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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XI), n° 2, mars-avril 2007
Mise au point
Mise au point
Tableau I. Interférences pharmacologiques au cours de l’exploration de l'axe thyréo-
trope : mécanismes impliqués et variations des taux hormonaux.
Les chiffres encadrés correspondent aux niveaux d’impact des molécules et sont repris
dans la figure 1.
Action sur la synthèse ou la libération de TSH
Augmentation de la synthèse ou de la libération de TSH : antidopami-
nergiques (neuroleptiques, métoclopramide, dompéridone)
Diminution de la synthèse ou de la libération de TSH : agonistes
dopaminergiques (dopamine, antiparkinsoniens), antisérotoninergiques
(méthysergide, méthergolide), carbamazépine, glucocorticoïdes, metfor-
mine, octréotide, somatostatine
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1
Perturbations de l’hormonogenèse thyroïdienne
Augmentation des taux de T3L et de T4L : amiodarone et médicaments
iodés, aminoglutéthimide, cytokines (interféron-alfa, interleukine-2),
lithium (rarement)
Réduction des taux T3L et de T4L : amiodarone et médicaments iodés,
aminoglutéthimide, cytokines (interféron-alfa, interleukine-2), lithium
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Diminution de la conversion de T4L en T3L, (réduction du taux de T3L) :
amiodarone, bêtabloquants (propranolol, alprénolol, métoprolol), gluco-
corticoïdes, propylthiouracile 3
Déplacement de la liaison aux protéines porteuses : TBG, TBPA, albumine,
(augmentation transitoire des taux de T4L et T3L, possible diminution
transitoire du taux de TSH) : AINS (fenclofénac), diazépam, furosémide,
héparine, HBPM, salicylés, sulfonylurées
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Augmentation du métabolisme hépatique de T4L et T3L par les inducteurs
des cytochromes P450 (réduction des taux de T4L et de T3L) : carbamazé-
pine, phénobarbital, phénytoïne, primidone, rifampicine 5
Diminution de l’absorption intestinale de T4L et/ou de T3L (réduction des
taux de T3L et T4L) : cholestyramine, carbonate de calcium, hydroxyde
d’aluminium, kayexalate, sucralfate, IPP 6
calcique et glucidique. Pour chaque
axe, nous nous attacherons à distin-
guer les interférences pharmacologi-
ques des interférences analytiques.
Influences
médicamenteuses sur les
paramètres d’exploration
de l’axe thyréotrope
(tableau I, figure 1)
La TSH, de par sa fonction de
stimulation de l’hormonogenèse
thyroïdienne et en tant que cible du
rétrocontrôle hormonal, est soumise à
de nombreuses interférences médica-
menteuses (3-5). Une action directe
d’un traitement sur l’hypothalamus
et/ou l’hypophyse peut induire une
variation de ses taux circulants. C’est
le cas des antagonistes dopaminergi-
ques, qui peuvent être responsables
d’une augmentation de la sécrétion de
TSH en s’opposant à l’action inhibi-
trice de la dopamine hypothalamique.
À l’inverse, les agonistes dopami-
nergiques (dopamine, voire certains
antiparkinsoniens), tout comme les
antisérotoninergiques, les glucocorticoïdes, la soma-
tostatine et ses analogues ou encore la carbamazépine,
peuvent induire une diminution de la sécrétion de TSH.
L’ensemble de ces interférences, qu’elles entraînent une
élévation ou une réduction du taux plasmatique de TSH,
reste généralement infraclinique et transitoire (tableau I,
figure 1). Notons qu’une diminution de la TSH liée à
l’introduction d’un traitement par metformine a récem-
ment été décrite chez des patients hypothyroïdiens
correctement substitués, sans que ce mécanisme d’inter-
férence soit encore parfaitement expliqué (6).
Il n’a pas été retrouvé dans la littérature d’interférence
d’ordre analytique avec le dosage de TSH.
De nombreux traitements induisent des dysthyroïdies
iatrogènes, qu’il faudra éliminer rapidement au cours de
l’enquête étiologique initiale. Le traitement par amio-
darone est un cas bien particulier qui fait intervenir
plusieurs mécanismes physiopathologiques (7). Il faut
distinguer les dysthyroïdies authentiques, engendrées
par la surcharge iodée, de “l’effet cordarone” lié à l’in-
hibition de la conversion de T4 en T3, d’une part, et à
l’action antagoniste de l’amiodarone sur les récepteurs
de la T3 d’autre part. Notons que seul le dosage de T4
permet de différencier une hypothyroïdie débutante d’un
“effet cordarone”. Dans ce dernier cas, le taux de T4
libre est élevé. L’inhibition de la conversion périphérique
de T4 en T3 est également observée avec d’autres trai-
tements iodés ou non (bêtabloquants, glucocorticoïdes).
On relève une augmentation des taux de T4 libre, qui se
situe généralement à la limite haute de la normale, une
diminution de celui de T3 libre et une TSH plasmatique
normale (tableau I, figure 1). Cette dernière peut égale-
ment être augmentée, en particulier lors de l’initiation
du traitement. Les inducteurs enzymatiques, tels que le
phénobarbital, la rifampicine, la phénytoïne ou la carba-
mazépine, tendent à augmenter le catabolisme de la T4
et de la T3. Cette interférence est non significative en
raison du rétablissement de l’équilibre hormonal chez
le sujet euthyroïdien, grâce à l’augmentation réaction-
nelle de la sécrétion de TSH. Elle peut néanmoins poser
des problèmes chez le malade hypothyroïdien substitué,
rendant nécessaire l’augmentation de la posologie de
la substitution par lévothyroxine. Une telle adaptation
posologique est également nécessaire en cas d’utilisa-
tion concomitante de traitements modifiant l’absorp-
tion intestinale des hormones thyroïdiennes, tels que la
cholestyramine, le fer, les AINS (anti-inflammatoires
non stéroïdiens), l’hydroxide d’aluminium, le sucralfate