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LEN O U V E A U V I S AG E D E L’E M P R I S O N N E M E N T AV E C S U R S I S – CO M P T E R E N D U D U S Y M P O S I U M
sévérité des conditions imposées.7La Cour
insiste beaucoup sur la nécessité de donner
clairement au sursis à l’emprisonnement un
effet dénonciateur et dissuasif.8Lorsque ces
aspects jouent un rôle essentiel, le juge en chef
Lamer affirme que l’incarcération est préfé-
rable, mais il ajoute : « selon la nature des
conditions imposées dans l’ordonnance de
sursis, la durée de celle-ci et la situation du
délinquant et de la collectivité au sein de
laquelle il purgera sa peine, il est possible
que l’emprisonnement avec sursis ait un effet
dénonciateur et dissuasif suffisant, même dans
les cas où les objectifs correctifs présentent
moins d’importance. » 9
Le juge en chef Lamer n’ a b o rde à aucun moment
l’idée que l’emprisonnement avec sursis doit viser
davantage des objectifs correctifs que punitifs et
les différences qu’il fait ressortir entre l’empri-
sonnement avec sursis et la probation interd i s e n t
une telle interprétation.10 En fait, le juge en
chef explore très peu dans son opinion le contenu
concret des aspects correctifs et de réinsertion
sociale des délinquants de l’emprisonnement
avec sursis.11 Le juge en chef Lamer n’envisage
pas non plus la possibilité que les objectifs
punitifs et correctifs puissent jouer un rôle
comparable ou proportionné dans la formu-
lation d’une ordonnance d’emprisonnement
avec sursis. Dans ses motifs, le juge en chef
insiste essentiellement sur le caractère punitif
de l’emprisonnement avec sursis.12 Il ressort en
fin de compte des motifs de la Cour que l’ i m p o r-
tance accordée aux aspects dénonciateur et
dissuasif de l’emprisonnement avec sursis interd i t
de voir dans cette sanction une mesure axée
principalement sur la justice corrective. C’est ce
que pensaient de nombreux commentateurs ava n t
que la Cour suprême soit saisie de l’affaire
Proulx et des autres affaires du même genre.
Ces décisions indiquent que l’emprisonnement
avec sursis n’a pas été ajouté au Code pour en
quelque sorte renforcer la probation.13
Bref, l’arrêt Proulx tente de faire de l’emprison-
nement avec sursis une sanction distincte qui
se situe entre l’incarcération et la probation en
insistant sur les objectifs punitifs de la première
peine et en préservant les aspects correctifs de
la seconde. Il n’est guère exagéré d’affirmer que
la Cour fait découler les objectifs punitifs de
la présence de conditions obligatoires et les
objectifs correctifs des conditions facultatives.
La raison en est que la Cour a en fait introduit
dans le par. 742.3(1) l’obligation d’assortir
l’ordonnance de sursis de conditions punitives
et il a renforcé cette affirmation en précisant
que le juge qui n’ a s s o rtit pas une telle ord o n n a n c e
de conditions punitives sans fournir la raison
7Ibid., par. 102 et 103, 115.
8Ibid., par. 30, 41, 102 à 109, 114.
9Ibid., par. 114.
10Au paragraphe 19 de l’arrêt Proulx, précité, le juge en chef Lamer énonce : « la jurisprudence canadienne en matière de
détermination de la peine a traditionnellement mis l’accent sur les objectifs de dénonciation, de dissuasion, d’isolement
du délinquant du reste de la société et de réinsertion sociale, ce dernier objectif étant relativement récent dans l’analyse » .
Il note également qu’avec la réforme de la partie XXIII, le Parlement a voulu accorder une importance nouvelle aux
objectifs liés à la justice corrective. Cette affirmation laisse le lecteur quelque peu perplexe parce qu’elle semble indiquer
que depuis quelque temps les objectifs de réinsertion sociale sont moins importants. Elle laisse le lecteur encore plus
perplexe lorsqu’on constate que la probation, telle que décrite par le juge en chef aux paragraphes 32 à 35, est une mesure
visant la réinsertion sociale du délinquant. La probation est bien sûr une institution traditionnelle du droit canadien, tout
comme l’aspect réinsertion sociale d’au moins un type de peine. Voir également le par. 29 du jugement.
11Voir Proulx, précité, par. 109 à 112; cf. par. 18 à 20.
12Ibid., par. 22, 23, 28, 29, 30, 35, 36, 37, 38, 41, 99, 100, 102, 103, 113, 114, 117.
13Ibid., par. 99.