Le poumon

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Dossier
Le poumon
Interview
Jean-François Morère
Service d’oncologie médicale, CHU Avicenne, Université Paris XIII
125, route de Stalingrad, 93000 Bobigny
Propos recueillis par Gérard Tobelem
Angiogenèse et cancer du poumon
En quoi l’angiogenèse
contribue-t-elle à la gravité
d’un cancer du poumon ?
L’angiogenèse tumorale contribue sous
plusieurs aspects à la gravité d’un cancer
du poumon. La néoangiogenèse tumorale se développe essentiellement à
partir des artères bronchiques. Elle constitue cliniquement un facteur de risque
de complications sévères, voire fatales,
car elle favorise la survenue des hémo-
ptysies observées dans 19 à 33 % des cas
de cancer bronchique. Le phénomène
de « cavitation » visible radiologiquement, probablement lié en partie à cette
néoangiogenèse imparfaite, peut encore
être source de complications : surinfection et perforation. À un niveau plus fin,
un degré élevé de vascularisation tumorale mesurée par la densité en microvaisseaux est pour beaucoup d’auteurs
un facteur de mauvais pronostic de ces
tumeurs.
Quel espoir pour le traitement
ciblé anti-angiogénique dans
les cancers du poumon ?
Ce type de traitement représente un
formidable espoir d’amélioration du traitement médical dans la décennie qui
vient. Le panorama du traitement du
cancer bronchique était jusqu’il y a peu
extrêmement terne. On le sait, les
meilleures chances de guérison sont
apportées dans le cancer bronchique par
l’intervention chirurgicale, malheureusement possible au moment du diagnostic seulement dans un 1/4 des cas. La
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majorité des patients doit donc se tourner vers la chimiothérapie ou une combinaison de chimiothérapie et de radiothérapie. Malgré quelques avancées avec
en particulier l’impact significatif sur la
survie de la chimiothérapie est administrée en situation adjuvante, les résultats
de ce type de traitement ont plafonné ces
25 dernières années.
L’arrivée de nouvelles thérapeutiques
pouvant permettre de bloquer ou de
moduler l’angiogenèse tumorale de ces
tumeurs extrêmement vascularisées
permet aujourd’hui de faire bouger les
lignes. Dans une première étude randomisée de phase III réalisée par le groupe
coopératif ECOG, un anticorps ciblant le
VEGF associé à une chimiothérapie classique a permis en effet, pour la première
fois, de passer le mur jamais franchi
de l’année de survie dans les formes
métastasées (12,3 mois contre 10,3 mois,
p = 0,003). Cette étude a été confirmée
cette année lors de la dernière réunion de
l’American Society of Clinical Oncology
par une deuxième étude réalisée à peu
près selon le même schéma, mais comportant une combinaison de chimiothérapie
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Dossier : le poumon
différente. Nous avons donc maintenant
deux études réalisées sur de larges populations allant dans le même sens et qui
nous démontrent un impact significatif du
traitement anti-angiogénique sur la survie
des patients atteints de cancer bronchique
non à petites cellules inopérables.
Par ailleurs, plusieurs molécules de la
famille des inhibiteurs de l’activité tyrosine kinase des récepteurs du VEGF (sunitinib, sorafenib, ZD6474) ont démontré
en étude de phase II une efficacité chez
des patients en échec de chimiothérapie
ou d’un inhibiteur des récepteurs EGF.
Leur développement se poursuit en
combinaison avec la chimiothérapie dans
des études de phase III.
Les cancers du poumon à
petites cellules ne sont pas
absents de ces avancées.
Un essai de l’Intergroupe
Francophone de Cancérologie Thoracique a ainsi
permis de démontrer que le
thalidomine associé à la
chimiothérapie pouvait, là
encore, donner un gain
significatif de survie chez
les patients atteints de
forme diffuse (11,7 mois
contre 8,7 mois).
L’avenir est-il à des combinaisons plus pointues de
traitement anti-angiogénique
et d’autres thérapies ciblées
de type inhibiteur des
récepteurs à l’EGF ? Une
étude de phase II randomisée sur 120 patients nous
apporte quelques éléments
de réponse avec une efficacité de la combinaison de
thérapies ciblées supérieure
à celle obtenue avec la
chimiothérapie seule, ou
avec la combinaison d’une
chimiothérapie et d’une biothérapie.
Ces résultats encourageants nous poussent donc à développer ce type de
combinaison dans le futur.
Quels profils de malades
atteints de cancer du poumon
pourraient bénéficier d’un
traitement anti-angiogénique ?
À l’heure actuelle, il nous faut « apprivoiser » la tolérance de ce type de médicament
chez ce type de malades. En effet, l’un des
problèmes posés dans le début du développement du bevacizumab était celui de
la nécrose tumorale induite par le traitement anti-angiogénique. Ces nécroses assez
bien supportées dans des organes pleins tels
que le foie, sont malheureusement parfois
à l’origine de complications hémorragiques
dans les organes creux tels que les bronches. L’analyse de la première étude de
phase II associant chimiothérapie et bevacizumab a ainsi conduit à sélectionner un
certain nombre de patients plus à risque de
développer ce type de complications : carcinome épidermoïde siégeant sur les gros
troncs bronchiques. Les études réalisées
dans un deuxième temps avec cet anticorps
ont donc sélectionné des patients atteints
d’adénocarcinome et sans antécédent d’hémoptysies récentes. De nouvelles stratégies
s’intéressant au contrôle préalable de cibles
pouvant être sources de saignement sont en
cours d’étude.
Les molécules inhibant l’activité tyrosine kinase des
récepteurs du VEGF sont,
elles, en cours d’évaluation
chez les cancers non à petites cellules sans discrimination selon le type histologique.
Pour conclure, ce type de
traitement représente manifestement une avancée
thérapeutique supplémentaire dans le traitement
médical du cancer bronchique et représente dans
un avenir proche très
probable un nouveau standard. Ces avancées significatives ouvrent aussi la
porte d’une nouvelle efficacité non seulement dans
les cancers bronchiques à
petites cellules mais aussi
dans d’autres tumeurs du
champ de l’oncologie
thoracique telle que les
mésothéliomes.
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