier objectif souligne l’action du service des ressources humaines sur la réglementation interne,
en définissant le cadre juridique et social des relations interpersonnelles et des conditions de travail. Ce
service est médiateur, chargé des négociations avec les syndicats, tout changement étant soumis à leurs
avis.
Le second, la décentralisation étant absente, la coordination des effectifs est intimement liée au service
des ressources humaines. Chaque département doit faire remonter l’information concernant leurs besoins
en personnel, le service des RH se charge ensuite des ouvertures des sessions de concours. Ce type de
fonctionnement génère un processus lent, les procédures sont lourdes. Les services recruteurs ne
choisissent pas leur personnel car le candidat, selon son classement au concours, choisit le département
qu’il veut rejoindre, il n’a aucune contrainte dans ses choix : il n’y a pas toujours d’adéquation entre les
compétences de l’individu et celles nécessaires pour tenir le poste. Le concours, organisé selon le grade
des salariés, porte sur des connaissances d’ordre général. Les demandes de formation doivent remonter
au service des ressources humaines, elles sont ainsi regroupées sur un métier mais pas adaptées
précisément à un poste en particulier. Le personnel d’encadrement supérieur bénéficie d’un traitement
particulier : son évaluation ne dépend pas du service des ressources humaines mais du comité de
direction.
Le troisième élément désigne les conditions d’accès aux concours et la gestion des demandes de
mutation.
Le quatrième, le département des ressources humaines, responsable du recrutement externe, annonce les
ouvertures de poste au grand public et ouvrent les sessions. Les services recruteurs ne choisissent pas
leurs personnels, ils ne font pas partie de la procédure de recrutement.
Cinquièmement, la dernière mission su service des Ressources Humaines concerne la gestion des flux de
personnel.
Deux types de salariés sont engagés à la SNCB : les statutaires et les contractuels. Différentes
réglementations sont appliquées selon le statut du personnel. Les statutaires, représentant la majeure
partie des salariés, sont soumis à l’application « du Statut du Personnel » propre à l’entreprise. Les
contractuels sont soumis à la loi Belge concernant les contrats de travail du 03.07.1978.
Après avoir présenté nos données, nous analysons les perturbations engendrées par les nouvelles
réglementations européennes sur ce système d’organisation.
3.2 Le recueil de données
La SNCB est une entreprise composée à la fois d’une population flamande et d’une population
wallonne.
Les salariés sont répartis dans l’entreprise en fonction de leurs rangs. Les rangs correspondent à la
position des personnes dans la hiérarchie de l’entreprise. La répartition se réalise de la manière suivante :
14
•
Les salariés titulaires d’un diplôme d’études supérieurs (experts, dirigeants) regroupés dans
les rangs de 0 à 3.
•
Les autres salariés (ouvriers, agents de maîtrise) étant répartis dans les rangs 4 à 9 en fonction
de leur diplôme.
31 entretiens semi directifs ont été conduits dont 14 sur les salariés appartenant au rang 4 à 9 (présentés
en annexe 1), 15 provenant des individus des rangs 0 à 3 (présentés en annexe 1) et un entretien réalisé
auprès d’une personne responsable des ressources humaines.
Deux systèmes de promotions internes se côtoient, ils s’adressent à la double répartition des salariés
évoquée ci-dessus. Le premier, adressé aux rangs 4 à 9, de nature très formelle, s’exprime sous la forme
de concours internes portant sur des sujets généraux. Le deuxième, prévu pour les rangs 0 à 3, où les
relations interpersonnelles sont importantes, prévoit un avis « très bon » du supérieur hiérarchique direct
afin de prétendre à la nomination par le comité de direction pour l’obtention d’un poste de niveau
supérieur.
L’objectif des entretiens réside dans la compréhension des motivations des salariés en terme de carrière
professionnelle.
Un entretien supplémentaire avec un directeur des ressources humaines a permis d’appréhender les
mécanismes de fonctionnement de la gestion du personnel dans cette entreprise.
Les techniques d’entretien utilisées reposent sur une prise de notes accompagnée d’un enregistrement
audio.
Les informations de cet article concernant la SNCB proviennent de ces entretiens ainsi que de
documents internes recueillis sur le site.
4. Analyse et discussion des premières observations
4.1 La stratégie mise en place par la SNCB pour s’adapter aux défis européens
La SNCB opte pour une restructuration afin de répondre aux exigences de la législation
européenne: « le contexte européen nous presse à réaliser cette réorganisation importante »3. La
distinction entre l’infrastructure et l’opérateur devient essentielle, le plan « move » prévoit la scission de
l’entreprise en trois structures pour 2005 afin de répondre aux exigences européennes, « le trafic
marchandises sera totalement (axes majeurs et transports intérieurs) libéralisé à partir de 2007… La
libéralisation du transport de personnes » 2 est prévue pour 2010. Le gouvernement s’engage a racheter
une partie de la dette de l’entreprise, « l’ensemble sur lequel gouvernement, entreprise et syndicats se
sont accordés comprend la reprise par l’Etat d’une partie substantielle de notre dette : 7,4 milliards
d’euros »2. La concurrence apparaissant sur le marché belge, la SNCB doit se protéger financièrement :
l’idée est de « mettre les entreprises ferroviaires traditionnelles sur pied d’égalité avec les nouveaux
opérateurs » 2.
3
15
Extrait du magazine du personnel de la SNCB « C'est-à-dire », 2004, volume n°2.
Trois unités vont émerger mais la gestion des ressources humaines sera toujours centralisée dans la
structure « Holding » comme le montre le schéma présenté en annexe 2.
Les missions de la Holding concerneront la gestion des ressources humaines, les finances, la gestion du
patrimoine ainsi que les services centraux. L’Exploitant, nommé SNCB, est l’opérateur, responsable des
voyageurs, des marchandises, des trains ainsi que du matériel. La dernière structure concerne
l’infrastructure, désignée dans le schéma par « gestionnaire d’infrastructure », appelée Infrabel, sa
responsabilité comprend la gestion de l’infrastructure et du réseau. La distinction entre l’infrastructure et
l’opérateur permet de ne pas biaiser les lois de la libre concurrence, le gestionnaire du réseau octroyant
des droits de passage ne doit pas privilégier l’opérateur belge au détriment des autres concurrents.
Ces modifications perturbent l’organisation interne du personnel : il faut répartir les salariés dans
chacune des nouvelles structures, les insérer dans un nouvel organigramme. La SNCB ne prévoit pas de
licenciement, les statutaires conserveront leurs privilèges.
Les salariés sont répartis hiérarchiquement selon le service auquel ils sont rattachés, selon le type
d’activité qu’ils exercent. La restructuration va entraîner la suppression de certains postes, certains
métiers devenus obsolètes, « La SNCB ne peut plus vivre comme depuis près de 80 ans en assumant les
mêmes tâches qu’autrefois » 2. La pérennité de l’entreprise dépend de sa capacité à adapter son personnel
aux nouveaux défis : « il faut améliorer notre manière de travailler et gagner en productivité » 2. Trois
comités opérationnels, composés de membres du comité de direction) travaillent les aspects du
changement notamment la redistribution des ressources humaines. La Holding, responsable des
rémunérations, de la sécurité sociale, sera chargée de mandater les salariés nécessaires au bon
fonctionnement des deux autres entités.
La stratégie de l’entreprise engendre une mesure de départs massifs à la retraite, les salariés comptant 20
ans de service et un âge minimum relatif aux rangs des salariés (rangs 7,8 et 9 : 55 ans ; les autres agents
doivent avoir 57ans) : la rentabilité est intégrée dans l’objectif de l’entreprise4.
4.2 Les salariés face à leur carrière professionnelle
Les salariés sont hiérarchisés dans les différents services par rangs. La classification s’établit par
niveau scolaire mais la promotion interne permet aux salariés d’accéder au niveau supérieur comme en
témoigne le tableau suivant (confère tableau N°8).
Les promotions internes sont favorisées par secteur d’activité comme en témoigne le responsable des
ressources humaines : « on n’a pas intérêt à ce qu’une personne formée dans un type de travail change
de travail. C’est une perte d’argent et de temps »5. Selon le domaine d’activité, les salariés peuvent
bénéficier soit de bonnes perspectives d’avancement (les administratifs recouvrant les rangs 3 à 9 par
exemple), soit de possibilités réduites en termes de carrière (les traducteurs se trouvent dans les rangs 3+
à 5).
4
Informations extraites d’un tract diffusé par le syndicat : C.G.S.P (Cheminots de la Région de Bruxelles), intitulé : « Avis au
personnel : mesures de départ », 2004.
16
5
Extrait de l’entretien avec l’un des responsables des ressources humaines.
Deux systèmes de promotion interne se côtoient dans la SNCB selon le niveau d’éducation des salariés.
Tout d’abord, un système formel qui s’adresse aux personnes des rangs 4 à 9. Les procédures sont régies
par des règles strictes. L’entreprise propose aux salariés un système de promotion basé sur l’ancienneté
où seule l’échelle indiciaire varie avec le temps, «le barème change à l’intérieur de la grille de
classification selon l’ancienneté du salarié ». 3. Le salaire dépend du coût de la vie, « il y a en Belgique
un système d’indexation, ce montant là dépend du coût de la vie, il est variable d’une année sur
l’autre »3.
Rangs 1, 2 et 3 supérieurs
Fonctionnaires supérieurs
Rang 3
Enseignement universitaire ou supérieur de type long
Rang 4
Enseignement supérieur de type court
Rang 5
Enseignement secondaire supérieur
Rang 6
Enseignement secondaire inférieur avec promotion
Rang 7
Enseignement secondaire inférieur
Rang 8
Formation interne
Rang 9
Aucun diplôme ni certificat
Figure n°8 : Tableau récapitulatif de la hiérarchisation des salariés de la SNCB par rang.(2004).
Le tableau indique que chaque rang implique un niveau scolaire. Cependant, dans la pratique, les salariés
ne sont pas tenus de posséder le diplôme requis, ils peuvent se présenter aux concours internes jusqu’au
niveau 4. Les examens, accessibles après 6 mois d’ancienneté, se décomposent généralement en deux
étapes distinctes : une partie écrite portant sur des connaissances d’ordre général puis un entretien oral
devant un jury. Pour certains postes, un entretien avec un psychologue peut être prévu. Ces examens
sont organisés, de manière systématique ou en fonction des besoins, selon le type d’emplois, par la
direction des ressources humaines, « de l’annonce par communication interne, de la logistique, de la
constitution des membres du jury » 3. Toute réglementation étant négociée avec les organismes
syndicaux, « tout ce qui concerne le personnel doit être discuté avec les organisations syndicales » 3,
certaines promotions sont freinées par manque d’ouverture de postes. Certains salariés se présentent
donc aux épreuves mais ne pourront bénéficier de leur nouveau grade : ils auront acquis des droits pour
les années à venir. Ces individus se trouvent sur liste d’attente, « tous les candidats sont classés par
rapport à leurs résultats, à l’année, la date d’obtention du diplôme, où ils se sont créés des titres » 3.
Lorsque des postes se libèrent, une liste est transmise aux candidats selon leurs résultats, « on va offrir
par exemple dix emplois vacants au premier de la liste…on ne les installe pas d’office, on leur donne le
choix » 3. Cette étape révolue, le salarié bénéficiera de son nouveau grade après réussite d’une année de
stage constituée de deux phases: les premiers six mois sont consacrés à une formation professionnelle
17
puis il testera son aptitude à gérer son nouveau poste. L’individu est acteur de sa carrière, il doit se
conformer aux procédures, lentes et longues, exigeant un investissement personnel. Les relations
interpersonnelles n’interviennent presque pas dans ces procédures, seul au moment de l’inscription au
concours, l’avis du supérieur hiérarchique est requis. Ce dernier donne de manière quasiment
systématique son consentement, avis favorable, sous peine de justifications auprès de l’entreprise, des
syndicats.
La restructuration conduisant à la disparition de certains métiers, les salariés ne pouvant être renvoyés
devront se diriger vers de nouveaux services. Les grades de chef de gare de 4° classe, les chefs-gardes
ou encore les officiers de police sont par exemple appelés à disparaître, « ces personnes sont donc
disponibles, l’objectif des ressources humaines est de leur trouver un emploi fonctionnel » 3. Les salariés
ont toujours la possibilité « de refuser si l’allongement de leur temps de parcours journalier excède 12
heures par rapport à ce qu’il était auparavant…le seul moyen que nous avons de palier à cela, c’est de
proposer des modules de formation très attractifs » 3.
Le passage du rang 4 à 3 est rare, il implique que les salariés acceptent de suivre un cursus scolaire en
externe, la SNCB ne proposant que des formations professionnelles, processus long exigeant un
investissement personnel important.
Le deuxième système de promotion interne concerne les salariés du rang 3 à 0. La rupture se situe plus
exactement entre les salariés du rang 3 premier échelon et ceux du rang 3 deuxième échelon. Deux types
d’évolution sont envisageables : une carrière fonctionnelle et une carrière de gestion. La population de
ces rangs est constituée :
•
D’Ingénieurs Civils (correspondent en France à un niveau de baccalauréat plus 5 ans)
•
De Conseillers
•
D’Architectes
•
D’Ingénieurs Industriels. (correspondent en France à un niveau de baccalauréat plus 4 ans)
La carrière fonctionnelle est assujettie aux conditions suivantes : avoir un « signalement très bon »6 lors
d’un entretien ainsi qu’une certaine ancienneté dans l’entreprise. La carrière de gestion est liée aux
directives du comité de direction.
Les grades correspondant aux rangs 3 à 0 sont : principal adjoint, principal, en chef – chef de division,
en chef – chef de service, directeur de district, directeur adjoint et finalement directeur. La répartition de
ces grades selon la carrière choisie est décrite dans la figure suivante7 :
6
7
18
Cette terminologie est utilisée à la SNCB.
Tableau extrait d’un document en interne diffusé par les services généraux du personnel et des affaires sociales. 2004.
CARRIERE
DE GESTION
CARRIERRE FONCTIONNELLE
Rang 1
en chef, chef de service
Rang 2+
En chef, chef de division
En chef, chef de division
Rang 2
Principal
Principal (rémunération semblable
A celle du Rang 3+).
Rang 3+
Chef de division adjoint
Principal Adjoint
Rang 3
Ingénieurs, conseillers, architectes
Ingénieurs, conseillers, architectes
Figure n°9 : Tableau récapitulatif des carrières envisageables à la SNCB pour la population des rangs 3 à
1.(2004).
La carrière de l’individu est décidée lors du signalement « très bon », selon l’appréciation du jury
constitué de membres du comité de direction. Ce processus est accessible une fois tous les six mois,
l’entretien est libre, non structuré8.
Malgré une apparente formalisation, procédures à suivre et ancienneté requise, les relations
interpersonnelles sont au cœur de ce système de promotions internes. Les compétences ne suffisent pas,
la reconnaissance des salariés est tributaire de leur comportement, de leurs capacités à se démarquer, à
conduire une négociation. La formation initiale favorise le choix professionnel, l’accès aux rangs
supérieurs est réservé aux salariés désignés pour une carrière de gestion. Les Ingénieurs Civils sont
représentés à hauteur de 68.2% dans les rangs 1 contre seulement 27,3% pour les conseillers et 4.5%
pour les Ingénieurs Industriels, ils sont également majoritaires dans les rangs 2. Le rang 3+ comprend
autant d’Ingénieurs Civils que d’Ingénieurs Industriels9.
Le système formalisé dédié aux rangs 9 à 4 favorise l’indépendance des salariés : s’ils réussissent les
examens, ils sont acteurs de leur parcours professionnel et non tributaires des relations interpersonnelles.
L’autre système, moins formalisé, rend l’ascension sociale des individus tributaires de leur
environnement, des relations interpersonnelles. La maîtrise de leur carrière est plus incertaine.
4.3 Discussion des premières observations
Cette description des deux systèmes de promotion internes nous montre que les réseaux
interpersonnels sont efficaces dans le processus au niveau des managers et non des opérateurs.
Rang 0 à 3
Procédures Informelles
Réseaux Interpersonnels
Rang 4 à 9
Procédures Formelles
Concours Internes
Figure n°10 : Schéma récapitulatif des systèmes de promotions internes répertoriés au sein de la SNCB.
8
9
Informations extraites d’un entretien avec un salarié du rang 1+. 19
Pourcentages extraits d’un document interne intitulé : « Verdeeld per rang », 2004.
Dans la première configuration, celle des managers, la constitution d’un capital social est essentielle si le
salarié opte pour une carrière dans l’entreprise, supposition envisageable dans la mesure où nous
étudions une entreprise publique qui offre des conditions d’emploi attrayantes notamment au niveau de
la sécurité.
L’obtention d’une promotion interne est facilitée par la constitution d’un réseau interpersonnel, celle-ci
n’étant pas envisageable sans l’obtention du « très-bon » entretien effectué devant le comité de direction.
Ce dernier ne sera pas enclin à donner l’accord pour une promotion s’il n’a jamais entendu parler de la
personne.
Dans ce système de promotion, les réseaux interpersonnels sont constitués dès l’entrée dans
l’organisation, selon que les salariés font partie des ingénieurs civils, des ingénieurs industriels ou des
conseillers. Les graphiques suivants montrent la différence de perspectives des salariés selon leur
formation scolaire. La différence la plus frappante s’opère entre les ingénieurs civils et les ingénieurs
industriels. Un acteur, ingénieur industriel, m’a fait part de ses inquiétudes concernant ses possibilités de
promotions dans la mesure où un réseau d’ingénieurs civils semble être établit pour favoriser l’ascension
de leurs pairs. Leur niveau d’études les dirige vers une carrière de gestion. Le réseau social est construit
en fonction du parcours scolaire des salariés.
Le capital social, constitué à partir des réseaux
d’ingénieurs civils, permet l’obtention de différentes ressources :
•
Les bons contacts afin de passer rapidement l’examen du « très bon »
•
Les bonnes informations, favorisant l’accès à des postes intéressants.
Ces ressources peuvent être mobilisées dans l’optique de conduire une carrière de gestion, prisée à la
SNCB.
60
80
50
70
Ingénieurs
Civils
40
Conseillers
30
Ingénieurs
Industriels
20
10
60
Ingénieurs Civils
50
Conseillers
40
30
Ingénieurs
Industriels
20
10
0
0
1
1
Figure 11 Répartition des salariés dans le rang 3 à gauche et dans le rang 1 à droite.
La théorie indique que l’investissement social n’a plus de valeur lorsqu’un individu quitte la collectivité,
vieillit ou a recours à la mobilité. (E.L.Glaeser, 2001). Lors de mes entretiens, j’ai été amenée à
rencontrer un salarié de rang 1 qui avait quitté la SNCB pendant 11 ans avant de réincorporer la
structure. Il a travaillé dans une entreprise Australienne tout en gardant des contacts avec la SNCB.
20
Cette personne est entrée dans l’entreprise en 1968, l’a quittée en 1989 pour revenir en 2000. Ce sont des
chasseurs de têtes qui lui ont proposé de retourner travailler pour cette entreprise mais les conditions
d’embauche ne lui convenaient pas. Une autre personne fut nommée à sa place mais elle est restée
seulement deux ans en place. Le Comité de Direction, avec lequel la personne concernée était restée en
contact, lui a demandé de venir aux conditions qu’il souhaitait. La constitution du capital social par
l’individu en investissant dans la constitution et le maintien d’un réseau relationnel dépend de l’individu,
de sa capacité à entretenir et à utiliser son réseau.
GRH Centralisée
Holding
Finalement, nous nous trouvons dans le schéma d’analyse suivant :
Entreprise Publique
Caractéristiques
(Type bureaucratique +
ancienne + grande taille +
secteur des chemins de fer)
Standardisation des
procédés / résultats
Temps
GRH = Promotions
Internes
Fonction du type de salariés
Procédures Procédures
Formelles
Informelles.
Opérateurs
Naissance de
nouvelles
structures
Nouvelles
réglementations
européennes
Managers
Figure 12 : Schéma illustrant les formes de gestion des salariés au niveau des carrières dans les entreprises publiques
bureaucratiques du secteur des chemins de fer.
Cette analyse montre que dans les entreprises du secteur public de type bureaucratique, caractérisée par
une certaine ancienneté, une grande taille et se situant dans le secteur des chemins de fer, la gestion des
ressources humaines repose essentiellement sur des habitudes héritées du passé où l’on trouve une
confrontation entre les nouvelles exigences de la société (gestion des managers basée sur du relationnel
ave contrôle des performances par les pairs ou supérieurs hiérarchiques) et un système de standardisation
des procédés (gestion des opérateurs par des procédures formelles).
La réglementation européenne, contraignant certaines entreprises publiques à ouvrir leur marché national
aux concurrents étrangers, bouscule ces structures qui doivent repenser leur organisation interne : la
concurrence entre l’entreprise publique et les entreprises étrangères ne doit pas être biaisée. Bien que
l’opérateur et le gestionnaire de l’infrastructure soient séparés, la gestion des ressources humaines reste
centralisée dans la holding.
21
CONCLUSION
Dans les entreprises publiques, de type bureaucratique, anciennes, de grande taille et situées dans le
secteur des chemins de fer, les systèmes de promotions internes sont établis en fonction des niveaux de
qualification des salariés.
Les opérateurs suivent un processus formel, basé sur des règles précises et facilement identifiables. Le
diplôme scolaire est un critère important pour entrer dans un niveau précis dans la hiérarchie de ce type
d’entreprise. La promotion, basée sur des concours internes, est l’héritage d’un mode de gestion
bureaucratique, négociée avec les syndicats afin d’être explicite et équitable pour les salariés.
Les managers, salariés qualifiés, dépendent directement de leurs capacités à créer des relations avec
leurs partenaires. Leurs possibilités d’avancement dépendent essentiellement du réseau constitué à partir
des études scolaires. Les ingénieurs civils, accèdent majoritairement à des postes stratégiques, mieux
placés dans l’organigramme et peuvent ainsi promouvoir leurs collègues. Nous sommes en présence de
la dimension cognitive du capital social, l’interdépendance des intervenants est directement liée à des
normes, des valeurs, des attitudes et des croyances.
La promotion interne, plus spécifiquement l’accès à des postes à responsabilités dépend de la
capacité des salariés à établir des réseaux de liens faibles. Ces derniers permettant de lier plusieurs
réseaux de liens forts et de bénéficier d’information utile, non redondante.
Des limites à cette étude peuvent être formulées car il faudrait élargir cette recherche à d’autres
entreprises du secteur public. Il faudrait également pouvoir comparer la SNCB avec une entreprise qui
ne se situe pas dans le même secteur d’activité mais qui doit faire face aux mêmes défis. De plus,
l’analyse des entretiens mérite d’être approfondie.
Cette étude va être complétée par une analyse du discours des répondants grâce à l’utilisation du
logiciel Alceste. Ensuite, une analyse thématique est envisagée afin de bien comprendre les
préoccupations des salariés aujourd’hui dans une structure publique, bureaucratique qui doit s’adapter à
un environnement changeant.
22
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23
ANNEXE 1 :
PRESENTATION DES TECHNICIENS INTERROGES A LA SNCB
ENTRETIENS
Entretien N°1
Entretien N°2
Entretien N°3
Entretien N°4
Entretien N°5
Entretien N°6
Entretien N°7
Entretien N°8
Entretien N°9
Entretien N°10
Entretien N°11
Entretien N°12
Entretien N°13
Entretien N°14
RANG
FONCTION
type promo
4
7
4
7
4
4
4
4
4
4
4
4
4
4
Sous chef secteur technique
Ajusteur
Secrétaire Administratif
Agent de sécurité
Secrétaire Commerciale
Secrétaire Administrative
Secrétaire Administratif
Conducteur de train
Conducteur Principal
Technicien Principal
Rédacteur
Sous chef secteur technique
Sous chef de bureau
Sous chef de bureau
Concours Internes
En train de passer exams
Concours Internes
Non
Non, pas réussit les exams
En train de passer exams
Concours Internes
Concours Internes
Concours Internes
Concours Internes
Concours Internes
Concours Internes
Concours Internes
Concours Internes
PRESENTATION DES « MANAGERS » INTERROGES A LA SNCB
ENTRETIENS
Entretien N°1
Entretien N°2
Entretien N°3
Entretien N°4
Entretien N°5
Entretien N°6
Entretien N°7
Entretien N°8
Entretien N°9
Entretien N°10
Entretien N°11
Entretien N°12
Entretien N°13
Entretien N°14
Entretien N°15
RANG
3
3
2
3+
3
3
3
3
3+
3+
3
1+
2
3
3
FONCTION
type promo
Ingénieur Industriel
Non
Conseiller, chef de projet
opportunité (recruté par un Directeur Régional
Ingénieur Principal/Ingénieur Civil
Principal Adjoint / Ingénieur Industriel
Ingénieur Industriel
Ancienneté (réseau)
Ancienneté + examen du TB devant directeur
Ancienneté + examen du TB devant directeur
Conseiller Juridique / Principal Adjoint
Conseiller
Non
Non
Conseiller en Prévention Psychologique
Non
Ingénieur Civil / Principal Adjoint
Ancienneté + examen du TB devant directeur
Ingénieur Industriel / Principal Adjoint
Ancienneté + examen du TB devant directeur
Conseiller en Prévention
Non, cause : pas syndicalisé
General Manager
Oui, changement d'entreprise puis retour
Conseiller Principal / Chef de division
Ingénieur Commercial et de Gestion
Chef de section
Ancienneté + examen du TB devant directeur
Non
Concours internes (avant rang4)
24
ANNEXE 2 :
PRESENTATION DE LA NOUVELLE STRUCTURE SNCB
Etat fédéral Belge
Ministre des Entreprises Publiques
Ministre de la Mobilité
SNCB Holding
Entreprise Publique
Autonome
SNCB Exploitant
Entreprise Publique
Autonome
INFRABEL : Gestionnaire de l’Infrastructure
Entreprise Publique Autonome
25
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