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peintures, par exemple dans La fille des batailles ou Les derniers géants. Souvent
même, les illustrateurs pratiquent l’allusion directe à une œuvre connue, comme
dans « Quand papa était loin » de Maurice Sendak, où la première double page
renvoie explicitement au Lever de lune sur la mer de Caspar David Friedrich, le
grand peintre romantique allemand (1822).
La comparaison de l’album avec une pièce de théâtre a nourri de nombreuses
recherches. Une illustratrice américaine, Nancy Eckholm Burkert, se comparait
ainsi à un metteur en scène: « Illustrer, disait-elle, c’est comme monter une pièce,
concevoir les décors, les costumes, faire le casting des personnages… ». Andrea
Schwenke-Wyile explique bien les liens évidents entre une pièce de théâtre et un
album. Elle dit que « Les mots d’un album sont comme le texte d’une pièce. Dans
les deux cas, les indications sur les sentiments des personnages ne sont
généralement pas explicitées, parce que les dessins ou les acteurs peuvent les
exprimer bien mieux… La tension narrative est créée par l’allure de la mise en
scène, qui est donnée par le tempo de l’action, l’éclairage, et les effets sonores
dans une pièce, et par la combinaison de la mise en page et de la tourne des pages
dans un album. » La spécialiste canadienne évoque aussi le rôle du lecteur et du
spectateur, pareillement impliqués dans la production du sens. Elle va jusqu’à
présenter le lecteur d’album comme assumant les trois rôles de public, d’acteur et
de metteur en scène.
En France, les travaux récents d’Euriell Gobbé-Mévellec portent sur les liens entre
album et théâtre. Elle les situe à quatre niveaux: des emprunts au texte théâtral,
des techniques transposées dans le cadre de l’album, le dédoublement entre
acteur et personnage, et la figuration de l’espace théâtral dans le livre. Pour ceux
qui désirent faire le tour de cette question, je les renvoie aux pages 187 à 229 de
son ouvrage repris en bibliographie. Je voudrais cependant mentionner quelques
aspects assez flagrants des liens entre album et théâtre, qu’elle met en évidence.
Ainsi, Euriell Gobbé-Mévellec explique que la double page du livre est souvent
assimilée à une scène de théâtre: « Espace d’apparition des personnages, la page
sert, de façon simultanée, à donner une forme graphique à l’espace fictif. Les pages
de garde, au début et à la fin de l’ouvrage, jouent quant à elles souvent le rôle de
vestiaire ou de coulisse, introduisant peu à peu le lecteur dans l’univers de la fiction
en lui en montrant le revers. »