10 VEGF Actu
N° 7 • Septembre 2007
En quoi l’angiogenèse
contribue-t-elle à la gravité
d’un cancer du poumon ?
L’angiogenèse tumorale contribue sous
plusieurs aspects à la gravité d’un cancer
du poumon. La néoangiogenèse tumo-
rale se développe essentiellement à
partir des artères bronchiques. Elle cons-
titue cliniquement un facteur de risque
de complications sévères, voire fatales,
car elle favorise la survenue des hémo-
ptysies observées dans 19 à 33 % des cas
de cancer bronchique. Le phénomène
de « cavitation » visible radiologique-
ment, probablement lié en partie à cette
néoangiogenèse imparfaite, peut encore
être source de complications : surinfec-
tion et perforation. À un niveau plus fin,
un degré élevé de vascularisation tumo-
rale mesurée par la densité en micro-
vaisseaux est pour beaucoup d’auteurs
un facteur de mauvais pronostic de ces
tumeurs.
Quel espoir pour le traitement
ciblé anti-angiogénique dans
les cancers du poumon ?
Ce type de traitement représente un
formidable espoir d’amélioration du trai-
tement médical dans la décennie qui
vient. Le panorama du traitement du
cancer bronchique était jusqu’il y a peu
extrêmement terne. On le sait, les
meilleures chances de guérison sont
apportées dans le cancer bronchique par
l’intervention chirurgicale, malheureu-
sement possible au moment du diagnos-
tic seulement dans un 1/4 des cas. La
majorité des patients doit donc se tour-
ner vers la chimiothérapie ou une combi-
naison de chimiothérapie et de radio-
thérapie. Malgré quelques avancées avec
en particulier l’impact significatif sur la
survie de la chimiothérapie est adminis-
trée en situation adjuvante, les résultats
de ce type de traitement ont plafonné ces
25 dernières années.
L’arrivée de nouvelles thérapeutiques
pouvant permettre de bloquer ou de
moduler l’angiogenèse tumorale de ces
tumeurs extrêmement vascularisées
permet aujourd’hui de faire bouger les
lignes. Dans une première étude rando-
misée de phase III réalisée par le groupe
coopératif ECOG, un anticorps ciblant le
VEGF associé à une chimiothérapie clas-
sique a permis en effet, pour la première
fois, de passer le mur jamais franchi
de l’année de survie dans les formes
métastasées (12,3 mois contre 10,3 mois,
p = 0,003). Cette étude a été confirmée
cette année lors de la dernière réunion de
l’American Society of Clinical Oncology
par une deuxième étude réalisée à peu
près selon le même schéma, mais compor-
tant une combinaison de chimiothérapie
Angiogenèse et cancer du poumon
Dossier
Interview
Jean-François Morère
Service d’oncologie médicale, CHU Avicenne, Université Paris XIII
125, route de Stalingrad, 93000 Bobigny
Propos recueillis par Gérard Tobelem
Le poumon
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différente. Nous avons donc maintenant
deux études réalisées sur de larges popu-
lations allant dans le même sens et qui
nous démontrent un impact significatif du
traitement anti-angiogénique sur la survie
des patients atteints de cancer bronchique
non à petites cellules inopérables.
Par ailleurs, plusieurs molécules de la
famille des inhibiteurs de l’activité tyro-
sine kinase des récepteurs du VEGF (suni-
tinib, sorafenib, ZD6474) ont démontré
en étude de phase II une efficacité chez
des patients en échec de chimiothérapie
ou d’un inhibiteur des récepteurs EGF.
Leur développement se poursuit en
combinaison avec la chimiothérapie dans
des études de phase III.
Les cancers du poumon à
petites cellules ne sont pas
absents de ces avancées.
Un essai de l’Intergroupe
Francophone de Cancéro-
logie Thoracique a ainsi
permis de démontrer que le
thalidomine associé à la
chimiothérapie pouvait, là
encore, donner un gain
significatif de survie chez
les patients atteints de
forme diffuse (11,7 mois
contre 8,7 mois).
L’avenir est-il à des combi-
naisons plus pointues de
traitement anti-angiogénique
et d’autres thérapies ciblées
de type inhibiteur des
récepteurs à l’EGF ? Une
étude de phase II randomi-
sée sur 120 patients nous
apporte quelques éléments
de réponse avec une effica-
cité de la combinaison de
thérapies ciblées supérieure
à celle obtenue avec la
chimiothérapie seule, ou
avec la combinaison d’une
chimiothérapie et d’une biothérapie.
Ces résultats encourageants nous pous-
sent donc à développer ce type de
combinaison dans le futur.
Quels profils de malades
atteints de cancer du poumon
pourraient bénéficier d’un
traitement anti-angiogénique ?
À l’heure actuelle, il nous faut « apprivoi-
ser » la tolérance de ce type de médicament
chez ce type de malades. En effet, l’un des
problèmes posés dans le début du déve-
loppement du bevacizumab était celui de
la nécrose tumorale induite par le traite-
ment anti-angiogénique. Ces nécroses assez
bien supportées dans des organes pleins tels
que le foie, sont malheureusement parfois
à l’origine de complications hémorragiques
dans les organes creux tels que les bron-
ches. L’analyse de la première étude de
phase II associant chimiothérapie et beva-
cizumab a ainsi conduit à sélectionner un
certain nombre de patients plus à risque de
développer ce type de complications : carci-
nome épidermoïde siégeant sur les gros
troncs bronchiques. Les études réalisées
dans un deuxième temps avec cet anticorps
ont donc sélectionné des patients atteints
d’adénocarcinome et sans antécédent d’hé-
moptysies récentes. De nouvelles stratégies
s’intéressant au contrôle préalable de cibles
pouvant être sources de saignement sont en
cours d’étude.
Les molécules inhibant l’ac-
tivité tyrosine kinase des
récepteurs du VEGF sont,
elles, en cours d’évaluation
chez les cancers non à peti-
tes cellules sans discrimi-
nation selon le type histo-
logique.
Pour conclure, ce type de
traitement représente mani-
festement une avancée
thérapeutique supplémen-
taire dans le traitement
médical du cancer bron-
chique et représente dans
un avenir proche très
probable un nouveau stan-
dard. Ces avancées signifi-
catives ouvrent aussi la
porte d’une nouvelle effi-
cacité non seulement dans
les cancers bronchiques à
petites cellules mais aussi
dans d’autres tumeurs du
champ de l’oncologie
thoracique telle que les
mésothéliomes.
Dossier : le poumon
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