Interférences médicamenteuses et dosages hormonaux en

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Mise au point
Mise au point
Interférences médicamenteuses
et dosages hormonaux en endocrinologie
Drug interferences and hormone assays
B. Godouet-Getti, D. Loeber*
points FORTS
▲ De nombreux traitements médicamenteux sont
susceptibles d’influer sur l’interprétation des dosages
biologiques fréquemment utilisés en endocrinologie,
et sont donc à prendre en compte pour la prise en
charge diagnostique et thérapeutique du patient.
▲ Il est impératif de recenser l’ensemble des traitements pris par un patient au moment où un dosage
est pratiqué afin de pouvoir s’y référer en cas de
résultat aberrant.
▲ Deux grands types d’interférences médicamenteuses peuvent être envisagés : les interférences
pharmacologiques et les interférences analytiques.
▲ Des mécanismes variés sont impliqués dans les
interférences pharmacologiques : effet direct de la
molécule exogène sur le taux de protéine porteuse,
la synthèse ou encore le catabolisme des hormones.
▲ À côté des interférences d’ordre pharmacologique, différentes molécules peuvent mettre en
échec la technique de dosage elle-même. Selon la
méthode et les réactifs mis en œuvre au laboratoire,
le niveau d’interférence avec une molécule donnée
est variable.
Mots-clés : Dosages hormonaux – Interférences
médicamenteuses – Interférences pharmacologiques – Interférences analytiques.
Keywords: Hormone assays – Drug interferences
– Pharmacological interferences – Analytical interferences.
L
e diagnostic et le suivi des pathologies endocriniennes reposent notamment sur les dosages
hormonaux, qui viennent compléter les données
cliniques. L’interprétation de ces dosages conditionne
l’ensemble de la prise en charge diagnostique et théra-
* Service d’endocrinologie,
CHU de Rouen.
52
diabète
et
maladies
métaboliques,
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XI), n° 2, mars-avril 2007
peutique. Or, de nombreux traitements médicamenteux
peuvent être responsables de modifications des résultats
des dosages biologiques, et donc fausser leur interprétation. Il est par conséquent indispensable de connaître
les molécules potentiellement impliquées et les dosages
concernés (1).
Après exclusion de toute administration d’hormone
exogène susceptible d’être prise en compte dans le
dosage et de conduire faussement au diagnostic d’hypersécrétion de l’hormone endogène, les mécanismes
d’interférence restent nombreux (2).
En premier lieu, les perturbations des dosages hormonaux peuvent résulter d’un effet pharmacologique direct
de la molécule exogène sur l’axe hormonal. Le médicament peut influencer la fraction libre de l’hormone dosée
en modifiant le taux de sa protéine porteuse ou en déplaçant l’hormone liée par un mécanisme de compétition
sur le site de liaison. En outre, certains agents pharmacologiques peuvent accélérer le catabolisme hormonal,
notamment par induction des cytochromes P450 hépatiques.
À côté des interférences d’ordre pharmacologique, différentes molécules peuvent mettre en échec la technique de
dosage elle-même. Selon la méthode et les réactifs mis
en œuvre au laboratoire, le niveau d’interférence avec
une molécule donnée est variable. Les techniques en une
seule étape, sans phase d’extraction ou de séparation, ou
les techniques basées sur une détection peu spécifique
sont les plus sensibles à ces interférences. Celles-ci sont
de plus en plus limitées en raison de l’évolution des techniques de dosage. Cependant, les interférences analytiques persistent même avec les immunodosages utilisant
des anticorps monoclonaux. La parenté structurale entre
molécules exogènes et endogènes reste une source d’interférences difficilement contournable.
Dans cet article, nous n’évoquerons pas les conséquences endocriniennes attendues de certains
médicaments, souvent prescrits dans ce but par l’endocrinologue lui-même. Nous n’aborderons pas non plus
les endocrinopathies iatrogènes. Seront successivement envisagés les pièges d’interprétation des dosages
hormonaux en lien avec des prises médicamenteuses
au cours de l’exploration des axes thyréotrope, corticotrope, gonadotrope, lactotrope et somatotrope, ainsi
que lors de l’exploration des métabolismes phospho-
Mise au pointM
Influences
médicamenteuses sur les
paramètres d’exploration
de l’axe thyréotrope
(tableau I, figure 1)
Tableau I. Interférences pharmacologiques au cours de l’exploration de l'axe thyréotrope : mécanismes impliqués et variations des taux hormonaux.
Les chiffres encadrés correspondent aux niveaux d’impact des molécules et sont repris
dans la figure 1.
Action sur la synthèse ou la libération de TSH
• Augmentation de la synthèse ou de la libération de TSH : antidopaminergiques (neuroleptiques, métoclopramide, dompéridone)
• Diminution de la synthèse ou de la libération de TSH : agonistes
dopaminergiques (dopamine, antiparkinsoniens), antisérotoninergiques
(méthysergide, méthergolide), carbamazépine, glucocorticoïdes, metformine, octréotide, somatostatine
1
Perturbations de l’hormonogenèse thyroïdienne
• Augmentation des taux de T3L et de T4L : amiodarone et médicaments
iodés, aminoglutéthimide, cytokines (interféron-alfa, interleukine-2),
lithium (rarement)
• Réduction des taux T3L et de T4L : amiodarone et médicaments iodés,
aminoglutéthimide, cytokines (interféron-alfa, interleukine-2), lithium
2
ise au point
calcique et glucidique. Pour chaque
axe, nous nous attacherons à distinguer les interférences pharmacologiques des interférences analytiques.
La TSH, de par sa fonction de
stimulation de l’hormonogenèse
thyroïdienne et en tant que cible du
Diminution de la conversion de T4L en T3L, (réduction du taux de T3L) :
rétrocontrôle hormonal, est soumise à
amiodarone, bêtabloquants (propranolol, alprénolol, métoprolol), gluco3
de nombreuses interférences médicacorticoïdes, propylthiouracile
menteuses (3-5). Une action directe
Déplacement de la liaison aux protéines porteuses : TBG, TBPA, albumine,
d’un traitement sur l’hypothalamus
(augmentation transitoire des taux de T4L et T3L, possible diminution
4
et/ou l’hypophyse peut induire une
transitoire du taux de TSH) : AINS (fenclofénac), diazépam, furosémide,
variation de ses taux circulants. C’est
héparine, HBPM, salicylés, sulfonylurées
le cas des antagonistes dopaminergiAugmentation du métabolisme hépatique de T4L et T3L par les inducteurs
ques, qui peuvent être responsables
des cytochromes P450 (réduction des taux de T4L et de T3L) : carbamazé5
d’une augmentation de la sécrétion de
pine, phénobarbital, phénytoïne, primidone, rifampicine
TSH en s’opposant à l’action inhibiDiminution de l’absorption intestinale de T4L et/ou de T3L (réduction des
trice de la dopamine hypothalamique.
taux de T3L et T4L) : cholestyramine, carbonate de calcium, hydroxyde
6
À l’inverse, les agonistes dopamid’aluminium, kayexalate, sucralfate, IPP
nergiques (dopamine, voire certains
antiparkinsoniens), tout comme les
“effet cordarone”. Dans ce dernier cas, le taux de T4
antisérotoninergiques, les glucocorticoïdes, la somalibre est élevé. L’inhibition de la conversion périphérique
tostatine et ses analogues ou encore la carbamazépine,
de T4 en T3 est également observée avec d’autres traipeuvent induire une diminution de la sécrétion de TSH.
tements iodés ou non (bêtabloquants, glucocorticoïdes).
L’ensemble de ces interférences, qu’elles entraînent une
On relève une augmentation des taux de T4 libre, qui se
élévation ou une réduction du taux plasmatique de TSH,
situe généralement à la limite haute de la normale, une
reste généralement infraclinique et transitoire (tableau I,
figure 1). Notons qu’une diminution de la TSH liée à
diminution de celui de T3 libre et une TSH plasmatique
l’introduction d’un traitement par metformine a récemnormale (tableau I, figure 1). Cette dernière peut également été décrite chez des patients hypothyroïdiens
ment être augmentée, en particulier lors de l’initiation
correctement substitués, sans que ce mécanisme d’interdu traitement. Les inducteurs enzymatiques, tels que le
férence soit encore parfaitement expliqué (6).
phénobarbital, la rifampicine, la phénytoïne ou la carbaIl n’a pas été retrouvé dans la littérature d’interférence
mazépine, tendent à augmenter le catabolisme de la T4
d’ordre analytique avec le dosage de TSH.
et de la T3. Cette interférence est non significative en
De nombreux traitements induisent des dysthyroïdies
raison du rétablissement de l’équilibre hormonal chez
iatrogènes, qu’il faudra éliminer rapidement au cours de
le sujet euthyroïdien, grâce à l’augmentation réactionl’enquête étiologique initiale. Le traitement par amionelle de la sécrétion de TSH. Elle peut néanmoins poser
darone est un cas bien particulier qui fait intervenir
des problèmes chez le malade hypothyroïdien substitué,
plusieurs mécanismes physiopathologiques (7). Il faut
rendant nécessaire l’augmentation de la posologie de
distinguer les dysthyroïdies authentiques, engendrées
la substitution par lévothyroxine. Une telle adaptation
par la surcharge iodée, de “l’effet cordarone” lié à l’inposologique est également nécessaire en cas d’utilisahibition de la conversion de T4 en T3, d’une part, et à
tion concomitante de traitements modifiant l’absorpl’action antagoniste de l’amiodarone sur les récepteurs
tion intestinale des hormones thyroïdiennes, tels que la
de la T3 d’autre part. Notons que seul le dosage de T4
cholestyramine, le fer, les AINS (anti-inflammatoires
permet de différencier une hypothyroïdie débutante d’un
non stéroïdiens), l’hydroxide d’aluminium, le sucralfate
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XI), n° 2, mars-avril 2007
53
Mise au point
Mise au point
54
pas évoqués car leur impact se traduit
par une modification isolée de la T4
Hypothalamus
1
ou de la T3 totales, dont le dosage est
actuellement tombé en désuétude dans
la pratique quotidienne. En revanche,
TRH
différentes molécules peuvent se lier à
la TBG ou à l’albumine, entrant alors
Hypophyse
1
en compétition avec la T4 et la T3 et
modifiant ainsi l’équilibre hormone
libre/hormone liée. Ces effets, fugaces,
TSH
sont généralement en rapport avec un
prélèvement sanguin pour bilan thyroïThyroïde
dien pratiqué au décours immédiat de
l’administration du traitement. Ils se
2
traduisent généralement par une fausse
élévation de T4 libre. Différentes
molécules peuvent en être responsables : les salicylés, les AINS, le
3
T4L
T3L
diazépam et le furosémide notamment
Conversion
lors de bolus i.v. Un cas particulier
concerne l’héparine non fractionnée
4
4
mais également les HBPM (héparines
de bas poids moléculaire). En activant
T4 liée
T3 liée
les lipoprotéines lipases, les héparines
induisent une libération d’acides gras.
Ces derniers déplacent la T4 libre de
ses sites de liaison de la TBG, élevant
ainsi la T4 libre (tableau I, figure 1).
Catabolisme
Si cette interférence n’a pas de traduction clinique, elle interpelle néanmoins
5
Cycle
en raison de l’augmentation du taux de
Foie
entérohépatique
T4 libre, lequel contraste avec celui de
6
TSH, qui reste normal.
T4/T3 exogène
Il n’a pas été retrouvé dans la littéraIntestin
ture d’interférence d’ordre analytique
avec le dosage de TBG.
Élimination
Enfin, le dépistage des cancers
médullaires de la thyroïde repose
Figure 1. Interférences pharmacologiques au cours de l’exploration de l’axe thyréotrope :
sur le dosage de la thyrocalcitoles différents points d’impact des médicaments figurent sous forme de chiffres encadrés se
nine. Une interférence liée à l’usage
rapportant au tableau I.
d’inhibiteurs des pompes à protons
est possible, et peut conduire à une
hypercalcitoninémie en rapport avec l’augmentation de
et même les inhibiteurs de la pompe à protons. Ces effets
la sécrétion de gastrine induite par ces traitements.
sont plus à considérer comme des interactions médicamenteuses, car ils ne sont significatifs que sur l’hormone
Il n’a pas été retrouvé dans la littérature d’interférence
de substitution (tableau I, figure 1).
d’ordre analytique avec le dosage de la thyrocalcitonine.
Il n’a pas été retrouvé dans la littérature d’interférence
d’ordre analytique avec le dosage des hormones thyroïdiennes libres.
Influences médicamenteuses sur les
La modification de la liaison des hormones thyroïdiennes
aux protéines de transport représente un autre type d’interparamètres d’exploration des fonctions
férence pharmacologique. Ces interactions n’induisent pas
surrénaliennes (tableaux II, III et IV, figures 2, 3 et 4)
de dysthyroïdie mais engendrent des modifications des taux
circulants d’hormone libre, ce qui peut compliquer l’interLes fonctions corticosurrénalienne et médullosurrénaprétation du bilan. Les traitements modifiant les concenlienne se singularisent par la diversité des hormones libétrations de TBG (thyroxine-binding globulin) ne seront
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XI), n° 2, mars-avril 2007
Mise au pointM
Perturbations de la fonction
corticosurrénalienne
Nous pouvons d’ores et déjà souligner
que les seuls traitements capables de
perturber l’ensemble des sécrétions
corticosurrénaliennes sont les inhibiteurs de la stéroïdogenèse. Utilisées
dans le traitement des syndromes
de Cushing ou des récidives et localisations secondaires de corticosurrénalomes, ces molécules sont
d’utilisation peu courante et les perturbations hormonales attendues sont
prises en charge par l’endocrinologue.
Les deux molécules utilisées sont
l’Op’DDD et le kétoconazole (à des
doses supérieures à celles utilisées pour
l’effet antifongique). L’aminoglutéthimide et l’étomidate peuvent également
inhiber l’hormonogenèse corticosurrénalienne. À l’inverse, d’autres médications influent sur l’une ou l’autre des
sécrétions surrénaliennes.
◆ Influences médicamenteuses
sur les dosages d’ACTH
(adrenocorticotropic hormone)
et du cortisol (tableau II, figure 2)
Tableau II. Interférences pharmacologiques au cours de l’exploration de l’axe corticotrope et des androgènes surrénaliens : mécanismes impliqués et variations des taux
hormonaux.
Les chiffres encadrés correspondent aux niveaux d’impact des molécules et sont repris
dans la figure 2.
Mise au repos de l’axe corticosurrénalien (réduction des taux de cortisol
et d'ACTH endogènes suite au rétrocontrôle inhibiteur sur l’axe corticotrope) : corticoïdes de synthèse, autres stéroïdes à action glucocorticoïde
(médroxyprogestérone)
1
Action sur la synthèse ou la libération d’ACTH
• Augmentation de la synthèse ou de la libération d’ACTH : agonistes
dopaminergiques, agonistes sérotoninergiques, clomipramine, glucagon,
insuline, interleukine-2
• Diminution de la synthèse ou de la libération d’ACTH : acide valproïque,
cyproheptadine, lopéramide, opiacés, oxazépam, somatostatine
1
Inhibition de l’hormonogenèse corticosurrénalienne : chute des taux de
stéroïdes : aminoglutéthimide, étomidate, kétoconazole, Op’DDD
2
Action sur la synthèse d’androgènes surrénaliens
• Augmentation de la synthèse de DHEA et S-DHEA : amlodipine, clomifène, nitrendipine, propranolol
• Inhibition de la synthèse d’androgènes surrénaliens (diminution des
taux de DHEA) : fénofibrate
2
Action sur le taux de la protéine porteuse du cortisol (CBG)
• Augmentation de la CBG (augmentation du taux de cortisol sérique
total) : estrogènes
• Diminution de la CBG (diminution du taux de cortisol sérique total) :
androgènes, progestatifs
3
Blocage de l’effet du cortisol sur ses récepteurs (augmentation d’ACTH,
du cortisol sérique et du CLU) : mifépristone
4
Diminution de la conversion de DHEA en S-DHEA (diminution des taux de
S-DHEA) : danazol
5
Augmentation de la clairance métabolique par induction des cytochromes P450 (diminution des taux plasmatiques de cortisol et d’androgènes
surrénaliens, perturbations des tests dynamiques utilisant des stéroïdes
de synthèse) : carbamazépine, phénytoïne, rifampicine, phénobarbital,
primidone
6
Le retentissement sur l’axe corticotrope d’un traitement par des corticoïdes de synthèse ou
des stéroïdes à action glucocorticoïde, telle la médroxyprogestérone, se traduit par une inhibition de la sécrétion d’ACTH et, secondairement, du cortisol sanguin
et urinaire (4, 5, 8). Notons que la médroxyprogestérone ne bloque pas la réponse du cortisol en réponse
à la stimulation par la CRH (corticotropin-releasing
hormone). Les traitements qui modifient la sécrétion
d’ACTH en agissant sur le fonctionnement hypophysaire ou hypothalamique ont les mêmes conséquences.
C’est le cas des opiacés (y compris le lopéramide), de
la cyproheptadine, de l’acide valproïque et de l’oxazépam, qui peuvent diminuer transitoirement le taux
d’ACTH et, secondairement, de cortisol. À l’inverse,
les agonistes dopaminergiques et sérotoninergiques, la
clomipramine et l’interleukine-2 stimulent transitoirement la sécrétion d’ACTH (tableau II, figure 2).
ise au point
rées et donc des dosages biologiques
nécessaires à leur exploration. Ceuxci seront passés successivement en
revue dans ce chapitre en considérant
pour chacun les difficultés d’interprétation liées aux interférences pharmacologiques puis analytiques.
Il n’a pas été retrouvé dans la littérature d’interférences
analytiques avec le dosage d’ACTH.
La valeur de la cortisolémie est perturbée par les traitements modifiant la synthèse de la CBG (corticosteroidbinding globulin) [4, 5]. En effet, les dosages utilisés en
pratique courante prennent en compte à la fois les fractions libre et liée du cortisol. La production hépatique de
CBG est stimulée par les estrogènes, ce qui entraîne une
augmentation du cortisol sérique total (reflet de l’augmentation du cortisol lié à la CBG), sans modification
du cortisol libre sanguin ou urinaire. À l’inverse, les
androgènes et les progestatifs diminuent la synthèse de
CBG (tableau II, figure 2). Les traitements inducteurs
enzymatiques tels que la carbamazépine, la phénytoïne,
la rifampicine et le phénobarbital doivent être pris en
considération lors de l’interprétation de tests de freination ou de stimulation de l’axe corticotrope. En effet,
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XI), n° 2, mars-avril 2007
55
Mise au point
Mise au point
56
1
Hypothalamus
CRH
Hypophyse
1
ACTH
par spectrométrie de masse, limitent
au maximum les risques d’interférence. Cette méthodologie lourde
reste cependant réservée aux laboratoires hautement spécialisés ; elle
est actuellement peu utilisée pour les
dosages de routine.
◆ Influences médicamenteuses
sur les dosages des androgènes
surrénaliens (tableau II, figure 2)
Des interférences touchant sélectivement le dosage des androgènes
surrénaliens ont été décrites (11)
2
[tableau II, figure 2]. Une étude
récente (12) montre une diminution significative du taux de DHEA
(déhydroépiandrostérone) sous fénoCortisol libre
DHEA
fibrate, l’hypolipémiant semblant
capable d’inhiber la synthèse des
5
Δ-4A
3
androgènes surrénaliens. Le clomifène augmente les taux de DHEA
Cortisol lié à la CBG
S-DHEA
et le S-DHEA (sulfate de déhydroépiandrostérone), tout comme
4
l’amlodipine, la nitrendipine et
Effets tissulaires
Effets tissulaires
le propranolol. La conversion du
S-DHEA en DHEA est diminuée par
Catabolisme
le danazol. Les taux de DHEA et de
S-DHEA sont diminués lors de l’utilisation d’inducteurs enzymatiques
6
tels que la carbamazépine, la phénytoïne ou la rifampicine du fait d’une
Foie
augmentation de la clairance métabolique de ces stéroïdes sous contrôle
Élimination
du cytochrome P450. Les taux
d’androgènes surrénaliens semblent
Figure 2. Interférences pharmacologiques au cours de l’exploration de l’axe corticotrope et
également modifiés par les variations
des androgènes surrénaliens : les différents points d’impact des médicamens figurent sous
de la prolactinémie. Ce phénomène
forme de chiffres encadrés se rapportant au tableau II.
s’expliquerait par la présence de
récepteurs à la prolactine au sein du
la dexaméthasone et la métopirone utilisées dans ces
cortex surrénalien (13). Les traitement hypo- et hyperépreuves subissent en cas d’association aux traitements
prolactinémiants pourraient ainsi avoir un impact sur la
précédents une accélération de leur métabolisme qui peut
fonction androgénique surrénalienne. Toutes ces interfémodifier les résultats des tests (tableau II, figure 2).
rences sont biologiquement significatives, sans traducLe dosage du cortisol, notamment de la fraction libre
tion clinique évidente.
urinaire, est sujet à des interférences analytiques (9).
Il n’a pas été retrouvé dans la littérature d’interférences
Celles-ci peuvent se produire avec tous les stéroïdes
analytiques avec le dosage des androgènes surrénaliens.
endogènes et exogènes mais également avec d’autres
◆ Influences médicamenteuses sur les dosages de
traitements tels que le fénofibrate (10). Elles sont de
moins en moins fréquentes en raison de l’utilisation
rénine et d’aldostérone (tableau III, figure 3)
d’immunodosages, lesquels conservent cependant un
De nombreux médicaments ont un impact important
risque de réactions croisées plus ou moins significatives
sur le système rénine-angiotensine-aldostérone et
qu’il est difficile de quantifier. Les méthodes de dosage
induisent fréquemment des perturbations des taux de
avec extraction préalable et l’utilisation de techniques
rénine et d’aldostérone (4, 5). Des précautions doivent
séparatives comme la CLHP (chromatographie liquide
être prises avant tout dosage d’aldostérone ou de rénine
haute performance), au mieux couplée à une détection
plasmatique. La kaliémie ayant un impact essentiel sur
Surrénales
Stéroïdogenèse
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XI), n° 2, mars-avril 2007
Mise au pointM
Tableau III. Interférences pharmacologiques au cours des dosages de rénine et d’aldostérone : mécanismes impliqués et variations des taux hormonaux.
Les chiffres encadrés correspondent aux niveaux d’impact des molécules et sont repris
dans la figure 3.
Inhibiteur de la stéroïdogenèse surrénalienne (diminution des taux d’aldostérone et élévation de la réninémie) : aminoglutéthimide, étomidate,
kétoconazole, Op’DDD
1
Action sur la sécrétion d’aldostérone
• Augmentation de la sécrétion d’aldostérone (augmentation transitoire
des taux d’aldostérone) : métoclopramide, cisapride
• Diminution de la sécrétion d’aldostérone (diminution des taux d’aldostérone) : IEC, sartans – antisérotoninergiques, héparine
1
Action sur l’activité de l’axe rénine-angiotensine
• Augmentation de l’activité de l’axe rénine-angiotensine (augmentation
des taux de rénine et d’aldostérone) : diurétiques de l’anse, thiazidiques, spironolactone, corticoïdes, estrogènes
• Diminution de l’activité de l’axe rénine-angiotensine (diminution des
taux de rénine et d’aldostérone) : AINS, salicylés, β-bloquants
2
ise au point
les sécrétions de ces deux hormones,
l’exploration devra s’effectuer dans
des conditions de normokaliémie.
La stimulation de l’activité rénineangiotensine, consécutive à l’utilisation de diurétiques de l’anse et
de diurétiques thiazidiques, ainsi
que l’hypoaldostéronisme induit
en début de traitement par les IEC
(inhibiteurs de l’enzyme de conversion), les antagonistes du récepteur
AT1 de l’angiotensine II (sartans) et
la spironolactone imposent l’arrêt
de ces thérapeutiques avant toute
exploration biologique (6 semaines
pour la spironolactone, 2 semaines
pour les diurétiques et les IEC). De
même, les bêtabloquants, du fait de
leur effet freinateur sur la rénine,
sont à proscrire lors du bilan (arrêt
d’une semaine au moins avant le
dosage) [tableau III, figure 3].
Seuls les antihypertenseurs centraux
et les inhibiteurs calciques n’ont pas
d’influence sur ces dosages. Les IEC
et les sartans pourront toutefois être
maintenus lors de la recherche d’un
hyperaldostéronisme primaire dans
la mesure où ils n’augmentent pas
le taux de rénine. D’autres classes
médicamenteuses peuvent également exercer une influence dont il
faut tenir compte. Les salicylés et les
AINS réduisent la synthèse des prostaglandines et entraînent ainsi une
vasodilatation des artères rénales,
avec secondairement une diminution
de la réninémie et de l’aldostéronémie. Ils doivent donc être arrêtés
2 semaines avant les dosages. L’héparine et les drogues antisérotoninergiques se comportent comme des
inhibiteurs de la synthèse d’aldostérone. À l’inverse, le métoclopramide
et le cisapride l’augmentent transitoirement. Enfin, une interférence
liée à l’utilisation des corticoïdes et/
ou des estrogènes a été décrite : ces
traitements sembleraient augmenter
la synthèse d’angiotensinogène,
ce qui conduit à une majoration de
l’activité rénine-angiotensine II
(tableau III, figure 3).
Il n’a pas été retrouvé dans la littérature d’interférences analytiques avec
les dosages de rénine et d’aldostérone.
Hypothalamus
CRH
Angiotensine II
Hypophyse
+
ACTH
Enzyme de
conversion
Surrénale
Zone glomérulée
1
Cortisol
Angiotensine I
Aldostérone
2
Rénine
Angiotensinogène
앖Réabsorption
tubulaire
de Na+
Catabolisme
앖Pression
artérielle
Foie
Élimination
Figure 3. Interférences pharmacologiques au cours des dosages de rénine et d’aldostérone :
les différents points d’impact des médicaments figurent sous forme de chiffres encadrés se
rapportant au tableau III.
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XI), n° 2, mars-avril 2007
57
Mise au point
Mise au point
Perturbations de la fonction
médullosurrénalienne :
influences médicamenteuses
sur le dosage des catécholamines
mandélique : ils sont utilisés dans la thérapeutique de la
dépression et sont aujourd’hui le plus souvent considérés
comme sélectifs de l’isoenzyme A ou B de la MAO. Toutefois, la sélectivité des molécules vis-à-vis de l’une ou l’autre
(tableau IV, figure 4)
des isoenzymes n’est que partielle et ne permet donc pas
d’abolir totalement le risque d’hyperadrénergie iatrogène,
Un tableau clinique associant une hypertension artérielle et
notamment en cas d’association à toute autre drogue susdes signes d’hyperadrénergie doit faire systématiquement
ceptible d’augmenter la production de catécholamines ;
évoquer la possibilité d’un phéochromocytome. Toute✓ les inhibiteurs de la COMT (catéchol-O-méthyl-transféfois, sur l’ensemble des patients explorés, le diagnostic
rase) : ils bloquent l’action d’une enzyme qui catabolise les
est rarement retenu. Il faut donc alors chercher d’autres
catécholamines en métanéphrines. La molécule concernée
étiologies à ces manifestations cliniques. Diverses moléest l’entacapone, antiparkinsonien permettant d’augmenter
cules peuvent être responsables de pseudo-phéochromola L-dopa disponible pour être transformée en dopamine au
cytomes médicamenteux. On peut les classer en plusieurs
niveau central ;
catégories en fonction du mécanisme physiopathologique
✓ les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et des
impliqué (14) [tableau IV, figure 4] :
catécholamines : ils ont pu être impliqués, comme certains
✓ les sympathomimétiques indirects : ce sont des subsantidépresseurs tricycliques, dans des tableaux de pseudotances capables d’activer le système nerveux sympathiphéochromocytomes médicamenteux.
que à la fois au niveau central et périphérique et, à des
Notons également le rebond de sécrétions des catédegrés divers, d’inhiber la recapture et/ou le catabocholamines fréquemment observé dans les jours qui
lisme des catécholamines ;
suivent l’arrêt d’un traitement par bêtabloquants ou
✓ les sympathomimétiques directs, agonistes des récepα2-agonistes.
teurs adrénergiques périphériques : ils peuvent engenLe dosage des cathécholamines urinaires et de leurs dérivés
drer un tableau d’hyperactivité sympathique avec hyperreste la base du bilan biologique du diagnostic des phéotension artérielle majeure par mimétisme de l’action des
chromocytomes. Le diagnostic biologique de pseudo-phéocatécholamines ;
chromocytome médicamenteux repose sur l’augmentation
✓ les inhibiteurs de la monoamine-oxydase (IMAO),
prépondérante de la noradrénaline plasmatique et urinaire,
enzyme catabolisant les catécholamines en acide vanylcontrastant avec des taux normaux ou faiblement
augmentés d’adrénaline (rapport adrénaline/noradrénaline < 0,25). Un tel
Tableau IV. Interférences pharmacologiques au cours du dosage des catécholamines :
classes thérapeutiques impliquées dans l’augmentation des taux de catécholamines.
profil biologique témoigne de l’origine
Les chiffres encadrés correspondent aux points d’impact des molécules et sont repris
sympathique et non médullosurrénadans la figure 4.
lienne des catécholamines circulantes.
Classe pharmacologique
Molécules
Longtemps sujettes à de nombreuses
interférences, les techniques de
Sympathomimétiques indirects
Cocaïne
dosage colorimétriques sont généraAmphétamines, anorexigènes
1
lement abandonnées au profit de la
β-agonistes (terbutaline, salmétérol,
CLHP à détection électrochimique
salbutamol, éphédrine, pseudo-éphédrine)
(5-14), dont la bonne maîtrise limite
Sympathomimétiques directs
Ecstasy
considérablement le risque d’interféVasoconstricteurs : phényléthanolamine,
rences analytiques.
2
phénylpropanolamine, phényléphrine,
éphédrine, pseudo-éphédrine
3
Inhibiteurs de la monoamine-oxydase (IMAO)
– non sélectifs : iproniazide
– IMAO-A : toloxatone, moclobémide
– IMAO-B : sélégiline
Inhibiteurs de la COMT (catéchol-O-méthyltransférase) : entacapone
Influences
médicamenteuses sur les
paramètres d’exploration
de l’axe gonadotrope
Inhibiteurs de la recapture
des catécholamines
Antidépresseurs tricycliques, amphétamines,
anorexigènes
(tableau V, figure 5)
Inhibiteurs du catabolisme
des catécholamines
4
Catécholamines exogènes
58
Adrénaline, noradrénaline
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XI), n° 2, mars-avril 2007
De nombreuses molécules, dont
les contraceptifs estroprogestatifs
et progestatifs de synthèse, sont
prescrites précisément dans le but
Mise au pointM
1
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XI), n° 2, mars-avril 2007
ise au point
testostérone. Le système dopaminergique abaisse quant à lui les taux de
FSH et de LH, mais sans supprimer la
pulsatilité, ce qui suggère une diminution de la sensibilité de la cellule
4
hypophysaire à la LH-RH (luteinizing hormone-releasing hormone).
En revanche, les antidopaminergiques
n’augmentent pas les taux de gonadoDopamine - Adrénaline - Noradrénaline
trophines.
Les taux circulants de stéroïdes
sexuels sont également influencés
par diverses molécules (tableau V,
Catabolisme
figure 5). La dihydrotestostérone
3
MAO - COMT
(DHT) est un puissant métabolite de
la testostérone utilisé notamment dans
la prise en charge des gynécomasties.
2
Il a été observé sous ce traitement une
décroissance significative des taux
Effets tissulaires
plasmatiques de testostérone, d’estradiol et de LH, témoignant d’un effet
Métanéphrines - Normétanéphrines
inhibiteur sur l’axe hypothalamoVMA - HVA
hypophyso-testiculaire. Les inducteurs
enzymatiques, tels que le phénobarÉlimination
bital, la rifampicine, la phénytoïne et
la carbamazépine, tendent à augmenter
le catabolisme des stéroïdes sexuels
Figure 4. Interférences pharmacologiques au cours du dosage des catécholamines : les
et donc à réduire leur concentration
différents points d’impact des médicaments figurent sous forme de chiffres encadrés se
rapportant au tableau IV.
plasmatique. On peut secondairement
constater une augmentation réactionnelle de la sécrétion de LH. La ciméde modifier la fonction de l’axe gonadotrope. Elles ne
tidine et la spironolactone se comportent comme des
constituent donc pas à proprement parler des sources de
antiandrogènes, grands pourvoyeurs de gynécomasties.
piège diagnostique. En revanche, certains médicaments
La cimétidine, puissant inhibiteur des cytochromes P450
couramment utilisés sont, de façon inattendue, capables
hépatiques, réduit en outre l’hydroxylation de l’E2, ce qui
d’influencer le fonctionnement de l’axe gonadotrope et/ou
majore ainsi sa concentration plasmatique. Lors d’un traid’interférer avec les dosages utilisés pour son exploration.
tement par spironolactone, la testostéronémie reste le plus
Les mécanismes mis en jeu sont variés et parfois imparsouvent normale. La gynécomastie peut alors être explifaitement compris (4-16).
quée par le blocage de la liaison de la DHT à ses récepteurs
La synthèse et/ou la libération de gonadotrophines (FSH :
cytosoliques, ou encore par une compétition au niveau
follicle-stimulating hormone, et LH : luteinizing hormone)
des sites de fixation de la testostérone sur sa protéine de
peuvent être modulées par différentes classes médicamenliaison (16). Toutefois, la spironolactone peut également
teuses (tableau V, figure 5). Les glucocorticoïdes ont une
réduire directement la synthèse de testostérone et donc ses
action gonadique directe (réduction des taux de testostétaux circulants (16). Enfin, quelques cas de gynécomastie
rone et de la réponse à l’HCG [human chorionic gonadoont été décrits avec le diazépam, qui semblerait pouvoir
tropin] ; chez l’homme, blocage de la synthèse ovarienne
engendrer une augmentation des taux d’E2 circulants avec
d’estradiol [E2] et de progestérone), mais aussi une action
testostéronémie normale, peut-être en raison d’une interacinhibitrice hypophysaire, diminuant la FSH et la LH de
tion avec la TeBG (testosterone-estradiol-binding globulin)
base et sous stimulation. Divers neuromédiateurs, dont les
[tableau V, figure 5].
peptides opioïdes et la dopamine, sont également capables
La TeBG est la protéine porteuse des estrogènes et de la
d’influencer la sécrétion de gonadotrophines. Le système
testostérone dans le plasma. La synthèse hépatique de
opioïdergique exerce un tonus inhibiteur permanent sur
TeBG est favorisée par les estrogènes et les hormones
la sécrétion de LH avec suppression de la pulsatilité. Les
thyroïdiennes, et diminuée par les androgènes et les
femmes toxicomanes présentent d’ailleurs très souvent
progestatifs. Les inducteurs enzymatiques, tout en accédes tableaux d’anovulation. Chez les hommes traités
lérant la clairance métabolique des stéroïdes gonadiques,
par méthadone, on observe une baisse de la LH et de la
augmentent la synthèse de TeBG, ce qui diminue encore
Terminaison
sympathique
59
Mise au point
Mise au point
la fraction libre active de testostérone
(tableau V, figure 5).
Comme le dosage du cortisol, celui
des stéroïdes sexuels est soumis à des
interférences d’ordre analytique avec
les stéroïdes endogènes et exogènes.
Il est difficile d’estimer précisément
le pourcentage de croisement dans
la mesure où celui-ci dépend énormément de la technique utilisée. En
revanche, il n’a pas été retrouvé dans
la littérature d’interférences analytiques avec les dosages de gonadotrophines ni de TeBG.
Influences
médicamenteuses sur les
paramètres d’exploration
de l’axe lactotrope
(tableau VI)
Tableau V. Interférences pharmacologiques au cours de l’exploration de l’axe gonadotrope : mécanismes impliqués et variations des taux hormonaux.
Les chiffres encadrés correspondent aux niveaux d’impact des molécules et sont repris
dans la figure 5.
Mise au repos de l’axe gonadotrope (baisse des taux de gonadotrophines et de stéroïdes sexuels endogènes par rétrocontrôle inhibiteur sur
l’axe gonadotrope) : progestatifs et estrogènes de synthèse oraux et percutanés, testostérone (chez l'homme)
1
Action sur la synthèse ou la libération de gonadotrophines
• Augmentation de la synthèse ou de la libération de gonadotrophines
(augmentation des taux de FSH, LH et stéroïdes sexuels) :
– agonistes de la LH-RH (les trois premières semaines de traitement)
– antagonistes centraux des estrogènes (tamoxifène, clomifène)
– antiandrogènes, inhibiteurs de la 5-α-réductase et de l’aromatase
• Diminution de la synthèse ou de la libération de gonadotrophines
(diminution des taux de FSH, LH et stéroïdes sexuels) : agonistes
de la LH-RH (après 3 semaines de traitement), antagonistes de la LH-RH,
opiacés, dopamine, glucocorticoïdes (effet prépondérant sur la LH), DHT
1
Inhibition de l’hormonogenèse des stéroïdes sexuels
– aminoglutéthimide, étomidate, kétoconazole, Op’DDD (앗stéroïdes
sexuels et 앖gonadotrophines)
– glucocorticoïdes (앗de la LH et de la testostérone)
– spironolactone (앗testostérone et 앖gonadotrophines)
– inhibiteurs de l'aromatase (앗estrogènes et 앖gonadotrophines)
– inhibiteurs de la 5-α-réductase (앗DHT et 앖gonadotrophines)
2
Les hyperprolactinémies médicamenteuses sont extrêmement fréquentes
Action sur le taux de TeBG
et tout aussi symptomatiques clini• Augmentation de la TeBG (augmentation des taux de T ou d’E2 totaux) :
quement que les authentiques hyperestrogènes, hormones thyroïdiennes, inducteurs enzymatiques
3
prolactinémies d’origine organique ;
• Diminution de la TeBG (diminution des taux de T ou d’E2 totaux) :
il est essentiel de savoir les identifier
androgènes, progestatifs
afin d’éviter la réalisation d’examens paracliniques inutiles et parfois
Blocage de l’effet des stéroïdes gonadiques sur leurs récepteurs périphériques (théoriquement, augmentation de la testostérone circulante) :
4
coûteux (17).
flutamide, nilutamide
Les neuroleptiques figurent parmi les
traitements les plus fréquemment en
Augmentation de l’estradiol par des mécanismes mal élucidés : ciméticause. Les molécules les plus récentes
dine, oméprazole, spironolactone, diazépam
de cette classe thérapeutique, notamAugmentation de la clairance métabolique par induction des cytochroment les antipsychotiques dits “atypimes P450 (diminution des stéroïdes sexuels, augmentation des gona5
ques”, sont toutefois dépourvus d’effet
dotrophines) : carbamazépine, phénytoïne, rifampicine, phénobarbital,
hyperprolactinémiant. Les autres classes
primidone
thérapeutiques impliquées sont les antidépresseurs, certains antihypertenseurs,
pourrait expliquer leur effet hyperprolactinémiant moins
les molécules stimulant la motilité
prononcé.
gastrique, les estrogènes, etc. (tableau VI). Les mécanismes
en cause sont extrêmement variés.
Plusieurs classes d’antidépresseurs sont également impliLa dopamine d’origine hypothalamique exerce physiologiquées dans la genèse des hyperprolactinémies. L’impact
quement et de façon prédominante un tonus freinateur sur
constaté est toutefois extrêmement variable en fonction des
la sécrétion de prolactine. De nombreuses molécules, en
études et des classes thérapeutiques. Les mécanismes physioparticulier les neuroleptiques, sont capables de bloquer les
pathologiques en cause ne sont pas non plus élucidés.
récepteurs dopaminergiques et notamment les récepteurs
La prise de morphine ou de ses dérivés accroît les taux de
D2 au niveau de l’hypothalamus et des cellules lactotropes,
prolactine à court et long termes. Par exemple, les utililevant ainsi le tonus dopaminergique inhibiteur endogène
sateurs de méthadone peuvent avoir un taux de prolac(tableau VI). Les antipsychotiques atypiques semblent
tine moyen de base normal mais des pics transitoires 2
se lier plus faiblement aux récepteurs D2 et pouvoir
à 4 heures après leur prise quotidienne de méthadone.
combiner un effet à la fois agoniste et antagoniste, ce qui
Certaines études suggèrent que les récepteurs aux opioïdes
60
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XI), n° 2, mars-avril 2007
Mise au pointM
E2
DHT
LH-RH
1
Hypophyse
E2
DHT
FSH
LH
Gonades
Stéroïdogenèse
2
2
2
DHT
Aromatisation
Estrogènes libres
Testostérone libre
3
3
Estrogènes liés à la TeBG
Testostérone liée à la TeBG
4
4
Catabolisme
Effets tissulaires
Effets tissulaires
5
Foie
Élimination
Figure 5. Interférences pharmacologiques au cours de l’exploration de l’axe gonadotrope :
les différents points d’impact des médicaments figurent sous forme de chiffres encadrés se
rapportant au tableau V.
Tableau VI. Principales molécules impliquées dans les hyperprolactinémies.
Antipsychotiques (neuroleptiques)
Phénothiazine, thioxanthènes, butyrophénones, antipsychotiques atypiques
Antidépresseurs
Tri- et tétracycliques, inhibiteurs de la
monoamine oxydase, inhibiteurs sélectifs
de la recapture de la sérotonine, autres
Opiacés et cocaïne
Antihypertenseurs
Vérapamil, méthyldopa, réserpine
Thérapeutiques à visée
gastro-intestinale
Métoclopramide, dompéridone,
antihistaminiques
Antiprotéases
Estrogènes
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XI), n° 2, mars-avril 2007
ise au point
1
Hypothalamus
de type μ seraient impliqués, alors
que d’autres travaux font évoquer
une action antidopaminergique des
morphiniques. La prise de cocaïne
est également associée à des hyperprolactinémies chroniques modérées
(tableau VI).
Parmi les antihypertenseurs, le vérapamil est le seul inhibiteur calcique
susceptible de générer une hyperprolactinémie, par un probable effet
antidopaminergique. Quant à l’alphaméthyldopa, elle inhibe la décarboxylase qui transforme la L-dopa en
dopamine. La réserpine empêche, quant
à elle, le stockage de la dopamine.
Parmi les molécules couramment
utilisées pour accélérer la motilité
gastro-intestinale, le métoclopramide
et la dompéridone, qui sont des antagonistes des récepteurs dopaminergiques, sont à ce titre responsables
d’hyperprolactinémie chez 50 % des
patients traités.
Enfin, le rôle hyperprolactinémiant
des estrogènes, notamment de ceux
contenus dans les contraceptifs oraux,
est assez controversé. Certaines
études ont toutefois mis en évidence
une hyperprolactinémie chez 12
à 30 % des femmes traitées, sans
que l’on ait pu montrer une réelle
influence de la dose d’estrogènes
contenue dans ces contraceptifs. Cet
effet pourrait être expliqué par une
activation de la transcription du gène
de la prolactine par les estrogènes,
au sein même des cellules hypophysaires lactotropes (17).
Quel que soit le traitement, il existe
une grande variabilité interindividuelle de la réponse de la prolactine à la molécule administrée. De
manière générale, les taux de prolactine augmentent progressivement au
cours de la première semaine avant
d’atteindre un plateau. La prolactinémie est généralement inférieure à
100 ng/ml, mais des chiffres supérieurs à 350 ng/l ont pu être rapportés,
notamment avec les neuroleptiques.
Ces taux décroissent progressivement
jusqu’à normalisation dans les jours
qui suivent l’arrêt du traitement.
À l’inverse, certaines molécules utilisées dans le cadre du traitement de
61
Mise au point
Mise au point
pathologies non endocriniennes sont capables de réduire
modérément les taux de prolactine. Il s’agit essentiellement
de la lévodopa, du piribédil et de la dihydroergocryptine.
Enfin, en dehors des agonistes dopaminergiques, les
glucocorticoïdes semblent pouvoir abaisser la réponse
de la prolactine à ses stimuli physiologiques ou pharmacologiques (18).
Il n’a pas été retrouvé dans la littérature d’interférences
analytiques avec le dosage de la prolactine.
Influences médicamenteuses
sur les paramètres d’exploration
de l’axe somatotrope
L’exploration de la fonction somatotrope dans le
diagnostic de l’acromégalie est rarement soumise à des
difficultés liées aux traitements intercurrents (4). Les
médicaments augmentant la sécrétion de GH (growth
hormone), tels que les bêtabloquants, voient leur effet
inhibé lors des épreuves de freination. L’effet des
bêtabloquants peut être plus manifeste sur les dosages
de base, notamment d’IGF1 (insuline-like growth
factor 1). Il a été plus récemment mis en évidence un
effet stimulant de la testostérone sur les taux de base
d’IGF1 et, a contrario, un effet inhibiteur du raloxifène
et des traitements estrogéniques (19).
Certains médicaments peuvent générer des difficultés
dans l’interprétation des tests utilisés pour l’exploration des déficits somatotropes. Les antidopaminergiques, les antisérotoninergiques, les antihistaminiques,
les anticholinergiques, les corticoïdes et la théophylline
diminuent la réponse aux tests de stimulation de la GH
du fait de leur action hypophysaire et hypothalamique.
Le pegvisomant (Somavert®) est un analogue de l’hormone de croissance humaine modifié par génie génétique pour être un antagoniste hautement sélectif du
récepteur de l’hormone de croissance. Il est utilisé dans
le traitement de l’acromégalie. Les similitudes structurales du pegvisomant avec l’hormone de croissance ellemême engendrent des interférences analytiques lors du
dosage radio-immunologique de la GH pratiqué sous ce
traitement, le rendant ininterprétable du fait d’une fausse
élévation du taux plasmatique de GH.
Influences médicamenteuses
sur les paramètres d’exploration
de l’équilibre phosphocalcique
Les traitements à base de sels de lithium, encore largement utilisés dans la psychose maniacodépressive,
62
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XI), n° 2, mars-avril 2007
peuvent induire des hyperparathyroïdies responsables
d’hypercalcémies parfois extrêmement sévères (20).
Sur le plan biologique, l’hyperparathyroïdie induite par
le lithium associe une hypercalcémie et une élévation
de la parathormone intacte plasmatique, alors que la
calciurie reste normale, de même que le taux de l’AMPc
(adénosine-monophosphate cyclique) urinaire. Il s’agit
beaucoup plus d’une réelle iatrogénie que d’une simple
interférence pharmacologique.
En revanche, il est bien établi que les traitements estrogéniques sont associés à une décroissance des marqueurs
d’ostéogenèse et d’ostéolyse, notamment en période
postménopausique (21). L’estrogénothérapie substitutive
permet de réduire le taux de PTH circulante.
Cette observation pourrait être la conséquence d’effets
extra-osseux des estrogènes, notamment sur l’absorption
intestinale, sur le transport rénal du calcium et possiblement sur la sécrétion de PTH (21).
Enfin, les glucocorticoïdes exercent des effets
complexes sur le métabolisme phosphocalcique,
incluant notamment une inhibition de l’absorption
digestive du calcium qui résulte de leur action antivitaminique D. Cet effet hypocalcémiant, le plus souvent
gênant, peut parfois être utilisé à des fins thérapeutiques (18).
Le dosage de la PTH bio-intacte, c’est-à-dire la PTH (l84), exclut les interférences liées à l’usage des analogues de la PTH. Ce n’était pas les dosages de première
et deuxième générations actuellement tombés en désuétude.
Influences médicamenteuses
sur les dosages
des hormones pancréatiques
Il a été clairement démontré que les dérivés cortisoniques étaient capables de s’opposer aux sécrétions d’insuline et de polypeptide pancréatique et, au contraire, de
stimuler la production de glucagon. Ces observations
expliquent au moins en partie l’effet diabétogène des
corticoïdes (18). Les mécanismes physiopathologiques
impliqués dans la réduction des taux d’insuline par les
glucocorticoïdes sont multiples, faisant intervenir des
phénomènes d’activation des récepteurs α2-adrénergiques
et de protéines-kinases ou encore d’apoptose des cellules
β-pancréatiques (22).
Enfin, la prise d’oméprazole induit une élévation significative du taux plasmatique de somatostatine (23). Les
inhibiteurs de la pompe à protons devront donc être
arrêtés avant tout dosage de somatostatine.
Il n’a pas été retrouvé dans la littérature d’interférences analytiques avec les dosages des hormones
pancréatiques.
Mise au pointM
Les traitements médicamenteux sont donc susceptibles
d’affecter de multiples façons l’interprétation de dosages
biologiques couramment utilisés en endocrinologie. La
connaissance de la physiologie hormonale et des différents sites d’interaction des molécules exogènes avec les
axes endocriniens devrait permettre au clinicien d’anticiper
les modifications hormonales et d’éviter différents pièges
diagnostiques et thérapeutiques. En cas de résultat biologique anormal, la recherche d’une cause médicamenteuse
doit être la première étape du diagnostic étiologique. Parmi
les multiples médicaments pouvant être impliqués, quelques classes thérapeutiques sont de grandes pourvoyeuses
d’interférences pharmacologiques et/ou analytiques dans
les dosages, d’autres restant très occasionnellement impliquées. Lorsque cela est possible, le traitement mis en cause
sera arrêté, ce qui aboutira généralement à une normalisation plus ou moins complète et rapide des marqueurs
hormonaux étudiés. Il est évident que la prise en charge du
patient ne sera optimale que s’il existe une bonne communication entre le clinicien et le biologiste. Le clinicien devra
pouvoir identifier les interférences pharmacologiques et
suspecter d’éventuelles interférences analytiques que le
biologiste se chargera de confirmer ou d’infirmer.
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ise au point
Conclusion
Auto-test
1. En raison de leurs perfectionnements récents, les dosages hormonaux radio-immunologiques ne sont plus
jamais pris en défaut.
a. Vrai
b. Faux
2. Le cortisol circule en grande partie sous forme liée à une protéine porteuse dont le taux est susceptible d’être
augmenté sous l’influence des estrogènes.
a. Vrai
b. Faux
3. De nombreux traitements impliqués dans les hyperprolactinémies sont des agonistes dopaminergiques.
a. Vrai
b. Faux
Réponses : 1b – 2a – 3b.
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