Interview du Dr Villeminot : RRAC et prothèse unicompartimentale en ambulatoire
La vie de manière générale est souvent une histoire de rencontres et de coïncidences, et c’est de
cette manière que le Dr Villeminot est devenu successivement étudiant en médecine puis
chirurgien orthopédique.
Véritable cheville ouvrière et passionné par son « métier », il est un des acteurs principaux dans
l’une des révolutions en matière de prise en charge, en étant l’un des chirurgiens de la Clinique
Sainte Odile d’Haguenau (Alsace), où innovation rime avec bien-être grâce à la RRAC
(Récupération Rapide Après Chirurgie), à la prothèse unicompartimentale en ambulatoire et à
la technique LIA (Local infiltration analgesia).
Le geste chirurgical est le même depuis plusieurs décennies, mais la partie organisationnelle et
informative, pré et post opératoire est devenue meilleure. Aujourd’hui, grâce à des changements
comme ceux initiés par CAPIO et tous les acteurs dans l’innovation, "un patient peut dès sa
première consultation pré-opératoire, obtenir l’ordonnance qui lui sera nécessaire en post-
opératoire. Ce genre d’avancée dans la prise en charge a un impact énorme sur le patient, en
évitant au maximum l’aspect anxiogène, bien qu’il soit normal d'être anxieux dans le cadre d’un
acte chirurgical".
Dr Villeminot : Entretien avec un chirurgien orthopédique
Depuis quand êtes vous chirurgien et intervenez-vous à la Clinique St Odile ?
Dr Villeminot : J'ai commencé mes études de médecine à Paris en 1985. J'ai été reçu à l'internat à
Strasbourg en 1992. Mon internat s'est terminé fin 1997. Puis j'ai été chef de clinique-assistant de fin
1997 à fin 1999 à Strasbourg.
Je suis officiellement chirurgien orthopédiste depuis le 1er novembre 1998. Je me suis installé à la
Clinique Sainte Odile à Haguenau depuis le 1er janvier 2000. Je suis libéral pur, associé avec deux
autres chirurgiens orthopédistes. Nous n'intervenons qu'à la Clinique Sainte Odile.
De gauche à droite : Dr Saïd André SLIMANI, Dr Jérôme VILLEMINOT, Dr Benoît
COURSIMAULT
Pour quelle(s) raison(s) avez-vous souhaité devenir chirurgien orthopédiste ? Et quels sont vos
modèles dans cet "art" ?
Dr Villeminot : Je n'étais pas spécialement prédestiné à devenir médecin et encore moins chirurgien.
Personne dans ma famille n'était dans le domaine médical. Mais je me suis fais une rupture du
ligament croisé antérieur d'un genou, l'année de mon BAC, dont j'ai été opéré et j'ai passé une grande
partie de mes révisions du BAC, entre les séances de rééducation... Cela a donc forcément du peser
sur mon choix lors des inscriptions en Faculté. L'inscription en médecine était plus facile que les
autres...
Une fois en médecine et au décours des rencontres lors des différents stages hospitaliers, dès la
deuxième année, j'ai été attiré par l'univers souvent mystérieux et parfois même mystique du bloc
opératoire. Et je me suis lié d'amitié avec un chirurgien orthopédiste de l'Hôtel-Dieu de Paris, le Dr
Levon DOURSOUNIAN. De là est née une sorte de compagnonnage qui m'a amené à me passionner
pour la chirurgie orthopédique.
En parallèle de mes études, je faisais des aides opératoires pour le Dr DOURSOUNIAN. Il a donc été
naturel de passer le concours de l'internat afin de pouvoir préparer une spécialité, et de choisir bien
évidemment la chirurgie orthopédique. J'ai été nommé à Strasbourg lors du concours 1992. J'ai eu la
chance de faire mon premier stage d'interne en spécialité dans le service du Pr Jean-Henri JAEGER,
à Colmar, grand nom de la chirurgie du genou en France et notamment de la chirurgie du ligament
croisé du genou. C'était une coïncidence amusante si je me souviens que c'est la rupture d'un de mes
ligaments croisés antérieurs qui m'a poussé vers les études de médecine. Et j'ai fini ma formation
comme chef de Clinique-assistant dans le service du Pr JAEGER à Strasbourg.
Mes modèles sont donc naturellement, pour des raisons différentes, le Pr Levon DOURSOUNIAN (il
est devenu professeur entre temps), et le Pr Jean-Henri JAEGER.
Quelles sont les interventions chirurgicales les plus courantes que vous pratiquez ces dernières
années ?
Dr Villeminot : Comme vous pouvez vous en douter, je n'opère quasiment que des genoux (...)! Par
ordre décroissant, les interventions que je réalise le plus fréquemment sont au nombre de trois :
arthroscopie de genou, reconstruction du ligament croisé antérieur du genou, et prothèse de genou.
Ces trois interventions représentent 90% de mon activité totale!
Dr Jérôme VILLEMINOT en pleine opération chirurgicale
Que remarquez-vous au niveau des patients depuis la pratique des programmes de Récupération
Rapide Après Chirurgie (RRAC) ?
Dr Villeminot : D'abord une grande curiosité et un peu d'incrédulité. En effet, le concept de
récupération rapide est très nouveau en France, même si certaines équipes font depuis quelques
années de la récupération rapide mais sans forcément le promouvoir ou le formaliser.
L'apport de CAPIO sur ce thème à été pour moi fondamental, car cela a permis de conforter certaines
intuitions que j'avais, mais surtout, de me soutenir lorsque j'ai proposé de nouvelles prises en charge
pour certaines pathologies. Et il est souvent mis en avant qu'il existe un "problème culturel" des
patients, qui seraient plus réticents aux nouvelles formes d'hospitalisation que dans d'autres pays. Je
pense franchement que cette difficulté, soit disant culturelle, est largement partagée par le monde
chirurgical.
En effet, et pour en faire l'expérience quotidienne, lorsqu'on explique très clairement aux patients les
raisons, les conditions, et les résultats des différentes techniques de RRAC, peu d'entre eux sont
d'emblée réfractaires.
La curiosité se manifeste par de nombreuses questions sur la faisabilité, pour eux, de mettre en place
ces types de protocole. Ensuite, il y a souvent un peu d'incrédulité, car peu d'entre eux ont entendu, à
ce jour, l'existence de ces méthodes. Mais au final, il est peut difficile de les convaincre. Et si on y
réfléchi un peu, depuis le début de la médecine, c'est le médecin qui fait le diagnostic, et qui propose
le traitement. Le patient accepte dans l'immense majorité des cas. Pourquoi aurait-il plus de mal à
accepter ces méthodes, qui ont en plus prouver de façon évidente qu'elles avaient d'excellents
résultats.
Donc, finalement, lorsqu'on présente correctement ces méthodes au patient, il ne se passe rien de plus
ou de moins que lorsqu'on lui présentait des méthodes "classiques". J'oserais même dire que parfois,
ce sont les patients eux même qui nous posent les questions sur ses nouvelles techniques. "Faites-vous
de la chirurgie mini-invasive?", "est-ce que je resterai la nuit à la clinique?"...
Par contre, les retours sont beaucoup plus intéressants lors des consultations post-opératoires, une
fois que les patients ont bénéficié de ces nouvelles méthodes. Leur satisfaction est souvent très
importante. C'est donc cela qui est plus marquant, beaucoup plus que leur réticence à accepter ce
qu'on leur proposait avant. En fait, tout se passe dans l'information et la préparation
préalable. L'ordre des choses s'est inversé.
Si l'on veut caricaturer au maximum : - avant, le patient était vu en consultation, l'intervention lui
était proposée, puis réalisée, et les suites opératoires étaient organisées après. - maintenant, le
patient est vu en consultation, l'intervention lui est proposée, les suites opératoires sont expliquées,
proposées et préparées, et alors, et seulement si tout est prêt, l'intervention est réalisée. C'est
beaucoup plus sécurisant pour le patient, et il n'a aucun mal à accepter, par exemple une
hospitalisation très courte, voire aucune hospitalisation.
Le rôle de CAPIO dans la promotion et l'aide à la mise en place de ces protocoles innovants a été
déterminant dans ma décision de "franchir" le pas, notamment pour la réalisation de certains gestes
en ambulatoire, ce qui était considéré comme inconcevable il y a peu.
Pouvez-vous expliquer ce qu'est une prothèse unicompartimentale en ambulatoire, qui est
pratiquée dans votre établissement dans le cadre de la démarche sur la récupération rapide
(RRAC) ?
Dr Villeminot : Il s'agit tout simplement de la mise en place d'une prothèse unicompartimentale du
genou (prothèse partielle du genou), chez un patient en admission le matin même de l'intervention, et
à qui on permet le retour au domicile le soir même de l'intervention.
Le patient ne rentre que s'il est capable de se déplacer de façon autonome pour les gestes de la vie
quotidienne, avec où sans cannes! Le patient passe entre 8 à 10 heures à la clinique. Et contrairement
à certaines idées reçues en chirurgie ambulatoire, le patient rentre bien à domicile, et non pas dans
l'hôtel situé en face de la clinique avec une infirmière de garde au rez-de-chaussée (de toute façon, il
n'y a pas d'hôtel en face de la clinique!). Et le fait de permettre un retour extrêmement rapide à
domicile, lui permet une récupération encore plus rapide de son autonomie. On bouge beaucoup
moins dans les locaux d'un établissement hospitalier que chez soi... Je suis persuadé que beaucoup de
mes confrères ou beaucoup de patients auront du mal à croire que ça puisse être possible, et ce
d'autant que nous n'avons trouvé aucune publication, française ou mondiale, qui décrive ce type de
prise en charge pour ce type d'acte chirurgical.
Certaines publications nord-américaines l'évoquent, mais sans être certain qu'il s'agisse d'une vraie
prise en charge ambulatoire (doute sur ce fameux hôtel en face de la clinique). Pour autant, c'est
possible, les patients l'ont fait, et je les remercie sincèrement de leur "audace" et de leur confiance. Ils
sont des pionniers, de pratiques qui se développeront inéluctablement dans les années qui viennent.
Pour que l'explication soit complète, il faut aussi faire remarquer que l'audace est aussi du côté de la
Clinique Sainte Odile et de CAPIO, car réaliser cet acte chirurgical en ambulatoire est pénalisant
pour l'établissement, cet acte n'étant pas prévu dans la nomenclature, avec ce type de prise en
charge.
Malgré cet aspect financier très défavorable, l'établissement a encourager la réalisation et la mise en
place de cette technique innovante. Nous avons également décider d'appliquer cette prise en charge à
la reconstruction du ligament croisé antérieur du genou, avec la même réussite initiale.
Radiographie d'une Prothèse unicompartimentale
Enfin, votre établissement de santé pratique la technique LIA (Local infiltration analgesia).
Qu'est-ce que cette technique apporte contrairement à une prise en charge traditionnelle ?
Dr Villeminot : Cette technique apporte avant tout, une disparition quasiment complète des douleurs
dans les 24 à 48 premières heures post-opératoires. Cette indolence permettant, la mobilisation très
précoce, la réduction importante, voire la disparition des traitements antalgiques lourds (morphine) et
surtout de leurs effets indésirables, et donc un effet "non malade" des patients, malgré l'intervention
chirurgicale très récente. Nous obtenons beaucoup plus rapidement une « démédicalisation » du
patient. Celle-ci est d'autant plus importante que nos patients ne sont à proprement parler, dans la
plupart des cas, des malades. Nous les rendons malades en leur donnant des drogues, en les bardant
de tuyaux, en les transplantant dans un univers hospitalier hostile et agressif...
L'effet, "pas de douleur", permet d'enlever les "tuyaux", de diminuer considérablement les drogues, et
de les faire quitter un univers hostile rapidement vers un univers familier. De plus, les techniques de
LIA ont un énorme avantage sur les techniques antalgiques de bloc nerveux, car elles n'entraînent
aucun bloc moteur, ce qui permet au patient d'avoir une locomotion la plus normale possible.
Paroles de patient
Monsieur Kern, âgé de 49 ans, est le premier patient pris en charge à la Clinique Sainte Odile (et
au niveau national), le 22 février 2012, dans le cadre d’une prothèse unicompartimentale en
ambulatoire.
Originaire d'un petit village de la belle Alsace, M.Kern a été opéré dernièrement pour une demie-
prothèse du genou droit.
« J’ai été pris en charge à la Clinique Saint Odile après un parcours un peu difficile. Dans le cadre de
mon emploi, je portais des charges lourdes et des douleurs régulières et des complications survenaient
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