Science et médecine
Dossier médical
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Hémophilie 178
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Juin 2007
domaine du séquençage. Il y a quinze ans, le
diagnostic génétique d’hémophilie A s’effectuait
essentiellement par une méthode dite « indirecte »
dont les conclusions ne pouvaient être certaines.
En 2007, il est possible dans la majorité des cas
d’identifier l’anomalie responsable sur le gène
FVIII ou FIX, ce qui permet un diagnostic dit
« direct » chez les conductrices.
Il est important, avant d’entreprendre cette ana-
lyse, de disposer d’un dossier complet avec un
arbre généalogique, des informations fiables sur
le ou les hémophile(s) de la famille (gène atteint,
sévérité de l’hémophilie, etc.). En effet, ces
informations conditionnent le type d’analyse.
Dans le cas d’une hémophilie A sévère (FVIII
< 1 %), on cherchera en première intention une
inversion de l’intron 22 (50 % des cas) ou de
l’intron 1 (5 % des cas). Ces deux anomalies sont
de gros réarrangements du gène FVIII qui le
détruisent et le rendent impropre à la synthèse
de facteur VIII. Il s’agit d’anomalies dites
« récurrentes » : on les observe chez de nom-
breux hémophiles non apparentés car elles peu-
vent survenir « de novo ». Lorsque ces anomalies
sont absentes chez un hémophile sévère, il faut
rechercher une « mutation ponctuelle », c’est-à-
dire une anomalie de petite taille, qui nécessite
une exploration laborieuse de tout le gène FVIII.
De même, dans le cas d’une hémophilie modérée
(2 % < FVIII > 5 %) ou mineure (6 % < FVIII
< 30 %), la cause est habituellement une muta-
tion ponctuelle.
Les hémophilies B sont majoritairement dues à
de petites mutations ou réarrangements, mais,
ce gène étant plus petit que celui du FVIII, son
étude est plus simple.
Envisager une grossesse…
Lorsque le diagnostic de conductrice d’hémo-
philie sévère est établi chez une jeune femme,
celle-ci peut demander à faire pratiquer un
diagnostic prénatal (DPN) lors d’une grossesse.
Cependant, cette demande dans le cadre d’une
hémophilie est relativement rare (pas plus de
trois ou quatre par an dans un CHU comme celui
de Montpellier). Le diagnostic prénatal est une
pratique médicale très réglementée en France. Il
ne peut être envisagé que si l’enfant à naître
présente un risque important d’être porteur
d’une affection d’une « particulière gravité ». En
pratique, il ne peut concerner que les hémophi-
lies sévères.
Comme nous l’avons évoqué, la demande est
très dépendante du vécu familial de chaque
conductrice, ainsi que de son conjoint. Certaines
jeunes femmes viennent simplement s’informer
et affirment d’emblée qu’elles ne souhaitent pas
avoir recours au DPN. Dans tous les cas, il faut
dialoguer longuement avec les couples, car par-
fois on se rend compte qu’une demande de DPN
n’a d’autre but que le fait de « savoir », le cou-
ple n’ayant aucun souhait d’interrompre la
grossesse en cas de diagnostic de garçon hémo-
phile. Dans ce cas, il faut bien faire comprendre
que le DPN n’a aucun intérêt s’il s’agit d’une
simple « curiosité », et que, au contraire, il peut
faire courir un risque inutile à la grossesse. Il
sera simplement indispensable de prévoir un
accouchement non traumatique en milieu spé-
cialisé. Le diagnostic chez le petit garçon sera
effectué après la naissance. Pour d’autres cou-
ples, la demande de DPN est en revanche immé-
diate et irréversible. Enfin, dans de très rares
cas, l’incertitude du couple est impossible à
dépasser avant le résultat du DPN lui-même.
Le diagnostic prénatal (DPN)
Comme le diagnostic de conductrice, le diagnos-
tic prénatal a bénéficié ces dix dernières années
des progrès dans la connaissance des gènes ainsi
que d’améliorations des gestes et des techni-
ques. Une meilleure information des conductri-
ces et des médecins a également limité les cas de
demande tardive de DPN.
De manière idéale, la première consultation a
lieu dès que la grossesse est confirmée chez une
conductrice obligatoire connue chez laquelle
l’anomalie moléculaire responsable a préalable-
ment été identifiée. Il est alors possible de pro-
poser la stratégie actuelle, très « allégée » par
rapport à ce qui était pratiqué auparavant. Le
progrès majeur dans ce domaine est venu de la
possibilité depuis quelques années de réaliser un
diagnostic de sexe fœtal sur une simple prise de
sang maternel. Cette technique recherche dans
le sang de la mère de l’ADN provenant du chro-
mosome Y d’un éventuel garçon et permet
d’identifier ainsi le sexe du fœtus. Si le fœtus
est une fille, le DPN s’arrête à ce stade. Si c’est
un garçon, il sera nécessaire d’avoir recours
1984 • Identification des gènes FVIII et FIX
1993 • Identification de l'inversion de l'intron 22 du gène FVII
2001 • Identification de l'inversion de l'intron 1 du gène FVIII
• Diagnostic « de sexe fœtal sur sang maternel »
Quelques dates clés