Troubles cognitifs, démence et épilepsie

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Synthèse
Psychol NeuroPsychiatr Vieil 2007 ; 5 (n° spécial 1) : S31-S40
Troubles cognitifs, démence et épilepsie
Cognitive disorders, dementia and epilepsy
in the elderly
LISETTE VOLPE-GILLOT
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Service de médecine interne
et gériatrie, Centre Mémoire
et Hôpital de jour
d’évaluation gériatrique,
Hôpital Saint Joseph, Paris
Service de neurologie,
Hôpital Henri Mondor, Créteil
Équipe Avenir, Inserm U421,
Créteil
<[email protected]>
Résumé. Des perturbations cognitives et comportementales peuvent survenir au cours
d’une épilepsie et même en imposer pour un état démentiel chez les sujets âgés. Ces
troubles cognitifs sont souvent multifactoriels, en rapport avec : 1) la pathologie causale
(type de lésion, évolutivité ...) ; 2) les manifestations cliniques de décharges ictales et/ou
interictales, fonction de la localisation et de la latéralisation du foyer épileptique (les signes
psychiques survenant pendant ou au décours de la crise peuvent égarer le diagnostic. Un
syndrome délirant et/ou une altération cognitive sont mis sur le compte d’un état démentiel
ou confusionnel) ; 3) les traitements antiépileptiques administrés ; 4) l’impact psychosocial
de la maladie. À l’inverse, l’épilepsie représente une complication méconnue et sousestimée des pathologies démentielles en général et de la maladie d’Alzheimer en particulier. Si les crises partielles prédominent chez les sujets âgés non déments, il n’est pas rare
de rencontrer des crises généralisées (tonico-cloniques, myocloniques...) chez les patients
déments. Faire un diagnostic d’épilepsie et caractériser une crise, dans cette population,
reste donc un exercice difficile et impose, dans tous les cas, un bilan étiologique pour
rechercher une cause, et une prise en charge thérapeutique et psychosociale, tant les
conséquences médico-sociales de l’épilepsie peuvent être néfastes chez ces patients.
Mots clés : cognition, démence, épilepsie, sujet âgé, médicament antiépileptique
Abstract. Cognitive and behavioral disorders can occur in epileptic subjects and can even
simulate dementia in elderly patients. These cognitive disorders are often multifactorial, in
relationship with: 1) the causal disease (type and course of brain lesions), 2) the clinical
manifestations of epileptic seizure or post-crisis fit, function of localisation and lateralization of the lesions (psychological symptoms during or after seizures can lead to misdiagnosis. Delirium and/or cognitive disorders are attributed to dementia or confusion), 3) antiepileptic drugs, and 4) the psychosocial impact of the disease. At the opposite, epilepsy
represents an unrecognized and underated complication of dementia, and specially of
Alzheimer’s disease. If partial seizures are predominant in old non demented subjects,
generalized seizures (tonicoclonic, myoclonic...) are not rare in demented patients. The
diagnosis of epilepsy and seizure typology are therefore often difficult in this population,
and impose, in every case, an etiological analysis, to look after an associated pathology and
to establish a therapeutic and psychosocial care, so great are the medico-social consequences of the epilepsy in these subjects.
Key words: elderly, cognition, dementia, epilepsy, antiepileptic drug
doi: 10.1684/pnv.2007.0097
L
a cognition peut être définie comme la capacité
d’une personne à penser, ou plus précisément
à utiliser les informations sur et en provenance
de l’environnement d’une manière adaptée. La cognition et le comportement sont, en quelque sorte, les
chemins que va emprunter le sujet pour interagir avec
le monde et ses habitants.
Des perturbations cognitives et comportementales
peuvent survenir au cours d’une épilepsie, et même en
imposer pour un état démentiel [1]. Elles sont le fait
d’une multitude de facteurs plus ou moins liés, incluant
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les aspects neuropathologiques de la pathologie causale, les décharges (ictales et interictales), les traitements antiépileptiques et les conséquences psychosociales comme l’attitude de l’entourage ou le propre
regard du patient sur lui-même [2]. Les patients âgés
présentant une épilepsie n’échappent pas à ces « complications », même si l’impact de cette altération cognitive n’est toujours pas bien compris [3]. Les études
épidémiologiques ont montré, par ailleurs, qu’ils
avaient un plus grand risque de développer progressivement une réelle démence [4-6].
S31
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Si les études épidémiologiques récentes ont révélé
une répartition bimodale de l’épilepsie selon l’âge avec
un second pic de fréquence après 60 ans [7-9], il est
aussi apparu que les crises d’épilepsie sont plus fréquentes chez les patients déments que chez les sujets
de même âge non déments [10, 11]. Les causes en sont
principalement les démences de type Alzheimer et les
démences vasculaires.
Ce sont ces deux aspects de la question, troubles
cognitifs et démentiels chez les patients âgés épileptiques et épilepsie chez les patients déments auxquels
cet article est consacré.
Troubles cognitifs et démentiels
chez les patients âgés épileptiques
Causes et neuropathologie
Une série de troubles cognitifs a été décrite dans les
épilepsies, liés à des localisations précises, qui sont
généralement en rapport avec les fonctions physiologiques présumées du site anatomique du foyer comitial.
Par exemple, les déficits mnésiques les plus importants
ont été rapportés chez les patients ayant une épilepsie
temporale [2]. En particulier, les foyers temporaux gauches sont plus souvent associés à des déficits de la
mémoire verbale, alors que les déficits mnésiques
visuels sont plus caractéristiques des atteintes droites.
Par ailleurs, les conséquences cognitives d’une
atteinte d’un même site peuvent être différentes en
fonction de la pathologie sous-jacente. Dans des séries
chirurgicales de lobectomie temporale pour épilepsie,
la sclérose hippocampique était corrélée à une plus
grande altération de l’efficience cognitive globale, des
capacités de langage et visuo-spatiales et des performances mnésiques que les autres causes [2]. Parmi les
causes des épilepsies diagnostiquées chez le sujet âgé,
l’étiologie « lésionnelle » dominante est représentée
par les séquelles d’accidents vasculaires ischémiques
ou hémorragiques, observées dans 30 % des cas, et la
maladie d’Alzheimer (MA) dans 11,7 % des observations [12, 13]. Les autres étiologies sont : les lésions
expansives [14], les traumatismes crâniens et les
encéphalopathies toxico-métaboliques [15]. Dans ce
dernier cadre, il faut notamment rappeler le rôle de
l’hypoglycémie, de l’hypocalcémie, de l’hypo- ou de
l’hypernatrémie, de la défaillance polyviscérale, du surdosage en théophylline et du sevrage de benzodiazépines ou d’alcool [12].
Pour une pathologie donnée, la sévérité de l’atteinte
cognitive peut être reliée à l’extension des lésions [2].
S32
Enfin, plus l’ancienneté de l’épilepsie est grande,
plus les anomalies de la consommation cérébrale de
glucose sont importantes. Le dysfonctionnement cortical des patients présentant une maladie de longue
durée pourrait être la cause des déficits cognitifs observés [16].
Cependant, il faut remarquer que la littérature sur le
sujet porte en général sur une population jeune, ayant
commencé son épilepsie le plus souvent dans l’enfance,
dont le prototype est l’épilepsie temporale réfractaire
[17]. Dans cette dernière étude (population d’âge
moyen 43,8 ans), l’impact de la durée de l’épilepsie est
non négligeable car les résultats n’étaient pas significatifs pour une évolution de moins de trois décennies et
un haut niveau socio-culturel qui serait, comme dans la
maladie d’Alzheimer, un facteur protecteur.
Bien que la prévalence de l’épilepsie dans la population âgée soit élevée [7-9], peu d’études ont examiné
son retentissement cognitif. Martin et al. [18] ont comparé, sur ce plan, des patients âgés de plus de 60 ans
(âge moyen 64,6 ± 3,9 ans) présentant une épilepsie
partielle chronique réfractaire à une population
contrôle appariée sur des critères démographiques.
L’altération cognitive était apparente chez les sujets
épileptiques et ce, indépendamment de l’âge de début
des crises et de la durée de l’épilepsie, sauf pour le
sous-score mnésique de l’échelle de Mattis. Les
auteurs soulignaient cependant les limites de l’étude
(faiblesse de l’échantillon, hétérogénéité des patients
et du bilan diagnostique). Ils soulignaient aussi le fait
que la plupart des patients avaient présenté leurs premières crises avant 40 ans et avaient donc une maladie
évoluant depuis plus de 30 ans. Cette étude ne permet
donc pas de répondre à la question des répercussions
cognitives des épilepsies nouvellement diagnostiquées
chez les sujets âgés.
La même équipe a montré que des patients épileptiques âgés (âge moyen de 64,7 ans) présentaient des
performances plus basses aux tests évaluant l’efficience globale, les fonctions exécutives et mnésiques,
que des patients répondant aux critères de MCI mnésique (amnestic mild cognitive impairment). Pour les
deux premières mesures (efficience globale et fonctions exécutives), l’importance du rôle de la polythérapie notamment anticomitiale était soulignée [3].
Décharges neuronales
Les crises partielles complexes représentent plus de
50 % des crises nouvellement diagnostiquées chez les
sujets âgés [19]. Dans une série rétrospective de 100
patients âgés de plus de 65 ans ayant présenté des
crises à début tardif, avec une évaluation électro-
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clinique associée à l’examen du scanner cérébral, les
crises étaient partielles dans 61 % des cas, mais fréquemment secondairement généralisées (41 %).
Les difficultés diagnostiques sont majeures dans
cette population, même pour les crises généralisées
tonico-cloniques (CGTC) de diagnostic apparemment
facile. En effet, ces CGTC sont suivies, chez les patients
âgés, d’un état post-critique déficitaire plus prolongé,
alors que les pertes d’urine et les morsures de langue
(difficiles à mettre en évidence chez des sujets édentés)
sont moins fréquentes. L’observateur, professionnel ou
pas, arrivant après la crise, sera alors confronté à une
confusion mentale et/ou un déficit neurologique. La
présence de signes psychiques, comme seule manifestation de l’épilepsie, peut égarer le diagnostic : syndrome délirant et/ou altération cognitive seront mis sur
le compte d’un état démentiel ou confusionnel [20].
Dans le cadre des crises partielles, les perturbations
cognitives et/ou comportementales d’origine comitiale
peuvent revêtir différents aspects.
Au sein des crises partielles simples (c’est-à-dire
sans rupture du contact ou altération de la conscience),
on distinguera les manifestations concernant le langage et celles qui touchent la mémoire. Ainsi, on
observe une grande fréquence, chez le sujet âgé, des
crises à type d’arrêt paroxystique de la parole ou du
langage, volontiers confondues avec un accident ischémique. La distinction avec des manifestations psychogènes (en particulier avec des attaques de panique
dont le profil évolutif est plus long que dans la symptomatologie comitiale) peut aussi être très délicate [21,
22]. À l’opposé, l’amnésie antérograde comme manifestation isolée de crises, s’associant à un comportement parfaitement adéquat, est rare (30 % des amnésies épileptiques) [23, 24]. La confusion avec un ictus
amnésique ou un accident ischémique transitoire est
fréquente. La répétition des épisodes, plus rarement
les anomalies de l’électroencéphalogramme (EEG) et la
bonne réponse aux antiépileptiques, permettent un
diagnostic souvent tardif [25]. Palmini et al. [23] postulent que les crises purement amnésiques résultent
d’une inactivation sélective ictale des structures temporales mésiales sans participation du cortex, un peu
comme une paralysie de Todd du système limbique.
L’activité épileptique se propagerait rapidement d’un
hippocampe à l’autre, via la commissure hippocampique dorsale.
Au sein des crises partielles complexes, certaines
manifestations semblent également plus particulières à
la population âgée, telles que des troubles de conscience ou un état confusionnel isolés. Dans ce cadre,
Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° spécial 1, septembre 2007
les troubles de mémoire, associés à un trouble plus ou
moins net de la vigilance, peuvent fluctuer dans le
temps et en imposer pour un état démentiel [23]. Tatum
et al. [1] ont rapporté 5 cas de patients se présentant
comme déments et pour lesquels le dysfonctionnement mnésique était dû à des crises partielles complexes non reconnues (un patient avait 79 ans, deux 70 et
les deux autres étaient un peu plus jeunes). Dans cette
étude, la plainte mnésique persistait alors même que
l’EEG ne montrait plus d’anomalie sur l’enregistrement. Les auteurs rejoignaient ainsi Tassinari et al. [26]
qui avaient décrit l’amnésie globale et transitoire épileptique comme un phénomène post-ictal. Des degrés
variables d’anomalies de la mémoire antérograde et
rétrograde peuvent être observés en péri-ictal. Tous les
patients de Tatum et al. [1] se plaignaient de troubles
de mémoire identiques à ceux qui sont rencontrés dans
la maladie d’Alzheimer, mais aucun ne répondait aux
critères de démence. La symptomatologie se présentait
comme de discrets épisodes d’amnésie ou comme une
altération de la mémoire d’évolution plus insidieusement fluctuante.
Toutefois, ce type de manifestations comitiales
n’épargne pas les patients souffrant de maladie
d’Alzheimer [27].
L’EEG prolongé peut apporter le diagnostic, là où
l’EEG standard de routine s’est avéré normal. Les 5
patients de Tatum et al. [1] n’avaient pas d’anomalies
de l’EEG standard initial. Chez 4 des 5 patients, les
anomalies électriques secondairement mises en évidence suggéraient une origine temporale gauche.
L’état de mal épileptique (EM) du sujet âgé peut
revêtir l’aspect d’un état confusionnel, d’une démence
Points clés
• Au sein des crises partielles simples, on observe
une grande fréquence de crises à type d’arrêt
paroxystique de la parole ou du langage.
• Les états confusionnels sont des manifestations
épileptiques particulièrement fréquentes chez le
sujet âgé.
• Un EEG intercritique normal n’élimine pas le diagnostic.
• La survenue d’une première crise comitiale dans
l’évolution d’une pathologie démentielle doit faire
avant tout rechercher un facteur associé : le rôle des
médicaments et des troubles métaboliques est
majeur.
• La maladie d’Alzheimer augmente par 6 le risque
de faire une crise comitiale.
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L. Volpe-Gillot
ou d’une psychose aiguë, récente, fluctuante ou stable,
isolée ou associée à d’autres signes d’orientation
comme des crises convulsives. L’EEG, lorsqu’il peut
être réalisé, établit le diagnostic et précise, quand la
clinique ne le permet pas, l’état de mal généralisé,
temporal et frontal...
On distingue [28, 29] :
1) l’état d’absence ou état de mal généralisé à expression confusionnelle (encore appelé petit mal status) envisagé chez un patient confus, non réactif ou somnolent, qui présente des myoclonies périoculaires qui,
lorsqu’il n’y a pas de convulsions, orientent d’emblée
vers cette étiologie. Les anomalies EEG sont faites de
pointes-ondes ou polypointes-ondes généralisées ou à
prédominance antérieure et sont particulièrement sensibles à l’injection de clonazépam. Souvent liés à une
situation particulière (toxique, métabolique ou médicamenteuse, dont les benzodiazépines), les états d’absences ne relèvent pas d’un traitement au long cours ;
2) l’état de mal partiel complexe d’origine temporale se
présente comme une confusion permanente ou fluctuante et s’associe volontiers à une dysthymie à tonalité désagréable ou, plus généralement, à une altération de la sphère émotionnelle et à des automatismes.
Les anomalies EEG sont localisées dans les régions
temporales ou fronto-temporales, de manière uni- ou
bilatérale. Le test au clonazépam est inefficace ou transitoirement efficace ;
3) l’état de mal partiel complexe d’origine frontale
(encore appelé petit mal status « borderline ») se manifeste par un tableau dans lequel obnubilation, perte
d’initiative motrice et difficultés de programmation
s’associent à une désinhibition ou à des troubles du
comportement à tonalité euphorique et à des persévérations. Les tracés EEG révèlent des anomalies frontales (foyer frontal polaire uni- ou bilatéral). Là aussi, le
test au clonazépam est inefficace ou n’est que transitoirement efficace. La cause est lésionnelle dans la moitié
des cas, ce qui impose un examen neuroradiologique.
L’état confusionnel aigu est une urgence médicale
fréquente chez la personne âgée (14 à 56 % des personnes hospitalisées selon les auteurs), accompagnée
d’une comorbidité et d’une surmortalité importantes
[29]. Reconnaître la confusion comme un symptôme de
crises partielles complexes ou d’un état de mal est un
problème majeur en gériatrie. L’examen clinique est
souvent pauvre, mais on doit prêter une attention particulière à la présence d’altérations de la sphère émotionnelle, d’un comportement euphorique, de clonies,
d’automatismes, d’une perte de l’initiative motrice ou
de difficultés de programmation, d’une fluctuation des
S34
troubles mnésiques, que le patient soit par ailleurs
dément ou pas. Y penser et recourir à l’électroencéphalographie est indispensable. Un EEG intercritique normal n’élimine pas le diagnostic. Si l’injection de clonazépam est préconisée comme test
thérapeutique et fait céder la confusion, il faut rappeler
qu’il peut provoquer une sédation [28].
Les traitements antiépileptiques
Si l’impact cognitif des traitements antiépileptiques
a été étudié de manière extensive, les publications
concernant spécifiquement la population âgée sont
très réduites [30]. Or, les déficits cognitifs et les troubles comportementaux sont les effets secondaires les
plus fréquemment observés dans cette population, le
plus fréquent d’entre eux étant un ralentissement psychique.
Leur intensité est légère ou modérée [2] (tableau 1),
mais augmentée en cas de polythérapie [3, 18]. Dans
l’étude de Martin et al. [18], les patients qui recevaient
une monothérapie étaient plus performants dans les
tests évaluant l’attention, l’initiation, les persévérations
et la mémoire, que ceux qui recevaient une polythérapie et ce, indépendamment de la sévérité de la maladie.
Par ailleurs, chez les patients âgés, même un effet
cognitif mineur peut avoir une signification fonctionnelle considérable. Une plus grande susceptibilité aux
complications des traitements de l’état de mal épileptique du fait des comorbidités pourrait être une des causes du plus mauvais pronostic de l’état de mal après
60 ans [31].
Les anticomitiaux traditionnels sont plus délétères
que les nouveaux. Le phénobarbital semble présenter
le plus de risque de toxicité cognitive et comportementale [2]. La phénytoïne et, à un moindre degré, la carbamazépine ne sortent pas « indemnes » des études.
L’acide valproïque, même lorsque sa concentration se
situe dans la zone thérapeutique, peut altérer l’attention, les fonctions visuo-motrices, les épreuves complexes de prise de décision et la vitesse psychomotrice.
Quelques cas ont été rapportés de la survenue d’une
altération cognitive et d’un syndrome parkinsonien au
cours d’un usage chronique [2]. Une comparaison en
simple aveugle a été réalisée entre valproate (dose
maximale de 1 000 mg) et phénytoïne (dose maximale
de 300 mg/j) chez 38 patients d’âge moyen 77 ans, qui
présentaient des crises à début tardif. Elle comportait
une importante batterie de tests et plusieurs évaluations au cours d’une année de suivi [30]. Les auteurs
rapportaient que la phénytoïne serait plus délétère,
avec notamment un effet sédatif. En fait, peu de différences ont été observées entre les deux traitements, et
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Troubles cognitifs, démence et épilepsie
Tableau 1. Effets cognitifs des traitements antiépileptiques [2].
Table 1. Cognitive side effects of antiepileptic drugs [2].
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Traitements anticomitiaux
Acide valproïque
Benzodiazépines
Carbamazépine
Gabapentin
Lamotrigine
Lévétiracétam
Oxcarbazépine
Phénobarbital
Phénytoïne
Primidone
Topiramate
Tiagabine
Vigabatrin
Zonisamide
Cognition altérée
aux doses thérapeutiques
++
++++
+/++
0
0
0
0
+++++
+++
++++
+++
0
+
0
plutôt aux dépens du valproate (en particulier pour le
temps de réaction). Les auteurs concluaient toutefois
que les modifications cognitives observées avec les
deux médications étaient mineures.
Parmi les nouveaux traitements, le topiramate pourrait occasionner de sérieux troubles cognitifs [32]. À
l’opposé, les études portant sur la lamotrigine n’en ont
pas mis en évidence [2, 33, 34]. Dans une étude comparant, en double aveugle, la lamotrigine avec la carbamazépine, l’efficacité a été jugée comparable, mais les
sorties d’études et les plaintes quant à une somnolence
étaient moindres avec le premier traitement. De même,
le gabapentin est considéré comme un traitement particulièrement bien toléré, même si une certaine sédation a été rapportée à hautes doses, entre 2 et 4 g par
jour [35]. Une équipe a comparé la tolérance cognitive
de la carbamazépine et du gabapentin chez 34 patients
dont l’âge moyen était de 66,5 ans (de 59 à 76 ans) qui
recevaient un des 2 médicaments pendant 5 semaines,
puis le second après une période de wash out de
4 semaines (les doses cibles étant respectivement de
800 mg et 2 400 mg/jour). Les différences observées
entre les 2 antiépileptiques étaient modestes avec,
néanmoins, un avantage pour le gabapentin aux doses
et titrations citées. Cependant, les patients sous traitement présentaient des performances significativement
plus basses en mémoire verbale (rappel d’un passage
en prose) et en vitesse de traitement que les sujets
contrôles, différence représentant un écart de 0,5 à 1
déviation standard [36]. Une étude parallèle randomisée en double aveugle et double placebo, a été réalisée
dans 18 centres, incluant 593 patients d’âge moyen de
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Champs cognitifs potentiellement altérés
Vitesse de traitement, attention, mémoire
Vitesse de traitement, attention, mémoire
Vitesse de traitement, attention, mémoire
Vitesse de traitement, attention, mémoire
Vitesse de traitement, attention, mémoire
Vitesse de traitement, attention, mémoire
Vitesse de traitement, attention, mémoire, dénomination
Vitesse de traitement
72 ans qui présentaient une épilepsie nouvellement
diagnostiquée pour comparer la carbamazépine, le
gabapentin et la lamotrigine. Le principal facteur limitant le maintien des patients dans l’étude était la survenue d’événements indésirables médicamenteux.
Les résultats étaient meilleurs sous lamotrigine
(150 mg/jour) ou gabapentin (1 500 mg/jour) que sous
carbamazépine (600 mg/jour) : troubles cognitifs chez
32,4 % des patients sous carbamazépine, 29,9 % de
ceux sous gabapentin et 23 % de ceux sous lamotrigine, ces différences n’étant pas statistiquement significatives [37].
En fait, deux antiépileptiques anciens, la carbamazépine et le valproate de sodium, et deux nouveaux, le
gabapentin et la lamotrigine, sont considérés comme
des monothérapies de première intention chez le sujet
âgé. Le gabapentin et la lamotrigine présentent l’avantage d’être mieux tolérés, notamment au niveau cognitif [32, 34, 36-41].
Les aspects psychosociaux
L’épilepsie a longtemps été une maladie mal comprise et stigmatisée, ce qui a contribué à la détérioration de la qualité de vie des patients et à un retentissement sur le développement affectif personnel, l’estime
de soi, l’humeur, le comportement et les capacités
cognitives [2]. Cet aspect n’a pas été étudié dans la
population âgée.
Sur 163 patients âgés de plus de 60 ans, présentant
une épilepsie nouvellement diagnostiquée, 152 pouvaient « assumer » un maintien au domicile mais 97
d’entre eux nécessitaient une aide permanente. Le sta-
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L. Volpe-Gillot
tut marital, l’existence d’une démence et la présence de
signes focaux influençaient ce fonctionnement social
mais pas l’âge. Par comparaison, un groupe de sujets
de même âge qui présentaient une épilepsie antérieure
à la période de l’étude ne montrait pas ce retentissement, ce qui a amené les auteurs à la conclusion que
l’épilepsie, en elle-même, n’influençait pas le statut
social. Les patients seraient cependant plus à risque de
développer une démence par rapport à une population
présentant une maladie de Parkinson ou un traumatisme crânien sévère [5] et ce risque serait diminué
chez les sujets de haut niveau socioculturel [17].
Cependant, le déclin cognitif observé chez les sujets
âgés présentant une épilepsie les prédispose à des
effets délétères potentiels dans leur fonctionnement
social, leur autonomie et influence le placement en
maison de retraite, alors même qu’ils ne répondent pas
strictement aux critères de démence [3, 7].
L’épilepsie chez les patients
déments
Épidémiologie et étiologies
Parmi les étiologies des épilepsies diagnostiquées
chez les sujets âgés, on observe 3 à 16 % de démence,
soit un cas sur 6 ou 7 [12].
La survenue d’une première crise comitiale dans
l’évolution d’une pathologie démentielle doit faire
avant tout rechercher un facteur associé sur un terrain
fragilisé par les lésions cérébrales : le rôle des médicaments et des troubles métaboliques est majeur. Le rôle
dans la survenue d’une crise, même chez le patient non
dément, de l’arrêt brutal des neurosédatifs et des
anxiolytiques ou d’autres médications doit être souligné. Pour bien relever l’importance de cette étiologie, il
convient de savoir que la très grande majorité des états
de mal (EM) à expression confusionnelle a comme origine immédiate un tel facteur [19]. Tous les désordres
métaboliques peuvent entraîner des crises et sont favorisés par les pathologies associées aux démences [42].
• Maladie d’Alzheimer et épilepsie
Parmi la population présentant une maladie
d’Alzheimer, en fonction des études, la prévalence de
l’épilepsie peut aller de 9 à 64 % [43]. En moyenne, on
retrouve la présence de crises d’épilepsie dans 16 %
des cas. Il faut mettre à part les myoclonies, observées
dans 12 % des cas. Ainsi, la MA augmente par 6 le
risque de crise (OR : 6,2 ; IC 95% : 2,2 - 17) [44]. Il s’agit
d’un chiffre obtenu en population, avec un groupe
contrôle (population âgée de plus de 55 ans à Roches-
S36
ter dans le Minnesota, étudiée sur 30 ans) et après
avoir exclu les événements comitiaux survenant chez
des patients ayant des facteurs de risque comitiaux
connus (épisode d’accident vasculaire cérébral, infection du système nerveux central, traumatisme crânien
suffisamment sévère, chirurgie ou tumeur cérébrale,
retard mental, paralysie cérébrale). Ces résultats mettent en lumière un risque un peu plus important de
crise généralisée (risque multiplié par 7) par rapport
aux crises partielles (OR à 5), sachant que la classification a été effectuée a posteriori, à partir de la description figurant dans les dossiers médicaux. Enfin, considérant qu’une crise ne suffit pas à poser le diagnostic
d’épilepsie, on note que 65 % des patients au terme de
l’observation ont présenté une seconde crise non
provoquée.
Certains auteurs se sont aussi intéressés à la responsabilité de la maladie d’Alzheimer dans certains
états de mal partiels complexes du sujet âgé, posant la
question de la responsabilité de la pathologie dégénérative dans leur pronostic particulièrement mauvais
après 60 ans [31].
Si, pour certains auteurs, le risque existe à tous les
stades de la maladie dégénérative [10], pour d’autres, il
est lié à la durée d’évolution et apparaît donc plutôt
tardivement [45]. Pour Romanelli et al. [11], 23 % des
patients atteints de démence sévère (stade 3 à la Clinical dementia rating) ont manifesté au moins une crise
alors qu’ils n’étaient que 16 % lorsque tous les stades
étaient confondus. Les crises apparaissent en
moyenne après 3,3 ans pour Hesdorffer [44], après
6 ans pour Mendez et Lim [38]. Dans la série anatomopathologique de Hauser et al. [10], sur 83 cas de
patients ayant une MA vérifiée anatomiquement, la
prévalence des crises convulsives après une durée
moyenne d’évolution de 6,5 ans était de 12 % et celle
des crises récurrentes (définition de l’épilepsie) de
10 %. Dans les critères diagnostiques de la NINCDSADRDA pour la maladie d’Alzheimer, la présence de
crises épileptiques est clairement mentionnée dans les
symptômes neurologiques susceptibles d’être associés
à la maladie, mais en spécifiant qu’elles surviennent à
un stade tardif. En pratique, la survenue précoce de
crises sans autre facteur explicatif doit remettre en
cause le diagnostic de MA.
Le risque d’épilepsie serait plus important pour les
formes à début précoce, qui sont également réputées
pour la plus grande sévérité de leur évolution [45].
Ainsi Sulkava [46] a observé une prévalence de 11 %
quand l’âge de début de la démence était inférieur à
65 ans, contre 6 % lorsque la maladie débutait après
Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° spécial 1, septembre 2007
Troubles cognitifs, démence et épilepsie
65 ans chez des patients institutionnalisés. Globalement, les sujets qui présentent des crises auraient un
début plus précoce que ceux qui n’en présentent pas.
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• Autres démences et épilepsie
Le risque d’épilepsie pour la population présentant
une autre démence n’est pas clair, mais il semblerait
plus élevé pour la démence vasculaire et l’encéphalopathie spongiforme de Creutzfeldt-Jakob. Dans l’étude
en population de Rochester [44], les auteurs ont montré
que non seulement le risque d’épilepsie associé à la
démence n’était pas limité à la maladie d’Alzheimer,
mais qu’il ne se réduisait pas non plus à une origine
vasculaire, puisque les patients présentant un AVC cliniquement détectable avant leur première crise avaient
été exclus. Pour ces autres démences (qui représentaient près de la moitié des cas diagnostiqués comme
ayant une maladie d’Alzheimer), le risque de survenue
d’une épilepsie était augmenté d’un facteur 8 (IC 95% :
2,0-33, 3). Les auteurs suggèrent que n’importe quel
processus pathologique assez sévère pour entraîner un
déclin cognitif peut être associé à un risque augmenté
de crises comitiales.
Les encéphalopathies vasculaires représentent la
cause la plus fréquente d’épilepsie du sujet âgé associée
à une démence, qu’il s’agisse de crises partielles ou
généralisées. Elles surviennent au stade aigu ou séquellaire d’un AVC entraînant des lésions corticales, excluant
donc les états lacunaires [47]. Certains auteurs commencent cependant à discuter le potentiel épileptogène
de certaines lésions sous-corticales. L’angiopathie
amyloïde associe des accidents ischémiques transitoires, des AVC ischémiques régressifs, des hémorragies
lobaires et une évolution vers une démence. Elle
comporte souvent des crises d’épilepsie partielles. Il
s’agit d’une pathologie des petites et moyennes artères
cérébrales [48].
Pour l’encéphalopathie de Creutzfeldt-Jakob, les critères diagnostiques de Budka et al. [49] associent un
EEG typique avec au moins deux des manifestations
cliniques suivantes : 1) myoclonies ; 2) troubles visuels
ou cérébelleux ; 3) dysfonctionnement pyramidal ou
extrapyramidal ; 4) mutisme akinétique, dans le cadre
d’une maladie probable sporadique. Le diagnostic est
possible si l’EEG est atypique ou en l’absence d’EEG et
si la durée est de moins de 2 ans. Les myoclonies sont
habituellement réfractaires aux anticomitiaux et les
anomalies électroencéphalographiques sont triphasiques et rythmiques (activités lentes pseudopériodiques).
Au sein des pathologies dégénératives autres que la
MA, dans la démence fronto-temporale (DFT), l’épilep-
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sie semble rare en dehors du syndrome associant une
DFT, un syndrome parkinsonien et une épilepsie, qui
correspond à une mutation du gène de la protéine tau
sur le chromosome 17 [50]. Dans les démences de type
sous-cortical (maladie de Parkinson, de Huntington,
paralysie supranucléaire progressive), l’épilepsie apparaît également très rare. Dans la démence à corps de
Lewy, les critères cliniques actuellement retenus présentent des points communs avec la pathologie comitiale chez le patient dément tels que les fluctuations
cognitives et/ou de la vigilance, la survenue de confusions et/ou de chutes inexpliquées. Ainsi, il est parfois
difficile de faire un diagnostic étiologique précis sur
l’anamnèse d’un épisode neurologique transitoire survenant au cours de la maladie dégénérative, surtout si
cette dernière n’est pas étiquetée. Par ailleurs,
d’authentiques crises peuvent aussi émailler l’évolution de cette maladie dégénérative [51].
Dans l’encéphalopathie associée au VIH, l’épilepsie
survient plutôt à un stade évolué et est associée à la
démence.
La maladie de Whipple, due à un bacille à Gram
positif, représente une cause exceptionnelle de
démence. Elle associe une ophtalmoplégie supranucléaire, des myoclonies, des myorythmies oculomasticatrices, mais aussi des crises comitiales, une atteinte
pyramidale et un syndrome neuroendocrinien. Elle est
potentiellement curable par antibiothérapie.
Enfin, la sclérose hippocampique (SH), syndrome
anatomopathologique relevant de causes variées, bien
connue des épileptologues, fait aussi partie du cadre
des démences. Cette pathologie caractérisée par des
lésions hippocampiques avec une perte neuronale et
une gliose sévères dans le secteur CA1 d’où partent les
neurones effecteurs de l’hippocampe peut être associée à des lésions de MA (voire de démence frontotemporale ou de démence à corps de Lewy) ou isolée.
Le diagnostic clinique porté, même dans ce dernier cas,
est souvent celui de MA. Dans la plupart des cas, les
causes habituelles de SH (épilepsie, anoxie) ne sont
pas retrouvées et ceci pose la question d’une possible
origine dégénérative. La fréquence des crises est qualifiée de rare par la plupart des auteurs [52-54] mais
Josephs et al. [55] ont rapporté le cas d’un patient de
78 ans, qui se présentait avec une démence semblable
à une MA et une épilepsie réfractaire à début tardif.
L’examen autopsique effectué à l’âge de 91 ans a montré une SH. Ces auteurs posent la question du rôle
spécifique de la SH dans une épilepsie réfractaire nouvellement diagnostiquée, débutant à un âge tardif, au
cours d’un déclin cognitif.
S37
L. Volpe-Gillot
Particularités de l’épilepsie
chez les patients déments
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• Problèmes du diagnostic des crises
Les problèmes rencontrés pour faire un diagnostic
d’épilepsie chez les sujets âgés sont décuplés chez les
patients déments [56] : l’interrogatoire n’est pas fiable,
l’absence de témoin est fréquente, la clinique est extrêmement variée, conduisant à méconnaître de nombreuses crises partielles. Des crises peuvent être prises
pour des symptômes de la démence sous-jacente [11]
et vice-versa. Il faut savoir évoquer une épilepsie
devant des automatismes orofaciaux ou des membres
(les crises partielles motrices sont particulièrement fréquentes chez les sujets âgés, avec une incidence élevée
de crises émanant des régions frontales ou pariétales),
des chutes inexpliquées ou des malaises, des troubles
de la vigilance ou de l’attention transitoires, des épisodes récurrents de confusion, des fluctuations des performances cognitives, une aggravation aiguë ou
subaiguë inexpliquée de la démence, des signes
focaux tels qu’une hémiplégie sans signes d’accident
vasculaire cérébral.
Rabinowicz et al. [27] ont rapporté deux patients qui
avaient présenté une amnésie transitoire d’origine épileptique s’inscrivant sur une amnésie progressive liée à
une MA. Ils avaient une incapacité à rappeler une quelconque information ayant trait à cette période et une
désorientation dans les lieux familiers qui contrastaient
avec l’état de base. À noter que le profil neuropsychologique des deux patients n’a pas changé après traitement. Le phénomène de Todd (comme la confusion)
peut se prolonger des jours, voire des semaines.
Il faut rappeler le problème du diagnostic des crises
survenant pendant le sommeil, souvent suspectées sur
des signes indirects (perte d’urines, qui peut passer
inaperçue chez le sujet incontinent, chute du lit, désordre dans la chambre ou fatigue au réveil).
L’EEG prend toute sa place dans l’aide au diagnostic. Les modifications électriques de la MA sont caractérisées par un ralentissement du rythme occipital dominant, une augmentation de l’activité lente diffuse et une
diminution de l’activité alpha et thêta. Dans certains
cas, on observe des pointes et des ondes (rarement
quand la démence est légère), mais le caractère véritablement épileptique de ces anomalies est controversé
[57]. Elles peuvent être observées chez des patients
atteints d’une MA sans histoire de crises. Les patients
présentant une démence, quelques fluctuations intermittentes et des anomalies EEG intercritiques devraient
être traités par des anticomitiaux de manière empirique. Il faut cependant garder à l’esprit que même si ces
S38
phénomènes sont sous-diagnostiqués, la plupart des
fluctuations dans la MA n’est pas liée à des crises.
• Conséquences des crises
En dehors des effets sur la cognition (confusion
prolongée, aggravation de l’état cognitif antérieur...),
les autres particularités chez les patients déments tiennent aux conséquences elles-mêmes des crises. Du fait
de leur plus grande fragilité, ces patients sont plus
susceptibles de présenter des chutes, des fractures,
des hémorragies cérébrales lors des crises. Les fractures, en particulier, peuvent être particulièrement problématiques si l’ostéopénie ou l’ostéomalacie est exacerbée par les anticomitiaux comme la phénytoïne.
• Traitement anticomitial et démence
Pour la plupart des traitements anticomitiaux, la
sévérité des effets secondaires, tels que le ralentissement, est légère à modérée, mais les patients présentant une démence y seraient particulièrement vulnérables [58]. Mendez et Lim [38] pensent que dans la MA et
les maladies apparentées, ce ralentissement peut grandement majorer les déficits cognitifs, mnésiques et
autres, qui caractérisent ces pathologies.
À côté des effets secondaires, la bonne prise du
traitement peut être un point particulièrement crucial
dans le suivi d’une épilepsie chez un patient dément. La
prise de midi est un problème quel que soit l’âge, mais
les troubles mnésiques, augmentent la difficulté.
Aucun traitement anticomitial, y compris le gabapentin, n’impose obligatoirement 3 prises quotidiennes,
2 suffisent [59].
Conclusion
Les liens entre troubles cognitifs, démence et épilepsie chez les sujets âgés sont multiples et variés, que
l’on se place du point de vue des troubles cognitifs
voire démentiels survenant au cours d’une épilepsie
ou, à l’inverse, que l’on étudie la place de l’épilepsie
dans l’évolution, les complications d’une pathologie
démentielle, notamment de type MA.
Ils ont en commun cependant d’avoir été relativement peu étudiés dans le cadre des épilepsies nouvellement diagnostiquées chez les sujets âgés et certainement sous-estimés. Pourtant, l’impact de ces liens n’est
pas négligeable dans la prise en charge de cette population, aussi bien sur le plan diagnostique que thérapeutique. La symptomatologie protéiforme doit être
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Troubles cognitifs, démence et épilepsie
étudiée attentivement, le recours à l’EEG, parfois
répété, doit être intensifié et le rôle des médicaments,
qu’ils soient de type anticomitial ou utilisés dans le
cadre de la démence doit être pris en compte dans la
survenue de ces troubles.
D’autres études ciblées sur cette population
seraient néanmoins nécessaires pour mesurer l’impact
médico-social des rapports existant entre troubles
cognitifs, démence et épilepsie et améliorer la prise en
charge des patients.
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