Pourquoi le choix de l’album ? 1- D’abord pour la beauté des illustrations. C’est un fait bien connu, l’album jeunesse de nos jours, se distingue par ses qualités esthétiques ; c’est un média où s’exerce la créativité des plus grands artistes contemporains dont le talent emprunte aussi bien à la peinture qu’à la publicité ou au cinéma. Dans le Cahier du CRILJ n° 2, daté de novembre 2010, Emmanuelle Martinat-Dupré souligne, en parlant de l’album, combien « les grands artistes se sont approprié ce objet pour en faire le vecteur original de formes d’expression qui ont influencé l’esthétique de nos sociétés ». Elle affirme que « l’album a porté de longue date l’empreinte des courants artistiques de leur temps », idée que développe plus longuement encore Janine Despinette dans ce même numéro. Donner aux enfants et adolescents la possibilité de rencontrer l’album c’est donc les initier à une formation artistique, celle de leur époque. 2- Pour développer des capacités de lecture complexe L’album de nos jours n’a rien à voir avec le livre illustré de nos grands-parents ! Fini le temps où l’image était subordonnée au texte, où la première n’était que redondance par rapport au second. Ce qui caractérise l’album des années 2000, [« cet ensemble à lire ET objet à voir » dit Anne Rabany], c’est qu’il est conçu comme un tout comportant deux structures narratives en constante interactivité, en constant dialogue. Aujourd’hui l’image peut dire la même chose que le texte mais « elle peut être son complémentaire, raconter plus que le texte, être en opposition avec lui et même en parfaite autonomie » (opus déjà cité, p. 108). Ce qui implique, Sophie Van der Linden l’a bien montré, que le lecteur d’album aille sans cesse de l’image au texte et du texte à l’image, qu’il ait des capacités d’adaptation, qu’il fasse appel à des types de lecture différents au sein d’un même ouvrage. Or, développer de telles aptitudes de lecture ne peut se faire qu’en lisant… En proposant l’album aux enfants le Crilj13 cherche à former des lecteurs performants. 3- Pour proposer aux enfants des textes forts Ce qui caractérise l’album aujourd’hui c’est aussi la force de textes qui n’hésitent pas à aborder des thèmes difficiles à travers une écriture resserrée, souvent dense, qui utilise le moins de mots possible parce que dire moins raconte plus selon la formule de Gaëtan Dorémus (idem, p.111). Cette gravité dans l’album (qui n’exclut pas l’humour !) répond à l’attente d’une nouvelle génération d’enfants qui n’aiment pas qu’on leur offre de la « pacotille »(Elzbieta). Cette auteur/illustrateur, au trait minimaliste et délicat, traite par ex de la mort (Petit lapin) de la pauvreté (Petit Gris) de la guerre (Flon-Flon et Musette) de l’abandon (L’Ecuyère), même si elle termine toujours ses histoires sur une note positive « pour insuffler à l’enfant espoir et confiance, pour lui faire pressentir l’existence de ses ressources intérieures ». Proposer des albums aux enfants c’est les aider à grandir. 4- Pour permettre un dialogue entre adultes /enfants La valeur esthétique des albums, la profondeur de leur message, font de l’album aujourd’hui un exceptionnel trait d’union entre les générations. C’est un média tous publics que certains cantonnent bien à tort aux plus jeunes. Or combien d’adultes n’ont-ils pas été émus par la délicate évocation de la mort dans Envolée de Corinne Dreyfus ? Combien ne se sont pas interrogés sur le sens de leur propre vie à la lecture de La Grande Question de Wolf Erlbruch ? Combien n’ont pas été frappés par l’évidence de la mort au cœur même de la vie en lisant Au cœur de la noisette de Muriel Mingau ? L’album jeunesse s’adresse à chacun de nous, quel que soit notre âge, et il nous aide à vivre tout simplement.