MISE AU POINT Les thromboses veineuses cérébrales Cerebral venous thrombosis F. Macian-Montoro* L es thromboses veineuses cérébrales (TVC) ont été décrites dès le xixe siècle (1). Si, par le passé, l’étiologie infectieuse était prédominante et le pronostic redoutable (2), les étiologies principales sont aujourd’hui aseptiques et le pronostic est bon (3). La prise en charge a été améliorée par l’utilisation de l’IRM et des traitements anticoagulants (1, 4, 5). Il s’agit d’une pathologie plutôt rare (1, 3, 6-8), concernant 3 à 5 cas par million d’habitants, soit environ 0,5 % du total des accidents vasculaires cérébraux (AVC) [1, 3, 5, 7]. Elle reste plus fréquente et avec une mortalité plus élevée dans les pays en voie de développement, où elle est associée à la pathologie puerpérale (3). Le sex-ratio femmehomme est de 3:1 (3, 8) chez l’adulte jeune, en raison de l’association à la grossesse et au post-partum, et de l’utilisation de contraceptifs oraux (6). Cette différence s’annule pour les autres tranches d’âge. C’est une pathologie du sujet jeune comparativement aux AVC d’origine artérielle (1, 3, 7, 8). Une physiopathologie complexe * Unité de neurologie vasculaire, hôpital Dupuytren, Limoges. La physiopathologie reste difficile à appréhender. Deux mécanismes expliquent la symptomatologie et le mode d’installation (6, 8). ➤➤ L’obstruction veineuse, avec augmentation de la pression capillaire et dysfonction du parenchyme. Elle peut être responsable d’hémorragies. En fonction de la disposition veineuse et des voies de drainage collatérales, on peut voir apparaître un œdème vasogénique (potentiellement réversible) ou cytotoxique, responsable de lésions parenchymateuses. ➤➤ L’augmentation de la pression intracrânienne (PIC) par l’œdème et le déficit de résorption du 52 | La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 2 - février 2013 liquide céphalorachidien (LCR) par les granulations arachnoïdiennes. Ces processus se combinent à un degré variable en fonction du patient et de son état veineux, ce qui explique la variabilité clinique (4) et la présentation, souvent imprécise. De ce fait, le diagnostic est fréquemment retardé par rapport à l’apparition des premiers signes cliniques (1, 8). Une présentation variée… Le spectre clinique (tableau I) est donc très large (6, 8) et peut mimer beaucoup d’affections neurologiques aiguës (1, 3). Les symptômes classiques sont des céphalées, des crises d’épilepsie, des déficits focaux, des troubles de la conscience et un œdème papillaire. Ces signes se regroupent en quelques tableaux classiques (1) : ➤➤ hypertension intracrânienne (HIC) ; ➤➤ signes neurologiques focaux (épileptiques ou déficitaires) ; ➤➤ manifestations en faveur d’une encéphalopathie aiguë ; ➤➤ ou une combinaison des 3 éléments précédents. Ces signes sont fonction de l’âge, du sexe, du temps entre l’apparition des premiers symptômes et l’examen clinique, du type et de la localisation de l’atteinte parenchymateuse, du sinus et du niveau de la thrombose. Dans 30 % des cas, le début est aigu (< 48 heures), ce qui est fréquent en cas d’étiologie infectieuse ou obstétricale ; dans 50 % des cas, la présentation est subaiguë (48 heures à 30 jours) ; et dans 20 % des cas, l’installation est insidieuse, de 30 jours jusqu’à plusieurs mois, en rapport avec un tableau d’HIC (fréquent dans les causes inflammatoires) [3, 8]. Résumé Mots-clés La thrombose veineuse cérébrale est une pathologie rare, touchant plutôt des femmes jeunes en raison de l’association à des facteurs hormonaux. Elle doit être évoquée devant un tableau de céphalées sans diagnostic précis ou de présentations vas­culaires atypiques. Le diagnostic est aisé grâce aux nouvelles techniques d’imagerie par scanner ou IRM, mais le diagnostic étiologique nécessite un bilan exhaustif qui reste souvent négatif. Le pronostic des thrombophlébites cérébrales est bon sous traitement anticoagulant bien conduit, et le taux de récidive est plus faible que pour les accidents d’origine artérielle. Tableau I. Présentation clinique. Thrombose veineuse cérébrale Accident vasculaire cérébral Céphalée Anticoagulation Pronostic Summary Symptômes Caractéristiques Céphalée 90 % des cas (+++ femme jeune) Plutôt localisée, sans relation avec le sinus thrombosé Installation plus souvent progressive qu’aiguë Si HIC associée : sévère, diffuse, s’aggravant au Valsalva, avec signes visuels Dans 15 % des cas, elle est isolée ou pouvant mimer d’autres pathologies (hémorragie sous-arachnoïdienne, migraine, etc.) [problème diagnostique] Épilepsie 40 % des cas Généralisée ou partielle Associée aux lésions parenchymateuses (souvent par thrombose du sinus longitudinal ou atteinte des veines corticales) Signes focaux 30 à 50 % des cas Les plus fréquents sont les signes moteurs et l’aphasie par atteinte du sinus latéral Encéphalopathie Altération de la conscience, dysfonction cognitive, apathie : signes aspécifiques Tableaux cliniques en fonction du sinus thrombosé (par ordre de fréquence) Cerebral venous thrombosis is an uncommon cause of stroke especially in young women. It should be considered in young patients who present with unusual headache or atypical focal signs or seizures. Abnormal signal in a vein and absence of flow in venography confirms the diagnosis on MRI or CT-SCAN. The search of the cause necessitates an extensive work-up, often negative. Outcome is good with anticoagulant treatment and recurrence rate lower than for arterial stroke. SLS (sinus longitudinal supérieur) Signes moteurs fréquents, parfois bilatéraux, épilepsie HIC isolée et rare SL (sinus latéral) Céphalée et/ou HIC isolées Aphasie Keywords Système profond (veines cérébrales internes, basales, sinus droit) Signes plus sévères ; troubles de la conscience, coma ; signes bilatéraux plus fréquents Veines corticales Déficits moteurs ou sensitifs isolés, épilepsie ; HIC rare Sinus jugulaire Acouphènes ; atteinte possible des nerfs crâniens Cerebral venous thrombosis Ischemic stroke Cephalalgia Anticoagulant Prognostic Sinus caverneux Signes oculaires au premier plan : douleurs, proptosis, chémosis et ophtalmoplégie … Et des étiologies multiples Un diagnostic facilité par l’IRM Du fait de la multiplicité des facteurs de risque (tableau II, p. 54), le bilan diagnostique doit être exhaustif dès le début de la prise en charge (1). Si 1 des facteurs de risque est retrouvé chez 85 % des patients (3, 6, 8), il y en a au moins 2 dans plus de 40 % des cas (3). Une thrombophilie congénitale ou génétique est associée dans plus de 20 % des cas (3, 4, 8). Même si aucune étiologie n’est retrouvée dans 15 % des cas (1) [jusqu’à 37 % dans la population âgée], il semble important de poursuivre cette recherche étiologique au-delà de la phase aiguë, car certains états pathologiques peuvent n’apparaître que pendant le suivi (troubles de la crase sanguine, cancer, etc.). Le facteur de risque le plus fréquent est la prise de contraceptifs oraux. Dans les autres cas, l’étiologie est dominée par les états prothrombotiques, génétiques ou acquis (3). La maladie doit être soupçonnée devant un patient jeune, présentant une céphalée inhabituelle, un AVC sans facteur de risque précis et connu ou une atteinte multiple (d’autant plus s’il s’y associe des lésions hémorragiques). La confirmation nécessite une imagerie (6-8) qui montre l’absence de flux dans une veine, la thrombose intraluminale et l’atteinte parenchymateuse (1, 7). L’utilisation de l’IRM a radicalement changé cette étape diagnostique (5), car si le scanner permet d’exclure d’autres pathologies ou de visualiser les hémorragies, il reste négatif jusqu’à 30 % des cas (7). La technique de veinographie par scanner peut être une alternative à l’IRM (1, 5, 7, 8) en cas de contre-indication ou lors de situations particulières (dans les cas très précoces ou très tardifs dans lesquels les signaux T1 et T2 ne sont pas spécifiques) avec une sensibilité de 95 % et La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 2 - février 2013 | 53 MISE AU POINT Les thromboses veineuses cérébrales Tableau II. Facteurs de risque de la thrombose veineuse cérébrale. Transitoires Permanents Grossesse et post-partum Maladies inflammatoires Vascularites : lupus, maladie de Behçet, maladie de Wegener Sarcoïdose Maladies inflammatoires intestinales Maladies infectieuses Néoplasies SNC : abcès, empyème, méningite ORL : face, cou Systémiques : septicémie, endocardite, etc. SNC : méningiome, métastases, infiltrations malignes Viscérales Leucémies – lymphomes, syndromes myéloprolifératifs Facteurs mécaniques Pathologie hématologique Traumatisme crânien Ponction lombaire Cathétérisme/compression jugulaire Intervention neurochirurgicale Polycytémie Thrombocytémie Anémie : drépanocytose, HPN, hémorragie, etc. Médicaments Contraceptifs oraux/THS Stéroïdes Chimiothérapie Autres situations Déshydratation sévère au décours d’un AVC Cardiopathies (+++ congénitales) MAV/FAV Troubles de la coagulation Déficit en antithrombine III Déficit en protéines C et S Mutation du facteur V Leiden Mutation du facteur II (G2021A) Déficit en plasminogène Hyperhomocystéinémie/homocystinurie Coagulation intravasculaire disséminée Excès de facteur VIII Syndrome néphrotique Syndrome des antiphospholipides Anticoagulants lupiques Sont considérés comme thrombophilie modérée : les mutations à l’état hétérozygote et l’élévation du facteur VIII. La thrombophilie sévère concerne le déficit de protéines de la coagulation, les mutations homozygotes, la présence d’anticorps antiphospholipides ou la combinaison de ces facteurs. SNC : système nerveux central ; THS : traitement hormonal substitutif ; HPN : hémoglobinurie paroxystique nocturne ; MAV : malformation artérioveineuse ; FAV : fistule artérioveineuse. Tableau III. Principaux signes radiologiques des thromboses veineuses cérébrales. Scanner Signes directs IRM Thrombus Signe de la corde 25 % des cas Peu spécifique (flux lents) J1-J5 : iso-intense en T1 ; hypo-intense en T2 Signe du delta 60 % des cas de thrombose du SLS Fréquents faux positifs J5-J30 : hyperintense en T1 et T2 Signe du delta vide 30 % des cas (injection de produit de contraste) T2* : hypo-intense avec artéfact de susceptibilité magnétique Absence de visualisation ou d’opacification du sinus en angiographie IRM Signes indirects Lésions parenchymateuses Altérations oreille moyenne/mastoïde Hydrocéphalie, compression IVe ventricule Infarctus/hémorragie cérébrale Diminution de la taille ventriculaire (par l’œdème) Œdème vasogénique ou cytotoxique : hyperintensité T2 et DWI 54 | La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 2 - février 2013 Hémorragie : hyperintensité T1-T2, hypo-intensité T2* MISE AU POINT une spécificité de 91 % (7). L’IRM reste néanmoins l’examen de choix. Le protocole classique inclut des séquences T1 avec et sans contraste, T2, FLAIR, et des séquences veineuses avec ou sans contraste (tableau III). Qu’en est-il des “nouvelles séquences vasculaires” ? La séquence de diffusion − largement utilisée en pathologie artérielle − montre souvent un œdème vasogénique, parfois cytotoxique, mais reste d’interprétation difficile en raison des nombreux aspects possibles (1, 7). La séquence T2* est utile pour identifier les hémorragies parenchymateuses de petite taille, mais surtout, en raison des artéfacts de susceptibilité magnétique, pour visualiser le thrombus dans un sinus ou dans une veine corticale (1). Les différentes techniques d’imagerie de coupe sont exposées à de nombreux pièges (1, 7) : ➤➤ variations anatomiques des sinus et des veines corticales ; ➤➤ atrésie ou hypoplasie (fréquente dans le sinus latéral et la partie antérieure du SLS) ; ➤➤ duplication d’un sinus (partie antérieure du SLS) ; ➤➤ asymétrie du flux ; ➤➤ présence de septums veineux ou de granulations arachnoïdiennes. C’est pourquoi l’angiographie, autrefois considérée comme le gold standard, garde encore une place pour confirmer des cas fortement suspects pour lesquels l’imagerie de coupe est négative ou douteuse (1, 3, 8). L’intérêt potentiel du doppler transcrânien n’est pas encore démontré en pratique clinique courante (7). Des examens biologiques pour la recherche étiologique Les examens biologiques gardent un rôle dans le diagnostic étiologique (tableau II). Même si, en cas de thrombophlébite périphérique, le taux de D-dimères a une bonne valeur prédictive négative (1), son intérêt dans la TVC est beaucoup plus discutable (3, 7, 8). La réalisation d’une ponction lombaire ne se justifie qu’en cas de suspicion de méningite, car elle trouve souvent (dans 30 à 50 % des cas) une pléiocytose, la présence de globules rouges et une hyperprotéinorachie non spécifiques (7). La recherche d’un état prothrombotique nécessite souvent des examens de confirmation à distance, car (7) : ➤➤ la thrombose aiguë peut réduire les taux de protéines C-S et d’antithrombine ; ➤➤ le traitement anticoagulant induit des changements de ces protéines (l’héparine réduit les niveaux d’AT-III, les AVK ceux des protéines C-S, tout en augmentant l’AT-III). Un examen de contrôle est donc nécessaire, au moins 2 semaines après l’arrêt de l’anticoagulation. Les résultats anormaux d’anticoagulants lupiques, d’anticardiolipine ou d’anti-β2 glycoprotéine-1 doivent être confirmés à 12 semaines d’intervalle pour être considérés comme significatifs. Le traitement Le traitement passe par celui de la cause sous-jacente (notamment l’utilisation d’antibiotiques pour les causes infectieuses) [7], ce qui est relativement aisé pour les causes transitoires et parfois compliqué pour les pathologies chroniques. En dehors de ce traitement, les objectifs sont de recanaliser la veine occluse, d’empêcher la propagation du thrombus, la thrombose à distance et le traitement symptomatique. À la phase aiguë ◆◆ Traitement symptomatique Le traitement symptomatique concerne plusieurs éléments. ➤➤ La douleur (antalgiques) et l’agitation. ➤➤ L’HIC, par des mesures positionnelles, la sédation, des diurétiques osmotiques, une hyper­ ventilation avec monitorage de la PIC en service de soins intensifs. L’utilisation de glucocorticoïdes n’a pas démontré de bénéfice dans cette indication (3, 5, 7). Parfois, l’évacuation d’un hématome ou une craniectomie décompressive peut s’avérer nécessaire (5-7, 9). Les crises d’épilepsie : il n’existe pas de bénéfice évident à une prophylaxie systématique (5), ni de consensus concernant l’utilisation d’antiépileptiques. En cas de lésion corticale associée ou de crise inaugurale, l’utilisation d’antiépileptiques peut diminuer la fréquence des crises. Il faut privilégier les médicaments ayant une faible interaction avec les anticoagulants (valproate, nouvelles molécules). ◆◆ Traitements antithrombotiques L’anticoagulation est le traitement de choix à commencer le plus vite possible (5, 7, 10), par de l’héparine non fractionnée (en visant un aPTT La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 2 - février 2013 | 55 MISE AU POINT Les thromboses veineuses cérébrales malade/témoin entre 2 et 3) ou des héparines de bas poids moléculaire (HBPM) avec des doses adaptées au poids. Les méta-analyses concernant les essais avec ces molécules suggèrent que ce traitement est associé à une réduction de la mortalité et de la dépendance. Il n’augmente pas le risque hémorragique, y compris en cas d’hémorragie cérébrale avérée (3, 10, 11). Les antiplaquettaires n’ont pas démontré leur efficacité (7) et sont prescrits si l’anticoagulation est contre-indiquée. La thrombolyse par voie systémique ou locale (urokinase, rt-PA ou thrombectomie mécanique) est réservée aux cas s’aggravant malgré un traitement anticoagulant bien conduit. Il n’existe pas d’essais cliniques randomisés validant ces techniques, et les études publiées ne concernent que les cas sévères pour lesquels il est suggéré un possible bénéfice (3, 5, 7). Après la phase aiguë Certaines situations peuvent nécessiter un traitement symptomatique particulier à long terme. Les crises d’épilepsie : l’épilepsie complique 5 à 11 % des TVC (5), surtout en cas de crise inaugurale ou d’hémorragie cérébrale. Dans ces cas, il est recommandé une durée de traitement de 1 an, mais la durée optimale reste inconnue. Les céphalées : des céphalées graves et persistantes touchent plus de 14 % des patients (4, 5). A1 A2 B1 B2 C1 C2 C3 C4 Figure. A1. Scanner cérébral sans injection du produit de contraste : signe du delta (flèche). A2.Scanner cérébral avec injection du produit de contraste : signe du delta vide (flèche). B1. IRM en séquence FLAIR : thrombose des veines corticales (flèches). B 2. IRM en séquence de diffusion : ischémie corticale en regard de la veine thrombosée. C. Séquences IRM standard. C 1.T1 : thrombose du SLS. C2.T2 : thrombose du SLS. C3.T2* : hémorragie thalamique par occlusion du système profond. C4.Séquences veineuses avec absence du SL et sigmoïde gauche (flèches). 56 | La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 2 - février 2013 MISE AU POINT Dans de telles situations, une récidive doit être exclue. En cas d’HIC chronique, des traitements par ponctions lombaires répétées, dérivation ou acétazolamide (500-1 000 mg/j) ont été proposés (5). L’atteinte visuelle : complication d’une HIC persistante. Si le traitement de l’HIC n’améliore pas l’acuité visuelle, la fenestration du nerf optique peut être proposée pour soulager l’hyperpression (1, 12). L'objectif du traitement antithrombotique est d’éviter la récidive (2-7 %) et la thrombose veineuse extracérébrale (5 %) [4]. Les différentes recommandations (5, 7) ont été élaborées par extrapolation de celles pour la thrombose veineuse profonde périphérique (5), par AVK avec un INR cible entre 2 et 3. La durée précise du traitement est inconnue (5, 8, 10). Il est conseillé : ➤➤ pendant 3 à 6 mois en cas de facteur de risque transitoire (5, 7) ; ➤➤ pendant 6 à 12 mois en cas de TVC idiopathique ou de thrombophilie modérée (5, 7) ; ➤➤ de façon permanente s’il existe une thrombophilie sévère ou un cancer associé (10). Les cas les plus fréquents en pratique sont la TVC et la grossesse. La grossesse (particulièrement le troisième trimestre) et le post-partum sont des situations prothrombogènes fréquentes (10). Pour les TVC survenues pendant la grossesse, il est recommandé une anticoagulation par une HBPM dès le diagnostic et jusqu’à l’accouchement, et au moins 6 semaines après l'accouchement (par HBPM ou AVK dans ce cas) pour une durée totale de 6 mois (7). Un antécédent de TVC ne contre-indique pas une future grossesse, car le risque de récidive semble faible, mais l’utilisation d’une HBPM prophylactique pendant toute la grossesse et le post-partum est conseillée. En dehors de la grossesse, il n’y a pas de traitement préventif à conseiller. Les contraceptifs oraux œstrogéniques doivent être arrêtés (7, 10). Le pronostic Le pronostic est bon sous traitement (3, 13). Néanmoins, on peut observer une aggravation en phase aiguë chez 23 % des patients (1), souvent associée à l’apparition d’une lésion focale (lésions hémorragiques chez 39 % des patients) [2, 4]. Le taux de mortalité ou de dépendance totale est estimé entre 3 et 15 % (1, 3, 4, 13). En phase aiguë, la mortalité est de 4 à 5 %, souvent secondaire à un engagement dû à une éventuelle hémorragie, à des lésions multiples ou à l’œdème (1-3, 8). ­La mortalité tardive est en rapport avec des complications infectieuses, une embolie pulmonaire ou la maladie causale (4). D’autres facteurs ont été considérés de mauvais pronostic à long terme (1-4) : l’âge, le sexe masculin, un cancer associé, la présence d’hémorragies, l’atteinte des veines profondes, le coma ou une altération mentale associée à l’admission, l’œdème papillaire. La plupart des patients récupèrent sans séquelles, mais le pronostic individuel est difficile à établir (3, 4). Il reste cependant meilleur que pour un accident artériel. Seuls 10 % des patients garderont des séquelles à 12 mois (3), graves pour la moitié (13). La recanalisation veineuse survient dans un tiers des cas dans les 6 mois, souvent avant le quatrième (3, 7). Le taux de récidive semble faible (4 à 7 %), plus élevé chez les hommes, en cas de thrombophilie démontrée (7, 8) ou d’antécédent d’autre thrombose veineuse (13). ■ Références bibliographiques 1. Bousser MG, Ferro JM. Cerebral venous thrombosis: an update. Lancet Neurol 2007;6(2):162-70. 2. Girot M, Ferro JM, Canhão P et al. Predictors of outcome in patients with cerebral venous thrombosis and intracerebral hemorrhage. Stroke 2007;38(2):337-42. 3. Guenther G, Arauz A. Cerebral venous thrombosis: a diagnostic and treatment update. Neurologia 2011;26(8):488-98. 4. Ferro JM, Canhão P, Stam J et al. Prognosis of cerebral vein and dural sinus thrombosis: results of the International Study on Cerebral Vein and Dural Sinus Thrombosis (ISCVT). Stroke 2004;35(3):664-70. 5. Einhäupl K, Bousser MG, de Bruijn SF et al. EFNS guideline on the treatment of cerebral venous and sinus thrombosis. Eur J Neurol 2006;13(6):553-9. 6. Stam J. Thrombosis of the cerebral veins and sinuses. 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