Quelle réforme fiscale pour la France ?

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L’Institut Montaigne a tenu à alimenter le débat public sur la fiscalité grâce à ce travail de
l’économiste Christian Saint-Etienne. Les positions exprimées dans ce travail sont celles de
son auteur et n’engagent pas l’Institut Montaigne qui produira prochainement ses propres
propositions pour une réforme fiscale d’ensemble.
Quelle réforme fiscale pour la France ?
Christian Saint-Etienne1
1
Christian Saint-Etienne est Professeur titulaire de la Chaire d’Economie industrielle au Conservatoire National
des Arts et Métiers. Il est Docteur d’Etat ès Sciences économiques et titulaire de deux masters en économie
(London School of Economics et Carnegie Mellon University). Il a travaillé au Fonds Monétaire International et
à l’OCDE. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages et rapports officiels pour lesquels il a obtenu sept prix
universitaires et académiques.
1
Pourquoi proposer une réforme globale de la fiscalité aujourd’hui en France ?
Principaux points du rapport
La France subit une triple crise résultant de décisions politiques, économiques et sociales
prises au cours des trois dernières décennies :
-
une crise des finances publiques, avec un niveau historiquement élevé de la
dépense publique (56% du PIB), - dont un tiers du PIB pour la seule protection
sociale -, et du déficit public structurel (6% du PIB),
une crise de compétitivité fiscale, alors que les impôts frappant les facteurs mobiles
de production sont à un niveau double de ce qu’ils sont dans les pays européens qui
conduisent et « théorisent » la concurrence fiscale en Europe,
une crise historique de notre système productif, qui connaît un effondrement
relatif depuis 1998 en Europe et dans le monde, mesurée par une chute d’un tiers de
nos parts de marché à l’export et par une désindustrialisation de grande ampleur.
Si l’on veut relever ces trois défis, il est essentiel que les décideurs politiques (Parlement,
Gouvernement et principaux partis de gouvernement) prennent conscience de trois priorités
fondamentales, dans un contexte marqué :
-
par l’abandon de notre souveraineté monétaire et budgétaire (traités de l’Acte unique
et de Maastricht, Pacte de stabilité et de croissance et nouvelles contraintes de
compétitivité en préparation),
par un déficit récurrent de notre balance courante qui traduit un excès permanent de
consommation interne sur la production,
et par un déficit structurel de nos finances publiques conduisant à une dette massive
financée à 70% par des investisseurs étrangers.
Ces trois priorités fondamentales sont :
-
le rétablissement du primat de la production sur la consommation,
la réhabilitation de la taxation de la consommation et donc de la TVA, avec les
compensations adaptées pour les classes populaires,
la prise en compte de ce que la concurrence fiscale qui est à l’œuvre dans l’Union
européenne est une menace directe et massive sur notre système productif et sur
notre système social, une menace infiniment plus immédiate que celle résultant de
la concurrence des pays à bas salaires. Comme tout porte à penser que la concurrence
fiscale, revendiquée par une majorité des pays membres et par la Commission
européenne depuis 1999 (lancement de l’euro alors que le traité de Maastricht refuse
l’harmonisation fiscale) et pratiquée par l’Allemagne depuis 2007, ne sera pas remise
en cause, ni même encadrée, à court ou moyen terme, il faut, nous y adapter au
prix, il est vrai, d’efforts considérables.
C’est dans ce contexte précis que je propose une réforme fiscale qui vise à :
-
réduire réellement le déficit public en contrôlant la dépense et en augmentant les
impôts « pédagogiques » que sont la CSG et la TVA, car ils touchent tous les
citoyens tout en étant les moins nocifs économiquement (impôts à large base et faible
taux). Cette réduction du déficit se fait alors même que le coût du travail baisse
significativement grâce à la suppression de la cotisation sociale de 5,4% sur les
salaires, payée par les employeurs au bénéfice de la politique familiale, qui ne doit
plus être financée en économie ouverte par la taxation du travail,
2
-
-
redonner à la France sa compétitivité fiscale en supprimant l’ISF (et le bouclier
fiscal), remplacé par un Impôt sur le revenu de la fortune (IRF) inclus dans le taux
marginal de l’impôt sur le revenu, en réduisant l’IS à un couple 18%-26%, puis 15%23% (le taux réduit s’appliquant aux bénéfices mis en réserve), en réduisant le taux
marginal de l’IRPP à 30% (IRF inclus), et en créant un prélèvement libératoire
obligatoire (PLO) de 15% sur les revenus et plus-values de l’épargne (sauf sur les
investissements à long terme en actions qui sont exonérés du PLO).
reconstruire le système productif grâce à la baisse de l’IS et du taux marginal de
l’IRPP, à la baisse du coût du travail et à la fiscalité favorable aux investissements en
actions, toutes mesures qui devront s’inscrire dans une politique globale favorisant
l’essor des PME qui sont seules à même de nous donner les trois millions d’emplois
productifs qui nous manquent.
Dans le système que je propose, non seulement le taux marginal augmente, mais le taux
moyen progresse à tous les niveaux de revenu. La CSG s’applique à tous les revenus et plus-values, y
compris sur tous les investissements en actions. L’exonération du PLO sur les seuls investissements en
actions à long terme compense le risque pris.
Cette réforme conduit à une « fiscalité de croissance » qui est aussi plus équitable car toutes
les niches sont supprimées, sauf celles favorisant le développement de l’emploi par la reconstruction
du système productif. Le sous-emploi est l’inégalité la plus insupportable, qu’il faut éradiquer. En
outre, l’impact de la hausse de la TVA sur les bas salaires est compensé par une hausse de la Prime
pour l’emploi (PPE) de moitié, la nouvelle PPE étant mensualisée.
3
En France, aujourd’hui, les impôts sont beaucoup plus lourds que dans les autres pays
européens alors que notre économie stagne. Non seulement la dépense publique est très
élevée2, dépassant de plus de sept points du revenu national la moyenne des autres pays
européens, mais cette dépense alimente une hausse continue des prestations sociales plutôt
qu’elle ne prépare l’avenir de la nation. De plus, les impôts sont mal conçus et découragent la
prise de risque entrepreneurial et l’investissement. Ils font fuir les talents individuels et
rendent l’action collective impuissante.
1 - Fiscalité, équité, concurrence fiscale
Trois principes généraux fondent les systèmes de fiscalité performants :
- la fiscalité sert à financer les dépenses publiques, sous réserve que ces
dernières soient utiles et justes,
- la fiscalité doit encourager l’activité économique, l’innovation et la prise de
risque entrepreneurial qui sont le fondement du progrès social,
- la fiscalité doit prendre en compte les capacités contributives des citoyens
et la nature des bénéficiaires des dépenses publiques afin d’être équitable.
Ces trois principes ne forment pas seulement une ‘Table de la loi’ d’une fiscalité utile
et cohérente. Ils sont un des fondements essentiels d’une république juste et forte dans
laquelle impôt et liberté sont fortement liés.
Il y a souvent une confusion qui vicie le débat fiscal : pour beaucoup, et notamment en
France, la fiscalité doit d’abord servir à punir tel ou tel groupe social, en fonction de ce qu’il
est ou de ce qu’il représente – et particulièrement les « riches ». Aucun système économique
et social ne peut fonctionner sur ce fondement d’envie, de haine et de revanche. La fiscalité
n’est pas l’instrument d’une catharsis sociopolitique. Elle ne peut servir qu’à financer des
dépenses publiques nécessaires à l’accomplissement individuel des citoyens et à
l’accomplissement collectif de la nation, en liant efficacité et équité de façon à favoriser le
développement de l’activité économique génératrice d’emploi.
Concevoir un système fiscal en ignorant, d’une part, la globalisation, la concurrence
fiscale intra-européenne, la crise de la zone euro et l’importance de l’innovation
entrepreneuriale, et, d’autre part, les trois principes généraux de la fiscalité, c’est non
seulement tricher avec le réel, mais, plus encore, trahir les intérêts du pays.
L’économie entrepreneuriale de la connaissance
Depuis le milieu des années 1980, l’économie des pays avancés est fondée sur
l’innovation. La prospérité des territoires et des pays est fortement conditionnée par l’essor de
cette économie entrepreneuriale de la connaissance, ou économie de l’innovation, qui est un
écosystème socio-économique favorisant, notamment par l’action d’intermédiaires spécialisés
2
En 2011, selon la Commission européenne, la dépense publique en pourcentage du PIB atteint 56% en
France, 51,5% en Suède, 50,5% aux Pays-Bas, 50% du PIB en Italie, 49,5% au Royaume-Uni, et seulement
45,5% en Allemagne et 43,5% en Espagne. Le poids de la dépense publique en France est de très loin le plus
élevé de la zone euro et dépasse la moyenne de la zone euro hors France de plus de 7 points de PIB. Surtout, la
France est le seul grand pays de la zone euro à ne pas réduire le poids de sa dépense publique de 2009 à 2011,
alors que ce poids (en % du PIB) baisse de 2 points en Allemagne, en Italie ou en Espagne.
4
que l’on nomme aussi facilitateurs, les interactions entre entrepreneurs, capitaux-risqueurs et
investisseurs, chercheurs, développeurs, ingénieurs de production et opérateurs de production
afin de développer en permanence de nouveaux produits et services aptes à répondre à une
demande solvable dans un univers concurrentiel. Les facilitateurs sont souvent d’anciens
chercheurs qui connaissent bien les équipes de recherche et leurs travaux en cours et qui
peuvent faire le lien entre les chercheurs et les entrepreneurs.
Cette économie entrepreneuriale est le ferment de la croissance future de la
productivité intensive et surtout le principal facteur d’explication des écarts de taux de
croissance entre pays. Les pays qui ne sauront pas favoriser l’essor des nanotechnologies,
biotechnologies, technologies de l’Information et de la communication et technologies
cognitives dans le cadre d’une économie entrepreneuriale cesseront d’être dans la course de
hiérarchisation des économies en termes de valeur ajoutée et d’attractivité.
La France a besoin de relancer sa croissance et de créer trois millions d’emplois
marchands pour faire face à ses charges futures et réduire le chômage. Que faut-il attendre des
entreprises pour relever ce défi ? On peut considérer, en laissant de côté les 120 entreprises
françaises les plus internationalisées, qui ont une meilleure rentabilité que les autres
françaises, que 999/1000 des entreprises françaises avaient, en 2006-2008, une rentabilité
globale, en prenant en compte le taux de marge et le rendement net, inférieure d’un tiers à
celle de leurs concurrentes anglaises et italiennes et de moitié par rapport aux allemandes
(source : Eurostat). Il faut bien comprendre que c’est la raison principale de l’excellence
compétitive allemande par rapport à la faiblesse des performances économiques françaises.
L’écart de rentabilité s’est plutôt creusé depuis. Il est donc essentiel de contribuer à une forte
hausse de la rentabilité productive en France, au renforcement des fonds propres des PME et à
l’encouragement de l’épargne longue en actions.
La concurrence fiscale en Europe
L’Union européenne a fait de la concurrence fiscale et sociale un élément essentiel de sa
politique. Les pays d’Europe centrale ont adopté des taux de fiscalité très faibles sur le capital
et les entreprises pour favoriser le déplacement de valeur ajoutée des pays développés de
l’Ouest européen vers leurs territoires. L’Allemagne leur a emboîté le pas en 2007 en
augmentant son taux de taxe à la valeur ajoutée (TVA) de 16% à 19% afin de réduire son taux
d’impôt sur les sociétés (IS) de 38,7% à 29,8% (taxe locale incluse) et d’abaisser les
cotisations chômage de 6,5% à 4,2%, pour augmenter sa compétitivité et y réduire le coût du
travail. Depuis 2008, la France a le taux d’IS le plus élevé de l’Union européenne : 34,4%
contre un taux actuel de 23,2% en moyenne dans l’Union européenne qui devrait évoluer vers
une plage de taux allant de 15% à 23% en 2013 selon les annonces faites par les
gouvernements européens au cours des derniers mois. Si les taux effectifs sont plus faibles
pour les entreprises internationalisées, les Petites et Moyennes Entreprises (PME), de loin les
plus à même de créer de l’emploi en France, sont effectivement taxées au taux confiscatoire
de 34,4%, au-delà du taux de 15% sur les 38 120 premiers euros de bénéfice pour les Très
Petites Entreprises (TPE)3.
3
Le taux standard d’impôt sur les sociétés était, en 2010, de 34,4% en France, de 31,4% en Italie, de 29,8% en
Allemagne, de 28% au Royaume-Uni, de 26,3% en Suède, de 25% au Danemark, de 19% en Pologne et de
12,5% en Irlande. Le gouvernement du Royaume-Uni a annoncé, en octobre 2010, son intention d’abaisser son
taux d’IS à 24% d’ici 2014. La Finlande projette également d’abaisser son taux d’IS de 26% à 22%.
5
La concurrence fiscale en Europe se renforce par une accélération anticipée en 2011 du
double mouvement de baisse de l’IS financée par une hausse de la TVA, à l’exemple de ce
qu’a fait l’Allemagne en 2007. La France est restée à l’écart de ce mouvement alors même
qu’elle dispose d’une marge d’action importante car son taux réduit de 5,5% bénéficie à de
nombreuses activités non délocalisables, comme le bâtiment et la restauration, tandis que le
taux de 19,6% apparaît faible dans le contexte européen. Les taux normaux de TVA varient
aujourd’hui de 19% à 25% en Europe4. Le Royaume-Uni a porté son taux de TVA de 17,5% à
20% le 1er janvier 2011 pour réduire son déficit public et rendre possible la baisse annoncée
du taux d’IS, tandis que l’Irlande va porter son taux de TVA de 21% à 22% en 2013 et 23%
en 2014 afin de maintenir son taux d’IS à 12,5%. Ajoutons que le taux réduit de TVA varie
aujourd’hui de 7% à 13% en Europe5.
Ainsi la Finlande apparaît-elle comme le pays ayant la structure de taux de TVA la plus
adaptée à une économie ouverte, avec un taux normal de 23%, un taux intermédiaire de 17%
et un taux réduit de 8%, sachant que le taux d’IS finlandais, actuellement de 26%, doit baisser
à 24% d’ici 2014. A la lumière de cette exemple, il paraît essentiel de réhabiliter la TVA, qui
est un impôt juste, intelligent et efficace, comme le propose le prix Nobel d’économie 1996
James Mirrlees dans la Mirrlees Review du système fiscal britannique (Institute for Fiscal
Studies, novembre 1010).
Il apparaît que la France, pour maintenir sa compétitivité fiscale dans l’Union européenne,
doit aller rapidement vers une structure de taux de TVA proche de celle de la Scandinavie
avec un taux normal de 23% et un taux super-réduit de l’ordre de 7% (ou 8%), ce dernier
étant strictement réservé aux produits alimentaires et culturels, aux médicaments remboursés
par la Sécurité sociale ainsi qu’à la presse. Serait mis en place un taux intermédiaire de 15%
pour les produits et services actuellement taxés à 5,5%6. La hausse de la TVA pourrait être
utilisée pour financer la suppression de la cotisation sociale de 5,4% sur les salaires, au
bénéfice de la politique familiale, afin de réduire le coût du travail et de relancer l’emploi. On
pourrait aussi imaginer un taux de TVA sur la consommation de produits de luxe sous réserve
de répondre à deux préalables : chaque pays membre de l’Union n’a droit qu’à trois taux de
TVA, d’une part, et la jurisprudence européenne ne permet pas de mettre un taux de TVA
élevé sur des catégories de produits qui ne sont pas produits en France, d’autre part.
Dans le même temps, le taux d’IS devrait être ramené à 23% pour les bénéfices distribués,
soit au taux en vigueur dans les pays ayant les économies les plus dynamiques, afin de stopper
la délocalisation des entreprises. En revanche, pour reconstituer les fonds propres des
entreprises, il serait nécessaire de retenir un taux d’IS à 15% sur les bénéfices mis en réserve,
ce qui permettrait de se caler sur la plage de taux d’IS de 15% à 23% qui se met en place en
Europe. Cette modification du taux d’IS serait incluse dans une réforme d’ensemble de la
fiscalité.
La politique de finances publiques en France
4
Le taux de TVA est de 19% en Allemagne, aux Pays-Bas et en Slovaquie, 20% en Italie, en Bulgarie, en
République tchèque, en Estonie, en Slovénie et en Autriche, 21% en Belgique, au Portugal, en Lettonie, en
Lituanie et en Irlande, 22% en Pologne, 23% en Finlande et en Grèce, 25% en Hongrie, en Suède et au
Danemark.
5
Le taux réduit est de 7% en Allemagne et en Pologne, de 8 à 9% en Espagne, en Lituanie, en Slovénie et en
Roumanie, et de 10% à 13% en République tchèque, en Finlande, en Belgique, en Autriche, en Italie, au
Luxembourg, au Portugal et en Suède. Quelques pays ont un taux super-réduit de 3% à 8%, celui de la France
étant de 2,1%.
6
Hormis les produits alimentaires et culturels taxés à 7%.
6
La dépense publique a fortement augmenté en France au cours des trente dernières années
(voir tableau 1). A l’inverse, l’Allemagne adopte au début des années 1990, avec le
programme « Allemagne base productive » (Standort Deustchland) mis en œuvre au cours des
deux décennies suivantes, un modèle de croissance tirée par l’offre industrielle alimentée par
l’investissement des entreprises et un effort soutenu de recherche et d’innovation. A partir du
milieu des années 2000, l’Allemagne s’affirme comme une puissance exportatrice bénéficiant
d’excédents importants de sa balance commerciale alors que la France perd un tiers de ses
parts de marché, en pourcentage des exportations mondiales, au cours des années 2000.
En 2009, sous l’effet de la crise, la dépense publique a fortement augmenté. Le déficit
s’est donc maintenu à un niveau élevé en 2009 comme en 2010 pour financer la relance de
l’économie. Il est donc essentiel de reprendre le contrôle de la dépense et de réduire
massivement le déficit public en 2012-2014 afin de rétablir les grands équilibres des finances
publiques.
Tableau 1 – Evolution de la dépense publique en France, 1978 – 2008
(en pourcentage du PIB)
1978
1988
1998
2008
5,2
5,6
5,2
5,0
Rémunérations
12,5
12,5
13,5
12,7
Prestations sociales
18,1
20,9
22,6
23,3
Intérêts sur la dette
1,0
2,4
3,3
2,9
Investissement
3,0
3,4
2,8
3,3
Autres
4,6
5,0
5,3
5,6
Total
44,4
49,8
52,7
52,8
Achat de produits et services
Source : Loi de Finances pour 2011
Ce qui est frappant, c’est moins la hausse de la dépense publique que celle des prestations
sociales. Si la France avait concentré la hausse de la dépense publique sur les investissements
en infrastructures, en Recherche et Développement (R&D) et au profit de son enseignement
supérieur comme en incitations au développement des PME et de l’emploi, ses performances
économiques auraient été fortement améliorées.
La crise de 2008-2009 a produit des effets d’autant plus dévastateurs que notre modèle de
croissance est incapable de suivre la course à l’innovation qui transforme l’économie globale
et bouleverse les équilibres de puissance. Face à la crise, la France ne sait pas réagir
autrement qu’en accroissant encore plus sa dépense publique, qui est passée de 52,8% du PIB
en 2008 à 56,6% du PIB en 2010 (voir tableau 2). Le déficit explose, passant de 3,3% du PIB
en 2008 à 7,7% du PIB en 2010, ce qui alimente une progression spectaculaire de la dette
7
publique, de 67,5% du PIB en 2008 à 83% du PIB fin 2010. L’ajustement mis en œuvre en
2011 apparaît très faible dans un contexte d’aggravation rapide de la crise de la zone euro en
2010. Le déficit baisse apparemment de 7,7% à 6% du PIB, mais hors effet de la fin des
mesures de relance et du Grand emprunt, la baisse effective est de 0,75% du PIB. De plus, ce
faux ajustement intervient essentiellement par une hausse des prélèvements. Or, tous les
travaux économiques disponibles du FMI et de l’OCDE, analysant une cinquantaine de plans
d’ajustement budgétaire depuis quarante ans dans le monde, concluent que ces plans de
redressement doivent se faire à 80% du côté de la baisse des dépenses pour favoriser une
sortie de crise.
Tableau 2 – Impact de la crise sur les finances publiques, 2008 – 2012
(données en pourcentage du PIB)
2008
2009
2010
2011
52,8
56,0
56,6
55,8
Prélèvements obligatoires (PO) 42,9
41,6
41,9
42,9
Déficit
- 3,3
- 7,5
- 7,7
- 6,0
Dette publique
67,5
78,1
82,9
86,2
Dépense publique
Source : Loi de Finances pour 2011
La France est devenue un pays drogué à la dépense publique, financée à crédit, qui ne peut
réagir à tout événement qu’en augmentant la dose de stimulant7.
La fiscalité ne peut pas être un substitut de bonne gestion de l’économie ou de
modernisation du contrat social. Un pays qui choisit un modèle de croissance par la
consommation tirée par une dépense publique à crédit, avec une progression massive des
prestations sociales au bénéfice principal des inactifs, ne peut pas espérer corriger ses
errements par un coup de baguette fiscale qui serait magique8.
7
De ce point de vue, l’excellente initiative du Grand Emprunt, de 35 milliards d’euros déboursés en 2010 à
différents organismes chargés du suivi des programmes retenus, apparaît tout aussi heureuse que limitée et
tardive. L’essentiel des dépenses doit bénéficier à l’enseignement supérieur et à la recherche qui recevront
respectivement 11 et 8 milliards d’euros. Mais une part importante de ces fonds sont des dotations dont seuls les
intérêts doivent être dépensés en sorte que les dépenses effectives d’avenir seront de l’ordre de 5 à 7 milliards
d’euros par an pendant quelques années. Ceci est à comparer à plus de 1 100 milliards d’euros de dépense
publique annuelle dont 540 milliards d’euros pour les seules prestations sociales (les prestations sociales ont
même atteint 31,3% du PIB en 2009, se répartissant en 45,5% pour les retraites, 35% pour maladie – invalidité accidents du travail, 9% pour la famille - maternité, 6% pour le chômage, 2,7% pour le logement et 1,8% pour la
pauvreté et l’exclusion sociale). Les dépenses annuelles d’avenir du Grand Emprunt sont dans un rapport de 1 à
100 par rapport aux dépenses de prestations sociales, ce qui donne une exacte mesure du poids relatif de
l’avenir par rapport au présent en France, en 2011.
8
En arrondissant les chiffres, on retiendra que la France souffre d’un excès de dépense publique de 7% du PIB,
d’un excès de prélèvements publics de 5% du PIB et d’un excès de déficit public de 1,5% du PIB par rapport à
la moyenne de la zone euro. Le déficit annuel de sa balance courante devrait être supérieur à 3% du PIB au cours
des années 2010-2012, selon la Commission européenne.
8
La TVA-emploi et la taxe carbone
Les charges sociales sont souvent condamnées comme source principale de la
délocalisation des emplois. Qu’en est-il et quelles réformes pourraient être envisagées dans ce
domaine ? Il apparaît que la France, pour maintenir sa compétitivité fiscale dans l’Union
européenne doit aller rapidement vers une structure de taux de TVA proche de celle de la
Finlande avec un taux normal de 23% et un taux super-réduit de 7%, ce dernier étant
strictement réservé aux produits alimentaires et culturels, aux médicaments remboursés par la
Sécurité sociale et à la presse.
Le mécanisme de la TVA – emploi ne peut en aucun cas être utilisé pour combler les
déficits publics. La TVA - emploi doit être uniquement utilisée pour remplacer des cotisations
servant actuellement à financer la protection sociale collective. De plus, on ne peut généraliser
le taux réduit de TVA à toutes les activités de service dans le contexte d’une grave crise des
finances publiques. Il faut donc moderniser la structure des taux de TVA. Si l’on admet qu’il
faut garder un taux réduit de TVA pour certaines consommations de base, ce taux devrait
néanmoins être consolidé à 7%, comme dans l’ensemble de l’Europe, pour ne pas bouleverser
l’activité des secteurs concernés et l’inscrire dans une structure cohérente, le taux normal
étant porté à 23% en 2013. Le point clé serait l’introduction d’un taux intermédiaire qui
pourrait s’appliquer à certaines activités à forte intensité de main d’œuvre, essentiellement
l’hôtellerie-restauration et le bâtiment. Il serait fixé à 15% pour être compatible avec la
législation européenne. Il s’agit, tout à la fois, de lutter contre la délocalisation des activités et
le travail au noir, et de prendre en compte le fait que beaucoup de ces activités sont réalisées
par des travailleurs indépendants ou des micro-PME.
La nouvelle structure de la TVA serait donc la suivante : 7%, 15% et 23% en 2013,
l’intégralité du surplus de recettes de TVA servant à remplacer, avec l’appoint de la hausse de
la CSG, la cotisation sociale de 5,4% sur les salaires servant au financement de la politique
familiale. La réforme peut être anticipée au 1er octobre 2012. La suppression de la cotisation
sociale de 5,4% s’impose d’autant plus que l’INSEE a publié le 28 février 2011 une
estimation révisée du coût du travail en France en 2008, sur la base de la dernière enquête
quadriennale menée au niveau européen, comparé au coût du travail en Allemagne et dans la
zone euro. Pour l’ensemble de l’économie, le coût horaire s’établissait à 31,5 euros en France
contre 28,9 euros en Allemagne et 26,2 euros dans le zone euro (pour la seule industrie
manufacturière, le coût horaire était de 33,2 euros en France et 33,4 euros en Allemagne). Le
coût du travail est donc supérieur d’exactement 20% en France par rapport à la moyenne de la
zone euro. Surtout, le coût horaire dans l’industrie manufacturière a augmenté, entre 2000 et
2008, de 38% en France contre 17% en Allemagne. Ainsi, le coût horaire industriel était
inférieur de 15% en France, par rapport à l’Allemagne en 2000, cet écart disparaissant en
2008, essentiellement sous l’effet de l’application de la législation sur les 35 heures. La
suppression de la cotisation de 5,4% réduirait, pour l’ensemble de l’économie, le coût horaire
du travail en France à un niveau comparable au coût allemand.
Cette structure de TVA est cohérente au plan interne. Elle permet de lutter contre le
travail au noir et de protéger les emplois soumis à la compétition internationale en réduisant
les charges sociales pesant directement sur ces emplois. Les recettes dégagées par cette
nouvelle structure de taux de TVA permettraient, par exemple, de financer la politique de la
famille actuellement assise sur une absurde cotisation sociale payée par l’employeur (5,4% du
salaire). Le mécanisme de TVA-emploi consisterait donc à basculer le financement de la
politique familiale, d’une cotisation sur le salaire brut acquittée par l’employeur vers une
9
tranche de TVA affectée à la branche famille de la Sécurité sociale, avec un complément de
financement par la CSG, pour atteindre un montant égal aux recettes de l’actuelle cotisation
patronale. Les travaux économétriques disponibles9, portant sur le transfert du financement de
la protection sociale, des cotisations sur les salaires vers la TVA, montrent un impact très
positif sur l’emploi. Ainsi naîtrait ce que l’on pourrait appeler une « TVA familiale ».
La baisse du coût horaire de travail, résultant de la suppression de la cotisation de
5,4%, serait de l’ordre de 5,1% du coût du travail, soit 3,5% de la valeur ajoutée hors taxe, ce
qui compenserait la hausse de la TVA et permettrait de maintenir les coûts complets de
production (pour l’ensemble du secteur productif, baisse de 32 milliards d’euros des
cotisations sociales pour les seules entreprises françaises et hausse de la TVA de 22 milliards
d’euros touchant la consommation de biens et services produits en France et à l’étranger). La
hausse de la TVA, avec la suppression de la cotisation sociale de 5,4%, s’accompagnerait
d’une baisse significative pour le consommateur des prix des biens et services produits en
France10. La Cour des comptes, dans un rapport comparant les fiscalités française et
allemande remis au président de la République le 4 mars 2011, a également préconisé de
basculer le financement de la politique familiale, des cotisations sociales vers la TVA. La
Cour a également pointé l’écart très important de la fiscalité du capital entre la France et
l’Allemagne, au détriment de notre pays. Elle a également recommandé une hausse
significative de la fiscalité sur la consommation d’énergie et de la taxation des émissions de
carbone sur les véhicules particuliers.
La taxe carbone est également un moyen intelligent de financer la protection sociale
tout en baissant les cotisations sociales. Elle vise à décourager les activités polluantes en leur
faisant payer une charge financière proportionnelle à leur niveau d’émission de polluants. Une
taxe carbone devrait, idéalement, être mise en place au niveau européen. En attendant une
telle initiative européenne, on peut envisager la mise en place d’une taxe carbone en France,
comme a pu le faire la Suède, pour financer un plan général d’isolation des bâtiments et pour
prendre en charge une fraction des cotisations sociales pour financer la santé.
Des impôts à base large et à faible taux
La théorie de la fiscalité indique que les meilleurs impôts sont les impôts forfaitaires car
ils ne découragent pas l’investissement et la prise de risque. Une fois le forfait payé, le
travailleur ou l’investisseur gardent tout le surplus de création de richesse. Mais les impôts
forfaitaires ne sont pas facilement acceptés car ils heurtent le principe selon lequel chacun
doit s’acquitter de l’impôt à la mesure de ses moyens.
Compte tenu de ces éléments, l’impôt, qui est le moins nocif sur le plan économique tout
en étant politiquement acceptable, est l’impôt proportionnel. On peut imaginer un impôt
proportionnel sur le revenu – c’est la CSG -, sur la valeur ajoutée – c’est la TVA -, ou sur les
bénéfices – c’est l’IS. Les impôts proportionnels doivent constituer le socle de toute réforme
9
Pour une approche simplifiée, voir la note Flash n° 617 de Patrick Artus (Natixis) sur ce point.
L’augmentation de la TVA ainsi définie pourrait-elle présenter des risques ? Notamment, si les entreprises
répercutaient la totalité de la hausse des prix du fait de la hausse de la TVA, sans les réduire du fait de la baisse
des cotisations sociales, pourrait-on observer un effet inflationniste du basculement partiel de cotisations sociales
vers la TVA ? L’expérience allemande d’une hausse de trois points de pourcentage du taux de TVA, de 16% à
19%, qui a eu un effet de hausse sur les prix inférieur à 0,3% au premier semestre 2007, permet de penser que le
risque inflationniste est, au total, très faible. Mais ceci ne doit pas conduire à négliger l’intérêt d’un pacte de
modération des prix qui serait signée avec les entreprises. L’expérience britannique en cours, avec la hausse du
taux de TVA de 17,5% à 20% au 1er janvier 2011 pourra faire l’objet d’une évaluation au début de 2012.
10
10
fiscale visant l’efficacité et l’équité dans un monde ouvert, soumis à une concurrence fiscale
qui est d’autant plus brutale qu’elle s’inscrit dans la logique concurrentielle de la construction
européenne. Rappelons à propos du terme « proportionnel », ce qui semble toujours
surprendre, qu’un contribuable A gagnant trois fois plus qu’un contribuable B paiera, avec un
impôt proportionnel, trois fois plus d’impôts que B.
Pour financer les dépenses publiques nécessaires dans une république citoyenne, il est
impératif que tous les citoyens participent à ce financement par un impôt proportionnel à leur
revenu. L’impôt proportionnel au revenu peut seul assurer un financement sain de la dépense
publique. Il doit être complété par un impôt progressif pour assurer une mesure de
redistribution des revenus permettant de contenir les écarts de revenu et de patrimoine entre
citoyens.
Pour apprécier l’équité d’un système fiscal, il faut également prendre en compte
l’utilisation des fonds publics. C’est ainsi qu’un impôt proportionnel sur tous les revenus, qui
financerait notamment les besoins des plus démunis, serait, de par l’usage de la ressource
fiscale, très progressif. Rappelons, qu’en France, la CSG frappe l’essentiel des revenus alors
que beaucoup de prestations sont réservées aux personnes ayant de faibles revenus
(allocations logement, prime pour l’emploi, RMI, RSA, ASS, fortes réductions de tarif pour
les cantines, les crèches ou les colonies de vacances qui devraient être assimilées à des
transferts monétaires, etc.), en sorte que le bloc ‘CSG plus prestations réservées aux faibles
revenus’ a le caractère d’un impôt fortement progressif.
2 - Une fiscalité efficace et équitable
La concurrence fiscale a pour objet d’attirer sur le territoire du moins-disant fiscal les
activités à forte valeur ajoutée et les « facteurs mobiles de production » c’est-à-dire les
personnes les plus qualifiées (entrepreneurs, chercheurs, capitaux-risqueurs et toutes les
personnes ayant des revenus et/ou un patrimoine élevés). Les impôts clés qui déterminent
l’intensité de la concurrence fiscale sont l’impôt sur le revenu (IR), l’impôt sur les sociétés
(IS), l’impôt sur le revenu et les plus-values de l’épargne et l’impôt sur la fortune (ISF).
Plus précisément, il apparaît que dix-huit des vingt-sept pays membres de l’Union
européenne s’organisent pour réduire sous deux ans l’IS vers un taux de 15% - 23% (selon les
pays), le taux marginal de l’IR vers 30% et le taux d’imposition de l’épargne vers 15%-20%
(selon les pays). L’ISF, sous forme d’un impôt général sur le patrimoine, n’existe qu’en
France. Pour les trois premiers impôts, les taux d’imposition en France varient entre une fois
et demie et deux fois les objectifs de taux d’imposition de la majorité des autres Etats
membres de l’Union.
La France doit donc mettre en œuvre rapidement, compte tenu de son environnement,
une réforme fiscale majeure ayant deux objectifs : d’une part, réduire la fiscalité sur le travail,
l’investissement et la prise de risques dans l’innovation et la création d’activités nouvelles et,
d’autre part, aligner notre fiscalité sur les objectifs des autres membres de l’Union européenne
pour les quatre impôts déterminant la localisation sur notre territoire des facteurs mobiles de
production. Cette réforme majeure doit favoriser une croissance équitable sans gêner
l’objectif de baisse rapide des déficits publics.
Une réforme fiscale équitable dans le cadre d’une stratégie économique cohérente
11
Le cadre est posé : réformer la fiscalité directe d’Etat afin de la rendre efficace,
équitable et simple à administrer, pour mieux dynamiser la création de richesses en France et
résister à la concurrence fiscale européenne. Cette réforme doit s’inscrire dans une stratégie
de finances publiques11 qui est résumée dans le tableau 3. La réforme serait votée en juinjuillet 2012. Elle s’appliquerait, pour certaines dispositions au 1er octobre 2012 et pour
l’ensemble de la réforme au 1er janvier 2013.
Dans ce cadre général de politique de finances publiques, les impôts concernés sont les
suivants : pour les ménages, il s’agit de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IR), le
prélèvement libératoire sur le revenu de l’épargne et l’impôt proportionnel sur les plus-values,
la contribution sociale généralisée (CSG) et toutes les contributions associées (CRDS, etc.) et
l’ISF ; pour les entreprises, on retient les cotisations pour financer la politique familiale (5,4%
du salaire brut), la TVA et l’impôt sur les bénéfices des sociétés.
Le principe de la réforme conduit à poser que l’impôt sur le revenu reste un impôt
progressif avec trois tranches d’imposition, en contrepartie de la suppression programmée des
niches fiscales actuelles, mais avec le maintien du quotient familial et de la prime pour
l’emploi. L’IR est calculé après prélèvement de la CSG qui devient totalement déductible du
revenu imposable et s’applique à la totalité des revenus, y compris les revenus de transferts de
toutes natures. Il s’agit de calculer le taux unique d’imposition qui, pour les impôts concernés
et sur la base d’une simulation portant sur les revenus prévus pour 2010, porterait le poids de
l’ensemble des recettes publiques à 51% du PIB en 2013. Pour respecter la contrainte
d’équité, une tranche non imposée de 7 500 euros par part est instaurée pour le calcul de l’IR.
Le maintien de la prime pour l’emploi (PPE), conjointement avec la tranche à 0% sur les
premiers 7 500 euros de revenu par part, donne une très forte progressivité au système. La
PPE pourra être fusionnée avec le Revenu de Solidarité active (RSA) et mensualisée en
veillant à ce que l’éventuelle PPE - RSA soit très liée à l’emploi effectif – sinon il faudra les
maintenir séparés.
Tableau 3 – Stratégie de finances publiques 2011 – 2017
(en pourcentage du PIB)
2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Dépense publique
55,8
55,1
54,0
52,5
51,0
49,75 48,5
Recettes publiques
49,8
50,5
51,0
50,5
50,0
49,75 48,5
42,9
43,2
43,8
43,5
43,0
42,25 41,5
Dont PO
11
Le poids des recettes publiques de toutes natures sur l’économie, qui devrait être de 49,8% du PIB en 2011,
doit être porté à 51% du PIB en 2013 tandis que la dépense publique devra être ramenée à 54% du PIB en 2013
et 52,5% en 2014, puis 51% du PIB en 2015 et 49,75% du PIB en 2016, en sorte que le déficit public soit
annulée cette année là. La baisse de la dépense devra continuer au même rythme pour revenir à 48,5% du PIB en
2017, au terme du prochain quinquennat. Le poids des recettes publiques baisserait au même rythme, soit de
51% du PIB en 2013 à 48,5% du PIB en 2017. Les recettes publiques ne doivent pas être confondues avec les
« prélèvements obligatoires » (PO) qui en font partie avec les « autres recettes publiques ». Les recettes
publiques de 51% du PIB en 2013 sont la somme des PO de 43,8% du PIB et des autres recettes qui sont de 7,2%
du PIB. Les PO sont anticipés à 43,8% du PIB en 2013 par la Loi de Finances 2011. La réforme proposée ici
retient le même poids de PO pour 2013 alors même que les taux d’imposition baissent fortement car les bases
s’élargissent significativement. Les recettes publiques baissant à 48,5% du PIB en 2017, les PO baisseraient à
41,5% du PIB en 2017.
12
Autres recettes12
6,9
7,3
7,2
7,0
7,0
7,0
7,0
Déficit public
6,0
4,6
3,0
2,0
1,0
0
0
Dette publique
86,2
87,5
87,0
85,1
82,2
78,2
74,3
Source : Loi de Finances 2011 pour les années 2011 – 2012, puis auteur pour les années
suivantes.
Pour résister à la concurrence fiscale intra-européenne, il serait souhaitable de
remplacer l’ISF par une surtaxe à l’impôt sur le revenu frappant la dernière tranche de cet
impôt, afin de maintenir un nécessaire mécanisme de redistribution. Cette surtaxe prendrait le
nom d’impôt sur le revenu de la fortune (IRF) et serait intégrée au taux marginal de l’impôt
sur le revenu. Le bouclier fiscal est supprimé.
L’impôt sur les bénéfices des sociétés doit s’inscrire dans les évolutions actuelles en
Europe vers une plage de taux d’IS allant de 15% à 23%. On peut commencer par mettre en
place un taux d’IS de 18% sur les bénéfices mis en réserve et imposer les bénéfices distribués
à 26% en 2013. Puis, le couple 18% sur les bénéfices mis en réserve et 26% sur les bénéfices
distribués serait ramené à 15%-23% en 2015 (afin de se caler sur la plage européenne
d’imposition de 15% à 23%). Les PME verraient donc le poids de l’IS baisser
substantiellement tandis que les dispositions permettant aux grandes entreprises d’avoir un
taux effectif réduit seraient abrogées. On peut attendre de la relocalisation des bénéfices en
France et de l’abrogation des dispositions concernant les grandes entreprises une hausse
substantielle des recettes effectives d’IS de l’Etat français.
Il résulte de cette approche que le nouveau système fiscal est reconstruit sur un taux
central de 15% qui s’applique à la CSG (CRDS et autres prélèvements inclus) qui peut
s’appeler « contribution sociétale de citoyenneté (CSC) », à la première tranche de l’IR, au
prélèvement libératoire et à l’impôt sur les plus-values. L’IS est donc temporairement, en
2013-2014, à 18% sur les bénéfices mis en réserve et à 26% pour ceux qui sont distribués,
puis de 15% et 23% en 2015. Le taux marginal de l’impôt sur le revenu de 30% s’applique à
partir de 60 000 euros par part. L’ISF est remplacé par une tranche de 5% d’impôt sur le
revenu (IRF) incluse dans le taux maximum de l’impôt sur le revenu.
Précisons le mode de passage de la CSG à 15%. La CSG sur les salaires (avec CRDS
et contribution de solidarité), sur les retraites et tous les transferts, d’une part, et celle sur le
patrimoine (avec les prélèvements associés), d’autre part, augmentent de 2,7 points de
pourcentage pour contribuer à la réduction du coût du travail (via le remplacement de la
cotisation de 5,4% sur les salaires bruts au bénéfice de la politique familiale selon les
modalités exposées plus loin) et à celle des déficits publics et s’établissent donc, en
arrondissant, à 11% sur les salaires, retraites et transferts et 15% sur le patrimoine. Le taux de
CSG sur les salaires est portée à 15% en basculant 4 points de la cotisation santé versée par
les employeurs sur la cotisation versée par les employés mais avec une augmentation
concomitante des salaires bruts en sorte que l’effet de basculement de ces 4 points de
cotisation n’ait pas d’impact sur les salaires nets. La hausse de 4 points sur les retraites et
transferts, de 11% à 15%, se fait au rythme d’un point par an déduit de l’ajustement de ces
12
Recettes de production et de revenus de la propriété.
13
prestations pour la hausse des prix. La nouvelle CSG à 15% sur tous les revenus directs et de
transfert remplace toutes les cotisations qui viennent d’être évoquées. Par extension, le
prélèvement libératoire sur les revenus non soumis à l’impôt sur le revenu est obligatoire au
taux de 15%, en sus de la nouvelle CSG à 15% (ce qui donne un taux complet de 27,75%).
L’équilibre financier de la réforme est fondé sur des simulations réalisées par le Conseil
d’Analyse Economique13 et mises à jour par l’auteur14. Alternativement, si le basculement,
pour les salariés, de 4 points de cotisation santé sur la CSG semble politiquement difficile
bien qu’il soit financièrement neutre pour eux, et surtout si la hausse de 4 points de la CSG
sur les retraites et transferts semble politiquement difficile bien que ce soit le seul moyen
d’éviter l’effondrement de la protection sociale dont les retraités et titulaires d’autres
transferts sont les principaux bénéficiaires, le système peut être calé sur un taux général de
CSG de 12% pour les salaires, retraites et revenus de transfert. Selon les préférences
politiques des décideurs opérant la réforme, en termes du couple efficacité versus équité, le
taux de CSG sur les revenus de l’épargne et les plus-values pourra être de 12% ou 15%. Dans
la suite, nous illustrons la réforme à partir d’un taux unique de CSG à 15%.
Ce nouveau système fiscal, qui permet de réduire le déficit public à 3% du PIB en
2013 et de l’éliminer en 2016, dans le cadre de la stratégie de finances publiques définie
précédemment, encourage l’innovation et la croissance en favorisant le travail et la prise de
risque économique. Il apparaît donc qu’il est possible de passer, avec des recettes publiques
baissant modérément de 51% du PIB en 2013 à 49,75% du PIB en 2016 (soit le niveau de
2011), d’une fiscalité écrasante et non compétitive, à une fiscalité qui stimule la croissance et
qui est compétitive15.
Cette stratégie de finances publiques suppose un gel de la dépense publique en euros
constants qui est obtenu sous l’effet de trois phénomènes :
-
D’abord, l’accélération de la croissance annuelle liée à cette réforme – avec
notamment la forte baisse du taux d’IS et la nette baisse des cotisations
sociales -, de 2% en 2013 à 3% en moyenne en 2015-2017, permet de créer
1,6 million d’emplois sur la période 2013-2017, ce qui conduit tout à la fois
à une baisse des prestations sociales (allocations chômage, RSA, RMI, etc.)
et à une hausse du taux d’emploi, notamment pour la tranche des 55 – 65
13
Rapport de Christian Saint-Etienne et Jacques Le Cacheux, intitulé : Croissance équitable et concurrence
fiscale, Conseil d’Analyse Economique, octobre 2005.
14
L’IR serait un impôt sur le revenu à trois tranches :
une tranche d’imposition à 0% jusqu’à 7 500 euros par part,
une tranche à 15% de 7 500 à 60 000 euros par part,
une tranche à 30% au-delà de 60 000 euros par part (25% pour l’IR et 5% pour l’IRF).
15
Comme évoqué précédemment, les recettes publiques sont constituées des prélèvements obligatoires (PO) et
des autres recettes des administrations publiques. Avec des recettes publiques baissant de 51% du PIB en 2013 à
48,5% du PIB en 2017, les PO baissent de 43,8% à 41,5% du PIB sur la même période. Il faut toutefois observer
le profil de l’évolution des PO au tableau 7. D’un niveau moyen de 43% du PIB en 2011-2012, ils augmentent
initialement, afin de contribuer à la forte baisse recherchée du déficit public en 2013, et reviennent au niveau de
43% du PIB en 2015 grâce à la baisse du ratio de dépense publique qui résulte du gel en euros constants de la
dépense sur la période 2013 – 2017. Le poids des PO a été en moyenne de 43,1% du PIB en 2000 – 2010. C’est
seulement au terme de trois années de forte maîtrise de la dépense publique que le poids des PO peut baisser de
43% du PIB en 2015 à 41,5% du PIB en 2017. Pour cette dernière année, les dispositions fiscales sont incluses
dans la loi de Finances de 2017 annoncée en septembre 2016 et votée en décembre 2016.
14
ans, ce qui réduit le poids des retraites versées16. Au total, les prestations
sociales, qui représentent la moitié de la dépense publique, n’augmentent
plus que de 1% par an en euros constants en 2013 – 2014, avant d’être
stabilisées en euros constants en 2015-2017.
-
Ensuite, les « objectifs de Maastricht » que la France contracte avec la
Commission européenne (retour du déficit à 3% du PIB en 2013 et zéro en
2016 – 2017) doivent être déclinés au niveau des collectivités locales et de
la Sécurité sociale, comme en Allemagne17.
-
Enfin, la réforme des retraites doit être complétée par une augmentation de
la durée de cotisation requise pour obtenir une retraite pleine18.
Toutefois, si la croissance se révélait moins forte, en dépit de cette réforme fiscale qui
remet le développement de l’économie française au cœur de la stratégie de finances
publiques, la baisse de la dépense publique et celle du poids de la fiscalité seraient moins
rapides. Le déficit pourrait être néanmoins réduit à 1% du PIB en 2016 et à moins de 0,5% du
PIB en 2017. Avec une croissance qui serait limitée à 2% en 2015-2017, le ratio de dépense
publique s’établirait à 49,5% du PIB en 2017 au lieu du ratio de 48,5% indiqué au tableau 7.
En résumé, et ce point est crucial, même si la croissance était moins forte qu’anticipée, les
principaux résultats de la réforme sont conservés : la fiscalité française redevient compétitive
en Europe, le coût du travail baisse significativement et les grands équilibres des finances
publiques sont rétablis. Pour compenser l’impact de la hausse de la TVA pour les travailleurs
les plus modestes, la Prime pour l’emploi est mensualisé et augmente de moitié.
La nouvelle CSG apporte un supplément de ressources de 24 milliards d’euros, au
minimum (basculement des 4 points de cotisation santé sur les salaires évidemment non
compté puisqu’ils financent toujours la santé). Cette nouvelle structure de fiscalité, pour les
seules TVA et CSG, dégage un excédent net total de 44 milliards d’euros19 qui finance la
suppression de la cotisation de 5,4% sur les salaires pour la politique familiale, soit 32
milliards, et une baisse du déficit de 12 milliards d’euros. Le nouvel impôt progressif sur le
revenu (toutes niches supprimées, sauf les incitations aux investissements en actions) et la
fiscalité des plus-values dégagent des ressources nouvelles pour financer la réforme de l’IS
(nette de l’apport du plafonnement de la déductibilité du résultat financier), ainsi qu’une
réduction supplémentaire du déficit d’au-moins 8 milliards d’euros. Au total, la nouvelle
16
On suppose, au cours de la période 2013 – 2017, une inflation annuelle de 2% et une productivité globale qui
s’accélère progressivement de 1% l’an en 2013 à 2% l’an en 2017. On suppose que l’emploi intérieur total par
branche en nombre de personnes est de 26 millions en 2012.
17
Il en résulte que les dépenses de fonctionnement (salaires, consommations, subventions) de l’Etat, des
collectivités locales et de la Sécurité sociale (y compris les hôpitaux) doivent baisser de 1% par an en volume
tandis qu’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne doit pas être remplacé pendant trois ans, avant qu’une
évaluation de l’efficacité de chaque service ne conduise, selon les domaines d’action publique, à pérenniser ou
non cette mesure. Des économies très substantielles sont notamment possibles dans les subventions accordées
par l’Etat et les collectivités locales, notamment les subventions aux associations.
18
Elle doit passer de 41 ans en 2012 à 44 ans en 2021 (ou 2024 si l’on adopte un rythme moins rapide), à raison
de 4 mois supplémentaires par an pendant 9 ans (sans changement de l’âge légal de 67 ans pour toucher une
retraite à taux plein). Cet allongement de la durée de cotisation requise est rendu possible par la forte remontée
du taux d’emploi des 55 – 67 ans. Si nécessaire, l’allongement de la durée de cotisation sera complété par un
recul de l’âge de départ à la retraite à 64 ans en 2024.
19
Le montant de 44 milliards est la somme de 24 milliards de hausse de CSG + 22 milliards de hausse de TVA –
2 milliards alloués à la hausse de la prime pour l’emploi qui compense la hausse de la TVA pour les revenus les
plus faibles.
15
structure fiscale est très compétitive en Europe, socialement plus équitable, et permet de
réduire le déficit public d’un point de PIB.
Cette stratégie de finances publiques, qui permet de redonner toute sa compétitivité
fiscale et industrielle à notre économie tout en encourageant massivement le travail et
l’investissement, permet une accélération de la croissance dans la mesure où l’épargne des
Français peut financer l’investissement productif et les infrastructures au lieu de financer le
déficit public. La croissance est également stimulée par le basculement des cotisations
employeurs pour financer la politique familiale, et une partie des cotisations pour financer
l’assurance-maladie, sur la CSG, la TVA-emploi et la taxe carbone qui contribuent à une
baisse de 6 points de pourcentage des cotisations sociales (en pourcentage du salaire brut),
baisse obtenue par la suppression de la cotisation de 5,4% sur les salaires et une baisse
supplémentaire de 0,6% de la cotisation santé financée par la taxe carbone.
La réforme fiscale, qui vient d’être exposée, conduirait donc à une structure de la fiscalité
qui aurait les caractéristiques complètes suivantes au 1er janvier 2013 :
-
La nouvelle CSG serait au taux de 15% sur tous les revenus, qu’ils
proviennent du travail, du capital ou des transferts.
-
L’impôt progressif sur le revenu (IPR) serait à trois tranches (même base que
la CSG après déduction de cette dernière) : 0% jusqu’à 7 500 euros par part,
15% de 7 500 à 60 000 euros par part, et 30% au-delà de 60 000 euros par
part (impôt sur le revenu de la fortune inclus).
-
Prélèvement libératoire obligatoire (PLO) de 15%, en sus de la CSG, qui
s’étend à tous les revenus de l’épargne (sauf Livret A qui reste le principal
instrument d’épargne des catégories modestes et qui n’est imposé qu’à la
CSG, tout comme le plan d’épargne en actions (PEA) qui est maintenu). Afin
d’encourager une épargne à très long terme (plus de 15 ans) qui serait investie
pour plus de la moitié en actions, pour financer le développement de notre
système productif, le PLO ne s’appliquerait pas aux revenus de comptes
d’épargne bloqués pour une durée minimale de 15 ans à condition que les
fonds recueillis soient investis à plus de 60% en actions (les plus-values de
ces comptes ne seraient soumises qu’à la CSG). Dans la période transitoire
permettant de consolider les finances publiques, en éliminant
progressivement le déficit public pour entamer un vrai reflux du poids de la
dette (en pourcentage du PIB), on devra suspendre l’application du PLO aux
investissements de long terme en titres d’endettement pour ne pas assécher
les sources de financement de le dette publique, et notamment ne pas
appliquer le PLO sur l’assurance-vie après huit ans de détention.
-
Prélèvement de 15%, en sus de la CSG, sur toutes les plus-values mobilières
et immobilières (ces plus-values sont corrigées du taux d’inflation de
l’économie – prix du PIB – et, pour les plus-values immobilières, des travaux
sur factures n’ayant pas fait l’objet d’un avantage fiscal), sauf sur la résidence
principale dont les plus-values ne sont pas imposées pour ne pas freiner la
mobilité, d’autant plus que le produit de la vente de la résidence principale est
généralement utilisé pour acheter une autre résidence. Toutefois, les plusvalues sur les parts dans des fonds investis à plus de 60% en actions de
16
sociétés de moins de 250 personnes, nouvellement créées, et bloqués pendant
au moins 8 ans, ne sont pas soumises à ce prélèvement (ces plus-values
restent soumises à la CSG).
-
TVA à 7% pour le taux super-réduit (presse, produits alimentaires et
culturels, médicaments remboursés par la Sécurité sociale), à 15% pour le
taux intermédiaire s’appliquant à certaines activités à forte intensité de main
d’œuvre (hôtels et restaurants, transports de voyageurs, travaux de
rénovation, services d’aide à la personne), et à 23% pour le taux normal.
-
Impôt sur les sociétés (IS) à 18% sur les bénéfices mis en réserve et 26% sur
les bénéfices distribués en 2013, ces taux étant réduits à 15% et 23% en 2015.
-
La cotisation actuelle de 5,4% sur les salaires pour financer la politique
familiale est remplacée par un mix de TVA – CSG. La taxe carbone finance
une baisse supplémentaire de 0,6% de la cotisation santé sur les salaires.
Si l’on veut comparer, du point de vue des contribuables, le système fiscal actuel
à celui qui est proposé ici, on le fera avec un taux de CSG de 11% sur les salaires,
retraites et transferts et 15% sur les revenus du capital, les autres paramètres du
système étant inchangés20. La CSG à 12% intègre en effet un point de prélèvement pour
réduire le déficit public21. Du point de vue du salarié moyen français, recevant un salaire
mensuel de 2 000 euros, ou 24 000 euros annuels, il paie, dans le nouveau système fiscal, une
CSG de 2 640 euros prélevée à la source, donnant un revenu imposable à l’IRPP de 21 360
euros. Avec un abattement de 7 500 euros, son revenu imposable est de 13 860 euros imposé à
la source au taux de 15%, soit 2 079 euros. Au total, il acquitte 4 719 euros de CSG et IRPP,
soit 19,7% de son revenu annuel. Dans le même temps, le coût complet de ce salarié pour
l’employeur est réduit du fait de la suppression de la cotisation sociale de 5,4% sur les
salaires. C’est bien une « fiscalité de croissance » qui se met en place : le taux marginal
de l’impôt sur le revenu, pour 90% des salariés français, est de 15% tandis que le coût
du travail baisse significativement.
Cette structure de fiscalité protège les ménages modestes qui ne sont pas ou faiblement
imposés sur le revenu, dont la résidence principale n’est pas soumise à l’impôt sur les plusvalues et dont l’épargne investie sur un livret A ne paie pas le prélèvement libératoire
obligatoire. Les revenus et plus-values du PEA ne sont soumis qu’à la CSG. Beaucoup de ces
ménages reçoivent le RSA et une PPE qui augmente de plus de moitié.
Cette nouvelle structure de fiscalité est très progressive, en dépit de sa simplicité
faciale, car toutes les niches fiscales sont supprimées. Seuls les investissements de long terme
en actions ne sont pas soumis au PLO en contrepartie de la prise de risque associée à ces
investissements.
Cette structure de fiscalité est équitable tout en évitant la délocalisation des ménages
ayant les revenus les plus élevés. La reconstruction du système productif permet de créer les
20
Ou alternativement avec une CSG de 15% mais en intégrant le basculement de 4 points de cotisation santé sur
la CSG dans le système actuel.
21
Si l’on veut simuler le système proposé ici avec la CSG de 12%, il faut, pour le comparer au système actuel,
intégrer le point supplémentaire de CSG au système actuel.
17
emplois nécessaires pour éliminer le sous-emploi qui est la principale cause d’inégalité dans
un système démocratique. Car la dignité de chaque être humain est sa première liberté.
*
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J’explique les différences d’options de réforme de la fiscalité entre cette proposition et
d’autres dans l’annexe n°1 et j’évoque la réforme partielle de la fiscalité du patrimoine
envisagée au printemps 2011 dans l’annexe n°2.
Annexe 1
Commentaires sur les autres propositions de réforme de la fiscalité
Deux propositions ont été faites récemment pour réformer notre système fiscal. Une
proposition de réforme globale par Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez :
Pour une révolution fiscale. Un impôt sur le revenu pour le XXIe siècle (Paris, 2011) et par
Jérôme Chartier : Réflexions pour une convergence fiscale franco-allemande (texte produit
dans le cadre de l’UMP, 2011). La première sera référencée LPS et la seconde JC.
La réforme LPS veut également, comme la réforme proposée dans ce livre,
promouvoir une réforme complète de la fiscalité par élargissement des bases (suppressions
des niches) mais en faisant le choix de taux ultra progressifs. C’est d’ailleurs l’objectif
essentiel de cette réforme que de « faire payer les riches » sans prendre en compte la violence
de la concurrence fiscale en Europe (que je condamne violemment dans tous mes écrits depuis
dix ans, mais qui est un fait), la nécessité de passer d’un système socio-fiscal qui privilégie la
rente à un système qui privilégie la prise de risque entrepreneurial, et en ignorant la nécessité
de reconstruire notre système productif en favorisant la détention d’actions.
De plus, LPS font un choix contestable d’individualisation obligatoire de l’impôt sur
le revenu afin de supprimer le quotient conjugal et le quotient familial. Ils prônent la
suppression de la prime pour l’emploi (PPE), s’opposent à la TVA-emploi et veulent alourdir
l’impôt sur la fortune. Enfin, LPS présentent des tableaux et graphes (pages 50 et 51 de leur
livre) conceptuellement erronés et socialement contestables. Traitant immédiatement ce
dernier point, il est inadmissible d’inclure dans ces graphes les cotisations sociales retraite et
chômage qui relèvent de la protection sociale individuelle assurantielle dont les bénéfices ne
sont, par nature, versées qu’aux seuls cotisants et en proportion de leurs cotisations. Un tel
contresens est intellectuellement faux, voire malsain. C’est d’autant plus inutile que la
nécessité de réformer le système actuel s’impose sans ces artifices. Ce point étant clarifié,
revenons aux choix de LPS. Leur principal objectif est de rendre le système socio-fiscal ultra
progressif au risque évident de bloquer le nécessaire renforcement de notre système productif
afin de relancer la machine à créer des emplois.
L’emploi est le principal levier de réduction des inégalités. Le chômage durable est
une mise en cause insupportable de la dignité des hommes. La seule façon de relancer
l’activité pour éliminer le chômage est de favoriser l’essor des PME pour qu’elles créent les
3 millions d’emplois productifs qui nous manquent. Ma différence fondamentale avec LPS
vient de ce que leur système accentuera la pauvreté en détruisant les ressorts de la création
d’emplois, au lieu de la réduire.
LPS veulent rendre obligatoire l’individualisation de l’impôt sur le revenu afin de
supprimer le quotient conjugal et le quotient familial. Je conteste totalement ce choix. De fait,
l’individualisation obligatoire est tout aussi insupportable que le quotient conjugal obligatoire.
Il faut laisser le choix aux ménages entre individualisation de l’impôt et quotient conjugal.
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Dans ce cas, les ménages rempliront 1 ou 2 déclarations d’impôt selon leurs choix. Ils
pourront se partager les parts supplémentaires pour enfants sachant que, pour respecter
l’équité fiscale, le quotient familial doit être plafonné.
De fait, la France a construit un « écosystème de fécondité » avec les allocations
familiales, les crèches et la scolarisation précoce, et un regard collectif valorisant pour la
« mère qui travaille ». Les quotients conjugal et familial font partie de cet « écosystème de
fécondité » et de ce regard valorisant, et toute mesure qui ne tient pas compte de l’effet
psychologique et sociétal qu’elle aurait sur cet écosystème doit être rejetée. La liberté laissée
au choix entre individualisation et quotient conjugal permet aux femmes de ne pas hésiter à
évoluer professionnellement sous le seul prétexte que cela ferait augmenter le taux marginal
d’imposition du foyer. Ma réforme est très libératrice du choix des femmes tout en laissant
aux couples qui choisissent le quotient conjugal la possibilité d’en profiter pleinement.
Par ailleurs, LPS prônent la suppression de la PPE alors que l’idée de favoriser
l’emploi est une nécessité pour le pays. La PPE est un élément clé permettant simultanément
d’encourager l’emploi et d’augmenter le pouvoir d’achat des travailleurs ayant des revenus
faibles. La PPE peut être fondue avec le RSA et mensualisée à condition que l’encouragement
à l’emploi soit privilégié.
En outre, LPS s’opposent à la TVA-emploi alors que la TVA reste, avec la CSG, le
meilleur impôt pour lutter contre la délocalisation des emplois. De nombreux travaux récents
d’économistes appellent à augmenter les taxes sur la consommation. LPS font une confusion
répandue qui fait de la TVA, impôt très efficace, un impôt qui serait inéquitable car les
« pauvres » consommeraient davantage que les « riches » en proportion de leur revenu. Or, ce
n’est pas une raison pour s’opposer à la TVA alors qu’il suffit de compléter la TVA par des
allocations compensatrices versées aux faibles revenus, par l’augmentation de la PPE, pour
contrer cet inconvénient. Un inconvénient déjà limité dans ma proposition par le maintien
d’un taux réduit pour les produits alimentaires et les médicaments remboursés par la Sécurité
sociale.
Enfin, LPS veulent alourdir l’ISF qui est un véritable impôt qui pousse à la
délocalisation des entreprises dès lors qu’il frappe les actions des sociétés industrielles et
commerciales. Surtout, LPS ignorent le fait que le capital est accumulé à partir de revenus
déjà taxés à l’impôt sur le revenu ou de plus-values déjà taxées. En revanche, je suis d’accord
avec eux pour souhaiter que les impôts sur l’héritage favorisent une vraie redistribution des
richesses au-delà du seuil nécessaire pour préserver la pérennité des entreprises familiales.
J’ajoute que si l’on veut absolument rendre le système fiscal encore plus redistributif
que ce que je propose déjà (voir les simulations présentées dans le texte), on peut créer dans le
système que je propose une tranche à 35% au-delà de 120 000 euros par part.
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La réforme présentée par Jérôme Chartier (JC) est partielle, contrairement aux
propositions contenues dans ce livre ou à celles de LPS, mais elle a le mérite de prendre en
compte la concurrence fiscale et sociale qui sévit en Europe. Il fait bien ressortir que la
fiscalité du capital est beaucoup plus lourde à l’étranger qu’en France. Il insiste correctement
sur le fait que la richesse créée par les entreprises est plus lourdement taxée et que les
cotisations sociales sont plus lourdes en France qu’en Allemagne. De plus, l’Allemagne a
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aboli l’impôt sur la fortune. L’Allemagne a conçu son système fiscal pour « renforcer son
potentiel de croissance durable ». Avec les résultats que l’on sait.
JC propose de fixer un plafond à la déductibilité des frais financiers de l’impôt sur les
sociétés (IS), ce qui est intégré à la réforme de l’IS proposée dans ce livre. Ainsi, la
déductibilité du résultat financier net (intérêts payés moins intérêts perçus) doit être limitée à
40% de l’excédent brut d’exploitation (EBE), après abattement de 3 millions d’euros sur
l’EBE.
Pour réduire l’écart de fiscalité sur le patrimoine (1% du PIB en Allemagne et 3,4% du
PIB en France), qui est finalement le cœur du rapport et des propositions de JC, ce dernier
propose d’alléger l’ISF plutôt que de le supprimer. Il s’appliquerait au-delà de 4 millions
d’euros, hors résidence principale et outil de travail, au taux unique de 0,5%. Il propose en
contrepartie d’imposer le patrimoine foncier des résidents, d’appliquer le régime des plusvalues aux résidences principales d’une valeur supérieure à 1,2 million d’euros, ainsi que la
taxation obligatoire des cessions de titres de sociétés immobilières. La taxation de la plusvalue sur la résidence principale a beaucoup retenu l’attention. Elle est inappropriée car
l’acquisition de cette résidence est souvent le fruit du travail d’une vie.
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Annexe 2
Réforme partielle de la fiscalité du patrimoine envisagée au printemps 2011
Le gouvernement envisage une réforme partielle de la fiscalité du patrimoine en mai
2011. Les éléments actuellement évoqués concernant cette réforme laissent présager que le
dispositif global de l’ISF pourrait être maintenu avec une baisse des taux d’imposition et une
suppression concomitante du bouclier fiscal.
Si l’on devait procéder à une réforme de l’ISF en attendant de mettre en œuvre la
réforme globale proposée dans ce texte, on peut envisager les modalités suivantes. L’ISF
serait au taux de 0,3% de 1,3 million à 3 millions d’euros de patrimoine imposable, et de 0,5%
au-delà, sans taxer les plus-values sur la résidence principale ni augmenter l’abattement de
30% sur la résidence principale.
Le taux de 0,5% est calculé en prenant en compte le rendement actuel du capital
investi en immobilier, actions et obligations qui varie, après impôts et taxes, de 2% à 3%.
Notons que les revenus du capital ont déjà subi des prélèvements de 31,3% et que s’il y a, par
ailleurs, des plus-values sur ce capital, elles sont actuellement taxées à 31,3%.
Supposons que le rendement d’un capital obligataire avant impôts soit de 3,5%, ce qui
donne un rendement après impôts de 2,4%. Le capital obligataire subit une dépréciation liée à
l’inflation de l’ordre de 2%, la compensation de cette dépréciation étant intégrée au
rendement de 3,5%. Le rendement net d’impôt et de dépréciation, avant ISF, n’est donc que
de 0,4%. L’ISF est donc un impôt qui frappe davantage l’inflation subie que le capital
possédé ! Dans cet exemple, au taux de 0,5%, l’ISF est déjà un impôt qui « mange » la base
imposable.
Le capital immobilier aura un rendement après charges et taxes foncières de 2,5% qui
sera réduit à 1,7% après impôts. L’ISF représente 30% du rendement net, déjà fiscalisé. La
somme des impôts sur les revenus, les plus-values et l’ISF ressort à plus de 52% du revenu
après charges et taxes foncières. L’intégration des taxes foncières porte le poids de la fiscalité
à plus de 60% du rendement après charges. Il est contreproductif d’aller au-delà d’un taux ISF
supérieur à 0,50%. Le fait que ce taux s’applique au-delà de 3 millions d’euros conduit à ce
qu’il concerne surtout des actions. Comme il est nécessaire de reconstruire notre capital
productif, le maintien de l’ISF, même au taux de 0,5%, ne peut être que temporaire. Si l’on
veut taxer les « riches », il est plus intelligent de taxer les successions sur les gros patrimoines
que de maintenir l’ISF.
Le gouvernement a proposé deux pistes de réforme de l’ISF le 3 mars 2011 :
-
soit un ISF avec un seuil d’entrée de 1,3 million et un taux de 0,25%
s’appliquant dès le 1er euro de patrimoine ( !). Le taux serait de 0,5% à
compter de 3 millions d’euros. L’abattement sur la résidence principale reste
fixé à 30% et l’ISF – PME (réduction d’impôt pour les investissements dans
les PME) est supprimé,
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-
soit une taxation à 19% de la progression annuelle de la valeur du patrimoine.
Le seuil de déclenchement est de 1,3 million d’euros. La résidence principale
est incluse dans le calcul du seuil, mais pas dans l’assiette de l’impôt. Les
participations dans les sociétés non cotées sont exonérées. Quand le
patrimoine baisse, les moins-values peuvent être reportées sur les dix années
futures. Quand un bien est cédé, l’impôt déjà payé est défalqué de la taxe sur
la plus-value.
La première piste est proche de la proposition faite ici, sauf sur l’application
totalement irresponsable de l’ISF au 1er euro de patrimoine qui est totalement contraire à la
théorie fiscale comme à l’observation qui rejettent tous les effets de seuil. Il faudrait au moins
maintenir l’abattement actuel de 800 000 euros quitte à fixer le premier taux à 0,3%.
La deuxième piste est totalement délirante, bureaucratique et ingérable. D’abord, elle
pénalise ceux qui constituent leur patrimoine et favorise ceux qui gèrent de façon non
économique un patrimoine déjà constitué. Ensuite, « pour l’évaluation des biens, un arrêté
départemental annuel est publié sur la hausse de l’immobilier », soit « le fruit conjugué de
Staline et Kafka ». Enfin, Charles de Gaulle refusait que « la politique de la France soit faite à
la Corbeille ». Ici, on propose de jouer les recettes fiscales de la France à la roulette !
Si l’on élimine d’évidence la deuxième piste, reste la première qui doit revenir à un
impôt qui se déclenche au seuil de 1,3 million d’euros de patrimoine et ne taxe que le
patrimoine au-delà de ce seuil.
La réforme peut être financée par une hausse du taux marginal d’imposition sur le
revenu de 41% à 43% (au-delà de 100 000 euros par part, pour toucher essentiellement les
revenus du capital) et par l’application du régime des droits de mutation à titre onéreux pour
tout bien immobilier sur le territoire national en mettant en place une obligation
d’enregistrement en France des cessions de titres de sociétés civiles immobilières qu’elles
soient ou non établies sur le territoire national.
L’optimum de la réforme partielle pourrait être atteint en sortant les actions des
sociétés industrielles et commerciales de la base d’imposition au motif que l’impératif de
reconstruction de notre base productive impose de traiter les actions avec le même degré de
considération que les « œuvres d’art ».
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