QUAND ORIENTER UN PATIENT
VERS UNE NUTRITIONNISTE ?
Emmanuèle Garnier
Quand faut-il adresser un patient atteint de troubles men-
taux à une nutritionniste ? La Dre Marie-Claude Delisle,
psychiatre à l’Institut universitaire en santé mentale de
Montréal, oriente fréquemment ses patients vers une dié-
tétiste pour réduire la prise de poids souvent associée à
la pharmacothérapie. « Si je ne peux pas cesser les médi-
caments, parce qu’ils sont essentiels au patient, je vais
m’assurer que ce dernier n’aura pas d’autres problèmes à
cause de son poids. »
Le patient gagne à avoir une prise en charge précoce,
indique Mme Mélanie Massé, nutritionniste clinicienne à
l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal. « On
peut diriger d’emblée vers une diététiste un patient qui reçoit
une prescription d’antipsychotique. Il faut s’assurer dès
le départ que son alimentation est saine pour freiner le
gain de poids. C’est beaucoup plus encourageant pour une
personne d’agir tout de suite, de manière préventive, que
d’attendre que l’obésité s’installe et de traiter ensuite les
problèmes associés. »
La nutritionniste peut aussi aider le patient qui présente des
effets indésirables à cause des médicaments : xérostomie,
nausées, constipation, diarrhée, diminution de l’ap tit.
« Souvent la clientèle ne prend pas fidèlement ses médi-
caments à cause des effets secondaires. On va donc essayer
de réduire ces problèmes pour améliorer l’observance », dit
la diététiste.
La Dre Delisle peut aussi orienter un patient vers une nutri-
tionniste s’il présente des carences. « Parfois, il manque un
groupe alimentaire dans l’alimentation de la personne. C’est
nous, les nutritionnistes, qui pouvons le voir. Nous pouvons
ensuite régler le problème de manière naturelle plutôt que
par des suppléments », précise Mme Robin Glance, nutri-
tionniste à l’Hôpital général de Montréal.
La Dre Delisle fait également appel à une diététiste pour
les patients qui n’ont pas assez d’argent, de temps ou de
connaissances pour se nourrir adéquatement. « Il faut poser
des questions sur la qualité de l’alimentation ainsi que sur la
sécurité alimentaire, qui est liée à la quantité, à la qualité et
à la fraîcheur des aliments », conseille Mme Massé.
SE SOIGNER SOI-MÊME PAR L’ALIMENTATION
Les patients atteints de problèmes de santé mentale consti-
tuent une clientèle particulière. « Ils ont besoin d’une plus
grande attention. Le cheminement va être plus long. Il va
falloir y aller objectif par objectif pour pouvoir atteindre le
but qui est d’adopter une saine alimentation. La nutrition-
niste en santé mentale connaît des techniques d’entretien
motivationnel reconnues et efficaces pour favoriser le
changement chez ce type de patients », dit Mme Massé.
Une nutritionniste peut aussi s’avérer nécessaire dans les
cas difficiles. Que faire, par exemple, dans le cas de patients
atteints d’un trouble obsessif compulsif de comptage ? « Ils
comptent tout ce qu’ils consomment. Ils ne peuvent donc
pas manger de riz ni de couscous, mais doivent quand
même prendre des produits céréaliers. On doit alors adap-
ter leur alimentation. » Il existe également des personnes
autistes ayant des sélectivités alimentaires. « Certaines ne
veulent manger que du rouge. On doit donc combler leurs
besoins uniquement par des aliments rouges. On a parfois
besoin d’utiliser notre créativité. »
Une saine alimentation est une solution qu’aiment bien des
patients. « Dans les études, les programmes de nutrition
sont très appréciés, mentionne Mme Glance. Les gens ont
ainsi le sentiment qu’ils peuvent se soigner eux-mêmes.
C’est un élément qu’ils maîtrisent. Le patient a ainsi le pou-
voir de faire des changements plutôt que d’avaler encore
une autre pilule. » //
Mme Robin Glance
DOSSIER SPÉCIAL//
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