Année 2013 Thèse n°2045
THÈSE
pour le
DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ BORDEAUX 2
Ecole doctorale Sciences de la Vie et de la Santé
Mention : Sciences, Technologie, Santé
Spécialité : Neurosciences
Présentée et soutenue publiquement
Le 13 Décembre 2013
Par Julien Courtin
Rôle des interneurones corticaux
parvalbuminergiques dans les
comportements de peur
Membres du Jury
M. Thomas Boraud (DR-CNRS Bordeaux) ............................................ Président
Mme Thérèse Jay (DR-INSERM Paris) .................................................. Rapporteur
M. Bruno Poucet (DR-CNRS Aix-Marseille) ......................................... Rapporteur
M. Karim Benchenane (CR1-CNRS Paris) ............................................. Examinateur
M. François Georges (CR1-CNRS Bordeaux) ........................................ Examinateur
M. Cyril Herry (CR1-INSERM Bordeaux) ............................................. Directeur de thèse
Année 2013 Thèse n°2045
THÈSE
pour le
DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ BORDEAUX 2
Ecole doctorale Sciences de la Vie et de la Santé
Mention : Sciences, Technologie, Santé
Spécialité : Neurosciences
Présentée et soutenue publiquement
Le 13 Décembre 2013
Par Julien Courtin
Role of cortical parvalbumin interneurons
in fear behaviour
Membres du Jury
M. Thomas Boraud (DR-CNRS Bordeaux) ............................................ Président
Mme Thérèse Jay (DR-INSERM Paris) .................................................. Rapporteur
M. Bruno Poucet (DR-CNRS Aix-Marseille) ......................................... Rapporteur
M. Karim Benchenane (CR1-CNRS Paris) ............................................. Examinateur
M. François Georges (CR1-CNRS Bordeaux) ........................................ Examinateur
M. Cyril Herry (CR1-INSERM Bordeaux) ............................................. Directeur de thèse
INTRODUCTION
L’identification des mécanismes neuronaux permettant le contrôle des
comportements représente un des challenges les plus importants de la recherche en
neurosciences. L’une des principales fonctions du cerveau est sa capacité à adapter le
comportement en fonction de la nature des informations internes ou environnementales
disponibles. Cette fonction est en partie soutenue par des processus d'apprentissage et de
mémoire. Alors que les mécanismes cellulaires et moléculaires soutenant ces processus
sont désormais relativement bien décrits, l'implication des circuits neuronaux et leurs
éléments cellulaires contrôlant l'activité neuronale au cours de l'apprentissage et de la
mémoire restent largement inconnus.
Depuis de nombreuses années, le conditionnement auditif de peur de type Pavlovien
est intensivement utilisé en laboratoire pour étudier les mécanismes cellulaires et
moléculaires des apprentissages associatifs. Dans sa forme la plus couramment utilisée, ce
conditionnement consiste à associer un son initialement neutre (le stimulus conditionnel, ou
SC) à un stimulus aversif (le stimulus inconditionnel, ou SI, en générale un choc électrique
périphérique). La présentation ultérieure du SC induit un ensemble de modifications
comportementales et neurovégétatives (réponses conditionnées), en particulier une réaction
d’arrêt comportemental (réponse émotionnelle conditionnée d'immobilisation ou «freezing»)
aisément quantifiable. A la suite du conditionnement auditif de peur, la présentation pétée
du SC en l'absence du SI induit une diminution progressive des réponses conditionnées de
peur, un phénomène appelé extinction de la peur (Myers et Davis, 2007). L’extinction
résulterait de la mise en place d’un nouvel apprentissage au cours duquel les animaux
apprennent que le SC n'est plus suivi de conséquences aversives ce qui inhiberait
l’apprentissage initial du conditionnement de peur sans l’effacer (Pavlov, 1927). Cette
hypothèse est soutenue par le fait que, à la suite de l'extinction, les réponses conditionnées
de peur peuvent réapparaître avec le simple passage du temps spontaneous recovery »)
(Quirk, 2002), un changement de contexte («renewal ») (Bouton et King, 1983), ou une
réexposition au SI («reinstatement ») (Rescola et Heth, 1975). L'apprentissage de l'extinction
peut conduire à la formation d’une mémoire d'extinction à court et long-terme dont le rappel
dépend du contexte dans lequel la procédure d’extinction a eu lieu (Bouton et al., 2006;
Herry et al., 2010). Ainsi, les mémoires de peur et d'extinction coexistent et interagissent
pour réguler le comportement de la peur (Herry et al., 2008).
Au cours des dernières décennies, l’étude des substrats neuronaux et des
mécanismes cellulaires et moléculaires qui régissent les différentes phases du
comportement de peur conditionnée a fait l’objet d’un nombre important de travaux
(Johansen et al., 2011; Maren, 2001; pour revue voir Maren and Quirk, 2004). Ces travaux
ont notamment démontré à l'aide de techniques variées que l’amygdale, une structure du
lobe temporal médian, joue un rôle critique dans l’acquisition, l’expression et l’extinction des
mémoires associatives de peur (Davis 2000; Herry et al., 2010; Johansen et al, 2011;
LeDoux, 2000; Maren, 2001; Pape and Pare 2010). L'amygdale comprend plusieurs noyaux
anatomiquement et fonctionnellement distincts dont les noyaux latéral (LA), basal (BA)
(l'ensemble formant le complexe basolatérale de l'amygdale (BLA)) et central (CEA). Au
cours du conditionnement de peur, le LA et le CEA sont considérés comme étant les sites
privilégiés ou se mettent en place les phénomènes de plasticité neuronale qui sous-tendent
l'acquisition du conditionnement (Ciocchi et al., 2010; Maren, 2001; Mckernan et Shinnick-
Gallagher, 1997; Rogan et al., 1997; Schafe et LeDoux, 2008; Wilensky et al., 2006). A la
suite de l'acquisition de la peur, de nombreuses données indiquent que les processus
d'apprentissage de l'extinction impliquent le BLA et que les réponses de peur conditionnées
sont contrôlées par les circuits du CEA (Cassell et Wright, 1986; Ciocchi et al., 2010; Herry
et al., 2006, 2008, 2010; Hopkins et Holstege, 1978; Sotres -Bayon et al., 2007; Veening et
al., 1984).
Bien que la plupart des recherches se soient focalisées sur le rôle joué par les circuits
neuronaux de l’amygdale dans le comportement de peur, certaines études ont également
mis en évidence le rôle essentiel du cortex dans la régulation des mémoires de peur (Herry
et al., 2010; Sotres-Bayon et Quirk, 2010; Quirk et Mueller, 2008; Weinberger, 2004). En
effet, au cours de la dernière décennie, une quantité considérable d'études impliquent le
cortex auditif (AC) et le cortex préfrontal médian (mPFC) dans les comportements de peur.
En particulier, il a été montré que le AC joue un rôle important dans l'acquisition du
conditionnement auditif de peur alors que le mPFC serait impliqué dans les phases de
consolidation de l'apprentissage de l'extinction et d'expression des mémoires de peur et
d'extinction (Sotres -Bayon et Quirk, 2010; Suga et Ma, 2003; Weinberger, 2004). En dépit
de ces nombreux progrès, les caractéristiques anatomiques et fonctionnelles des différents
circuits corticaux et de leurs éléments neuronaux qui sous-tendent les comportements de
peur restent largement inconnus.
Comme tous les cortex, le AC et le mPFC se composent principalement de neurones
pyramidaux glutamatergiques (PN) et d'interneurones inhibiteurs GABAergiques (IN)
distribués dans six couches corticales. Pour comprendre l’organisation anatomique et
fonctionnelle du cortex, il est important de connaître les caractéristiques et spécificités des
PNs et INs constituant les circuits corticaux. Les PNs, aussi appelés neurone principaux ou
de projection représentent la vaste majorité des neurones corticaux (70-80%). Ils utilisent le
glutamate comme neurotransmetteur et sont localisés dans les différentes couches
corticales, à l’exception de la couche 1 (DeFelipe et Farinas, 1992). Les PNs représentent à
la fois les principaux éléments de réception des afférences synaptiques extra-corticales et
quantitativement la principale voie de sortie des informations corticales (DeFelipe and
Farinas, 1992, Nieuwenhuys, 1994, Spruston, 2008). De façon intéressante, la répartition de
leurs entrées synaptiques au niveau leurs compartiments dendritiques, somatiques ou
encore axonales dépend de la nature de l'entrée. En particulier, les entrées synaptiques
excitatrices contactent préférentiellement les épines dendritiques (DeFelipe et Farinas, 1992;
Nieuwenhuys, 1994; Spruston, 2008), tandis que les entrées inhibitrices locales émanant
des différentes sous-populations d'interneurones ciblent différentiellement les compartiments
sub-cellulaires. Le cortex contient également des INs qui peuvent se trouver dans toutes les
couches corticales et qui représentent environ 20-30% des neurones corticaux (DeFelipe et
Farinas, 1992). Les INs, aussi appelé neurones non-pyramidaux, inhibiteurs ou locaux sont
généralement dépourvus d’épines dendritiques et libèrent l'acide gamma-aminobutyrique
(GABA). Mis à part quelques exceptions, leurs axones ne quittent pas le cortex et sont
limités à un environnement local (Gonchar et al., 1995; Letinic et al., 2002). Il existe une
grande diversité d’INs qui peuvent être classés en plusieurs types sur la base de critères
anatomiques, neurochimiques et électrophysiologiques (Ascoli et al., 2008; DeFelipe et al.,
2013; Gupta et al., 2000; Markram et al., 2004). En utilisant des techniques anatomiques, les
INs peuvent être groupés en fonction de leurs profiles somato-dendritiques (Ascoli et al.,
2008; Markram et al., 2004). De façon intéressante, certains INs sont spécialisés dans
l’inhibition sélective des différents compartiments sub-cellulaires des PNs ou d’autres types
d’INs. Au niveau neurochimique, plusieurs catégories de molécules sont utilisées pour
distinguer les différent types d’INs (Ascoli et al., 2008; Burkhalter, 2008; DeFelipe, 1997;
Markram et al., 2004). Ils en est de même leurs propriétés électrophysiologiques (Cauli et al.,
1997; Markram et al., 2004; Sugino et al., 2006; Toledo-Rodriguez et al., 2004). Il est
important de noter qu’aucun de ces critères ne permet à lui seul de classer les différents INs.
Par conséquent, la combinaison de plusieurs critères représente la solution privilégiée pour
identifier les sous-types d’INs spécifiques (Cauli et al., 1997; Markram et al., 2004; Sugino et
al., 2006; Toledo-Rodriguez et al., 2004). En raison de leur grande diversité, il est désormais
admis que les différents types d’INs supportent des fonctions distinctes et que chacun
régulent différemment l'activité corticale. Ainsi, la connaissance détaillée des fonctions des
différents INs est une condition indispensable pour comprendre l'organisation fonctionnelle
des circuits neuronaux corticaux. Au cours de la dernière décennie, de nombreuses études
ont notamment démontré le rôle important joué par une sous-population d’INs dans la
régulation de l’activité de sortie des PNs. C’est INs sont spécialisés dans l’inhibition des
compartiments somatiques et axonaux des PNs, ils présentent une fréquence de décharge
élevée et expriment la parvalbumine (INs PV). Alors que les propriétés anatomiques et
électrophysiologiques des INs PV corticaux sont bien décrites, leur rôle fonctionnel dans
l'acquisition et l'expression de la mémoire de peur conditionnée est largement inconnue.
Dans ce contexte, l’objectif de mes travaux de thèse a été de définir le rôle des INs
PV corticaux dans l’acquisition et l’expression des réponses conditionnées de peur. Pour
cela, nous avons utilisé une combinaison d’approches comportementales,
pharmacologiques, électrophysiologiques d'enregistrements extracellulaires et
optogénétiques chez l’animal vigile au cours des différentes phases du comportement de
peur.
RESULTATS
1er partie : Rôle des circuits inhibiteurs du cortex auditif contrôlant l’acquisition des
réponses de peur conditionnées
Pendant les premiers mois de ma thèse, en collaboration avec le groupe du Dr
Andreas Lüthi, à Bâle, en Suisse, nous avons évalué le rôle des INs PV du AC dans
l'acquisition du conditionnement auditif de peur. Dans un premier temps, nos collaborateurs
ont démontré à l'aide d’inactivations versibles et ciblées, que le AC est nécessaire à
l’acquisition du conditionnement de la peur lorsque les SC mis en jeu sont des sons
complexes (Letzkus et al., 2011). Puis, en utilisant de l'imagerie calcique chez l’animal
anesthésié ils ont observé que la grande majorité des INs du cortex auditif de la couche 1
(L1) étaient fortement activés lors de la présentation des chocs électriques. Ils ont ensuite
montré que l’activation des INs L1 dépend des afférences cholinergiques provenant du
cerveau basal antérieur, une des principales sources d’acétylcholine dans le cerveau. Dans
un deuxième temps, ils ont évalué l’impact de l’activation des INs L1 sur l’activité des
microcircuits locaux. En utilisant des approches pharmacologiques, ils ont notamment
démontré que l'activation des INs L1 entraîne une forte inhibition de la majorité des INs
parvalbuminergiques (INs PV) des couches corticales 2/3 (L2/3). L'ensemble de ces résultats
montrent qu’au cours du conditionnement, la présentation des chocs électriques induit
l'inhibition des INs PV L2/3 ce qui a pour conséquence de désinhiber les PNs L2/3. Enfin, en
utilisant des approches optogénétiques au cours du conditionnement auditif de peur ils ont
pu montrer que l’activation optique des INs PV L2/3 pendant les présentations des SI bloque
l’acquisition du conditionnement de peur. Ma contribution à ce travail a consisté à évaluer si
le mécanisme désinhibiteur dépendant des INs PV était également observé chez l’animal
vigile. En utilisant des enregistrements électrophysiologiques unitaires chez la souris vigile,
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