
Philippe  Bataille,  sociologue,  directeur  d’études  à  l’Ecole  des  hautes  études  en  sciences 
sociales a mené une enquête pendant  plusieurs années dans  différentes unités de  soins 
palliatifs en France. Le fruit de ce travail vient d’être publié au travers du livre A la vie, à 
la mort (éditions Autrement). Dans cet ouvrage émaillé d’exemples, le sociologue dénonce 
“le  palliativisme”  des  soignants  et  leur  manque  d’écoute  des  patients  en  fin  de  vie.  Il 
déplore également la mauvaise application de la loi Leonetti et  place  beaucoup  d’espoir 
dans le travail de la commission Sicard mandatée par François Hollande pour réfléchir à la 
fin de vie. 
 
Egora.fr : Pourquoi un ouvrage sur l’euthanasie et les soins palliatifs ? 
Philippe Bataille : J’ai beaucoup travaillé sur le cancer en publiant des travaux, de longues 
enquêtes depuis une dizaine d’années. Ces écrits, d’une manière générale, sont portés par la 
thématique du droit des malades ou en tous cas de l’introduction forte de ce qu’on a appelé il 
y a 10 ans, la parole du malade dans la relation médicale. En suivant des malades du cancer 
sur plus d’une décennie, on arrive à un moment ou un autre en activité palliative. 
A côté de cela, je participe depuis  2002  à une  expérience en tant que membre du Centre 
d’éthique clinique de l’Hôpital Cochin. Là on ne travaille pas du tout sur l’expérience de la 
maladie mais plutôt sur des attentes d’euthanasie qui viennent se télescoper avec le cadre de la 
loi. Sur plusieurs années, au travers des activités de ce Centre j’ai vu comment étaient traitées 
les demandes d’aide à mourir depuis la loi Chevènement / Kouchner en 2002, en passant par 
la  loi  Leonetti  de  2005 et  jusqu’à  aujourd’hui.  Dans  le  livre,  l’aborde  toutes  sortes  de 
situations,  tout  aussi  invraisemblables et  douloureuses  les  unes  que  les  autres. Celle  d’un 
enfant de 2 ans dont la mère réclame que tout s’arrête après beaucoup d’efforts en réanimation 
ou encore celle d’un homme qui se retrouve locked-in syndrom après un accident vasculaire. 
Enfin, celles de malades qui ont avancé dans le parcours de soins. Ils se sont mobilisés pour se 
soigner avec beaucoup  d’espoir  et  d’investissement  mais  arrivés  à  la  fin  de  ce  parcours,  ils 
refusent de s’enfermer dans une espèce d’acharnement thérapeutique. 
 
Vous dénoncez dans votre livre le “palliativisme”, qu’est-ce que cela signifie ? 
Il n’y a pas de  définition  unique  du  palliativisme,  c’est  pour  cela  que j’ai écrit ce livre.  La 
palliativisme n’est pas, ce que beaucoup de gens ont compris, une dérive des soins palliatifs. 
Je pense au contraire qu’il est à l’origine du succès des soins palliatifs. Le palliativisme, c’est 
l’intention de développer à l’intérieur des organisations sanitaires et du champ de la médecine 
une  forte  conscience  de  ne  pas  s’enfermer  dans  l’acharnement  thérapeutique,  de  ne  pas 
abandonner son patient et de ne pas pratiquer l’euthanasie. Et cela, peu importe leur situation, 
qu’ils soient en demande d’euthanasie ou qu’il s’agisse du malade épuisé qui arrive en fin de 
course. Tout ce que la médecine propose est ce que l’on appelle le laisser mourir. L’objectif 
est de  ne jamais  être  à l’origine de  la mort  au  sens  de l’intention médicale.  La  loi  Leonetti 
réalise cette intention et elle créée de nouveaux problèmes. 
 
Vous vous êtes exprimé dans la presse concernant l’arrêt de l’alimentation des nouveau-
nés, il s’agit là d’un tabou ? 
Depuis la loi Leonetti, le laisser mourir est la seule manière de finir ses jours à l’hôpital, dès 
lors  que  la  mort  est  recherchée.  Qu’il  s’agisse  du  début  ou  de  la  fin  de  la  vie,  on  meurt 
aujourd’hui  de  la  même  manière.  L’euthanasie  qui  est  accordée  dans  l’hexagone  se  réalise 
dans cet unique moule, c'est-à-dire en suspendant l’hydratation et l’alimentation. Dans le cas 
des nouveaux né, l’arrêt de l’alimentation artificielle prouve que la loi de 2005 n’a pas tout 
réglé.