CHAPITRE
1
La psychologie cognitive
présentation générale
Sommaire
1.
La psychologie cognitive et les sciences cognitives 13
2.
Les racines de la psychologie cognitive
contemporaine 19
3.
Observation et explication en psychologie cognitive 24
4.
Théorie du traitement de l’information
et psychologie cognitive 40
Dans ce chapitre, vous allez apprendre
1
Quelles sont les racines de la psychologie cognitive et sa place
parmi les sciences cognitives.
2
Quels types de méthodes et de mesures sont utilisées en
psychologie cognitive.
3
Quels sont les postulats à la base de la psychologie cognitive
contemporaine.
12
Chapitre 1
– La psychologie cognitive présentation générale
V
oici un problème. Vous disposez de quatre chaînettes de trois maillons chacune.
Ouvrir un maillon vous coûte deux euros et en fermer un vous coûte trois euros. On com-
mence avec tous les maillons fermés. Vous devez attacher les 12 maillons afin de faire un
collier sans que cela vous coûte plus de 15 euros.
Comment vous y prendriez-vous pour résoudre un tel problème ? Comparez ce problème et
la multitude de problèmes ou de tâches que nous effectuons tous les jours. Quel est le rapport
entre les deux ? S’agit-il de problèmes de même type ou de problèmes tout à fait différents ?
Nécessitent-ils de mettre en œuvre les mêmes opérations mentales ? Quelles sont ces opéra-
tions mentales ? Ces opérations mentales sont-elles les mêmes que celles que vous mettez en
œuvre lorsque vous devez apprendre un cours, résoudre une équation mathématique, déci-
der quel appartement louer, comprendre et produire du langage ? Comment faisons-nous
pour savoir ce qu’il faut faire pour réussir des tâches comme celles-là ?
Depuis des siècles, l’homme se pose ce genre de questions et essaie de comprendre comment
fonctionne son intelligence. Toutefois, ce n’est que depuis récemment que nous avons com-
mencé à étudier scientifiquement notre intelligence. L’étude scientifique de la pensée
humaine est réalisée par la psychologie cognitive.
Le but de cet ouvrage est de vous présenter les découvertes fondamentales qu’a réalisées la
psychologie cognitive. Cette discipline est passionnante car elle s’intéresse à un objet qui a
toujours fasciné l’homme, à savoir la pensée ou la cognition. Elle est passionnante également
par les méthodes ingénieuses que les psychologues développent pour comprendre cette cogni-
tion. Enfin, c’est une discipline qui a, au cours de ces dernières années, accumulé des décou-
vertes encore inimaginables il y a quelques décennies. À la fin de cet ouvrage, vous
maîtriserez les outils conceptuels et méthodologiques actuels qui permettent aux psycholo-
gues de la cognition humaine de révéler, d’observer, de décrire et d’expliquer les mécanismes
de la pensée humaine.
Ce premier chapitre d’introduction générale devrait vous permettre d’avoir une idée claire
de ce qu’est la psychologie cognitive, du type d’activités mentales qu’elle étudie, du type de
méthodes et de techniques utilisées pour étudier l’activité cognitive et du type de modèles
théoriques mis au point pour rendre compte de cette activité. Dans un premier temps, après
avoir défini l’objet de la psychologie cognitive, nous analyserons la contribution de la
psychologie cognitive à la connaissance de l’esprit humain. Pour cela, nous situerons la psy-
chologie cognitive au sein des sciences cognitives. Dans un deuxième temps, l’examen des dif-
férents mouvements théoriques de la psychologie cognitive révélera combien les conceptions
de la cognition humaine ont varié au cours de l’histoire. Ensuite, nous examinerons les gran-
des familles de méthodes utilisées pour étudier la cognition humaine. Enfin, nous examine-
rons les postulats de base de la théorie de la psychologie cognitive.
La psychologie cognitive et les sciences cognitives
13
La psychologie cognitive n’est pas la seule discipline qui s’intéresse à l’esprit. Les
disciplines qui partagent cet intérêt ont été rassemblées dans ce qu’il est maintenant
courant d’appeler les « sciences cognitives ».
Les sciences cognitives cherchent à déterminer :
comment un système naturel (humain ou animal) ou artificiel (robot) acquiert
des informations sur le monde dans lequel il se trouve,
comment ces informations sont représentées et transformées en connaissances,
comment ces connaissances sont utilisées pour guider son attention et son com-
portement.
Les sciences cognitives rassemblent les contributions de plusieurs disciplines, comme
la psychologie cognitive, la linguistique, les neurosciences et la philosophie. Certains
auteurs y ajoutent d’autres disciplines, comme l’ethnologie, l’anthropologie ou la socio-
logie. Pour situer la psychologie cognitive et la spécificité de ses contributions, nous rap-
pelons brièvement les objets des disciplines considérées comme centrales dans les
sciences cognitives, à savoir la psychologie cognitive, l’intelligence artificielle (IA), la lin-
guistique, les neurosciences et la philosophie (voir Figure 1.1).
1
La psychologie cognitive
et les sciences cognitives
BIOLOGIE
NEUROSCIENCES
SCIENCES
HUMAINES
PHILOSOPHIE
LINGUIS-
TIQUE
PSYCHOLOGIE
COGNITIVE
INFORMATIQUE
INTELLIGENCE
ARTIFICIELLE
Figure 1.1
Disciplines considérées comme centrales
dans les sciences cognitives
14
Chapitre 1
– La psychologie cognitive présentation générale
La psychologie cognitive est la sous-discipline de la psychologie qui se focalise
sur la cognition. Le terme « cognition » est un terme contemporain synonyme
d’« intelligence », de « pensée ». Les psychologues cognitivistes étudient donc l’intelli-
gence, ou comment on fait pour penser. La cognition est cette faculté mobilisée dans de
nombreuses activités, comme la perception (des objets, des formes, des couleurs…), les
sensations (gustatives, olfactives…), les actions, la mémorisation et le rappel d’informa-
tions, la résolution de problèmes, le raisonnement (inductif et déductif), la prise de déci-
sion et le jugement, la compréhension et la production du langage, etc.
Les psychologues cognitivistes cherchent à déterminer par quels mécanismes nous réa-
lisons toutes les tâches auxquelles sommes confrontés. Ceci signifie que ce qui importe
au psychologue cogniviste, c’est de dresser la liste précise des opérations mentales élé-
mentaires (i.e., processus) décrivant comment un sujet accomplit une tâche cognitive.
Les processus, et les mécanismes par lesquels ils sont déclenchés et exécutés, ne doivent
pas être vagues. Ils doivent pouvoir être définis précisément. Par exemple, ils n’est pas
suffisant de dire qu’un sujet comprend un texte en mettant en œuvre un processus de
lecture. Il est nécessaire de dire par quelle suite de processus la compréhension d’un
texte est réalisée. Dans cet ouvrage, nous verrons comment les psychologues décou-
vrent et démontrent l’existence des processus cognitifs.
L’esprit du psychologue cognitiviste est le même que celui de tout autre scientifique.
C’est-à-dire que l’activité du psychologue de la cognition ressemble à celle du chimiste
ou à celle du généticien. Ainsi, l’objectif du chimiste est d’expliquer une réaction chimi-
que par la suite des réactions élémentaires. Le généticien cherche à rendre compte des
mécanismes par lesquels se transmettent les caractères. Le psychologue cognitiviste
quant à lui découvre les mécanismes par lesquels le sujet pense.
La notion de mécanisme a été introduite seulement récemment en psychologie comme
principe descriptif et explicatif. Elle est néanmoins puissante. De la même manière que
l’introduction de la notion de mécanisme en chimie a permis au chimiste de conceptua-
liser les nombreuses réactions chimiques comme pouvant se réduire à des réactions
plus élémentaires, les psychologues cognitivistes cherchent à décrire les mécanismes
fondamentaux impliqués dans la cognition humaine. Cette perspective devrait permet-
tre à terme d’aboutir à un « catalogue des processus mentaux » (et de leurs caractéris-
tiques) impliqués dans la cognition humaine. Comme dans tout autre domaine, certains
processus sont très généraux (i.e., mis en œuvre dans différentes tâches cognitives),
d’autres sont très spécifiques (i.e., mobilisés dans un ensemble restreint de tâches).
Pour comprendre quels sont les mécanismes fondamentaux de la cognition humaine, les
psychologues cognitivistes sont conduits à caractériser au moins deux types de con-
traintes qui pèsent sur le système cognitif. Ces contraintes peuvent être structurales ou
fonctionnelles. Les contraintes
structurales
incluent les différents composants du sys-
tème cognitif et les processus mis en œuvre par chacun de ces composants. Ainsi, par
exemple, la mémoire à court terme et la mémoire à long terme sont deux composants
essentiels du système cognitif humain. La liste et l’agencement de ces composants cons-
tituent ce que les psychologues appellent une « architecture cognitive ».
1.1
La psychologie cognitive
La psychologie cognitive et les sciences cognitives
15
Les contraintes
fonctionnelles
comprennent les caractéristiques des processus cognitifs
et des représentations mentales. La rapidité (et la précision) du déclenchement et de
l’exécution d’un processus constituent des exemples de caractéristiques fonctionnelles.
La possibilité ou non d’exercer un contrôle sur un processus constitue un autre exem-
ple de caractéristique fonctionnelle. Comme exemples de caractéristiques des représen-
tations mentales, on peut citer l’organisation de l’information en mémoire.
L’approche de la psychologie cognitive est une approche scientifique. Ceci signifie que
le psychologue étudie la cognition comme le biologiste étudie une autre fonction du
vivant. Le psychologue cognitiviste découvre les mécanismes cognitifs en mettant au
point des expériences. Ces expériences ont lieu en laboratoire ou à l’extérieur du
laboratoire. Dans la suite de cet ouvrage, vous verrez comment l’approche scientifique
adoptée par les psychologues cognitivistes leur permet de faire d’immenses progrès.
Vous verrez aussi comment l’approche scientifique permet une analyse objective,
rigoureuse et extrêmement précise de la cognition.
L’un des fondateurs de l’intelligence artificielle, Marvin Minsky, avait coutume
de dire que l’intelligence artificielle (IA) est la science de faire réaliser à des machines
des choses qui demanderaient de l’intelligence si elles étaient accomplies par des êtres
humains. Les chercheurs en IA et en psychologie cognitive sont préoccupés par le
même type de questions fondamentales. L’une de ces questions est de savoir comment
un système de traitement de l’information parvient à accomplir des tâches cognitives
de niveaux de complexité différents. Ces deux disciplines cherchent à déterminer le
type de représentations (leurs structures, leurs organisations, leurs formats) manipu-
lées par le système pour accomplir une tâche. Elles cherchent aussi à savoir comment
est acquise l’information et comment l’utilisation de cette information est contrôlée par
le système ou un agent externe.
Les chercheurs en IA créent des systèmes artificiels qui nous renseignent sur la
manière dont les êtres vivants (humains et animaux) accomplissent des tâches intelli-
gentes de difficulté variable. Ainsi, ils tentent de créer des robots capables de se repérer
et de se déplacer dans l’espace. Ainsi encore, ils construisent des robots capables de
comprendre une conversation ou de diagnostiquer une pathologie médicale. Cette
approche suppose la création d’une représentation (i.e., un modèle) de la situation et de
ce que la machine doit faire pour réussir de telles tâches. Cette approche oblige le cher-
cheur à être précis dans ses postulats. Par exemple, le chercheur ne peut pas se conten-
ter de dire « le robot récupère l’information en mémoire ». Il doit préciser ce que signifie
« récupère », comment s’opère cette récupération, ce que fait le robot lorsqu’il récupère
et quel type d’information il récupère.
L’une des forces de cette approche est que, lorsqu’un programme échoue, il est relative-
ment facile de localiser les raisons de cet échec et de modifier le système pour qu’il fonc-
tionne correctement. Le chercheur en IA peut en effet chercher à comprendre pourquoi
le système qu’il construit ne fait pas ce pourquoi il est construit en modifiant telle ou
telle partie du système. Il peut par exemple modifier l’organisation de la base de don-
1.2
L’intelligence artificielle
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