Actualité Santé 9 Insuffisance veineuse chronique Une pathologie mécanique Comme l’insuffisance cardiaque et l’insuffisance respiratoire, l’insuffisance veineuse dénote un dysfonctionnement : le système veineux n’arrive plus à assurer un retour normal du sang vers le cœur. En France, 3 personnes sur 10 sont concernées, soit plus de 18 millions d’adultes. S ur les dix-huit millions de personnes adultes porteuses d’insuffisance veineuse chronique, douze ont des varices. La maladie est majoritairement féminine, puisqu’elle atteint 57 % des femmes contre 28 % des hommes. Comment peut-on souffrir d’insuffisance veineuse ? Le sang des jambes remonte vers le cœur suivant les veines superficielles. Celles-ci sont situées dans le derme et assurent 10 % du retour. On retrouve la veine saphène interne située à la face interne de la cuisse, qui se jette dans la veine fémorale, et la saphène externe, qui rejoint au creux poplité la veine poplitée. Les veines profondes sont, elles, situées à l’intérieur des membres, où elles longent les artères. Pour assurer la connexion entre les deux réseaux, les veines perforantes drainent le sang de la superficie vers la profondeur. Contrairement au système artériel à haute pression, le réseau veineux est à basse pression : les veines ne possèdent pas, en effet, de paroi contractile pouvant assurer le maintien d’une pression. À basse pression, le retour du sang ne peut s’effectuer que grâce à un système d’aspiration. Tout d’abord, la pompe diaphragmatique qui, par des contractions du diaphragme, permet une aspiration du sang vers les veines de la cuisse. La deuxième pompe est la plante des pieds. À la marche, l’écrasement de la voûte plantaire chasse le sang vers le haut de la jambe. Enfin, le dernier système est la contraction musculaire qui propulse le sang vers le haut du corps. Un système de clapets anti retour, répartis tout au long des veines, régule le passage dans un seul sens, à la seule condition que ces clapets soient fonctionnels. Parallèlement, le système lymphatique est une voie de recours. Lorsque les veines sont trop sollicitées et que leur fonction est insuffisante, c’est lui qui prend en charge le sang. Il est cependant vite saturé et l’eau s’accumule alors rapidement dans les tissus, réalisant un œdème appelé veinolymphatique. Pourquoi l’insuffisance veineuse fait-elle souffrir ? La distension veineuse par le sang qui s’accumule provoque une hypoxie au niveau des cellules endothéliales. Celles-ci libèrent alors des médiateurs chimiques. Ceux-ci vont stimuler les centres nocicepteurs douloureux. C’est en fait un mécanisme tout à fait physiologique, servant à prévenir le corps par le moyen du système nerveux, que l’hypoxie veineuse est importante et doit être corrigée. La douleur a cependant une fâcheuse tendance à disparaître alors que les troubles persistent. Facteurs de risque Diagnostic Selon une étude de 1998 (Allaert et al.), les professions les plus à risque de souffrir d’insuffisance veineuse chronique sont celles qui travaillent debout, dans une atmosphère surchauffée et/ou sédentaires. Au premier plan, les coiffeuses, les personnels navigants et… les infirmières. Des sources de risques autres que professionnelles existent, comme un excès de poids, une consommation d’épices, d’alcool, de café en trop grande quantité. Il en est de même pour l’abus de soins chauds sur les jambes – dans un sauna, un hammam, ou lors d’épilations à la cire chaude. Autres dangers : le port de vêtements trop serrés à la taille, au mollet, le port de talons ou très hauts ou trop plats, les vols aériens réguliers et durant plus de quatre heures, la position prolongée assise jambes croisées… L’hérédité conditionne également l’état du capital veineux. L’emploi d’estrogènes à faibles doses stimule la paroi veineuse ; à fortes doses, il la dilate. Lorsque l’on se trouve dans un de ces cas, il convient de repérer vite les signes d’insuffisance veineuse pour parer les complications, sinon au moins ennuyeuses et graves parfois. Les troubles se manifestent vers l’âge de 30 à 40 ans, selon des symptômes polymorphes. Des signes tellement variés que les patients ont des difficultés à les décrire. Ils peuvent se répartir en signes fonctionnels : aucun n’est spécifique mais c’est leur association qui est significative. Il s’agit de lourdeurs des jambes ou des mollets plus importantes en fin de journée. Ces signes augmentent en cas de position debout prolongée, de grossesse, d’insuffisance veineuse importante. S’y associent fréquemment des douleurs le long des trajets veineux, ou phlébalgies, mais aussi des crampes à prédominance nocturne, des impatiences, survenant lorsque le patient est immobile, l’obligeant à bouger. À côté de ces signes fonctionnels, des signes physiques existent et l’œdème est le symptôme le plus fréquemment retrouvé. Ce dernier apparaît en fin de journée pour disparaître en position allongée nocturne. Correspondant à des dilatations permanentes des petits vaisseaux, les télangiectasies se présentent sous la forme de petites lignes rouges ou violettes visibles sous la peau. Super- Infos ... Les différents stades de la maladie veineuse Les symptômes sont anodins mais les complications sont potentiellement graves. Les varices sont la dilatation permanente d’une veine. Les capillaires sont de très fins vaisseaux dépourvus de fibres musculaires assurant un réseau de transition entre les circulations artérielles et veineuses. La dermite est une inflammation de la peau. L’hypodermite est une inflammation sous-cutanée du tissu cellulaire. L’atrophie blanche se présente sous forme de plaques cutanées de couleur claire. L’ulcère variqueux est une perte de substance du revêtement cutané ou muqueux. Professions Santé Infirmier Infirmière N° 53 • mars 2004 Actualité Santé 10 ficielles et facilement repérables ou profondes, les varices sont des dilatations veineuses. Trois types de varices existent : les varices essentielles, de grossesse et celles post-phlogistiques. Classification Traitement Grade Clinique 0 Asymptomatique 1 Sensation de jambes lourdes 2 Œdème objectif ou pigmentation ou parakératose 3 Hypodermite scléreuse ou atrophie blanche ou cicatrice d’ulcère 4 Ulcère ouvert L’examen Infos ... La thrombose La thrombose veineuse est plus connue sous le terme de phlébite. Elle est due à un caillot appelé thrombus qui peut coaguler et obstruer la veine, une conséquence du ralentissement du flux veineux. Quand la thrombose touche les veines profondes, c’est la thrombose veineuse profonde (TVP), qui peut entraîner une embolie pulmonaire et le décès par obstruction d’une artère pulmonaire, par migration du thrombus. (phlébite), avec alors le risque vital d’embolie pulmonaire. Toutes ces complications doivent être détectées suffisamment tôt ou, mieux, prévenues par un traitement bien conduit de l’insuffisance veineuse chronique. Le patient est d’abord examiné debout avant de le faire allonger. Sont recherchés tous les signes énoncés, et une classification établie (voir encadré), permet de déterminer la sévérité de l’affection. Les doppler et écho-doppler permettent de localiser l’insuffisance veineuse. Ils visualisent et détectent des reflux, apprécient la taille des veines, retrouvent les varices. Une thrombose superficielle ou profonde peut aussi être détectée grâce à cet examen. Le bilan fait, comment éviter aux lésions de se compliquer ? Complications Parmi les complications de l’insuffisance veineuse chronique : les troubles trophiques. On peut distinguer la dermite ocre, due à l’inflammation des capillaires, qui réalisent au niveau de la peau cette coloration ocre. La localisation préférentielle est la cheville, au niveau de la région maléollaire. Lorsque existent des varices chroniques, un eczéma peut se produire, avec l’apparition de zones érythémateuses sous forme de taches rouges, voire de vésicules sur le trajet de la varice. Toujours sur le trajet d’une varice se produit l’ulcère variqueux, dont la cicatrisation est longue et délicate. Complication plus graves, la rupture variqueuse fait suite à un coup ou à un traumatisme. Si un caillot se forme dans la veine, c’est une thrombose Professions Santé Infirmier Infirmière N° 53 • mars 2004 En premier lieu, il s’agit d’éviter au maximum les facteurs de risque d’apparition ou d’aggravation de la maladie cités plus haut. En revanche, il faut pratiquer régulièrement un sport, dormir les jambes surélevées, boire régulièrement et absorber des aliments riches en vitamines, notamment C, E et P. En respectant ces mesures hygiénodiététiques, le premier volet du traitement est respecté. On peut lui adjoindre la prise régulière de médicaments veinotoniques, qui visent à corriger la distension veineuse, à normaliser la microcirculation et à agir sur la perméabilité capillaire. Ils soulagent les symptômes mais ne guérissent pas la maladie. À côté des médicaments, la contention élastique est utile à tous les stades de la maladie. Elle sera d’au- Le déremboursement des veinotoniques Pour faire des économies, il est question de dérembourser les veinotoniques. En Italie, où ce déremboursement a eu lieu en 1994, on a rapidement noté non pas une économie, mais un surcoût dû à la multiplication des actes chirurgicaux thérapeutiques (conférence de presse de l’Union Internationale de phlébologie, septembre 2003). tant plus forte que l’insuffisance veineuse est marquée. Les autres traitements comprennent les cures chirurgicales. En premier, la sclérothérapie, qui injecte un produit sclérosant dans la veine variqueuse. En cas de varicosité, on peut pratiquer une microsclérose. Le stripping supprime la veine saphène, la phlébectomie élimine chirurgicalement les varices visibles. Enfin, la Chiva ligature les veines après micro-incisions, sans les enlever. Jacques Bidart La compression : le consensus L’ANAES a confirmé la place fondamentale de la compression veineuse, quel que soit le stade d’évolution de la maladie veineuse. La compression se fait à l’aide d’un tricot élastique qui compose des bandes, des chaussettes, des bas ou des collants. La notion d’élasticité est importante, car la “compression”, qui comprime et relève d’un dispositif élastique, est à ne pas confondre avec la “contention”, qui contient et relève d’un dispositif peu ou pas élastique. La compression permet de réduire le calibre des veines et de suppléer éventuellement au fonctionnement des valvules. C’est un traitement mécanique. Elle s’exerce toujours de manière dégressive : pour les jambes, la pression la plus forte part de la cheville pour s’atténuer ensuite. Elle est modulable selon le stade de la pathologie veino-lymphatique, se décline en quatre classes et se mesure en hectopascals (hPa). Respectivement de plus en plus forte : 13 à 20 hPa ; 20 à 27 hPa ; 27 à 48 hPa ; plus de 48 hPa, ainsi qu’en classes allant de 1 à 4 (la classe 4 est prescrite en cas d’insuffisance veineuse chronique très sévère). Les tissus de compression sont des dispositifs médicaux qui répondent à un cahier des charges très précis. Ils peuvent être prescrits par un médecin mais aussi par des sages-femmes. Les fabricants ont fait d’énormes progrès quant aux textures, plus confortables, et aux produits, plus adaptés à la morphologie des patients et plus esthétiques.