C A S C L I N I Q U E Infarctus du myocarde chez un transplanté cardiaque ● G. Drobinski*, R. Dorent** I l s’agit d’un homme de 50 ans ayant bénéficié en 1989 d’une greffe cardiaque pour cardiomyopathie dilatée, et complètement asymptomatique depuis. Dans le cadre de son suivi et de la détection systématique de la maladie coronaire du greffé cardiaque, il a déjà eu deux coronarographies, la première complètement normale, en 1992, et la seconde, en 1997, montrant une sténose à 25 % à l’origine de l’IVA. Ses facteurs de risque coronarien, HTA et dyslipidémie mixte, sont traités par calcium-bloqueur et fibrate, auxquels s’ajoutent de l’aspirine et le triple traitement immunosuppresseur habituel. La coronarographie va retrouver inchangées les lésions modérées du réseau gauche ; par contre, la coronaire droite dominante, donnant deux grosses branches IVP et rétroventriculaire, est le siège d’un athérome important au niveau du début du deuxième segment. La ventriculographie gauche est normale, avec une fraction d’éjection à 80 %. Lors de la compression artérielle, le patient accuse un malaise lipothymique bref, en rapport avec l’installation d’une bradycardie à 35 battements par minute, alors que le rythme était de 92 battements par minute lors de la coronarographie. Un ECG montre la survenue d’un arrêt du sinus de l’oreillette greffée (ondes p de l’oreillette native visibles sur l’ECG : flèches en aVL) et d’un échappement ventriculaire sans modification de la fréquence par l’administration d’atropine. Enfin, il existe une onde de Pardee en dérivations D2, D3, VF et de V1 à V4 (figure 1). Le patient est toujours asymptomatique et, en particulier, ne ressent aucune gêne thoracique. Un contrôle coronarographique montre alors l’occlusion de la coronaire droite (figure 2), qui est traitée par angioplastie et par la mise en place d’une endoprothèse après administration d’héparine intracoronaire. Un flux TIMI 3 est immédiatement rétabli (figure 3), le segment ST se normalise, le rythme redevient sinusal à 98 battements par minute (ondes p de l’oreillette greffée visibles sur l’ECG : barres en V2) (figure 4). Il n’y aura pas d’élévation des CPK, pas d’onde Q de nécrose (l’ECG est inchangé, l’onde Q en D3 VF étant présente sur l’ECG de base, depuis la transplantation), mais la troponine augmentera légèrement à 0,9 µg/l (normale < 0,5 µg/l). Le patient n’aura rien ressenti. Figure 1. ECG enregistré alors que le patient ne ressent aucune gêne thoracique. Services de cardiologie* et chirurgie cardiaque**, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris. 14 La Lettre du Cardiologue - n° 320 - novembre 1999 C Figure 2. Coronarographie montrant l’occlusion de l’artère coronaire droite. A S C L I N I Q U E Figure 3. Après désobstruction et implantation d’une endoprothèse, visualisation d’une artère coronaire droite dominante. Figure 4. Aspect de l’ECG après, comme avant, l’épisode ischémique et la dilatation. Discussion Du fait de la dénervation du cœur du donneur dans la transplantation cardiaque orthotopique selon la technique de Shumway, les événements ischémiques de la maladie coronaire du greffé cardiaque sont asymptomatiques jusqu’au stade des complications, insuffisance cardiaque, infarctus du myocarde et mort subite. Dans notre observation, même un infarctus du myocarde par occlusion complète et subite d’une coronaire droite domiLa Lettre du Cardiologue - n° 320 - novembre 1999 nante avec signes ECG étendus (infarctus septal profond) n’entraîne aucune gêne douloureuse, le seul symptôme ayant été un étourdissement lors de l’installation de la bradycardie. Celle-ci n’apparaît pas due à une hypertonie vagale, car elle n’est pas modifiée par l’administration d’atropine ; le rythme sinusal de l’oreillette greffée et la conduction auriculoventriculaire sont immédiatement rétablis dès la reperfusion de la coronaire droite, indiquant qu’il s’agit d’un trouble de conduction d’origine ischémique, dû à l’arrêt de la perfusion des branches irriguant le nœud sinusal et le nœud d’Aschoff-Tawara. 15 C A S C L I N I Q U E Des douleurs angineuses sont cependant possibles du fait de la survenue d’une réinnervation. Une réinnervation sympathique importante a pu être démontrée chez l’animal, mais a été plus difficile à mettre en évidence chez l’homme. Wilson et coll. ont mesuré la libération cardiaque d’adrénaline (au niveau du sinus coronaire) après effort isométrique (constituant un stimulus sympathique réflexe) et injection de tyramine (qui provoque la libération de l’adrénaline des terminaisons nerveuses myocardiques et coronaires) : le test était négatif chez tous les patients ayant été transplantés depuis moins de 5 mois (12 patients) ; chez des transplantés depuis plus d’un an (37 ± 3 mois), il était positif 39 fois sur 50 après tyramine et 17 fois sur 41 après effort (1). Une réinnervation sympathique était donc présente de façon plus ou moins importante chez près de 80 % des patients. Une corrélation entre douleur angineuse et réinnervation décelée par le test à la tyramine a pu être montrée par Stark chez 5 patients ayant des lésions G Les essais en ouvert d’Alex Corton* Enfant, je me demandais à quoi pouvait bien être utile ce Lefevre, dont le nom, assorti de ce qualificatif, figurait sur les paquets de gâteaux. Beaucoup plus tard, j’ai compris. Il s’agissait de l’accolement, au propre comme au figuré, du sieur JeanRomain Lefevre, natif de Varennes-enArgonne, et de la délicieuse Isabelle Utile. Ils exercèrent la profession de pâtissier, quittèrent la Lorraine pour fabriquer des biscuits pour marins en pays de Loire, et firent des enfants, dont le jeune Louis. Ce garçon inventif est à l’origine d’une spécialité faite de farine de froment, de sucre de canne, de lait et de beurre salé, de forme rectangulaire, comportant quatre coins dodus et dorés, et des crénelures – quatorze sur le grand côté, dix sur le petit : le fameux “véritable petit-beurre LU”. Admirable piété filiale conduisant le rejeton à baptiser son invention des initiales de ses géniteurs, L pour Lefevre, U pour Utile ! L’idée n’est pas sans risques, et l’on tremble rétrospectivement à l’hypothèse de patronymes conduisant à une combinaison dont la sonorité serait déshonnête. Et si le père s’était appelé Constant... Le procédé de composition d’un label par fragmentation de mots peut conduire à des résultats franchement farce. L’inventaire des spécialités pharmaceutiques vendues aux États-Unis par 16 coronaires, 3 asymptomatiques ayant un test à la tyramine négatif et 2 angineux ayant un test positif (2) : l’existence de douleurs angineuses d’origine ischémique ne doit donc pas être méconnue, et ces douleurs constituent un symptôme tout à fait significatif chez le transplanté cardiaque. ■ R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Wilson R.F., Christensen B.V., Olivari M.T., Simon A., White C.W., Laxson D.D. Evidence for structural sympathic reinnervation after orthotopic cardiac transplantation in humans. Circulation 1991 ; 83 : 1210-20. 2. Stark R.P., McGinn A.L., Wilson R.F. Chest pain in cardiac transplant recipients - evidence of sensory reinnervation after cardiac transplantation. N Engl J Med 1991 ; 324 : 1791-4. AST R O N O M I E SmithKline and French a comporté un anti-acide dont les propriétés spécifiques alliaient la stabilité de la concentration intragastrique à une bonne durée d’action. DUration, CONcentration. Le nom de marque allait de soi : Ducon®. Ce petit bijou n’a jamais rejoint les rayonnages des officines françaises. Dommage, il aurait fait des malheurs. Mais revenons à nos gâteaux. Le petitbeurre LU conduit à de poignantes interrogations existentielles : doit-on commencer la dégustation par un coin, ou par un côté, et, dans cette deuxième hypothèse, par un long ou un court ? Le croque-t-on en avançant d’un bord vers l’autre ou de façon circulaire ? Un colloque s’est tenu à Nantes, sur ce sujet de société et quelques autres, en mars dernier. Nantes est la capitale, la cité phare, la Mecque du petit-beurre. Le minaret de l’usine de production, détruite récemment, a été restauré pour en témoigner. Les organisateurs du congrès avaient prévu un dîner de groupe à l’Atlantide. Confidence, ce n’est jamais sans méfiance que je passe de l’individuel au collectif. Des restaurants parmi les mieux cotés n’hésitent pas à servir aux assemblées des menus misérables, sous le prétexte de prix serrés, vendant le cadre au détriment de l’assiette. Rappelez-vous certain repas de mariage où vous vous êtes laissé attirer par le mirage d’une grande enseigne... Ce soir-là, le chef de l’Atlantide, transfuge du Montparnasse 25, s’est montré à la hauteur d’une bonne réputation : ravioles de langoustine, cabillaud en duxelles de poivrons, fondant au chocolat glacé à la pistache, un cheverny satisfaisant... L’ensemble, quoique simple, ne présentait pas de hiatus avec la luxueuse carte réservée aux clients normaux (que j’avais secrètement testée le midi même, histoire de voir). Rappelons, pour finir, la vaseuse devinette relative au pluriel de petit-beurre : un petit-beurre, des touyou**. Alex Corton, gastrologue de garde * © La Lettre du Pharmacologue - Volume 13 n° 7 - septembre 1999 ** Ceux qui ne connaîtraient pas déjà ce poncif reliront “un p’tit beurre - des toyou” sur l’air de “Joyeux anniversaire”. L’Atlantide, Nantes (tél. : 02 40 73 23 23). La Lettre du Cardiologue - n° 320 - novembre 1999