Synthèse Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2013 ; 11 (4) : 403-15 Les troubles mentaux liés à des lésions cérébrales dans le DSM-5 à la lumière des versions précédentes Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Mental disorders due to brain lesions in the DSM-5 in the light of the previous versions Christian DerouesnÉ Université Pierre et Marie Curie (Paris VI) ; EA 4556. Laboratoire Epsilon, Dynamique des capacités humaines et des conduites de santé, Université Paul Valéry, Montpellier 3, France <[email protected]> Tirés à part : C. Derouesné Résumé. La catégorie des troubles cognitifs dus à des lésions cérébrales a été profondément modifiée dans le DSM-5. L’évolution de la classification des troubles mentaux liés à des lésions cérébrales dans les DSM est retracée depuis le DSM-I. Le DSM-III a constitué une rupture par rapport aux deux premières versions en substituant une approche syndromique à l’approche étiologique antérieure et en définissant une catégorie Démence avec des critères opératoires inspirés de la symptomatologie de la maladie d’Alzheimer, qui n’ont été que peu modifiés par le DSM-IV. Le DSM-5 représente une seconde rupture en substituant à la catégorie démence, le Trouble neurocognitif majeur et introduisant une catégorie intermédiaire, le Trouble neurocognitif mineur, en même temps qu’une définition plus précise des déficits cognitifs. Au plan étiologique, de nouvelles catégories sont définies comme la dégénérescence fronto-temporale et la maladie à corps de Lewy. Ces avancées, incontestables, s’accompagnent toutefois d‘un renforcement d’une conception essentiellement cognitive et biologique qui présente le risque d’une approche réductionniste, doléable pour les patients et les familles si elle n’est pas complétée par une approche psychologique et environnementale. Mots clés : démence, DSM-5, troubles mentaux organiques, trouble neurocognitif, démence fronto-temporale, démence à corps de Lewy Abstract. The DSM-5 introduces major modifications in the category of mental disorders due to brain lesions compared to the previous DSM versions, which are reviewed in this paper. The description of the category Major neurocognitive disorder, as a substitute for dementia, seems to fit better for patients and families, and more adapted to many neurodegenerative cognitive disorders for which memory impairment is not predominant. Similarly, the introduction of the category of Mild neurocognitive disorder appears to be an improvement although some difficulty still remains for distinguishing mild cognitive disorder from normal aging. The addition of new etiological categories such as fronto-temporal NCD or NCD with Lewy bodies should also to be considered as a significant improvement. Despite these advances, to circumscribe the mental disorders due to brain lesions to cognitive deficits and biological mechanisms remains highly questionable, and does not provide an adequate care for the patients and families if not complemented by a psychological and environmental approach. doi:10.1684/pnv.2013.0436 Key words: dementia, organic brain lesions, neurocognitive disorder, fronto-temporal dementia, Lewy bodies disease L’histoire ne doit pas seulement satisfaire la curiosité, elle doit former le jugement. En médecine, l’étude de l’évolution des idées sur une question est beaucoup plus instructive que les discussions, toujours un peu faussées par la passion, par la tendance naturelle de chacun à grossir l’importance de ses travaux. Sans compter, qu’à certaines époques, il s’établit des courants d’erreur qui semblent aveugler tous les esprits et que la discussion ne fait qu’accentuer. Un coup d’œil rétrospectif nous ramène, en géné- ral, à une plus juste appréciation des choses et permet d’établir l’origine de ces courants d’erreur qui réside, presque toujours, dans un fait réel, dans une découverte utile dont la signification a été mal interprétée. Henri Parinaud, Histoire du strabisme et de son traitement, 1896. In : Poirier J, ed. Henri Parinaud (1844-1905) : un pionnier de l’ophtalmologie française. Pour citer cet article : Derouesné C. Les troubles mentaux liés à des lésions cérébrales dans le DSM-5 à la lumière des versions précédentes. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2013; 11(4) :403-15 doi:10.1684/pnv.2013.0436 403 C. Derouesné Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. L a 5e édition de la classification américaine des troubles mentaux (Diagnostic and statistical manual of mental disorders, fith edition, DSM-51 ), éditée en mai 2013 par l’American psychiatric association (APA) [1] présente des modifications importantes par rapport aux précédentes versions en ce qui concerne les troubles mentaux liés à des lésions cérébrales. Le DSM-5 a été précédé d’une longue concertation, mais il a également suscité une vive contestation. Toutefois, l’essentiel de la polémique ne porte pas sur les troubles cognitifs d’origine organique, qui sont seuls envisagés ici. Afin de mieux comprendre les modifications apportées par le DSM-5, il est apparu utile de présenter un bref historique des précédentes versions, en s’appuyant sur les textes originaux et les objectifs que s’assignaient leurs auteurs avant d’en présenter les commentaires. Les classifications des troubles mentaux aux États-Unis ont été développées de façon largement indépendante des références européennes et dans un objectif pragmatique inscrit dans l’histoire politique et sociale du pays [2, 3]. Les troubles mentaux résultants de lésions cérébrales ont toujours occupé une place spéciale dans les classifications des maladies mentales, mais cette place a varié au cours des différentes éditions des DSM (tableau 1). L’édition originale : le Diagnostic and statistical manual of mental disorders Le Diagnostic and statistical manual of mental disorders (devenu DSM-I) a été créé par l’APA en 1952 [4] pour unifier les classifications existantes aux États-Unis. La première classification américaine datait de 1915 (The statistical manual for the use of institutions for the insane), mais c’est l’introduction, sous l’égide de l’APA, d’un chapitre sur les troubles mentaux dans la version de 1935 de la Standard classified nomenclature of diseases (SCND), qui va constituer la référence ; son objectif était toutefois purement statistique et ne concernait que les hôpitaux psychiatriques (mental state hospitals). La SCND a été plusieurs fois remaniée, mais également appliquée de façon très variable selon les endroits. En outre, elle s’est révélée inadéquate pour classer les troubles mentaux observés chez les combattants lors de la Deuxième Guerre mondiale. 1 Le passage des chiffres romains utilisés dans les précédentes versions aux chiffres arabes a pour objectif d’assurer l’homogénéité avec la Classification internationale des maladies et de permettre des révisions intermédiaires (5,2 ; 5,3. . .). 404 Dans les années 1940, une classification de l’Army and veterans administration est alors réalisée sous la direction du brigadier général William Claire Meinninger (1899-1966). Cette classification décrit les troubles mentaux comme des réactions spécifiques à des événements vitaux, empruntant la terminologie d’Adolf Meyer (1856-1950) qui influença durablement la psychiatrie américaine. En 1948, peu après sa fondation, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (World heath organization, WHO) adjoint un chapitre sur les troubles mentaux à la 6e Classification internationale des maladies (CIM-6) (International classification of diseases, ICD-6). Le DSM-I, édité par l’APA sous la présidence de George N. Raines (1908-1959), capitaine et psychiatre de la Navy, correspond ainsi à la 8e édition de la SCND et inclut la classification de l’armée, tout en prenant en compte la CIM-6. Le DSM-I divisait les troubles mentaux organiques en deux catégories principales : 1) les troubles causés par ou associés à une altération du parenchyme cérébral (Disorders caused by or associated with impairment of brain tissue function) qui peuvent être aigus (Acute brain disorders) ou chroniques (Chronic brain disorders) et 2) les troubles d’origine psychologique ou sans cause physique clairement définie ou altération structurelle du cerveau (Disorders of psychogenic origin or without clearly defined physical cause or structural change in the brain). Une classification secondaire gardait la référence à la psychanalyse, dominante à cette époque, distinguant les psychoses, les psychonévroses et les troubles de la personnalité. La classification des troubles organiques était clairement étiologique : ainsi les « Maladies cérébrales sénile et présénile » étaient incluses dans le chapitre Troubles du métabolisme, de la maturité et de la nutrition, la Démence artériopathique dans celui des Troubles cérébraux circulatoires. La seconde édition, DSM-II La seconde édition, le DSM-II, présidée par Ernest Gruenberg (1915-1991) est parue en 1968 [5]. Elle a été développée en référence à la CIM-8 (ICD-8) publiée par l’OMS en 1965, mais en gardant des traits conformes aux habitudes américaines : elle reste très marquée par la classification psychanalytique, mais rejette la terminologie d’Adolph Meyer. Le DSM-II reprend la première catégorie du DSM-I sous l’appellation de Syndromes cérébraux organiques (Organic brain syndromes). Les syndromes organiques ne sont plus divisés en aigus et chroniques (cet aspect est simplement mentionné, mais non codifié), mais en fonction de leur sévérité : Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 4, décembre 2013 Les troubles mentaux liés à des lésions cérébrales dans le DSM-5 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Tableau 1. Classification des troubles mentaux organiques du DSM-I au DSM-5. Table 1. Classification of organic brain disorders from DSM-I to DSM-5. DSM I (1952) : Troubles causés ou associés à une altération du parenchyme cérébral ; Troubles cérébraux organiques Aigus Chroniques Troubles causés par ou associés à une syphilis du système nerveux central Troubles causés par une infection autre que syphilitique Troubles causés par ou associés à une intoxication (alcool, poison. . .) Troubles causés par un traumatisme Troubles associés à des perturbations circulatoires (artériosclérose ou autres) Troubles associés à un trouble convulsif Troubles associés à une perturbation du métabolisme, de la nutrition Maladie cérébrale sénile Maladie cérébrale présénile Troubles associés à une tumeur cérébrale Troubles associés à des maladies d’origine inconnue ou incertaine (maladie de Huntington, sclérose multiple, maladie de Pick et autres maladies familiales ou génétiques) DSM II (1968) : Syndromes cérébraux organiques causés par ou associés à une altération du parenchyme cérébral A. Psychoses associées à des syndromes cérébraux organiques Démence sénile et présénile Psychoses alcooliques Psychoses associées à une infection intracrânienne (paralysie générale, encéphalite épidémique. . .) Psychoses associées à d’autres conditions (artériosclérose, épilepsie, traumatisme cérébral. . .) B. Syndromes cérébraux organiques non psychotiques Syndromes cérébraux organiques de même étiologie (sauf maladie cérébrale sénile ou présénile) DSM III (1980) : Troubles mentaux organiques 1. Troubles mentaux organiques dont l’étiologie ou le processus physiopathologique est répertorié Démence dégénérative primaire survenant dans la sénescence ou le présenium Démence par infarctus multiples Troubles induits par des substances toxiques 2. Syndromes cérébraux organiques dont l’étiologie ou le processus physiopathologique est inconnu ou noté comme diagnostic supplémentaire Delirium Démence Syndrome amnésique Syndrome délirant organique ; état hallucinatoire organique ; syndrome affectif organique ; psychosyndrome organique Trouble mental organique non spécifié DSM III-R (1987 1. Troubles débutant dans la sénescence et le présenium Démence dégénérative primaire de type Alzheimer débutant dans la sénescence Démence dégénérative de type Alzheimer débutant dans le présenium Démence par infarctus multiples Démence sénile non spécifiée Démence présénile non spécifiée 2. Troubles mentaux organiques associés à des affections ou à des troubles physiques de l’axe III ou d’étiologie inconnue Delirium Démence Trouble amnésique Trouble délirant organique ; état hallucinatoire organique ; trouble thymique organique ; trouble anxieux organique ; psychosyndrome organique Trouble mental organique non spécifié DSM IV (1994) : Delirium, Démences, Troubles amnésiques et autres troubles cognitifs Delirium Démence Avec critères de diagnostic spécifiés : Démence de type Alzheimer à début précoce Démence de type Alzheimer à début tardif Démence vasculaire Sans critères de diagnostic spécifiés : Démence due au VIH, à un traumatisme cérébral, à la maladie de Parkinson, de Huntington, de Pick, de Creutzfeldt-Jakob, à une affection médicale systémique ; démence non spécifiée Troubles amnésiques Autres troubles cognitifs non spécifiés DSM IV-TR (2000) : Pas de modifications notables DSM-5 (2013) : Troubles neurocognitifs Delirium Trouble neurocognitif majeur ou mineur TNCM (probable ou possible) ou TNCm dû à la maladie d’Alzheimer : TNCM (probable ou possible) ou TNCM fronto-temporal TNCM (probable ou possible) ou TNCm à corps de Lewy TNCM (probable ou possible) ou TNCM vasculaire TNCM ou TNCM dû à un traumatisme cérébral : TNCM ou TNCM induit par une substance TNCM ou TNCM dû à l’infection VIH TNCM ou TNCM dû à la maladie de Parkinson TNCM ou TNCM dû à une maladie à prions TNCM ou TNCM dû à la maladie de Huntington TNCM ou TNCM dû à une autre affection médicale TNCM ou TNCM dû à de multiples étiologies Trouble neurocognitif non spécifié Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 4, décembre 2013 405 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. C. Derouesné La troisième édition, le DSM-III, présidée par Robert Spitzer (1932-), est éditée en 1980 [6]. Elle introduit un paradigme radicalement différent des deux premières versions car elle est résolument axée sur le diagnostic pour la pratique clinique comme pour la recherche et vise à établir un langage commun entre les psychiatres d’orientations différentes (psychanalytique, comportementaliste, systémique ou biologique). Cette nouvelle classification doit répondre à deux impératifs : 1) elle doit être essentiellement descriptive (a-théorique) et éliminer toute référence à la physiopathologie, car l’inclusion des principales théories est considérée « comme un obstacle à l’utilisation du manuel par des praticiens d’orientations théoriques différentes » ; 2) elle doit permettre d’établir des catégories bien définies au plan opératoire et fournir des définitions précises des termes employés pour obtenir des diagnostics homogènes. Tout en reconnaissant « qu’il n’existe aucune définition satisfaisante des limites précises et du concept de trouble mental », le DSM-III le définit comme « un syndrome cliniquement significatif qui survient chez un individu et est associé à une souffrance (distress) ou à un handicap (disability) dans l’un au moins des principaux domaines de fonctionnement ». Chaque syndrome ne doit toutefois pas être considéré comme une « entité circonscrite, nettement délimitée, avec une discontinuité entre celui-ci, les autres troubles mentaux ou l’absence de trouble mental ». Par ailleurs, Spitzer insistait sur le fait que la classification des troubles mentaux porte sur les troubles et non sur les individus, d’où l’expression d’individu avec trouble schizophrénique en place de schizophrène. Les critères diagnostiques du DSM-III « ne représentent qu’une étape initiale, conduisant à la formation d’un plan thérapeutique. Il sera toujours nécessaire d’avoir des informations sur le sujet à évaluer supplémentaires à celles qui sont requises pour la seule démarche diagnostique. » L’introduction d’un système multiaxial vise ainsi à compléter l’approche syndromique. Les trois premiers axes constituent l’évaluation diagnostique officielle : l’axe I décrit les syndromes cliniques, l’axe II, les troubles de la personnalité et l’axe III, les troubles et affections physiques. Ils sont complétés par l’axe IV évaluant la sévérité des facteurs de stress psychosociaux et l’axe V le niveau d’adaptation et de fonctionnement le plus élevé dans l’année écoulée. Enfin, il est souligné que le DSM-III ne représente qu’un « arrêt sur image » et doit être adapté régulièrement pour corriger les erreurs et les insuffisances de la classification. Spitzer préside lui-même une version révisée du DSM-III en 1987, le DSM-III-R (revised), qui n’apporte toutefois pas de modifications majeures à la structure de la version initiale. Le DSM-III reprend l’appellation de Troubles mentaux organiques qui sont maintenant divisés en deux sections selon que l’étiologie ou la physiopathologie est connue ou non : Section 1 : Troubles mentaux organiques dont l’étiologie ou le processus physiopathologique est décrit cidessous (d’après les Troubles mentaux de la CIM-9-CM) (Organic mental disorders whose etiology or pathophysiological process is listed below taken from the mental disorders section of ICD-9-CM) ; Section 2 : Syndromes organiques dont l’étiologie ou la physiopathologie est notée comme un diagnostic additionnel d’après la CIM-9 ou est inconnu (Organic brain syndromes whose etiology or pathophysiological process is either noted as an additional diagnosis from outside the mental disorders section of ICD-9-CN or is unknown). Dans la section 1 sont inclus la Démence dégénérative primaire débutant dans la sénescence (non compliquée ou associée à un delirum, des idées délirantes ou une dépression), la Démence dégénérative primaire présénile, la Démence par infarctus multiples et les Troubles induits par des substances toxiques (e.g. l’alcool). La section 2 définit des critères pour le Delirium, la Démence, le Syndrome amnésique, mais également les Troubles délirants, hallucinatoires, affectifs, et de la personnalité d’origine organique. 406 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 4, décembre 2013 - les psychoses associées à un syndrome cérébral organique (Psychoses associated with organic brain syndrome) sont caractérisées par : 1) une altération du fonctionnement mental suffisante pour interférer grossièrement avec les activités de la vie quotidienne et traduisant une sévère distorsion de la capacité de reconnaître la réalité ; 2) un déficit de l’orientation, de la mémoire, de toutes les fonctions intellectuelles (comme la compréhension, le calcul, la connaissance, l’apprentissage. . .), du jugement, une labilité et un manque de profondeur des affects. Le syndrome pouvait être aigu ou chronique, être isolé ou s’accompagner de troubles psychotiques ou comportementaux ; - les syndromes organiques non psychotiques (Nonpsychotic organic brain syndrome. Mental disorders not specified as psychotic associated with physical conditions) sont définis par une sévérité des troubles insuffisante pour entrer dans la catégorie psychose. Les étiologies sont identiques quelle que soit la sévérité. Toutefois les termes de Démence sénile et présénile utilisés dans la catégorie psychose sont remplacés par le terme Maladie cérébrale sénile et présénile dans la catégorie non psychotique. La troisième édition, DSM-III : continuité et rupture Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Les troubles mentaux liés à des lésions cérébrales dans le DSM-5 La démence devient ainsi un syndrome spécifique, indépendant de l’étiologie, dont l’origine organique est attestée par l’anamnèse, l‘examen physique ou les examens de laboratoire, ou bien par l’exclusion des troubles autres que les troubles organiques. Sa définition est proche de celle du DSM-II et associe retentissement social et professionnel et déficits cognitifs multiples. Toutefois, elle introduit une hiérarchie des symptômes au profit des troubles de la mémoire, considérés comme un critère majeur, alors que les autres troubles des fonctions supérieures (dont la pensée abstraite, le jugement, éléments essentiels des définitions traditionnelles de la démence2 , deviennent des critères mineurs, non obligatoirement présents). La démarche diagnostique se fait alors en deux temps : remplir les critères de démence, puis en préciser l’étiologie. L’élément fondamental est que, pour la première fois, ces critères diagnostiques sont définis de façon opératoire et présentés avec des définitions précises. La sévérité de la démence est appréciée sur le degré de restriction de l’autonomie. Le DSM-III-R [7] reprend la même classification, mais la Démence dégénérative primaire devient Maladie d’Alzheimer (MA) sénile ou présénile, les autres affections dégénératives étant incluses dans les démences non spécifiées. Commentaires Les raisons du vif succès international du DSM-III tiennent sans doute à la publication, pour la première fois, de critères opératoires permettant une certaine homogénéisation des diagnostics. En même temps, il représentait une alternative crédible à la domination de la psychanalyse, ébranlée par le développement des neurosciences et de la pharmacothérapie. Les critiques qui lui furent adressées furent néanmoins tout aussi vives que son succès, accusant le DSM-III de réductionnisme et soulignant les insuffisances du système catégoriel. Par ailleurs, la catégorie Démence du DSM-III était définie sur le modèle de la MA, donnant la primauté aux troubles de mémoire. Cette définition était adaptée pour la MA comme en témoigne l’utilisation, dans les essais thérapeutiques, des critères de démence conjointement aux critères spécifiques de la MA [8], car ces derniers n’exigeaient qu’un déficit portant sur deux fonctions cognitives non spécifiées. En revanche, les 2 La démence était jusqu’alors caractérisée, depuis la fin du XIXe siècle, par une altération globale des fonctions intellectuelles, chronique et irréversible, les premiers troubles étant une altération du jugement et de la pensée abstraite. Cette définition n’était pas définie au plan opératoire et correspondait ainsi à des déficits cognitifs de types et de sévérité très variables. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 4, décembre 2013 critères de démence ont vite été reconnus comme inadéquats pour le diagnostic des autres syndromes démentiels. En outre, la catégorie Démence restait mal définie [9] en même temps qu’elle introduisait une dichotomie entre normalité et démence qui était loin de correspondre à la réalité. La quatrième édition, DSM-IV La mise en chantier du DSM-IV est développée sous la présidence d’Allen Frances (1942-) et est associée à la préparation de la CIM-10 (publiée en 1993). Les révisions ont été effectuées après analyse des critiques des DSMIII et DSM-III-R, et des essais cliniques ont été effectués pour vérifier la fiabilité des nouveaux diagnostics. Publié en 1994 [10], le DSM-IV diffère notablement de la CIM-9 et du DSM-III-R. Son objectif affiché est d’en faciliter l’utilisation par les cliniciens et la communication entre différents utilisateurs, en améliorant la concision des textes, la clarté du langage et en rendant plus explicite le contenu des critères diagnostiques, tout en corrigeant les insuffisances et les erreurs des précédents DSM. Un changement notable est introduit au plan théorique : la disparition de la distinction entre troubles mentaux organiques et non organiques, les auteurs considérant, en effet, que cette division est un « anachronisme réductionniste du dualisme esprit/corps (mind/body) » reconnaissant l’importance des troubles physiques dans les troubles mentaux et inversement. Le DSM-IV supprime donc la catégorie Troubles mentaux organiques et la nouvelle classe diagnostique ne contient plus que des troubles cognitifs : Delirium, Démence, Troubles amnésiques et Autres troubles cognitifs. Les syndromes non cognitifs associés à des lésions cérébrales (dépression, idées délirantes, troubles de la personnalité. . .) sont maintenant répertoriés dans les catégories correspondantes. Le DSM-IV reprend les critères de démence du DSM-III, mais introduit plusieurs modifications : le retentissement sur l’activité sociale et professionnelle doit marquer un déclin par rapport au fonctionnement antérieur et les troubles des fonctions exécutives sont inclus dans les déficits cognitifs. En revanche, la référence à des modifications de la personnalité disparaît de même que l’évaluation de la sévérité. Le DSM-IV fait apparaître la mention d’examens complémentaires comme les examens neuropsychologiques, l’imagerie cérébrale structurale (scanner X ou IRM) et fonctionnelle (PET-scan ou Spect). Toutefois, ces éléments ne sont pas retenus dans les critères diagnostiques car ils ne sont pas accessibles à tous. 407 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. C. Derouesné Les symptômes considérés comme caractéristiques de la MA sont un début progressif et une aggravation continue. Les spécifications additionnelles des critères distinguent, pour la MA, le mode de début (précoce ou tardif) et, pour la MA comme pour la démence vasculaire (ex démence par infarctus multiples), la présence ou non de troubles associés : delirium, idées délirantes-hallucinations (delusions), humeur dépressive. Les autres démences ne sont que mentionnées dans la classe Démence associée à des affections médicales : maladie liée au VIH, traumatisme cérébral, maladie de Parkinson, de Huntington, de Pick, de Creutzfeldt-Jakob, autres. En pratique, l’aspect syndromique prédomine et la démarche en deux temps reste privilégiée. Dans les années 1980, avec le développement des études sur la MA, l’attention avait été attirée par l’existence de sujets âgés non déments ayant des difficultés de mémoire, d’où la création de catégories intermédiaires, la plus répandue étant l’Age associated memory impairment (AAMI) [11]. Le DSM-IV reconnaît l’utilité de cette catégorie sous le titre de Age-related cognitive decline, mais seulement à titre de « condition qui peut être un foyer d’attention clinique », après élimination d’une autre affection mentale ou neurologique. Il n’en précise toutefois pas les critères de diagnostic, évoquant simplement l’existence de difficultés à se rappeler des noms, des rendez-vous ou à résoudre des problèmes complexes. Le DSM-IV-TR (text revised), toujours sous la présidence d’Allen Frances, est publié en 2000 sans apporter de modifications notables [12]. Les spécifications pour la MA ne retiennent plus que le mode de début et la présence ou non de troubles du comportement non précisés. Commentaires Même si la classe des troubles organiques a été supprimée en tant que telle par le DSM-IV, il n’en reste pas moins que les troubles mentaux causés par ou associés à des lésions cérébrales restent décrits dans une catégorie spécifique en raison de la place dominante des troubles cognitifs. La démarche reste essentiellement syndromique et l’étiologie centrée sur la MA et la démence vasculaire, les autres affections étant simplement mentionnées. La disparition des modifications de la personnalité, qui étaient considérées comme constantes dans le DSM-III, comme de l’évaluation de la sévérité de la démence, représentent une étape supplémentaire vers une conception purement cognitive de la démence et traduisent une volonté d’écarter tout critère faisant appel aux données de l’entourage, considérées comme non objectives. 408 La cinquième édition, DSM-5 La préparation du DSM-5, sous la présidence de David Kupfer (1941-), a été effectuée en collaboration avec la CIM-11 (dont la parution est prévue pour 2015) en vue de l’harmonisation des deux classifications. Toutefois, « étant donné l’absence de connaissances scientifiques précises concernant les troubles mentaux », le texte précise qu’il persiste des divergences entre ces deux classifications, divergences qui, néanmoins, « ne reflètent pas des différences scientifiques réelles, mais représentent plutôt des sous-produits (by-products) historiques du travail de deux comités indépendants. » L’objectif du DSM-5 paru en mai 2013 [1] est de fournir une nomenclature officielle, non seulement aux psychiatres et aux autres professionnels de santé, mais aussi aux professionnels impliqués dans divers aspects de la santé mentale (médico-légaux, juridiques. . .) pour évaluer la morbidité et la mortalité des troubles mentaux. En outre, « les critères et les textes correspondants servent de manuel pour les étudiants au début de leur profession ». Bien que le DSM-5 demeure une classification catégorielle, il est reconnu que les troubles mentaux ne correspondent pas complètement à un diagnostic unique. Certains types de symptômes, comme la dépression ou l’anxiété, sont en effet présents dans de multiples catégories et peuvent refléter une vulnérabilité commune à un large groupe de troubles. Compte tenu de ce fait, la structure organisationnelle du DSM-5 a été révisée, en accord avec la préparation de la CIM-11. Un nouvel élément important est la disparition du système multiaxial. Les raisons avancées sont que les axes II (Troubles de la personnalité) ou III (Troubles physiques) n’impliquent pas l’existence de différences fondamentales dans la conceptualisation des troubles de l’axe I. Les facteurs psychosociaux et environnementaux évaluant l’axe IV sont reconnus comme importants pour le traitement et le pronostic, mais souvent ils ne sont pas notés et, de plus, ils ne justifient pas une classification spéciale, leur codification pouvant se référer aux CIM-9 et -10. L’axe V, qui évalue le fonctionnement global, est abandonné du fait de l’absence de clarté des définitions et d’évaluations psychométriques fiables en pratique courante. Le DSM-5 introduit un nouveau bouleversement dans les DSM en supprimant les catégories Démence et Syndrome amnésique au profit d’une seule catégorie, le Trouble neurocognitif (TNC). Ce choix est largement expliqué dans l’avant-projet du DSM-5 [13] : le terme de démence est connoté de façon défavorable et les critères de démence exigeaient la présence d’un déficit cognitif multiple centré Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 4, décembre 2013 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Les troubles mentaux liés à des lésions cérébrales dans le DSM-5 sur les troubles de mémoire, ce qui ne correspond pas à l’ensemble des syndromes cognitifs liés à des lésions cérébrales. Toutefois, le terme de démence « est retenu dans le DSM-5 pour la continuité et peut être utilisé dans les contextes familiers aux praticiens et aux patients. » Le terme de TNC a été choisi parce qu’il est plus spécifique que celui de trouble cognitif, « car il n’est guère de trouble mental qui n’entraîne pas de perturbations cognitives ». Il connote les troubles mentaux dans lesquels les troubles cognitifs sont primaires et attribuables à des maladies cérébrales, structurales ou métaboliques connues. Le terme neurocognitif réfère ainsi à des fonctions qui sont étroitement liées à des régions cérébrales particulières, des voies neuronales, ou des réseaux cortico-sous-corticaux du cerveau, c’est-àdire à la neuropsychologie définie comme une branche de la psychologie centrée sur les processus psychologiques et les comportements dus à des maladies cérébrales métaboliques ou structurales. Cette catégorie comprend ainsi le Delirium, le Trouble neurocognitif majeur (TNCM), qui prend la place de la démence, et le Trouble neurocognitif mineur (TNCm). Les critères de TNCM et de TNCm (encadré 1) reposent 1) sur la présence d’un déclin cognitif par rapport à la performance antérieure dans un ou plusieurs domaines du fonctionnement cognitif. Pour la première fois, l’utilisation de tests neuropsychologiques est recommandée et, pour chaque domaine cognitif, un tableau fournit des définitions précises en distinguant deux classes selon que le déficit est majeur ou mineur ; 2) l’interférence avec les activités quotidiennes (TNCM) ou leur respect (TNCm). Plusieurs innovations importantes sont apportées par le DSM-5 : - la création du TNCm reconnaît que les affections liées à des lésions cérébrales peuvent présenter des déficits cognitifs qui ne sont pas de sévérité suffisante pour perturber de façon significative les activités de la vie quotidienne ; - outre les tests neuropsychologiques, l’usage de l’imagerie cérébrale et le recours à des marqueurs spécifiques sont recommandés pour l’établissement d’un diagnostic étiologique ; - enfin de nouvelles classes étiologiques sont décrites en s’inspirant des critères spécifiques élaborés dans des réunions de consensus consacrés à chaque affection, et en distinguant, pour les TNCM, le degré de probabilité du diagnostic (probable ou possible) ainsi que la présence ou non de troubles du comportement. À côté de la MA (encadré 2), on trouve des critères spécifiés pour la Dégénérescence fronto-temporale (encadré 3), la Maladie à corps de Lewy et la Maladie de Parkinson (encadré 4), le TNC vasculaire (encadré 5), le TNC en rapport avec une substance ou un médicament et le TNC lié à des étiologies multiples Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 4, décembre 2013 Encadré 1. Troubles neurocognitifs 3 Trouble neurocognitif majeur A. Présence d’un déclin cognitif significatif à partir d’un niveau antérieur de performance dans un ou plusieurs domaines de la cognition (attention complexe, fonctions exécutives, apprentissage et mémoire, langage, cognition perceptivo-motrice ou sociale) basé sur : 1. la perception par le patient, un informant fiable ou le clinicien, d’un déclin cognitif significatif ; 2. l’existence d’une diminution importante des performances cognitives, préférablement documentée par des examens neuropsychologiques standardisés ou, à défaut, par une autre évaluation clinique quantitative. B. Le déclin cognitif retentit sur l’autonomie dans les activités quotidiennes (c’est-à-dire nécessite au minimum une assistance dans les activités instrumentales complexes comme payer ses factures ou gérer ses médicaments). C. Les déficits cognitifs ne surviennent pas uniquement dans le contexte d’un delirium (syndrome confusionnel dans la terminologie française). D. Les déficits cognitifs ne sont pas mieux expliqués par une autre affection mentale (par exemple épisode dépressif majeur, schizophrénie). Trouble neurocognitif mineur A. Présence d’un déclin cognitif modéré à partir d’un niveau antérieur de performance dans un ou plusieurs domaines de la cognition (attention complexe, fonctions exécutives, apprentissage et mémoire, langage, cognition perceptivo-motrice ou sociale) basé sur : 1. la perception par le patient, un informant fiable ou le clinicien, d’un léger déclin cognitif ; 2. l’existence d’une diminution modérée des performances cognitives, préférablement documentée par des examens neuropsychologiques standardisés ou, à défaut, par une autre évaluation clinique quantitative. B. Les déficits cognitifs n’interfèrent pas avec l’autonomie dans la vie quotidienne (c’est-à-dire les IADL comme payer ses factures ou ses médicaments sont préservés, mais nécessitent un plus grand effort, des stratégies compensatrices ou un ajustement). C. Les déficits cognitifs ne surviennent pas uniquement dans le contexte d’un delirium (syndrome confusionnel dans la terminologie française). D. Les déficits cognitifs ne sont pas mieux expliqués par une autre affection mentale (par exemple, épisode dépressif majeur, schizophrénie). 3 La traduction utilisée dans ces encadrés est une traduction personnelle, en attente de la traduction officielle. 409 C. Derouesné Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Encadré 2. TNCM ou TNCm dus à la maladie d’Alzheimer A. Les critères de trouble neurocognitif majeur ou mineur sont remplis. B. Le début est insidieux et l’évolution est marquée par un déficit progressif d’une ou plusieurs fonctions cognitives (pour le TNCM, le déficit doit porter au moins sur deux fonctions). C. Les critères de MA probable ou possible sont : TNCM : la maladie d’Alzheimer est probable si chacun des éléments suivants est présent (sinon la MA est possible) : 1. évidence d’une MA établie sur l’existence d’une mutation génétique d’après l’histoire familiale ou l’examen génétique ; 2. les trois éléments suivants sont présents : – présence d’un déclin dans la mémoire et l’apprentissage et au moins dans une autre fonction cognitive (établie sur une histoire détaillée ou des tests neuropsychologiques successifs) ; – déclin cognitif progressif, graduel, sans plateaux prolongés ; – absence de comorbidité étiologique (absence d’une autre maladie neurodégénérative ou cérébrovasculaire, ou d’une autre affection neurologique, mentale ou systémique pouvant contribuer au déclin cognitif). TNCm La MA est probable en présence d’une MA génétique établie sur l’existence d’une mutation génétique d’après l’histoire familiale ou l’examen génétique. La MA est possible en l’absence d’évidence de mutation génétique établie si les trois éléments suivants sont présents : – présence d’un déclin évident de la mémoire et de l’apprentissage ; – déclin progressif, graduel de la cognition sans plateaux prolongés ; – absence d’étiologie mixte (c’est-à-dire absence d’autre maladie neurodégénérative ou vasculaire, ou d’autre maladie neurologique ou systémique, ou d’affection susceptible de contribuer au déclin cognitif). Encadré 3. TNCM ou TNCm fronto-temporal A. Les critères de trouble neurocognitif majeur ou mineur sont remplis. B. Le début est insidieux et l’évolution est marquée par une aggravation progressive. C. Soit (1) soit (2). 1. Variante comportementale • Trois ou plus des symptômes suivants : – désinhibition comportementale – apathie ou inertie – perte de sympathie ou d’empathie – persévérations, stéréotypies, comportement compulsif ou ritualiste – hyper oralité et modifications alimentaires • Déclin prédominant dans la cognition sociale ou les capacités exécutives. 2. Variante linguistique • Déclin progressif dans les capacités langagières touchant la production du langage, la dénomination, la grammaire ou la compréhension. D. Respect relatif de l’apprentissage et de la mémoire et des fonctions visuo-motrices. E. Les troubles ne sont pas mieux expliqués par une affection cérébrovasculaire, une autre affection neurodégénérative, les effets d’une substance ou une autre affection mentale, neurologique ou systémique. Le diagnostic de TNC est probable si chacun des éléments suivants est présent, sinon le diagnostic est possible : 1. évidence d’une mutation génétique correspondante obtenue à partir de l’histoire familiale ou de l’examen génétique ; 2. évidence d’une atteinte prédominante frontale ou temporale en neuroimagerie. Le diagnostic est possible en l’absence de mutation génétique et si la neuroimagerie n’a pas été pratiquée. ser sa sévérité puis son étiologie en distinguant, pour les TNCM, le caractère probable ou possible de l’étiologie. Une codification supplémentaire se limite à préciser l’existence ou non de troubles comportementaux. Commentaires La démarche diagnostique reste ainsi syndromique tout en la précisant : identifier le trouble neurocognitif, préci- Les critiques ont repris de plus belle lors de la préparation du DSM-5, avec la suppression du système multiaxial et la création de nouvelles classes de troubles mentaux, auxquelles se sont jointes les critiques méthodologiques de la part des précédents présidents des DSM, Spitzer et Frances [14, 15]. L’accusation principale porte sur l’extension des classes de diagnostic, au risque d’inclure un nombre important d’individus normaux (disease mongering) et de sacrifier 410 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 4, décembre 2013 (encadré 6). L’utilisation, dans la MA, de marqueurs diagnostiques (imagerie cérébrale, dosage des marqueurs dans le liquide céphalorachidien, examen génétique) est citée, mais n’est pas incluse dans les critères de diagnostic qui restent cliniques. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Les troubles mentaux liés à des lésions cérébrales dans le DSM-5 Encadré 4. TNCM ou TNCm avec corps de Lewy Encadré 5. TNCM ou TNCm vasculaire A. Les critères de TNCM ou de TNCm sont remplis. B. Le début insidieux et l’évolution est marquée par une aggravation progressive. C. Le trouble réunit une combinaison de critères majeurs et critères mineurs pour un probable ou possible TNCM avec corps de Lewy. Pour le probable TNCM ou TNCm, deux critères majeurs sont requis ou un critère mineur avec un ou plusieurs critères majeurs : Critères majeurs Fluctuation de la cognition avec des variations nettes de l’attention et de la vigilance. Hallucinations visuelles récurrentes, nettes et détaillées. Symptômes parkinsoniens apparus après l’apparition du déclin cognitif. Critères mineurs Remplit les critères de troubles du comportement lors du sommeil paradoxal. Sévère sensibilité aux neuroleptiques. D. Les troubles ne sont pas mieux expliqués par une affection cérébrovasculaire, une autre affection neurodégénérative, les effets d’une substance ou une autre affection mentale, neurologique ou systémique. A. Les critères de TNCM ou de TNCm sont remplis. B. Les symptômes cliniques correspondent à une étiologie vasculaire, comme en témoigne un des éléments suivants : – le début des déficits cognitifs survient à la suite d’un ou plusieurs accidents vasculaires ; – le déclin cognitif prédomine sur l’attention complexe (incluant le ralentissement de la vitesse de traitement) et les fonctions exécutives frontales. C. Existence d’une maladie cérébrovasculaire dont témoignent les antécédents, l’examen physique et l’imagerie cérébrale, considérée comme suffisante pour expliquer les déficits cognitifs. D. Les symptômes ne sont pas mieux expliqués par une autre affection cérébrale ou systémique. Le Trouble neurocognitif vasculaire est probable si l’un des critères suivants est présent, ou possible en leur absence : – les critères cliniques sont expliqués par la présence de lésions cérébrales vasculaires à l’imagerie ; – le syndrome neurocognitif vasculaire survient en relation avec un ou plusieurs accidents cérébrovasculaires documentés ; – les éléments cliniques et génétiques du Cadasil (infarctus sous-corticaux et leucoencéphalopathie). Le TCM vasculaire est possible si les critères cliniques sont remplis, mais si les données de l’imagerie ne sont pas disponibles ou si la relation temporelle avec un ou plusieurs accidents vasculaires n’est pas établie. TNCM ou TNCm dû à la maladie de Parkinson A. Les critères de TNCM ou de TNCm sont remplis. B. Le trouble survient dans le cadre d’une maladie de Parkinson établie. C. Le début est insidieux et l’aggravation progressive. D. Le trouble neurocognitif n’est pas attribuable à une autre affection médicale et n’est pas mieux expliqué par un autre trouble mental. les prises en charge psychologiques et comportementales au profit de l’industrie pharmaceutique (Big Pharma) [16]. Il est juste, cependant, de souligner que toute classification des troubles mentaux se heurte à deux difficultés majeures : – la première est la définition du trouble mental, c’est-àdire la séparation entre le normal et le pathologique. Bien que cette difficulté ne soit pas spécifique à la psychiatrie (par exemple la définition du diabète ou de l’hypertension artérielle), elle revêt ici un caractère particulièrement sensible du fait de la stigmatisation qui frappe le trouble mental. La définition adoptée par le DSM-III et les versions suivantes (le trouble mental caractérisé par le fait qu’il entraîne une souffrance ou un handicap de la part du sujet et n’est pas une simple réaction à l’environnement) laisse néanmoins une marge importante d’appréciation et la création de nombre de diagnostics n’est pas sans poser problème, ce dont témoigne l’augmentation de volume des DSM et du nombre de pathologies qui a été régulière à partir du DSM-II. Une véritable rupture est apparue entre les deux premières versions (DSM-I, 132 pages et 60 pathologies ; DSM-II, 119 pages et 145 pathologies) et les suivantes (le DSM-III avait 494 pages et le DSM-III-R, 292 pathologies ; le DSM-IV, 886 pages et 410 diagnostics ; le DSM-IV-TR, 943 pages et le DSM-5, 943 pages). L’accusation de création de nouvelles classes de diagnostics au profit de l’industrie pharmaceutique est apparue renforcée par la mise en évidence de possibles conflits d’intérêts entre les membres du comité chargé d’élaborer le DSM-5 et leur implication dans l’industrie pharmaceutique (e.g. le nombre de ces membres est ainsi passé, pour la classe des Troubles mentaux organiques, de 57 dans le DSM-IV à 89 dans le DSM-5 [17]). Il faut toutefois noter que l’augmentation de volume des DSM ne concerne pas les troubles organiques : si le nombre de pages est passé de 32 à 65 entre le DSM-II et le DSM-III, il n’est que de 52 pages dans le DSM-5 ; Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 4, décembre 2013 411 C. Derouesné Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Encadré 6. TNCM ou TNCm induit par une substance ou un médicament A. Les critères de TNCM ou de TNCm sont remplis. B. Le déficit neurocognitif ne survient pas exclusivement dans le cours d’un delirium et persiste au-delà de la durée usuelle de l’intoxication ou du sevrage. C. La durée et les doses de la substance ou du médicament incriminé sont capables de causer un déficit cognitif. D. Le développement des déficits cognitifs est compatible avec l’évolution de l’usage et de l’abstinence de la substance ou du médicament (par exemple, les déficits demeurent stables ou s’améliorent après une période d’abstinence). E. Le TNC n’est pas imputable à une autre affection médicale ou n’est pas mieux expliqué par un autre trouble mental. TNCM ou TNCm dû à de multiples étiologies A. Les critères de TNCM ou de TNCm sont remplis. B. Le TNC est la conséquence physiopathologique de plusieurs processus étiologiques, à l’exclusion des substances (par exemple TNC dû à la MA suivi d’un TNC vasculaire) Note : Reportez-vous aux critères de diagnostic des divers TNC dus à des affections médicales spécifiques pour établir les étiologies particulières. C. Les déficits cognitifs ne sont pas mieux expliqués par un autre trouble mental et ne surviennent pas exclusivement au cours d’un delirium. seconde considère que les troubles mentaux sont causés par un dysfonctionnement cérébral et que la meilleure connaissance du cerveau doit permettre de mieux définir les différentes maladies mentales (e.g. en France, Antoine Laurent Bayle et Jules Falret ; en Allemagne, Aloïs Alzheimer et Emil Kraepelin). Ces deux idéologies impliquent un abord différent du trouble mental. La conception psychanalytique souligne la continuité de la vie psychique entre normalité et pathologie, et envisage le trouble mental comme une modalité du fonctionnement psychique global. À l’inverse, l’approche organique postule une rupture entre normalité et trouble mental, les symptômes étant considérés comme des corps étrangers à la vie psychique de l’individu, n’entraînant que des déficits partiels de type neurologique. Il est clair que l’idéologie des DSM se place dans la seconde catégorie, parfois désignée comme néokraepelinienne. Toutefois, il est essentiel de rappeler que les maladies ne sont pas des réalités ontologiques (comme les plantes, les animaux. . .), mais des entités qui sont définies par un consensus et qui varient en fonction de la progression des idées et des connaissances scientifiques [19]. Par ailleurs, de même que l’opposition entre troubles organiques et troubles psychologiques, reconnue comme artificielle par le DSM-IV, l’opposition entre facteurs biologiques et facteurs psychologiques est une rémanence du dualisme philosophique tout aussi archaïque. Ces deux approches sont, en réalité, complémentaires comme le soulignait déjà Henri Ey [20] et comme en témoigne, plus récemment, par exemple, la publication en 2006 du Psychodynamic diagnostic manual, issu de l’International psychoanalytic association et qui se veut, non pas opposé, mais complémentaire des DSM [21]. Enfin, il faut noter que si l’objectif de l’OMS était d’unir les diverses classifications nationales, ce sont, en fait, les DSM américains qui ont largement influencé les CIM et demeurent les plus utilisés [22]. – la seconde difficulté majeure est la question de savoir quelle méthode adopter pour classifier les différents troubles mentaux. La nécessité d’une classification orientée vers des objectifs pratiques est apparue très tôt aux États-Unis et s’est développée du fait de l’implication grandissante du rôle de l’État dans la recherche et la politique de santé mentale, comme de la pression des assurances santé privées pour que les psychiatres fassent la preuve de l’efficacité de leurs thérapeutiques, et de la nécessité pour l’industrie pharmaceutique de commercialiser leurs produits sur des cibles spécifiques. La nature des classifications est un problème général [18], mais elle est particulièrement importante pour les troubles mentaux du fait de l’incertitude du statut de ces troubles. Dès le XIXe siècle, deux idéologies se sont affrontées : la première insiste sur l’origine psychique des troubles mentaux (désordre des passions à l’origine de l’aliénation mentale de Philippe Pinel et Jean Étienne Esquirol ; conflits intrapsychiques de la psychanalyse de Sigmund Freud). La Le TNCm est la seule catégorie dans la classe des troubles liés à des lésions cérébrales pour laquelle est soulevée l’accusation de médicaliser des sujets normaux. Le DSM-III notait que « le processus normal du vieillissement a été associé à des modifications variées des fonctions intellectuelles. La controverse demeure cependant quant à la nature de ces modifications et à la réalité de l’altération du fonctionnement ». La caractérisation des troubles organiques selon leur sévérité, présente dans les deux premiers DSM, a été supprimée par le DSM-III conduisant à une 412 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 4, décembre 2013 La question du TNCm Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Les troubles mentaux liés à des lésions cérébrales dans le DSM-5 dichotomie entre cognition normale et démence. Toutefois, le développement des études consacrées à la MA dans les années 1980, a mis rapidement en évidence que des sujets âgés de plus de 50 ans présentaient des difficultés mnésiques alors que leur activité dans la vie quotidienne était normale ou peu modifiée, troubles qui, ainsi, ne correspondaient pas aux critères de démence. Une catégorie intermédiaire a donc été créée, en dehors du DSM-III, en référence aux travaux de Kral sur la Benign senescent forgetfulness [23]. Cette catégorie, l’Age-associated memory impairment (AAMI) [11], a suscité de nombreux travaux pour préciser ses rapports avec le développement d’une MA (dont la définition, selon les critères internationaux, exige de remplir les critères de démence) et trouver un médicament susceptible d’améliorer la mémoire. Malheureusement, les critères de diagnostic proposés pour l’AAMI se sont révélés hétérogènes, incluant des sujets normaux, des sujets ayant des troubles affectifs et des sujets présentant une MA au stade prédémentiel [24]. L’AAMI a ensuite été remplacée par une autre catégorie dont le statut est, en fait, tout aussi mal défini et hétérogène, le Mild cognitive impairment (MCI) [25]. Aux États-Unis, le MCI est considéré comme le stade prodromique de la MA [26], alors qu’en France et au Canada, il correspond à un syndrome clinique d’étiologies variées. De plus, toute une littérature est consacrée à une autre catégorie, encore moins bien définie, la Plainte mnésique, dont la nature et la signification par rapport à la MA restent très controversées [27]. La nécessité d’une catégorie intermédiaire entre cognition normale et démence a été également notée pour les troubles mentaux d’origine vasculaire. Nombre de patients présentent des déficits cognitifs de sévérité variable, mais qui ne remplissent pas les critères de démence. Il a alors été proposé de substituer à la catégorie Démence vasculaire, celle de Vascular cognitive impairment qui correspond à des troubles de sévérité variée, la démence n’étant que la forme la plus sévère [28]. La création du TNCm n’est donc pas une nouveauté dans ce domaine et ne conduit pas plus à la médicalisation des sujets âgés normaux que les catégories existantes. Elle a l’avantage d’être indépendante de l’étiologie et de l’âge des sujets, et s’inspire du Mild cognitive disorder de la CIM-10 [29]. Il est toutefois évident, comme d’ailleurs le précise le DSM-5 que la distinction entre cognition normale et TNCm est, par nature, arbitraire. Cette distinction repose sur le contexte clinique comme sur les évaluations quantitatives, notamment l’examen neuropsychologique, qui sont les principaux éléments de la distinction entre sujet normal et TNCm. Par ailleurs, la distinction entre TNCM et TNCm est tout aussi arbitraire puisque le déclin cognitif et des activités de la vie quotidienne est, en fait, un continuum. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 4, décembre 2013 Approche syndromique ou étiologique ? Dans les deux premières éditions des DSM, la classification des troubles mentaux organiques était étiologique. Le DSM-III a rompu cette approche en lui substituant une approche syndromique qui domine encore le DSM-5, en dépit de l’avancée que constitue la reconnaissance de nouvelles étiologies. La spécification étiologique des catégories du DSM-5 est inspirée d’éléments qui proviennent de critères de diagnostic spécifiques pour chaque maladie. Toutefois ces critères comme ceux de la MA [30, 31], de la démence à corps de Lewy [32] ou des variantes des DFT [33] sont beaucoup plus précis que ceux du DSM-5. Ces critères spécifiques relèvent d’une démarche étiologique et non plus syndromique Dans la démarche syndromique, la première étape est le diagnostic de TNC puis la recherche de son étiologie, alors que la démarche étiologique se propose de faire le diagnostic de MA, puis d’en préciser la sévérité. L’histoire des maladies montre qu’avec le progrès des connaissances, le syndrome laisse la place au mécanisme physiopathologique puis à l’étiologie. Dans la pratique comme dans la recherche, la démarche étiologique doit donc être privilégiée chaque fois que possible, laissant alors l’approche syndromique à la nécessité des codifications. Conclusion Dans le domaine des troubles mentaux liés à des lésions cérébrales, le DSM-5 apporte des modifications utiles pour la précision du diagnostic, en particulier en reconnaissant explicitement l’existence d’un continuum dans la sévérité du déclin cognitif et en étendant l’approche étiologique à des affections non prises en compte dans les versions précédentes. Toutefois, alors que l’évolution des DSM montrait déjà la place de plus en plus grande des troubles cognitifs, donc de leur origine neurologique, le DSM-5 accentue encore cette conception par l’utilisation du terme de Neurocognitive disorders en place de Troubles mentaux d’origine organique, ce qui supprime toute référence au caractère de trouble mental. En témoignent également la transformation des problèmes intersubjectifs en troubles cognitifs (troubles de la cognition sociale), la suppression du système multiaxial et la description des manifestations psychiatriques comme symptômes associés qui peuvent être présents ou non. 413 C. Derouesné Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Points clés • Les critiques du DSM-5, dont la littérature s’est fait largement écho, ne portent pas sur la catégorie des troubles mentaux liés à des lésions cérébrales. • Le remplacement du terme de Démence par celui de Trouble neurocognitif majeur peut être considéré comme un progrès car il est mieux adapté à beaucoup de maladies dégénératives cérébrales et moins stigmatisant. • La reconnaissance de la dégénérescence frontotemporale et de la démence à corps de Lewy est également une avancée. • Le DSM-5 accentue toutefois le caractère purement cognitif et biologisant de ces troubles et nécessite impérativement d’être complété par une évaluation psychologique et environnementale replaçant le patient dans son histoire psychique et relationnelle. Un des aspects des plus discutables des DSM est ainsi la séparation arbitraire des troubles cognitifs et des troubles affectifs. La tentation est grande, alors, de faire disparaître Références 1. American psychiatric association. 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Il appartient aux utilisateurs de ne pas se limiter à la classification des DSM lorsqu’il s’agit de prendre en charge un patient singulier, ce qui nécessite de replacer la maladie dans son contexte psychologique et relationnel, le traitement combinant alors approche médicamenteuse et approche psychologique et comportementale. S’opposer à la démarche réductionniste est nécessaire, mais ne justifie pas le rejet des DSM : toute classification, toute démarche scientifique est une réduction du singulier au général, indispensable pour certains objectifs [34], mais elle nécessite de réintroduire le singulier en fonction d’autres objectifs. Pour marquer cette distinction, nous avons proposé, par exemple, de définir la MA comme une maladie mentale d’origine neurologique [35]. Remerciements. L’auteur remercie le professeur Jacques Poirier et le docteur Florence Mahieux pour leurs commentaires critiques du manuscrit. Liens d’intérêts : aucun. 11. 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