Mise au point
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Figure 1.
Réseau veineux cérébral.
La Lettre du Neurologue - Vol. XI - n° 8 - octobre 2007
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Les infarctus veineux profonds
Deep cerebral venous thrombosis
E. Medeiros de Bustos*, F. Vuillier*, E. Revenco*, T. Moulin*
* Service de neurologie, hôpital Jean-Minjoz, CHRU de Besançon.
SUMMARY
Deep cerebral venous thrombosis are rare though their
prognosis can be tragic if the diagnosis is made too late.
The main symptoms presented by patients are consciousness
troubles, but intracranial hypertension, pyramidal syndrome
and seizures are reported. The diagnosis is confi rmed by MRI
and angiography. The treatment is supported by heparin
and anticoagulant therapy. The outcome may be good if
the diagnosis is made rapidly and if the treatment is appro-
priate.
Keywords: Cerebral thrombosis – Deep cerebral venous
thrombosis – Cerebrovascular disorders – Magnetic reso-
nance imaging.
L
es thromboses veineuses cérébrales (TVC) représentent
0,5 % de l’ensemble des accidents vasculaires cérébraux
(AVC). Les TVC profondes, occlusion de tout ou partie du
réseau veineux profond, peuvent être isolées ou bien compliquer
une TVC superfi cielle (occlusion du système veineux superfi ciel) ;
dans ce cas, la TVC est dite extensive.
RAPPELS ANATOMIQUES ( gure 1)
Schématiquement, on distingue au niveau encéphalique trois
systèmes veineux reliés entre eux : le réseau superfi ciel, le réseau
profond et les sinus caverneux.
POINTS FORTS
Les thromboses veineuses brales (TVC) profondes sont
rares, puisqu’elles représentent 10 % des TVC.
Elles correspondent à l’occlusion de tout ou partie du
réseau veineux profond (veines cérébrales internes, veines
basilaires, veine de Galien, sinus sagittal inférieur et sinus
droit).
La symptomatologie clinique est variable. Toutefois, le
tableau clinique est dominé par les troubles de la vigilance,
auxquels peuvent être associés des signes pyramidaux,
extrapyramidaux ou des troubles cognitifs.
La neuro-imagerie, notamment l’imagerie par résonance
magnétique et l’angiographie par résonance magnétique,
permet de poser le diagnostic dinfarctus veineux profond.
On visualise à la fois des signes directs et des signes indirects
d’occlusion veineuse.
Outre les traitements symptomatiques et étiologiques, la
prise en charge repose sur une anticoagulation effi cace par
héparine puis par antivitamine K.
Vingt-neuf pour cent de décès ont été constatés dans
l’étude ISCVT au sein du groupe des infarctus veineux profond.
Toutefois, en cas de diagnostic et de traitement précoces, le
pronostic est meilleur.
Mots-clés : Thrombophlébites – Thromboses cérébrales
profondes – Accidents vasculaires cérébraux – Imagerie
par résonance magnétique.
Mise au point
Mise au point
Figure 2.
Scanner cérébral non injecté : signe de la corde.
Occlusion de la veine de Galien et du sinus droit (A) ;
occlusion des veines cérébrales internes (B).
BA
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Le réseau superficiel est constitué de veines corticales qui
drainent la majeure partie du cortex et la substance blanche
sous-corticale. Ces veines, présentant une grande variabilité
anatomique, s’abouchent avec le sinus sagittal supérieur drainé
dans les sinus latéraux (transverses et sigmoïdes). Ceux-ci rejoi-
gnent les veines jugulaires internes (1).
Le réseau veineux profond est constitué des veines cérébrales
internes et des veines basilaires, qui confl uent pour former
la veine de Galien. Celle-ci rejoint le sinus sagittal inférieur
pour former le sinus droit, lequel rejoint le sinus sagittal
supérieur au niveau du torcular. Ce réseau veineux draine
les noyaux gris du diencéphale et la substance blanche péri-
ventriculaire (1).
Le sinus caverneux est drainé notamment dans les sinus latéraux
par l’intermédiaire des sinus pétreux inférieur et supérieur. Il
reçoit le sang de la face et de l’étage antérieur du crâne (1).
Ces bases anatomiques sont indispensables à la bonne
compréhension de la symptomatologie des TVC profondes.
Elles permettent également de reconnaître les signes directs
et indirects de TVC profondes à l’imagerie.
DIAGNOSTIC POSITIF
Signes cliniques
Le mode d’installation des TVC profondes est extrêmement
variable. Il peut être aigu – stroke syndrome (semblable à un
infarctus artériel) –, subaigu, voire chronique. Il est fonction de la
qualité de la collatéralité du réseau veineux profond. S’il nexiste
pas de collatérales, le tableau clinique s’installe de façon brutale ;
dans le cas inverse, la symptomatologie est plus torpide (2).
Les symptômes sont divers dans les TVC profondes. Ils corres-
pondent essentiellement à l’atteinte du diencéphale. Dans la
littérature, les descriptions cliniques sont fondées sur l’étude tros-
pective de ries de cas dont l’eff ectif est faible (1, 2). Néanmoins,
les signes cliniques les plus fréquemment rapportés sont :
des céphalées d’hypertension intracrânienne (1) ;
des troubles de la vigilance par hypertension intracrânienne :
obnubilation, stupeur, coma (1) ;
une paralysie oculomotrice, des anomalies pupillaires (2) ;
des signes extrapyramidaux : hypertonie, micrographie, hypo-
phonie s’expliquant par l’atteinte des noyaux de la base (1) ;
des troubles cognitifs : tableau pseudo-démentiel, mutisme
akinétique, apragmatisme par atteinte thalamique (1, 2) ;
des signes moteurs par atteinte du faisceau cortico-spinal au
niveau mésencéphalique (1).
Les signes focaux peuvent être uni- ou bilatéraux (la veine de
Galien, le sinus droit et le torcular étant des structures uniques
et médianes).
Les crises comitiales, classiques dans le tableau clinique des
TVC superfi cielles, sont inconstantes lors de l’atteinte du réseau
veineux profond isolé (1). Lorsqu’ils existent, ces signes tradui-
sent le plus souvent une TVC extensive.
Imagerie cérébrale
Les objectifs de l’imagerie cérébrale sont de visualiser les signes
directs et indirects des infarctus veineux profonds ainsi que de
rechercher des signes associés.
Actuellement, plusieurs techniques sont disponibles. Ainsi, le
scanner et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet-
tent la visualisation du thrombus intravasculaire (signes directs)
et l’étude du parenchyme cérébral à la recherche de signes indi-
rects de TVC profonde. Langiographie veineuse par résonance
magnétique (angio-RM), l’angio-scanner et l’angiographie
conventionnelle (rarement utilisée actuellement) “objectivent”
et localisent l’occlusion.
Signes directs de TVC profondes :
visualisation du thrombus intravasculaire
Le scanner cérébral, non injecté, peut montrer une hyperdensité
spontanée de la structure veineuse occluse. Il s’agit alors du
signe de la corde (cord sign) [ gure 2].
En IRM, des anomalies de signal ont également été rappor-
tées : un hypersignal vasculaire dans 40 % des cas en séquence
de diff usion (3), un hyposignal vasculaire en premier écho de
gradient du T2 et une modifi cation du signal vasculaire variable
selon l’âge du thrombus en T1 et T2 (tableau) [4].
Lorsque le scanner ou l’IRM sont injectés apparaît alors le
signe du delta (delta sign). Il s’agit d’une prise de contraste de
la paroi du sinus occlus s’opposant à l’absence d’opacifi cation
de la lumière thrombosée ( gure 3).
Tableau.
Évolution du signal intravasculaire en séquences T1 et T2.
Semaine 1 Semaine 2 Semaine 3
T1 Isosignal Hypersignal Hypersignal
T2 Hyposignal Hypersignal Hypersignal
Mise au point
Mise au point
Figure 3.
IRM cérébrale, séquence T1 gadolinium : signe du delta
dans la veine de Galien et le sinus droit.
Figure 4.
Angio-RM veineuse : occlusion du sinus sagittal inférieur
et du sinus droit.
Figure 5.
IRM cérébrale, séquence T2 : ischémie thalamique.
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Langio-scanner, l’angio-RM et l’angiographie convention-
nelle permettent daffi rmer et de localiser locclusion veineuse.
Lavènement de l’angio-RM veineuse a permis des diagnostics
plus rapides de TVC ( gures 3 et 4). Il existe toutefois des faux
positifs (aspect parfois grêle du sinus longitudinal inférieur) ou
des cas litigieux pour lesquels l’angiographie conventionnelle
reste l’examen de référence.
Signes indirects de TVC profondes :
conséquences de locclusion veineuse
La thrombose veineuse peut être à lorigine d’une ischémie
parenchymateuse à laquelle s’associe un œdème plus ou moins
marqué.
Ces anomalies touchent les structures anatomiques drainées par
les structures veineuses profondes occluses. Sur le scanner céré-
bral, elles apparaissent sous la forme d’une hypodensité ou d’une
dédi érenciation substance blanche-substance grise thalamique,
images peu spécifi ques mais à connaître, car évocatrices.
En IRM, il existe des hypersignaux thalamiques et de la substance
blanche périventriculaire en séquence de diff usion, T2 FLAIR,
premier écho de gradient et T2 (3) [ gures 1, 5-7].
La séquence de diff usion et le calcul du coeffi cient de diff u-
sion (ADC) permettent de distinguer l’œdème vasogénique de
l’œdème cytotoxique. En eff et, si le coeffi cient d’ADC est abaissé,
il existe une ischémie, alors que s’il est normal ou augmenté il y
a un œdème vasogénique (3). Il s’agit d’un élément important,
puisque les lésions d’œdème vasogénique sont en général réver-
sibles. Le pronostic serait meilleur dans ce cas.
D’autres signes indirects peuvent être relevés : une hémorragie
méningée, un infarctus hémorragique, une prise de contraste
autour de la zone infarcie (4), etc.
Biologie
Si les D-dimères sont des paramètres importants pour le diag-
nostic des thromboses veineuses périphériques et des embolies
pulmonaires, leur sensibilité pour les TVC nest pas démon-
trée à ce jour. Les résultats des diff érentes études réalisées sont
contradictoires. Ce paramètre biologique ne peut donc être
utilisé en pratique courante pour une aide au diagnostic en cas
de suspicion de TVC (5).
Mise au point
Mise au point
Figure 7.
IRM cérébrale, séquence T1 : hypersignal spontané de
la veine de Galien.
Figure 6.
IRM cérébrale, séquence de diffusion : hypersignal
bithalamique.
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Lanalyse du liquide cérébrospinal nest pas indispensable au diag-
nostic de TVC profonde. Néanmoins, elle peut être importante
pour poser un diagnostic étiologique et éliminer les principaux
diagnostics diff érentiels (1). Les résultats sont le plus souvent
anormaux (pléiocytose, hyperprotéinorachie, hémorragie
méningée, etc.), mais ces anomalies ne sont pas spécifi ques.
DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE
Les étiologies des TVC profondes ne sont pas di érentes de celles
des autres TVC (1). Les infections ne représentent maintenant
que 10 % des étiologies.
Les maladies de système telles que la maladie de Behçet, les
hémopathies ou les thrombophilies d’origine génétique (muta-
tion du gène de la prothrombine, du facteur V de Leiden, etc.)
sont à rechercher de façon systématique.
Les modifi cations hémodynamiques et hormonales induites
par la grossesse et le post-partum favorisent la survenue de
TVC.
Dans 20 % des cas, aucune étiologie nest retrouvée. Il nen reste
pas moins que le suivi régulier des patients peut permettre de
découvrir une étiologie à distance (notamment les hémopathies
ou les maladies de système).
DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS
Les présentations cliniques étant peu spécifi ques, les diagnostics
diff érentiels sont nombreux.
Compte tenu de la fréquence des troubles de la vigilance associés
à des signes de focalisation ou à une hypertension intracrâ-
nienne, les principaux diagnostics diff érentiels sont la méningo-
encéphalite, l’hémorragie méningée mais surtout l’ischémie
vertébro-basilaire.
Outre la clinique, les techniques de neuro-imagerie, et notamment
l’IRM, permettent un diagnostic rapide et une prise en charge
thérapeutique adaptée. Le doute peut toutefois persister lorsqu’il
existe une lésion bithalamique, qui peut également correspondre
à un infarctus dans le territoire des artères thalamo-perforées.
TRAITEMENT
Le traitement des TVC profondes ne diff ère pas de la prise en
charge des autres TVC.
À la phase aiguë
Il s’agit, bien sûr, de mettre en place un traitement sympto-
matique (prise en charge de l’hypertension intracrânienne, de
l’épilepsie, de la douleur, etc.) et étiologique.
Le traitement antithrombotique de la TVC repose sur une anti-
coagulation effi cace par de l’héparine non fractionnée ou de bas
poids moléculaire. Lexistence d’une hémorragie méningée ou
d’une transformation hémorragique ne doit pas retarder la mise
en place de ce traitement.
La thrombolyse in situ ou intraveineuse na pas été étudiée de
façon suffi sante pour que son effi cacité et son innocuité puis-
sent être affi rmées. Cette thérapeutique doit donc être réservée
aux cas de non-effi cacité d’un traitement anticoagulant bien
conduit (6, 7).
Lors du suivi
Le traitement par héparine doit être relayé par des anticoagulants
oraux, avec un objectif INR compris entre 2 et 3. La durée du
traitement par antivitamine K est discutée ; elle varie selon les
centres en France (6 mois en moyenne).
Mise au point
Mise au point
I. Linfarctus veineux profond :
a. peut être dû à une occlusion du sinus droit
b. est toujours isolé au réseau veineux profond
c. peut être une complication du post-partum
d. ne doit pas être traité par anticoagulant en cas d’hémorragie
méningée associée
e. doit être thrombolysé si le patient arrive dans les 3 heures
II. Les anomalies IRM rencontrées dans un infarctus veineux
profond sont :
a. un hypersignal en séquence de diff usion des thalamus
b. un hypersignal spontané de la structure veineuse occluse
en T1
c. un hypersignal intravasculaire en premier écho de gradient
du T2
d. un hypersignal en T2 FLAIR de la substance blanche péri-
ventriculaire
AUTO-ÉVALUATION
Réponses : I : a et c ; II : a, b et d.
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PRONOSTIC
Les infarctus veineux profonds sont rares mais constituent un
facteur de mauvais pronostic d’après létude ISCVT (6). En eff et,
68 des 624 patients inclus avaient des TVC profondes (10 %), et
29,4 % dentre eux sont décédés. La localisation d’une TVC aux
veines profondes constitue un facteur de mauvais pronostic,
tout comme le sexe masculin, un âge supérieur à 37 ans, un
coma, des troubles cognitifs ou l’existence d’une hémorragie
intraparenchymateuse (7).
CONCLUSION
Les TVC profondes sont des causes rares dischémie cérébrale.
Leur diagnostic est rendu diffi cile par le manque de spécifi -
cité des signes cliniques retrouvés à l’examen clinique. L’IRM
cérébrale couplée à l’angio-MR veineuse permet d’asseoir le
diagnostic et déliminer les principaux diagnostics diff érentiels.
Le traitement repose sur la mise en place précoce d’une antico-
agulation effi cace. Bien que 29,4 % de décès aient été rapportés
dans l’étude ISCVT, l’évolution peut être favorable en cas de
diagnostic précoce et de traitement rapide.
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