107604 17/09/07 8:18 Page 10 107604 - Folio : -- Type : -07-10-16 10:22:15 L : 209.903 - H : 269.875 - Couleur : Black Cyan Magenta Yellow Dossier Le poumon Interview Jean-François Morère Service d’oncologie médicale, CHU Avicenne, Université Paris XIII 125, route de Stalingrad, 93000 Bobigny Propos recueillis par Gérard Tobelem Angiogenèse et cancer du poumon En quoi l’angiogenèse contribue-t-elle à la gravité d’un cancer du poumon ? L’angiogenèse tumorale contribue sous plusieurs aspects à la gravité d’un cancer du poumon. La néoangiogenèse tumorale se développe essentiellement à partir des artères bronchiques. Elle constitue cliniquement un facteur de risque de complications sévères, voire fatales, car elle favorise la survenue des hémo- ptysies observées dans 19 à 33 % des cas de cancer bronchique. Le phénomène de « cavitation » visible radiologiquement, probablement lié en partie à cette néoangiogenèse imparfaite, peut encore être source de complications : surinfection et perforation. À un niveau plus fin, un degré élevé de vascularisation tumorale mesurée par la densité en microvaisseaux est pour beaucoup d’auteurs un facteur de mauvais pronostic de ces tumeurs. Quel espoir pour le traitement ciblé anti-angiogénique dans les cancers du poumon ? Ce type de traitement représente un formidable espoir d’amélioration du traitement médical dans la décennie qui vient. Le panorama du traitement du cancer bronchique était jusqu’il y a peu extrêmement terne. On le sait, les meilleures chances de guérison sont apportées dans le cancer bronchique par l’intervention chirurgicale, malheureusement possible au moment du diagnostic seulement dans un 1/4 des cas. La 10 VEGF Actu N° 7 • Septembre 2007 majorité des patients doit donc se tourner vers la chimiothérapie ou une combinaison de chimiothérapie et de radiothérapie. Malgré quelques avancées avec en particulier l’impact significatif sur la survie de la chimiothérapie est administrée en situation adjuvante, les résultats de ce type de traitement ont plafonné ces 25 dernières années. L’arrivée de nouvelles thérapeutiques pouvant permettre de bloquer ou de moduler l’angiogenèse tumorale de ces tumeurs extrêmement vascularisées permet aujourd’hui de faire bouger les lignes. Dans une première étude randomisée de phase III réalisée par le groupe coopératif ECOG, un anticorps ciblant le VEGF associé à une chimiothérapie classique a permis en effet, pour la première fois, de passer le mur jamais franchi de l’année de survie dans les formes métastasées (12,3 mois contre 10,3 mois, p = 0,003). Cette étude a été confirmée cette année lors de la dernière réunion de l’American Society of Clinical Oncology par une deuxième étude réalisée à peu près selon le même schéma, mais comportant une combinaison de chimiothérapie 107604 17/09/07 8:18 Page 11 107604 - Folio : -- Type : -07-10-16 10:22:15 L : 209.903 - H : 269.875 - Couleur : Black Cyan Magenta Yellow Dossier : le poumon différente. Nous avons donc maintenant deux études réalisées sur de larges populations allant dans le même sens et qui nous démontrent un impact significatif du traitement anti-angiogénique sur la survie des patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules inopérables. Par ailleurs, plusieurs molécules de la famille des inhibiteurs de l’activité tyrosine kinase des récepteurs du VEGF (sunitinib, sorafenib, ZD6474) ont démontré en étude de phase II une efficacité chez des patients en échec de chimiothérapie ou d’un inhibiteur des récepteurs EGF. Leur développement se poursuit en combinaison avec la chimiothérapie dans des études de phase III. Les cancers du poumon à petites cellules ne sont pas absents de ces avancées. Un essai de l’Intergroupe Francophone de Cancérologie Thoracique a ainsi permis de démontrer que le thalidomine associé à la chimiothérapie pouvait, là encore, donner un gain significatif de survie chez les patients atteints de forme diffuse (11,7 mois contre 8,7 mois). L’avenir est-il à des combinaisons plus pointues de traitement anti-angiogénique et d’autres thérapies ciblées de type inhibiteur des récepteurs à l’EGF ? Une étude de phase II randomisée sur 120 patients nous apporte quelques éléments de réponse avec une efficacité de la combinaison de thérapies ciblées supérieure à celle obtenue avec la chimiothérapie seule, ou avec la combinaison d’une chimiothérapie et d’une biothérapie. Ces résultats encourageants nous poussent donc à développer ce type de combinaison dans le futur. Quels profils de malades atteints de cancer du poumon pourraient bénéficier d’un traitement anti-angiogénique ? À l’heure actuelle, il nous faut « apprivoiser » la tolérance de ce type de médicament chez ce type de malades. En effet, l’un des problèmes posés dans le début du développement du bevacizumab était celui de la nécrose tumorale induite par le traitement anti-angiogénique. Ces nécroses assez bien supportées dans des organes pleins tels que le foie, sont malheureusement parfois à l’origine de complications hémorragiques dans les organes creux tels que les bronches. L’analyse de la première étude de phase II associant chimiothérapie et bevacizumab a ainsi conduit à sélectionner un certain nombre de patients plus à risque de développer ce type de complications : carcinome épidermoïde siégeant sur les gros troncs bronchiques. Les études réalisées dans un deuxième temps avec cet anticorps ont donc sélectionné des patients atteints d’adénocarcinome et sans antécédent d’hémoptysies récentes. De nouvelles stratégies s’intéressant au contrôle préalable de cibles pouvant être sources de saignement sont en cours d’étude. Les molécules inhibant l’activité tyrosine kinase des récepteurs du VEGF sont, elles, en cours d’évaluation chez les cancers non à petites cellules sans discrimination selon le type histologique. Pour conclure, ce type de traitement représente manifestement une avancée thérapeutique supplémentaire dans le traitement médical du cancer bronchique et représente dans un avenir proche très probable un nouveau standard. Ces avancées significatives ouvrent aussi la porte d’une nouvelle efficacité non seulement dans les cancers bronchiques à petites cellules mais aussi dans d’autres tumeurs du champ de l’oncologie thoracique telle que les mésothéliomes. VEGF Actu N° 7 • Septembre 2007 11