Avant-Propos 9
sein du centre d’organiser une rencontre avec d’autres doctorants et post-doctorants
originaires essentiellement de France et d’Allemagne mais aussi d’autres pays, autour
d’un sujet actuel ou émergent. Ce fut bien le cas de la paternité, un thème auquel
l’éditrice du présent recueil, Aude-Marie Certin, a consacré une thèse portant sur
les pères-écrivains des villes moyennes et méridionales de l’Allemagne tardo-médié-
vale, soutenue sous la direction conjointe de Pierre Monnet et Jean-Claude Schmitt
à l’EHESS le 17 mai 2014. Les résultats de ce mémoire de doctorat, tout comme ceux
des autres chercheurs rassemblés à Francfort et dont les communications sont ici
publiées, prouvent s’il était besoin l’utilité et la fonction de centres de recherche à
l’étranger consacrés à la formation d’une nouvelle génération de chercheurs aptes à
poursuivre le dialogue scientique entamé depuis des décennies entre les historiens
français, allemands et de plus en plus issus d’autres pays européens. Mais ces acquis
et ces échanges, comme en témoigne le présent ouvrage, prouvent aussi la pertinence
d’une thématique placée, la table des matières l’indique assez, à la rencontre des
espaces français, germanique, suisse et italien; au chevauchement des chronologies
entre n du Moyen Âge et première modernité; au contact des disciplines et des
méthodes entre histoire juridique, économique, politique, religieuse et anthropo-
logie de la parenté ou des images; au croisement des échelles sociales entre milieux
urbains, universitaires, artisanaux, princiers, monastiques; au carrefour enn de
supports documentaires normatifs, narratifs, iconographiques.
Ce faisceau de questions et de sources conrme avec éclat le postulat de départ
de cette rencontre: le système de parenté, et plus précisément ici le régime de
paternité, occupe une place importante dans la (re)production et la (re)présen-
tation de l’ordre social dans l’Europe médiévale puis moderne. Il semble acquis,
en eet, que nous avons aaire dans la société médiévale à une conception de la
paternité très complexe, mouvante, qui relativise par sa diversité, mais peut-être
surtout par la sophistication de sa représentation et de sa dénition, les images
passéistes et xistes d’un père indissociablement biologique et chef de famille.
La légitimation d’enfants non biologiques (substitut médiéval à l’adoption juri-
dique romaine), mais aussi les remariages sont chose courante ou permise, dans
une société qui place cependant l’alliance en parallèle voire en concurrence avec
d’autres formes d’association et d’union par la confrérie, la commune, le serment,
l’université ou l’hommage, investies chacune des mêmes valeurs et reposant sur
les mêmes schèmes d’amour et d’amitié; une société qui interdit progressivement
la polygamie, le concubinat, la séparation, qui péjore l’adoption, qui introduit une
correction et une régulation de l’alliance par les prohibitions graduelles de mariage
(non exclusives d’une endogamie sociale), qui promeut et valorise pour certains
le célibat et le veuvage. Or, c’est cette même société qui, en pratique et en théorie,