sont celles qui sont apparues en premier dans l’évolution
(les régions appartenant au système limbique), étayant
l’hypothèse développementale. Ceci n’est pas le cas dans
la MA, où le profil inverse est observé pour deux régions :
l’hippocampe (surtout sa partie antérieure, voir [15]) sur le
plan structural et le gyrus cingulaire postérieur au niveau
métabolique sont les structures les plus atteintes dans la
pathologie [16], alors qu’elles sont les mieux préservées
au cours du vieillissement normal (figure 2) [17].
D’autres perturbations fonctionnelles ont été récem-
ment mises en évidence dans le vieillissement normal et la
MA, en utilisant l’IRM fonctionnelle (IRMf) au repos. Cette
technique a permis de démontrer chez le sujet sain jeune
l’existence d’un réseau activé en continu lorsque ce dernier
n’est pas engagé dans une activité cognitive. Ce réseau,
dénommé réseau par défaut, comprend principalement
des régions médianes du cerveau, telles que les cortex
préfrontal médian, le gyrus cingulaire postérieur et anté-
rieur, le précuneus, et, de façon moins systématique, le
lobe temporal interne. L’activité de ce réseau diminue
(déactivations) lorsque le sujet s’engage dans une tâche
cognitive. Les données actuelles suggèrent une perturbation
du réseau par défaut sur un axe antéro-postérieur dans le
vieillissement normal incluant les cortex préfrontal et parié-
tal médians, tandis que la MA serait plutôt caractérisée par
une perturbation fonctionnelle plus particulièrement locali-
sée entre le lobe temporal interne (hippocampe) et le gyrus
cingulaire postérieur dans les premiers stades de la maladie,
cette perturbation s’étendant à l’ensemble des régions
constituant le réseau au fur et à mesure que la maladie
progresse [18].
Substrats cérébraux des troubles
de la mémoire épisodique
L’existence de modifications structurales et fonctionnelles
au repos accompagnant le vieillissement normal, d’une
part, et la diminution des performances de mémoire épiso-
dique, d’autre part, conduisent naturellement à tenter
d’établir des liens entre ces deux phénomènes. Des études
réalisées en activation montrent que différentes régions sont
impliquées lors d’une tâche de mémoire en fonction de
l’âge. Une autre méthode, consistant à corréler des données
cérébrales et des scores mnésiques, permet de mettre en
évidence les régions dont l’atrophie ou le dysfonctionne-
ment est responsable du déclin de la mémoire. Les résultats
obtenus dans les deux séries d’études ont permis de poser
des hypothèses explicatives de la diminution des capacités
en mémoire épisodique, mais aussi de suggérer des proces-
sus compensatoires.
Études en activation
Un nombre important d’études d’activation en TEP ou
en IRM fonctionnelle (IRMf) s’est focalisé sur les activations
du cortex frontal, lors de tâches de mémoire épisodique.
Ces travaux ont été décisifs dans la formulation du modèle
HERA (hemispheric encoding/retrieval asymmetry), qui
décrit une asymétrie hémisphérique des processus d’enco-
dage et de récupération en mémoire épisodique au niveau
du cortex frontal [19] : le cortex frontal gauche s’active plus
que le droit lors de l’encodage, tandis que le cortex frontal
droit s’active davantage que le gauche lors de la récupéra-
tion. Dans le vieillissement normal, plusieurs auteurs ont
montré que l’asymétrie du modèle HERA tend à s’atténuer
chez les sujets âgés, avec des activations frontales bilatéra-
les, tant lors de l’encodage que de la récupération.
Ces résultats ont donné naissance au modèle HAROLD
(hemispheric asymmetry reduction in older adults) [20].
Deux explications ont été proposées quant à ce phéno-
mène : l’hypothèse de la compensation et celle de la
dédifférenciation. Selon la première, ce phénomène de
bilatéralisation de l’activation frontale pourrait intervenir
dans le but de contrer le déclin neurocognitif lié à l’âge.
Elle implique que les performances des sujets qui présen-
tent une activation bilatérale soient supérieures à celles
des sujets dont l’activation est unilatérale. Selon l’hypo-
thèse de la dédifférenciation, cette réduction de l’asymétrie
refléterait des difficultés à recruter les mécanismes neuroco-
gnitifs spécifiques. Cabeza et al. [21] ont testé ces deux
hypothèses en comparant l’activité cérébrale de sujets jeu-
nes, de sujets âgés présentant les mêmes performances que
les jeunes, et de sujets âgés présentant des scores inférieurs,
à une tâche de récupération de la source en mémoire épi-
sodique. Chez les sujets jeunes, seul le cortex préfrontal
droit est activé, en accord avec le modèle HERA. Il en est
de même chez les sujets âgés qui ont eu de moins bonnes
performances. En revanche, chez les sujets âgés présentant
des performances similaires aux sujets jeunes, une activa-
tion frontale bilatérale a été observée. Ces résultats sont
donc en faveur de l’hypothèse de la compensation : l’acti-
vation frontale bilatérale refléterait une réorganisation
neurocognitive bénéfique. En réalité, les deux hypothèses
ne sont pas exclusives, dans la mesure où l’existence de
phénomènes compensatoires implique la nécessité de com-
penser et, par conséquent, l’existence de mécanismes
neurocognitifs déficitaires tels qu’une diminution de la spé-
cificité de certains réseaux neuronaux. Ces réseaux moins
efficaces au cours du vieillissement pourraient se situer
dans les aires corticales postérieures, notamment le cortex
occipital, dont l’activité est souvent réduite chez les sujets
âgés. Davis et al. [22] ont par exemple montré que les adul-
tes âgés ayant le moins d’activité occipito-temporale acti-
vaient davantage le cortex frontal, l’activité frontale étant
positivement corrélée aux performances cognitives, un
phénomène qu’ils ont dénommé PASA (Posterior-Anterior
Shift in Aging). Néanmoins, la bilatéralisation de l’activité
frontale n’est pas toujours associée à des processus de com-
pensation efficaces. Ainsi, il a été montré que des sujets
âgés présentant un déclin en mémoire épisodique sur un
suivi longitudinal activaient de façon supplémentaire le
cortex frontal droit lors de l’encodage, ce qui n’était pas le
cas chez des sujets âgés qui présentaient des performances
Dossier
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EVUE DE NEUROPSYCHOLOGIE
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EUROSCIENCES COGNITIVES ET CLINIQUES
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