La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 2 - février 2013 | 53
Résumé
La thrombose veineuse cérébrale est une pathologie rare, touchant plutôt des femmes jeunes en raison
de l’association à des facteurs hormonaux.
Elle doit être évoquée devant un tableau de céphalées sans diagnostic précis ou de présentations vas culaires
atypiques.
Le diagnostic est aisé grâce aux nouvelles techniques d’imagerie par scanner ou IRM, mais le diagnostic
étiologique nécessite un bilan exhaustif qui reste souvent négatif.
Le pronostic des thrombophlébites cérébrales est bon sous traitement anticoagulant bien conduit, etletaux
de récidive est plus faible que pour les accidents d’origine artérielle.
Mots-clés
Thrombose veineuse
cérébrale
Accident vasculaire
cérébral
Céphalée
Anticoagulation
Pronostic
Summary
Cerebral venous thrombosis is
an uncommon cause of stroke
especially in young women.
It should be considered in
young patients who present
with unusual headache or
atypical focal signs or seizures.
Abnormal signal in a vein and
absence of flow in venography
conrms the diagnosis on MRI
or CT-SCAN. The search of the
cause necessitates an exten-
sive work-up, often nega-
tive. Outcome is good with
anticoagulant treatment and
recurrence rate lower than for
arterial stroke.
Keywords
Cerebral venous thrombosis
Ischemic stroke
Cephalalgia
Anticoagulant
Prognostic
… Et des étiologies multiples
Du fait de la multiplicité des facteurs de risque
(tableau II, p. 54), le bilan diagnostique doit être
exhaustif dès le début de la prise en charge (1). Si
1 des facteurs de risque est retrouvé chez 85 % des
patients (3, 6, 8), il y en a au moins 2 dans plus
de 40 % des cas (3). Une thrombophilie congé-
nitale ou génétique est associée dans plus de 20 %
des cas (3, 4, 8). Même si aucune étiologie n’est
retrouvée dans 15 % des cas (1) [jusqu’à 37 % dans la
population âgée], il semble important de poursuivre
cette recherche étiologique au-delà de la phase
aiguë, car certains états pathologiques peuvent
n’apparaître que pendant le suivi (troubles de la
crase sanguine, cancer, etc.). Le facteur de risque
le plus fréquent est la prise de contraceptifs oraux.
Dans les autres cas, l’étiologie est dominée par les
états prothrombotiques, génétiques ou acquis (3).
Un diagnostic facilité par l’IRM
La maladie doit être soupçonnée devant un patient
jeune, présentant une céphalée inhabituelle, un
AVC sans facteur de risque précis et connu ou une
atteinte multiple (d’autant plus s’il s’y associe des
lésions hémorragiques). La conrmation nécessite
une imagerie (6-8) qui montre l’absence de ux
dans une veine, la thrombose intraluminale et
l’atteinte parenchymateuse (1, 7). L’utilisation de
l’IRM a radicalement changé cette étape diagnos-
tique (5), car si le scanner permet d’exclure d’autres
pathologies ou de visualiser les hémorragies, il reste
négatif jusqu’à 30 % des cas (7). La technique de
veinographie par scanner peut être une alternative
à l’IRM (1, 5, 7, 8) en cas de contre-indication ou lors
de situations particulières (dans les cas très précoces
ou très tardifs dans lesquels les signaux T1 et T2 ne
sont pas spéciques) avec une sensibilité de 95 % et
Tableau I. Présentation clinique.
Symptômes Caractéristiques
Céphalée 90 % des cas (+++ femme jeune)
Plutôt localisée, sans relation avec le sinus thrombosé
Installation plus souvent progressive qu’aiguë
Si HIC associée : sévère, diffuse, s’aggravant au Valsalva, avec signes visuels
Dans 15 % des cas, elle est isolée ou pouvant mimer d’autres pathologies (hémorragie
sous-arachnoïdienne, migraine, etc.) [problème diagnostique]
Épilepsie 40 % des cas
Généralisée ou partielle
Associée aux lésions parenchymateuses (souvent par thrombose du sinus longitudinal ou
atteinte des veines corticales)
Signes focaux 30 à 50 % des cas
Les plus fréquents sont les signes moteurs et l’aphasie par atteinte du sinus latéral
Encéphalopathie Altération de la conscience, dysfonction cognitive, apathie : signes aspéciques
Tableaux cliniques en fonction du sinus thrombosé (par ordre de fréquence)
SLS
(sinus longitudinal supérieur)
Signes moteurs fréquents, parfois bilatéraux, épilepsie HIC isolée et rare
SL
(sinus latéral)
Céphalée et/ou HIC isolées
Aphasie
Système profond
(veines cérébrales internes,
basales, sinus droit)
Signes plus sévères ; troubles de la conscience, coma ; signes bilatéraux plus fréquents
Veines corticales Décits moteurs ou sensitifs isolés, épilepsie ; HIC rare
Sinus jugulaire Acouphènes ; atteinte possible des nerfs crâniens
Sinus caverneux Signes oculaires au premier plan : douleurs, proptosis, chémosis et ophtalmoplégie