Synthèse
Troubles cognitifs, démence et épilepsie
Cognitive disorders, dementia and epilepsy
in the elderly
LISETTE VOLPE-GILLOT
Service de médecine interne
et gériatrie, Centre Mémoire
et Hôpital de jour
d’évaluation gériatrique,
Hôpital Saint Joseph, Paris
Service de neurologie,
Hôpital Henri Mondor, Créteil
Équipe Avenir, Inserm U421,
Créteil
Résumé. Des perturbations cognitives et comportementales peuvent survenir au cours
d’une épilepsie et même en imposer pour un état démentiel chez les sujets âgés. Ces
troubles cognitifs sont souvent multifactoriels, en rapport avec : 1) la pathologie causale
(type de lésion, évolutivité ...) ; 2) les manifestations cliniques de décharges ictales et/ou
interictales, fonction de la localisation et de la latéralisation du foyer épileptique (les signes
psychiques survenant pendant ou au décours de la crise peuvent égarer le diagnostic. Un
syndrome délirant et/ou une altération cognitive sont mis sur le compte d’un état démentiel
ou confusionnel) ; 3) les traitements antiépileptiques administrés ; 4) l’impact psychosocial
de la maladie. À l’inverse, l’épilepsie représente une complication méconnue et sous-
estimée des pathologies démentielles en général et de la maladie d’Alzheimer en particu-
lier. Si les crises partielles prédominent chez les sujets âgés non déments, il n’est pas rare
de rencontrer des crises généralisées (tonico-cloniques, myocloniques...) chez les patients
déments. Faire un diagnostic d’épilepsie et caractériser une crise, dans cette population,
reste donc un exercice difficile et impose, dans tous les cas, un bilan étiologique pour
rechercher une cause, et une prise en charge thérapeutique et psychosociale, tant les
conséquences médico-sociales de l’épilepsie peuvent être néfastes chez ces patients.
Mots clés : cognition, démence, épilepsie, sujet âgé, médicament antiépileptique
Abstract. Cognitive and behavioral disorders can occur in epileptic subjects and can even
simulate dementia in elderly patients. These cognitive disorders are often multifactorial, in
relationship with: 1) the causal disease (type and course of brain lesions), 2) the clinical
manifestations of epileptic seizure or post-crisis fit, function of localisation and lateraliza-
tion of the lesions (psychological symptoms during or after seizures can lead to misdiagno-
sis. Delirium and/or cognitive disorders are attributed to dementia or confusion), 3) antiepi-
leptic drugs, and 4) the psychosocial impact of the disease. At the opposite, epilepsy
represents an unrecognized and underated complication of dementia, and specially of
Alzheimer’s disease. If partial seizures are predominant in old non demented subjects,
generalized seizures (tonicoclonic, myoclonic...) are not rare in demented patients. The
diagnosis of epilepsy and seizure typology are therefore often difficult in this population,
and impose, in every case, an etiological analysis, to look after an associated pathology and
to establish a therapeutic and psychosocial care, so great are the medico-social consequen-
ces of the epilepsy in these subjects.
Key words:elderly, cognition, dementia, epilepsy, antiepileptic drug
La cognition peut être définie comme la capacité
d’une personne à penser, ou plus précisément
à utiliser les informations sur et en provenance
de l’environnement d’une manière adaptée. La cogni-
tion et le comportement sont, en quelque sorte, les
chemins que va emprunter le sujet pour interagir avec
le monde et ses habitants.
Des perturbations cognitives et comportementales
peuvent survenir au cours d’une épilepsie, et même en
imposer pour un état démentiel [1]. Elles sont le fait
d’une multitude de facteurs plus ou moins liés, incluant
les aspects neuropathologiques de la pathologie cau-
sale, les décharges (ictales et interictales), les traite-
ments antiépileptiques et les conséquences psycho-
sociales comme l’attitude de l’entourage ou le propre
regard du patient sur lui-même [2]. Les patients âgés
présentant une épilepsie n’échappent pas à ces « com-
plications », même si l’impact de cette altération cogni-
tive n’est toujours pas bien compris [3]. Les études
épidémiologiques ont montré, par ailleurs, qu’ils
avaient un plus grand risque de développer progressi-
vement une réelle démence [4-6].
Psychol NeuroPsychiatr Vieil 2007;5(n°spécial 1) : S31-S40
doi: 10.1684/pnv.2007.0097
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Si les études épidémiologiques récentes ont révélé
une répartition bimodale de l’épilepsie selon l’âge avec
un second pic de fréquence après 60 ans [7-9], il est
aussi apparu que les crises d’épilepsie sont plus fré-
quentes chez les patients déments que chez les sujets
de même âge non déments [10, 11]. Les causes en sont
principalement les démences de type Alzheimer et les
démences vasculaires.
Ce sont ces deux aspects de la question, troubles
cognitifs et démentiels chez les patients âgés épilepti-
ques et épilepsie chez les patients déments auxquels
cet article est consacré.
Troubles cognitifs et démentiels
chez les patients âgés épileptiques
Causes et neuropathologie
Une série de troubles cognitifs a été décrite dans les
épilepsies, liés à des localisations précises, qui sont
généralement en rapport avec les fonctions physiologi-
ques présumées du site anatomique du foyer comitial.
Par exemple, les déficits mnésiques les plus importants
ont été rapportés chez les patients ayant une épilepsie
temporale [2]. En particulier, les foyers temporaux gau-
ches sont plus souvent associés à des déficits de la
mémoire verbale, alors que les déficits mnésiques
visuels sont plus caractéristiques des atteintes droites.
Par ailleurs, les conséquences cognitives d’une
atteinte d’un même site peuvent être différentes en
fonction de la pathologie sous-jacente. Dans des séries
chirurgicales de lobectomie temporale pour épilepsie,
la sclérose hippocampique était corrélée à une plus
grande altération de l’efficience cognitive globale, des
capacités de langage et visuo-spatiales et des perfor-
mances mnésiques que les autres causes [2]. Parmi les
causes des épilepsies diagnostiquées chez le sujet âgé,
l’étiologie « lésionnelle » dominante est représentée
par les séquelles d’accidents vasculaires ischémiques
ou hémorragiques, observées dans 30 % des cas, et la
maladie d’Alzheimer (MA) dans 11,7 % des observa-
tions [12, 13]. Les autres étiologies sont : les lésions
expansives [14], les traumatismes crâniens et les
encéphalopathies toxico-métaboliques [15]. Dans ce
dernier cadre, il faut notamment rappeler le rôle de
l’hypoglycémie, de l’hypocalcémie, de l’hypo- ou de
l’hypernatrémie, de la défaillance polyviscérale, du sur-
dosage en théophylline et du sevrage de benzodiazépi-
nes ou d’alcool [12].
Pour une pathologie donnée, la sévérité de l’atteinte
cognitive peut être reliée à l’extension des lésions [2].
Enfin, plus l’ancienneté de l’épilepsie est grande,
plus les anomalies de la consommation cérébrale de
glucose sont importantes. Le dysfonctionnement corti-
cal des patients présentant une maladie de longue
durée pourrait être la cause des déficits cognitifs obser-
vés [16].
Cependant, il faut remarquer que la littérature sur le
sujet porte en général sur une population jeune, ayant
commencé son épilepsie le plus souvent dans l’enfance,
dont le prototype est l’épilepsie temporale réfractaire
[17]
. Dans cette dernière étude (population d’âge
moyen 43,8 ans), l’impact de la durée de l’épilepsie est
non négligeable car les résultats n’étaient pas significa-
tifs pour une évolution de moins de trois décennies et
un haut niveau socio-culturel qui serait, comme dans la
maladie d’Alzheimer, un facteur protecteur.
Bien que la prévalence de l’épilepsie dans la popu-
lation âgée soit élevée [7-9], peu d’études ont examiné
son retentissement cognitif. Martin et al. [18] ont com-
paré, sur ce plan, des patients âgés de plus de 60 ans
(âge moyen 64,6 ± 3,9 ans) présentant une épilepsie
partielle chronique réfractaire à une population
contrôle appariée sur des critères démographiques.
L’altération cognitive était apparente chez les sujets
épileptiques et ce, indépendamment de l’âge de début
des crises et de la durée de l’épilepsie, sauf pour le
sous-score mnésique de l’échelle de Mattis. Les
auteurs soulignaient cependant les limites de l’étude
(faiblesse de l’échantillon, hétérogénéité des patients
et du bilan diagnostique). Ils soulignaient aussi le fait
que la plupart des patients avaient présenté leurs pre-
mières crises avant 40 ans et avaient donc une maladie
évoluant depuis plus de 30 ans. Cette étude ne permet
donc pas de répondre à la question des répercussions
cognitives des épilepsies nouvellement diagnostiquées
chez les sujets âgés.
La même équipe a montré que des patients épilep-
tiques âgés (âge moyen de 64,7 ans) présentaient des
performances plus basses aux tests évaluant l’effi-
cience globale, les fonctions exécutives et mnésiques,
que des patients répondant aux critères de MCI mnési-
que (amnestic mild cognitive impairment). Pour les
deux premières mesures (efficience globale et fonc-
tions exécutives), l’importance du rôle de la polythéra-
pie notamment anticomitiale était soulignée [3].
Décharges neuronales
Les crises partielles complexes représentent plus de
50 % des crises nouvellement diagnostiquées chez les
sujets âgés [19]. Dans une série rétrospective de 100
patients âgés de plus de 65 ans ayant présenté des
crises à début tardif, avec une évaluation électro-
L. Volpe-Gillot
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clinique associée à l’examen du scanner cérébral, les
crises étaient partielles dans 61 % des cas, mais fré-
quemment secondairement généralisées (41 %).
Les difficultés diagnostiques sont majeures dans
cette population, même pour les crises généralisées
tonico-cloniques (CGTC) de diagnostic apparemment
facile. En effet, ces CGTC sont suivies, chez les patients
âgés, d’un état post-critique déficitaire plus prolongé,
alors que les pertes d’urine et les morsures de langue
(difficiles à mettre en évidence chez des sujets édentés)
sont moins fréquentes. L’observateur, professionnel ou
pas, arrivant après la crise, sera alors confronté à une
confusion mentale et/ou un déficit neurologique. La
présence de signes psychiques, comme seule manifes-
tation de l’épilepsie, peut égarer le diagnostic : syn-
drome délirant et/ou altération cognitive seront mis sur
le compte d’un état démentiel ou confusionnel [20].
Dans le cadre des crises partielles, les perturbations
cognitives et/ou comportementales d’origine comitiale
peuvent revêtir différents aspects.
Au sein des crises partielles simples (c’est-à-dire
sans rupture du contact ou altération de la conscience),
on distinguera les manifestations concernant le lan-
gage et celles qui touchent la mémoire. Ainsi, on
observe une grande fréquence, chez le sujet âgé, des
crises à type d’arrêt paroxystique de la parole ou du
langage, volontiers confondues avec un accident isché-
mique. La distinction avec des manifestations psycho-
gènes (en particulier avec des attaques de panique
dont le profil évolutif est plus long que dans la sympto-
matologie comitiale) peut aussi être très délicate [21,
22]. À l’opposé, l’amnésie antérograde comme mani-
festation isolée de crises, s’associant à un comporte-
ment parfaitement adéquat, est rare (30 % des amné-
sies épileptiques) [23, 24]. La confusion avec un ictus
amnésique ou un accident ischémique transitoire est
fréquente. La répétition des épisodes, plus rarement
les anomalies de l’électroencéphalogramme (EEG) et la
bonne réponse aux antiépileptiques, permettent un
diagnostic souvent tardif [25]. Palmini et al. [23] postu-
lent que les crises purement amnésiques résultent
d’une inactivation sélective ictale des structures tempo-
rales mésiales sans participation du cortex, un peu
comme une paralysie de Todd du système limbique.
L’activité épileptique se propagerait rapidement d’un
hippocampe à l’autre, via la commissure hippocampi-
que dorsale.
Au sein des crises partielles complexes, certaines
manifestations semblent également plus particulières à
la population âgée, telles que des troubles de cons-
cience ou un état confusionnel isolés. Dans ce cadre,
les troubles de mémoire, associés à un trouble plus ou
moins net de la vigilance, peuvent fluctuer dans le
temps et en imposer pour un état démentiel [23]. Tatum
et al. [1] ont rapporté 5 cas de patients se présentant
comme déments et pour lesquels le dysfonctionne-
ment mnésique était dû à des crises partielles comple-
xes non reconnues (un patient avait 79 ans, deux 70 et
les deux autres étaient un peu plus jeunes). Dans cette
étude, la plainte mnésique persistait alors même que
l’EEG ne montrait plus d’anomalie sur l’enregistre-
ment. Les auteurs rejoignaient ainsi Tassinari et al. [26]
qui avaient décrit l’amnésie globale et transitoire épi-
leptique comme un phénomène post-ictal. Des degrés
variables d’anomalies de la mémoire antérograde et
rétrograde peuvent être observés en péri-ictal. Tous les
patients de Tatum et al. [1] se plaignaient de troubles
de mémoire identiques à ceux qui sont rencontrés dans
la maladie d’Alzheimer, mais aucun ne répondait aux
critères de démence. La symptomatologie se présentait
comme de discrets épisodes d’amnésie ou comme une
altération de la mémoire d’évolution plus insidieuse-
ment fluctuante.
Toutefois, ce type de manifestations comitiales
n’épargne pas les patients souffrant de maladie
d’Alzheimer [27].
L’EEG prolongé peut apporter le diagnostic, là où
l’EEG standard de routine s’est avéré normal. Les 5
patients de Tatum et al. [1] n’avaient pas d’anomalies
de l’EEG standard initial. Chez 4 des 5 patients, les
anomalies électriques secondairement mises en évi-
dence suggéraient une origine temporale gauche.
L’état de mal épileptique (EM) du sujet âgé peut
revêtir l’aspect d’un état confusionnel, d’une démence
Points clés
Au sein des crises partielles simples, on observe
une grande fréquence de crises à type d’arrêt
paroxystique de la parole ou du langage.
Les états confusionnels sont des manifestations
épileptiques particulièrement fréquentes chez le
sujet âgé.
Un EEG intercritique normal n’élimine pas le dia-
gnostic.
La survenue d’une première crise comitiale dans
l’évolution d’une pathologie démentielle doit faire
avant tout rechercher un facteur associé : le rôle des
médicaments et des troubles métaboliques est
majeur.
La maladie d’Alzheimer augmente par 6 le risque
de faire une crise comitiale.
Troubles cognitifs, démence et épilepsie
Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 5, n° spécial 1, septembre 2007 S33
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ou d’une psychose aiguë, récente, fluctuante ou stable,
isolée ou associée à d’autres signes d’orientation
comme des crises convulsives. L’EEG, lorsqu’il peut
être réalisé, établit le diagnostic et précise, quand la
clinique ne le permet pas, l’état de mal généralisé,
temporal et frontal...
On distingue [28, 29] :
1) l’état d’absence ou état de mal généralisé à expres-
sion confusionnelle (encore appelé petit mal status) en-
visagé chez un patient confus, non réactif ou somno-
lent, qui présente des myoclonies périoculaires qui,
lorsqu’il n’y a pas de convulsions, orientent d’emblée
vers cette étiologie. Les anomalies EEG sont faites de
pointes-ondes ou polypointes-ondes généralisées ou à
prédominance antérieure et sont particulièrement sen-
sibles à l’injection de clonazépam. Souvent liés à une
situation particulière (toxique, métabolique ou médica-
menteuse, dont les benzodiazépines), les états d’absen-
ces ne relèvent pas d’un traitement au long cours ;
2) l’état de mal partiel complexe d’origine temporale se
présente comme une confusion permanente ou fluc-
tuante et s’associe volontiers à une dysthymie à tona-
lité désagréable ou, plus généralement, à une altéra-
tion de la sphère émotionnelle et à des automatismes.
Les anomalies EEG sont localisées dans les régions
temporales ou fronto-temporales, de manière uni- ou
bilatérale. Le test au clonazépam est inefficace ou tran-
sitoirement efficace ;
3) l’état de mal partiel complexe d’origine frontale
(encore appelé petit mal status « borderline ») se mani-
feste par un tableau dans lequel obnubilation, perte
d’initiative motrice et difficultés de programmation
s’associent à une désinhibition ou à des troubles du
comportement à tonalité euphorique et à des persévé-
rations. Les tracés EEG révèlent des anomalies fronta-
les (foyer frontal polaire uni- ou bilatéral). Là aussi, le
test au clonazépam est inefficace ou n’est que transitoi-
rement efficace. La cause est lésionnelle dans la moitié
des cas, ce qui impose un examen neuroradiologique.
L’état confusionnel aigu est une urgence médicale
fréquente chez la personne âgée (14 à 56 % des person-
nes hospitalisées selon les auteurs), accompagnée
d’une comorbidité et d’une surmortalité importantes
[29]. Reconnaître la confusion comme un symptôme de
crises partielles complexes ou d’un état de mal est un
problème majeur en gériatrie. L’examen clinique est
souvent pauvre, mais on doit prêter une attention par-
ticulière à la présence d’altérations de la sphère émo-
tionnelle, d’un comportement euphorique, de clonies,
d’automatismes, d’une perte de l’initiative motrice ou
de difficultés de programmation, d’une fluctuation des
troubles mnésiques, que le patient soit par ailleurs
dément ou pas. Y penser et recourir à l’élec-
troencéphalographie est indispensable. Un EEG inter-
critique normal n’élimine pas le diagnostic. Si l’injec-
tion de clonazépam est préconisée comme test
thérapeutique et fait céder la confusion, il faut rappeler
qu’il peut provoquer une sédation [28].
Les traitements antiépileptiques
Si l’impact cognitif des traitements antiépileptiques
a été étudié de manière extensive, les publications
concernant spécifiquement la population âgée sont
très réduites [30]. Or, les déficits cognitifs et les trou-
bles comportementaux sont les effets secondaires les
plus fréquemment observés dans cette population, le
plus fréquent d’entre eux étant un ralentissement psy-
chique.
Leur intensité est légère ou modérée [2] (tableau 1),
mais augmentée en cas de polythérapie [3, 18]. Dans
l’étude de Martin et al. [18], les patients qui recevaient
une monothérapie étaient plus performants dans les
tests évaluant l’attention, l’initiation, les persévérations
et la mémoire, que ceux qui recevaient une polythéra-
pie et ce, indépendamment de la sévérité de la maladie.
Par ailleurs, chez les patients âgés, même un effet
cognitif mineur peut avoir une signification fonction-
nelle considérable. Une plus grande susceptibilité aux
complications des traitements de l’état de mal épilepti-
que du fait des comorbidités pourrait être une des cau-
ses du plus mauvais pronostic de l’état de mal après
60 ans [31].
Les anticomitiaux traditionnels sont plus délétères
que les nouveaux. Le phénobarbital semble présenter
le plus de risque de toxicité cognitive et comportemen-
tale [2]. La phénytoïne et, à un moindre degré, la carba-
mazépine ne sortent pas « indemnes » des études.
L’acide valproïque, même lorsque sa concentration se
situe dans la zone thérapeutique, peut altérer l’atten-
tion, les fonctions visuo-motrices, les épreuves com-
plexes de prise de décision et la vitesse psychomotrice.
Quelques cas ont été rapportés de la survenue d’une
altération cognitive et d’un syndrome parkinsonien au
cours d’un usage chronique [2]. Une comparaison en
simple aveugle a été réalisée entre valproate (dose
maximale de 1 000 mg) et phénytoïne (dose maximale
de 300 mg/j) chez 38 patients d’âge moyen 77 ans, qui
présentaient des crises à début tardif. Elle comportait
une importante batterie de tests et plusieurs évalua-
tions au cours d’une année de suivi [30]. Les auteurs
rapportaient que la phénytoïne serait plus délétère,
avec notamment un effet sédatif. En fait, peu de diffé-
rences ont été observées entre les deux traitements, et
L. Volpe-Gillot
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plutôt aux dépens du valproate (en particulier pour le
temps de réaction). Les auteurs concluaient toutefois
que les modifications cognitives observées avec les
deux médications étaient mineures.
Parmi les nouveaux traitements, le topiramate pour-
rait occasionner de sérieux troubles cognitifs [32]. À
l’opposé, les études portant sur la lamotrigine n’en ont
pas mis en évidence [2, 33, 34]. Dans une étude compa-
rant, en double aveugle, la lamotrigine avec la carba-
mazépine, l’efficacité a été jugée comparable, mais les
sorties d’études et les plaintes quant à une somnolence
étaient moindres avec le premier traitement. De même,
le gabapentin est considéré comme un traitement par-
ticulièrement bien toléré, même si une certaine séda-
tion a été rapportée à hautes doses, entre 2 et 4 g par
jour [35]. Une équipe a comparé la tolérance cognitive
de la carbamazépine et du gabapentin chez 34 patients
dont l’âge moyen était de 66,5 ans (de 59 à 76 ans) qui
recevaient un des 2 médicaments pendant 5 semaines,
puis le second après une période de wash out de
4 semaines (les doses cibles étant respectivement de
800 mg et 2 400 mg/jour). Les différences observées
entre les 2 antiépileptiques étaient modestes avec,
néanmoins, un avantage pour le gabapentin aux doses
et titrations citées. Cependant, les patients sous traite-
ment présentaient des performances significativement
plus basses en mémoire verbale (rappel d’un passage
en prose) et en vitesse de traitement que les sujets
contrôles, différence représentant un écart de 0,5 à 1
déviation standard [36]. Une étude parallèle randomi-
sée en double aveugle et double placebo, a été réalisée
dans 18 centres, incluant 593 patients d’âge moyen de
72 ans qui présentaient une épilepsie nouvellement
diagnostiquée pour comparer la carbamazépine, le
gabapentin et la lamotrigine. Le principal facteur limi-
tant le maintien des patients dans l’étude était la surve-
nue d’événements indésirables médicamenteux.
Les résultats étaient meilleurs sous lamotrigine
(150 mg/jour) ou gabapentin (1 500 mg/jour) que sous
carbamazépine (600 mg/jour) : troubles cognitifs chez
32,4 % des patients sous carbamazépine, 29,9 % de
ceux sous gabapentin et 23 % de ceux sous lamotri-
gine, ces différences n’étant pas statistiquement signi-
ficatives [37].
En fait, deux antiépileptiques anciens, la carbama-
zépine et le valproate de sodium, et deux nouveaux, le
gabapentin et la lamotrigine, sont considérés comme
des monothérapies de première intention chez le sujet
âgé. Le gabapentin et la lamotrigine présentent l’avan-
tage d’être mieux tolérés, notamment au niveau cogni-
tif [32, 34, 36-41].
Les aspects psychosociaux
L’épilepsie a longtemps été une maladie mal com-
prise et stigmatisée, ce qui a contribué à la détériora-
tion de la qualité de vie des patients et à un retentisse-
ment sur le développement affectif personnel, l’estime
de soi, l’humeur, le comportement et les capacités
cognitives [2]. Cet aspect n’a pas été étudié dans la
population âgée.
Sur 163 patients âgés de plus de 60 ans, présentant
une épilepsie nouvellement diagnostiquée, 152 pou-
vaient « assumer » un maintien au domicile mais 97
d’entre eux nécessitaient une aide permanente. Le sta-
Tableau 1.Effets cognitifs des traitements antiépileptiques [2].
Table 1. Cognitive side effects of antiepileptic drugs [2].
Traitements anticomitiaux Cognition altérée
aux doses thérapeutiques
Champs cognitifs potentiellement altérés
Acide valproïque ++ Vitesse de traitement, attention, mémoire
Benzodiazépines ++++ Vitesse de traitement, attention, mémoire
Carbamazépine +/++ Vitesse de traitement, attention, mémoire
Gabapentin 0
Lamotrigine 0
Lévétiracétam 0
Oxcarbazépine 0
Phénobarbital +++++ Vitesse de traitement, attention, mémoire
Phénytoïne +++ Vitesse de traitement, attention, mémoire
Primidone ++++ Vitesse de traitement, attention, mémoire
Topiramate +++ Vitesse de traitement, attention, mémoire, dénomination
Tiagabine 0
Vigabatrin + Vitesse de traitement
Zonisamide 0
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