Génétique quantitative 2015 – La sélection La réponse à la sélection But : En sélection artificielle : améliorer la valeur d’une population dans une direction désirée - en choisissant les parents de la prochaine génération - en contrôlant la manière dont les parents sont recroisés (e.g., en autofécondation, en allofécondation) Dans l’étude de population naturelles, comprendre comment la sélection modifie le trait dans une population, en moyenne et en variance, et découvrir quelles sont les trajectoires évolutives des populations et comprendre sur quels traits la sélection agit le plus Prédiction de la valeur des descendants sélectionnés En utilisant le cadre développé dans les séances précédentes, il faut prédire le changement de moyenne des descendants à partir de la moyenne des individus sélectionnés. On appelle R la réponse à la sélection. C’est le changement de moyenne phénotypique entre la génération parentale et les descendants issus des individus sélectionnés. Lorsque, par convention, on a centré le phénotype sur zéro dans la génération parentale (phénotype centré P = Y-µ où µ est la moyenne parentale ; par la suite cette transformation est appliquée par défaut) , R égale la moyenne phénotypique centrée des descendants (en gardant comme référentiel la moyenne parentale pour le centrage). Faire une sélection, quest-ce que c’est ? Exercer une sélection, c’est faire en sorte que tous les individus de la génération parentale ne se reproduisent pas de la même façon, en privilégiant la reproduction de ceux qui ont un certain phénotype (désiré par le sélectionneur). Si l’on veut par exemple augmenter P, on fera reproduire en priorité les parents ayant une forte valeur de P ; un descendant de cet épisode de reproduction aura des parents qui en moyenne ont une valeur phénotypique supérieure que la moyenne de la population de parents (zéro, si on utilise un phénotype centré). On peut traduire ceci par Σ Pi wi / Σ wi > 0 Pi est le phenotype de l’individu i, wi est le nombre de descendants qu’il laisse, contrôlé par le sélectionneur. ou encore “la moyenne des phenotypes parentaux pondérés par la contribution de chaque parent à la génération suivante est supérieure à zéro » (la moyenne arithmétique non pondérée vaut zéro du fait du centrage). Cette moyenne pondérée est appelée différentiel de sélection, et notée S. Le moyen le plus couramment utilisé pour sélectionner est d’éliminer une partie des parents (ceux dont le phénotype est inférieur à une certaine valeur-seuil) avant la reproduction : seuls se reproduisent ceux qui sont au-dessus du seuil (individus sélectionnés) ; il s’agit d’une sélection par troncation. Dans ce cas S est simplement la moyenne phénotypique des parents sélectionnés. On peut la noter aussi DPp , changement de moyenne phénotypique des parents dû à la sélection. Génétique quantitative 2015 – La sélection Phénotype de la descendance • • b = h2 • OP • • • • •• • • • • • • • • Réponse espérée • • • • •• • • • •• • • • • • • • • ••• •• • • • • • • • • • R •• ••• • •• ••• ••• •• •• • • • • •• • • • • • • •• ••• • •• •• • ••• ••• •• • • • ••• • • • • ••• • •• Phénotype du •• •• ••• •• • ••• • • ••• • •• • •••• •• •• •• • • • • • • •••• • ••• ••• •• •••• • • •• ••••• •••••• •••• • • • •• • • • • • • • parent moyen • • •• • ••• •••• • •••• •• ••••• ••• • ••• ••• ••• • •••• ••••• • • • •• • •• • • • • • • •• •• • ••• • ••• ••• ••• • • •••• •••••••••••••• ••••••••••• •••• •••••••• •••• •• • • • • •• • ••• ••• • •• •• ••• •• ••••• ••••• •••••• ••• ••• •• ••• ••• • • •• ••• • •• ••• •• •• •••••• •••••• ••• •••• • •• •••• • ••••• • •• •• ••••• ••••••• •• •• • • •••• • • • •• •• • • •• ••••• ••••••••• •••• •••••• •••• ••••• ••• •• •••• ••• • • • ••• ••• •••• ••• • • • • • Moyenne des • • • • • • •• •• •• • •••• •• •••• ••• •• •••• • • ••••• ••• • •• • • • • • •• • • • • • • • • • • ••• • ••• •• • •• • • •• • • parents ••• • •• •• •• • • • • • • •• • • • •• • ••• • •••••• • • • • sélectionnés • • • • •• •• • • • • Différentiel de sélection S Parents sélectionnés Point de troncation Moyenne de la population de parents possibles S = Σ Pi wi / Σ wi = DPp Que vaut la réponse à la sélection ? Nous avons vu que la valeur génotypique des enfants Po peut être prédite à partir du phénotype des parents Pp (midparent value) par la régression suivante Po= b Pp + e ( Eq. 1) où la pente de la régression vaut b = cov(Po,Pp)/V(Pp)= h²= V(A)/V(P) dans le cas d’une reproduction sexuée, d’une espèce diploïde panmictique Rappelons que dans le cas de lignées ou de clones (sans reproduction sexuée), alors b= cov(Po,Pp)/V(Pp)= H²= V(G)/V(P). Dans ce cas, les « enfants » sont soit des boutures issues des parents soit des graines produites par des lignées fixées. Il en va de même pour des organismes haploïdes. L’espérance de e est nulle par suite du centrage des variables : e =Po - b Pp E(e) = E(Po)- b E(Pp) = 0 De même, la covariance cov(e, Pp) peut s’écrire = cov(Po - b Pp, Pp) = cov(Po,Pp) – cov(b Pp,Pp) = = cov(Po,Pp) - b cov(Pp,Pp) = cov(Po,Pp) – cov(Po,Pp) V(Pp)/ V(Pp) = cov(Po,Pp) - cov(Po,Pp) =0 Génétique quantitative 2015 – La sélection Donc e est indépendante de Pp et d’espérance nulle, quelle que soit la distribution sous-jacente de Pp. Que vaut la moyenne des descendants issus des parents sélectionnés ? Les parents sélectionnés ont comme moyenne S= DPp . Leur descendants ont comme moyenne R (par définition). En utilisant l’équation 1 : R = E(Po / parents sélectionnés) =E(b Pp + e / Parents sel) = b E( Pp/sélection) + E(e/Parents sel) = b S + E(e/Parents sel) La valeur de E(e/Parents sel) représente la moyenne de e chez le sous-ensemble de parents qui ont été sélectionnés. Cette moyenne est nulle sous certaine conditions : nous avons remarqué que cov(e, Pp)=0 ; c'est-à-dire que e et Pp sont indépendants. Intuitivement on imagine bien que en touchant à la moyenne de Pp on ne change pas celle de e (la condition cov(e, Pp)=0 est en fait nécessaire mais pas suffisante, voir remarque ci-après), donc E(e/Parents sel)=E(e)=0 et R= b S. En remplaçant b par sa valeur (en population sexuée panmictique, h²) on obtient L’« équation du sélectionneur » : R = h² S. En population asexuée h² doit être remplacée par H². Remarque : La condition cov(e, Pp)=0 est nécessaire mais pas tout-à-fait suffisante pour que E(e/Parents sel) = 0. En effet il se pourrait que la relation Pp - Po soit non linéaire; dans ce cas même si la valeur de b a été choisie pour que cov(e, Pp) =0 (ce qui en fait la meilleure valeur possible pour une régression linéaire), la moyenne conditionnelle de e sur un certain intervalle de Pp, en particulier E(e/Parents sel) peut être différente de zéro comme le montre la figure cidessous. Génétique quantitative 2015 – La sélection Figure : à gauche, la régression est linéaire, la distribution de e est symétrique avec autant de positifs (bleu) que de négatifs (jaune), et ce même en restreignant les parents à ceux qui sontau dessus du point de troncation T. A droite, la relation est non-linéaire ; sur l’ensemble, il y a autant de positifs que de négatifs mais au-dessus du point de troncation T il reste une majorité de positifs donc E(e/Parents sel) >0. Sous quelles conditions la régression est-elle linéaire ? On ne le sait pas trop, mais on espère qu’elle l’est à peu près et que sinon l’erreur faite est faible. Si nous supposons que les phénotypes parentaux et des descendants résultent de l’addition de nombreux effets génétiques et environnementaux très petits, un théorème mathématique prédit que ces phénotypes auront une distribution normale bivariée, ce qui garantit la linéarité de la régression. Mais cela revient en fait à supposer qu’une infinité de gènes porteurs d’allèles à effet infiniment petit déterminent ce caractère (modèle infinitésimal). Que se passe t il si la sélection n’est pas faite de manière identique entre les deux sexes ? R = bmSm + b f Sf = 12 h 2Sm + 12 h 2Sf = h 2 12 (Sm + Sf ) Traduction de S en intensité absolue de sélection Cette démarche est nécessaire pour savoir si on applique une plus forte sélection sur l’un ou l’autre caractère. Comparer S directement n’est pas possible (unités différentes entre les deux caractères, par ex des mètres et des grammes). Nous devons le standardiser pour obtenir des échelles comparables d’intensité de sélection i. Cette intensité est définie par : S = i sp qui représente le différentiel de sélection « en unités d’écart-type phénotypique ». Derivation de l’intensité de la sélection dans une loi normale i = z/p s=1 p z 0 x i Génétique quantitative 2015 – La sélection . Si x est le point de troncation, alors p est la proportion d’individus sélectionnés et i est l’intensité de la sélection. Et le progrès génétique devient : s A2 R = h i s P = 2 i s P = ihs A sP 2 Les valeurs de i sont tabulées. Relation entre le taux de sélection (p dans le graphe précédent), x point de troncature en unité d’écart type et i intensité de la sélection x i p (%) 0.01 3.79 3.96 0.1 3.09 3.36 1 2.43 2.76 2.5 1.96 2.35 10 1.28 1.75 50 0 0.80 Dans une population grande, l’intensité de la sélection varie. Pour des populations inférieures à 50 individus il faut effectuer une correction. Selection intensity Relation entre I et la proportion d’individus sélectionnés Grande population 3 2.5 2 1.5 1 0.5 0 0 20 40 60 80 100 % selected CPAB3 De même quand la sélection porte indépendamment sur les deux sexes : R = 12 (im + if )h2σP Génétique quantitative 2015 – La sélection Par exemple, dans le cadre d’une sélection sur le poids des agneaux au sevrage on a les valeurs suivantes h²=0.3, sp=3.6 kg . On sélectionne les 5% (im=2.06 ) meilleurs mâles et les 60% meilleures femelles (if=0.64) sur leur phénotypes, on trouve qu’en un cycle de sélection, R = ½ (2.72) 0.3 3.6= 1.47 kg Mesurer la réponse à la sélection Pour une bonne prédiction de la réponse à la sélection , il faudrait estimer les paramètres sur plusieurs générations et sur des populations de taille suffisantes. En effet, la dérive génétique, les erreurs d’échantillonnage d’estimation de la valeur moyenne et l’impact des facteurs environnementaux font que nombre d’estimations des paramètres sont imprécises et variables dans le temps. Une façon de procéder est de valider le progrès réalisé à partir du progrès prédit sur la génération des parents et de calculer l’héritabilité réalisée au travers de plusieurs générations. Effet de la sélection sur la variance La sélection induit des changements de fréquence aux locus impliqués dans la variation du trait. Est-ce qu’on peut s’attendre à des changements dans la variance d’une population ? On peut montrer que pour des a petits, le changement de fréquence est relativement modéré à chaque locus même pour des intensités fortes. Pour un locus x dont les allèles ont des effets complètement additifs, on peut écrire que - Si Dq est la différence de fréquence de l’allèle défavorable, alors le changement de moyenne est Dµ = -2a Dq - V(A)x=2pqa² (où a est défini comme dans le modèle de Fisher avec c=0) D ( V(A)x ) = 2 p1q1 a² - 2 p0q 0 a2 = 2a² Dq + 2a² (qo²-q1²) Si a est petit alors a² est encore plus petit…donc sur quelques générations la variance ne change pas. Mais la sélection introduit une covariance négative entre locus (c’est l’effet Bulmer) ; cette covariance réduit la variance et apparaît dès les premières générations. Chaque gène a de nombreux allèles. Si le génotype est la somme des effets génétiques à chaque locus, une sélection sur la somme à partir d’une valeur seuil créée des associations négatives entre les Selection sur la somme de deux locus non liés Individus sélectionnés Locus 1 Distribution avant la selection Seuil de troncation pour la sélection Locus 2 Génétique quantitative 2015 – La sélection allèles favorables entre les différents locus et ces corrélations se transmettent au travers d’un déséquilibre de liaison a niveau des gamètes. La variance totale est : VA = Var(A1+A2) = Var(A1)+Var(A2) + 2Cov(A1,A2) Avant la selection Cov(A1,A2) = 0 après sélection Cov(A1,A2)<0 è VA *<VA La variance diminue phénotypiquement mais elle est mise en réserve dans le déséquilibre de liaison et pourra être relarguée lorsque la pression de sélection diminuera. Que vaut l'équation du sélectionneur quand on a une forme de sélection autre que la troncation ? Le problème est d'arriver à obtenir une expression générale pour le différentiel de sélection S [ = Σ Pi wi / Σ wi = DPp ].On part du principe que la fitness w est une fonction continue quelconque w(P) du phénotype P et de lui seul. Chaque phénotype Pi ayant laissé après sélection une proportion wi / w de descendants (la division par la fitness moyenne est là pour assurer que la moyenne du nombre de descendants laissés fasse 1; elle n'est pas nécessaire si la fonction de fitness a été définie dès le départ de sorte à ce que sa moyenne soit 1) on aura S = DPp = å p i Pi ( i wi 1 1 ) - P = (E ( Pw) - P w ) = Cov( P, w) w w w Le différentiel de sélection est donc égal à la covariance entre un trait et la fitness normée (de telle sorte à ce que sa moyenne soit 1). Lorsque w(P) est une fonction compliquée, il n'y a pas d'écriture générale de S. Un moyen d'obtenir une écriture approchée est de supposer que les phénotypes ont une variance relativement faible autour de leur moyenne ce qui permet d'approcher au premier ordre w(P) par une fonction linéaire autour de la moyenne phénotypique : w( P) = w( P ) + ( P - P ) w' ( P ) + O(V ( P)) où w' est la dérivée de w et O(V(P)) est un terme de l'ordre de V(P), que nous négligerons par la suite. [NB on peut en reprenant les conventions précédentes remplacer la moyenne phénotypique par zéro partout (phénotype centré), mais le calcul est fait sans cela pour montrer que le résultat ne dépend pas de cette convention] on peut alors écrire (en se rappelant que la covariance d'une variable avec une constante est toujours nulle) Cov( P, w) » Cov( P, w( P ) + ( P - P ) w' ( P )) = w' ( P )V ( P) On a donc S = β V(P) où w' ( P ) est le gradient de sélection. Une écriture plus courante de ce gradient utilise le fait w que la valeur approximative de la fitness moyenne est w(P ) ce qui donne : b= Génétique quantitative 2015 – La sélection b= w' ( P ) dLn( w) = w( P ) dP P = P Nous obtenons donc une écriture de l'équation du sélectionneur : R = h2 S = V ( A) V ( P) b = V ( A) b V ( P) Pour une espèce asexuée on remplacerait V(A) par V(G). La sélection sur un caractère X peut-elle avoir un effet sur un caractère Y ? Dans beaucoup de cas, on peut penser que oui. Par exemple, en sélectionnant sur la taille, nous obtiendrons probablement une réponse sur le poids car ces deux caractères sont très fortement corrélés. La régression parent-enfant dont nous avons besoin est de forme (en reproduction asexuée) Ydescendant = bYX Xparent+ ε La pente bYX est une régression de YO sur XP. BYX = Cov(YO, XP) / VP(X) Génétique quantitative 2015 – La sélection Il nous reste à trouver la valeur de Cov(YO, XP)... Pour cela, plaçons-nous d’abord dans un cas simple de reproduction asexuée (clonale) : on peut alors écrire Cov(YO, XP) = Cov(GYO+EYO, GXP+EXP) =Cov(GYO,GXP)+Cov(GYO,EXP)+Cov(EYO, GXP)+Cov(EYO,EXP) En l’absence d’effets maternels ou parentaux, les termes surlignés sont nuls et la covariance se réduit à un terme Cov(YO, XP) = Cov(GYP,GXP) Qu’on écrit aussi CovG(Y,X), la covariance génétique entre X et Y. La réponse corrélée de Y à la sélection sur X sera donc RY = (CovG(Y, X) / VP(X)) SX Nous aurons bien sûr aussi une réponse directe de X : RX = (VG(X) / VP(X)) SX ce qu’on peut noter sous forme vectorielle æ RX çç è RY ö æ VG ( X ) ö S X ÷÷ = çç ÷÷ ø è COVG ( X , Y ) ø V P ( X ) Remarque : on peut définir le coeff de corrélation géntéique comme rG = COVG ( X , Y ) VG ( X )VG (Y ) Lorsque la reproduction est sexuée, si les deux parents sont soumis à sélection, tous les calculs sont valables en remplaçant les VG par des VA et des COVG par des COVA (covariance génétique additive) Reproduction sexuée æ RX çç è RY rA = ö æ VA ( X ) ö S X ÷÷ = çç ÷÷ ø è COV A ( X , Y ) ø V P ( X ) COV A ( X , Y ) V A ( X )V A (Y ) Que se passe-t-il si on sélectionne sur plusieurs caractères à la fois ? Dans beaucoup de cas (notamment dans la nature) la sélection porte sur plusieurs caractères ensemble, ce qui pose plusieurs problèmes Génétique quantitative 2015 – La sélection (i) nous aurons pour chaque caractère une réponse directe et une ou plusieurs indirectes ( ces dernières étant dues à la sélection sur les autres traits). (ii) les caractères peuvent être phénotypiquement corrélés au départ, ce qui modifie l'intensité de la sélection sur chacun d'eux; en effet, en sélectionnant les phénotypes ayant une valeur élevée de X (par exemple la taille), on prend aussi des individus qui tendent à avoir une valeur élevée de Y (par exemple le poids de graines). Pour quantifier la sélection sur Y en tant que tel, il faut quantifier l'intensité du surcroît de sélection sur Y en plus de ce qui serait déjà obtenu en sélectionnant sur X (c'est à dire, est-ce que pour un certaine valeur de X, les descendants sélectionnés ont une valeur Y supérieure à ce qu'on prédirait juste en connaissant la corrélation entre X et Y). La technique qui permet de résoudre ce problème est la régression multiple. Nous avons déjà vu que la réponse à la sélection sur X s'exprimait grâce à une régression simple du phénotype de l'enfant sur celui du parent (en supposant qu'il n'yen à qu'un, c'est à dire pour simplifier, dans le cas d'une reproduction asexuée) de forme : XO = b XP + ε où b= COV(XO , XP ) / V(XP) Dans une régression multiple à deux caractères X et Y on écrit un système étendu à deux variables qui prédit X et Y des enfants en fonction des X et Y des descendants : ì X O = b XX X P + b XY YP + e X ü í ý î YO = bYX X P + bYY YP + e Y þ Que l'on peut écrire sous forme matricielle æ X O ö æ b XX çç ÷÷ = çç Y è O ø è bYX b XY öæ X P ö æ e X ÷ç ÷+ç bYY ÷øçè YP ÷ø çè e Y ö ÷÷ ø ou en abrégé (formule valable quel que soit le nombre de caractères) : XO = b.XP + ε (les lettres en gras désignent des vecteurs ou matrices) La matrice des coefficients de régression b est donnée par la formule suivante (en lieu et place de la formule b= COV(XO , XP ) / V(XP) dans le cas univarié) b = C. V-1 où æ b XX b = çç è bYX b XY ö ÷ est la matrice des coefficients de régression; bYY ÷ø æ COV ( X O , X P ) COV ( X O , YP ) ö ÷÷ est la matrice des covariances entre variables prédites C = çç è COV (YO , X P ) COV (YO , YP ) ø (enfants) et variables prédictrices (parents) Génétique quantitative 2015 – La sélection COV ( X P , YP ) ö æ V (X P ) ÷÷ est la matrice de variance-covariance des variables V = çç V (YP ) è COV ( X P , YP ) ø préditrices XP et YP, qui dans notre cas représentent les variances et covariances phénotypiques dans la population de parents avant sélection. Application au cas de reproduction asexuée On régresse les phénotypes (plusieurs traits) des enfants sur ceux des parents : la matrice C est alors la matrice de variance-covariance génétique de la population (notée G) : COVG ( X , Y ) ö æ VG ( X ) ÷=G C = çç VG (Y ) ÷ø è COVG ( X , Y ) alors que la matrice V est la matrice de variance-covariance phénotypique de la population (notée P) COV P ( X , Y ) ö æ VP ( X ) ÷=P V = çç V P (Y ) ÷ø è COV P ( X , Y ) d'où la régression parent-enfant sur plusieurs traits : b = G. P-1 et son application pour prédire la réponse à une sélection multivariée : L'équation multivariée du sélectionneur (en asexué) R = G. P-1. S æR ö æS ö où R = çç X ÷÷ et S = çç X ÷÷ sont les vecteur de réponses à la sélection, et de différentiels de è RY ø è SY ø sélection, pour les deuxt traits X et Y. Extension au cas de reproduction sexuée En suivant la même démarche nous obtenons L'équation multivariée du sélectionneur (en sexué) R = A. P-1. S où Génétique quantitative 2015 – La sélection COV A ( X , Y ) ö æ VA ( X ) ÷ est la matrice de variance-covariance génétique additive A = çç V A (Y ) ÷ø è COV A ( X , Y ) de X et Y dans la population. Ecriture des gradients de sélection sur plusieurs caractères Pour exprimer les gradients de sélection dans le cas d'une fonction de fitness continue sur un seul trait (w(X)) nous avons cherché la pente de cette fonction (normée par la fitness moyenne) au voisinage de la moyenne de la poulation, c'est à dire aproché la fonction par une droite au voisinage de cette moyenne. w( X ) = constante + b X + termes négligeables w Dans le cas à deux variables, on approxime par un plan (au lieu d'une droite), c'est à dire par une équation à deux coefficients (deux "pentes") de forme : w( X , Y ) = constante + b X X + b Y Y + termes négligeables w pour estimer les deux coefficients bêta, il faut faire une régression (multiple) de la fitness normée (ou du log de la fitness) sur les diverses variables phénotypiques (X, Y). On peut alors montrer qu'approximativement, le différentiel de sélection créé par une telle fonction de fitness vaut : æSX S = çç è SY ö æb ÷÷ = P.çç X ø è bY ö ÷÷ = P.β ø D'où β = P-1. S et l'expression de la réponse à la sélection : R = G. β (en asexué) R = A. β (en sexué) Cette formule représente l'évolution d'une population (R) comme un compromis entre: (i) une direction de sélection dans l'espace multivarié des traits (celle qui est pointée par le vecteur β du gradient de sélection) (ii) une forme intrinsèque liée au réseau de corrélations génétiques entre traits représenté par la matrice G (ou A) : la sélection sera d'autant plus facile qu'elle est dirigée selon l'axe majeur de la matrice G (ou A). Que se passe-t-il si la valeur sélective n'est pas expliquée seulement par les traits observés ? L'équation R=h²S appliquée à un caractère n'est pas valable s'il existe des caractères non observés sur lesquels la sélection agit puisque nous avons vu que dans ce cas nous devons tenir compte de la réponse corrélée à la sélection. Par extension même si nous considérons plusieurs traits et l'équation multivariée du sélectionneur R = A. β, l'équation ne sera valable Génétique quantitative 2015 – La sélection que si tous les traits sélectionnés sont inclus; s'il existe un trait non mesuré qui est fortement sélectionné et corrélé avec les autres, les réponses des traits que l'on mesure seront différentes de ce qui est prédit par notre équation. Conclusion : une mesure de sélection et une prédiction de réponse à la sélection sont relatives à un ensemble de traits considérés. L'inclusion d'un nouveau trait va modifier les valeurs de R et β; il est donc important d'essayer d'inclure dans l'analyse tous les traits que l'on juge agir sur la valeur sélective. Par ailleurs, nous avons jusqu'ici supposé (dans notre analyse des réponses à la sélection) que la relation qui liait les phénotypes et la valeur sélective était de nature purement causale. La valeur sélective était modélisée comme une régression sur le phénotype; et la nature génétique ou environnementale des variations du phénotype n'était pas importante : par exemple,dans une sélection par troncation, on choisit les plus gros animaux sans privilégier ceux qui sont gros pour des raisons génétiques par rapport à ceux qui sont gros pour des raisons environnementales. Or, dans certains cas, il peut y avoir une corrélation (positive ou négative) entre la valeur sélective et un trait, non due à une causalité directe. Nous en avons vu un exemple jusqu'ici : s'il existe un trait Y qui est corrélé à X d'un côté et qui agit sur la valeur sélective de l'autre, on aura une relation de corrélation non causale entre X et la valeur sélective. Nous avons vu que l'inclusion d'autres traits (Y) modifie la réponse à la sélection sur X à travers des réponses indirectes à la sélection. Une autre source de déviation par rapport à la prédiction R= h² S est l'existence de corrélations environnementales différentes des corrélations génétiques, entre le trait P et la valeur sélective . Imaginons par exemple qu'une plante fasse plus de feuilles lorsqu'elle est à l'ombre qu'au soleil (car elle a besoin de plus de surface foliaire pour capter la même énergie); les plantes à l'ombre n'arrivent cependant pas à faire autant de fleurs que les plantes au soleil et ont donc une valeur sélective moins bonne (covariance environnementale négative entre nombre de feuilles et valeur sélective); en revanche, parmi les plantes qui sont au soleil, celles qui ont plus de feuilles (en raison de leur génotype) récupèrent plus d'énergie et font un peu plus de fleurs; de même parmi les plantes qui sont à l'ombre (covariance génétique positive entre valeur sélective et nombre de feuilles). Dans ce cas, si l'on établit le gradient de sélection ou le différentiel de sélection à partir des phénotypes, on aura sans doute l'impression que la sélection défavorise globalement les plantes ayant plus de feuilles, car toutes les plantes à l'ombre, qui ont chacune beaucoup de feuilles, laissent peu de descendants. S (apparent) = 1 1 Cov( P, w) = [CovG ( P, w) + CovE ( P, w)] w w Dans cette équation on peut supposer que S(apparent) <0 car la covariance génétique CovG est positive et la covariance environnementale CovE est négative, mais plus forte en valeur absolue que la précédente. Pourtant la sélection réelle s'exerce dans l'autre sens et la réponse à la sélection sera positive puisque les génotypes produisant beaucoup de feuilles (P élevé) sont favorisés dans tous les environnements. Génétique quantitative 2015 – La sélection Un moyen de prédire la réponse à la sélection, sans se faire avoir, est de considérer que ce qui compte, ce n'est pas le phénotype mais bien le génotype des parents qui produisent le plus de descendants. En d'autres termes, au lieu d'utiliser la régression du phénotype des descendants PO sur le phénotype parental PP, comme nous l'avons fait au départ pour établir l'équation du sélectionneur, nous devrions utiliser la régression de GO sur GP. Cette régression est simplement GO = GP dans le cas asexué que nous prenons pour simplifier (la pente est de 1 car le génotype du parent est égal à celui du descendant). Nous obtenons R= DGO = DG p = Σ Gi wi / Σ wi = 1 Cov (Gi , wi ) w où Gi est la valeur génétique du parent i pour le trait considéré (nombre de feuilles) et wi sa valeur sélective. Nous pouvons aussi décomposer la valeur sélective w en une valeur génétique Gw et une valeur environnementale Ew. Cov (Gi , wi ) = Cov (Gi , Gwi ) + Cov (Gi , Ewi ) = Cov G ( P, w) + Cov (Gi , Ewi ) . Si les plantes sont distribuées au hasard entre les deux environnements (ce qui veut dire qu'elles ne sont pas génétiquement meilleures à l'ombre qu'à l'obscurité et vice-versa) alors Cov (Gi , Ewi ) doit être nulle. Il en résulte R= Cov G ( P, w) w qu'on peut réécrire en cas de reproduction sexuée (tout reste valable en remplaçant les covariances génétiques par des covariances génétiques additives): R= Cov A ( P, w) w Equation de Price Cette équation est très générale; elle est valable pour n'importe quel caractère en présence de sélection sur d'autres caractères (les effets indirects de la sélection s'incorporeront naturellement dans le terme de covariance génétique) et en présence de covariance environnementale entre les traits et la valeur sélective. Le seul problème est la nécessité de pouvoir mesurer CovA(P,w) ce qui n'est pas toujours facile. Dans tous les cas de sélection artificielle, par exemple, on peut raisonnablement supposer que la valeur sélective est directement causée par le phénotype via l'action du sélectionneur (exemple sélection par troncation, basée sur le phénotype uniquement, et en environnement le plus contrôlé possible) et du coup il vaut mieux utiliser l'équation du sélectionneur. Dans la nature, on peut mesurer des gradients de sélection par la technique des régressions multiples; mais l'utilisation des pédigrées permet de quantifier les variances et covariances additives de tous les caractères (y compris du caractère représentant la valeur sélective : nombre de descendants survivants ou de graines) et dans ce cas on peut utiliser directement l'équation de Price.