La Lettre du Cardiologue - n° 320 - novembre 1999
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CAS CLINIQUE
Des douleurs angineuses sont cependant possibles du fait de la
survenue d’une réinnervation. Une réinnervation sympathique
importante a pu être démontrée chez l’animal, mais a été plus dif-
ficile à mettre en évidence chez l’homme. Wilson et coll. ont
mesuré la libération cardiaque d’adrénaline (au niveau du sinus
coronaire) après effort isométrique (constituant un stimulus sym-
pathique réflexe) et injection de tyramine (qui provoque la libé-
ration de l’adrénaline des terminaisons nerveuses myocardiques
et coronaires) : le test était négatif chez tous les patients ayant été
transplantés depuis moins de 5 mois (12 patients) ; chez des trans-
plantés depuis plus d’un an (37 ±3 mois), il était positif 39 fois
sur 50 après tyramine et 17 fois sur 41 après effort (1). Une réin-
nervation sympathique était donc présente de façon plus ou moins
importante chez près de 80 % des patients. Une corrélation entre
douleur angineuse et réinnervation décelée par le test à la tyra-
mine a pu être montrée par Stark chez 5 patients ayant des lésions
coronaires, 3 asymptomatiques ayant un test à la tyramine néga-
tif et 2 angineux ayant un test positif (2) : l’existence de douleurs
angineuses d’origine ischémique ne doit donc pas être mécon-
nue, et ces douleurs constituent un symptôme tout à fait signifi-
catif chez le transplanté cardiaque. ■
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Wilson R.F., Christensen B.V., Olivari M.T., Simon A., White C.W., Laxson
D.D. Evidence for structural sympathic reinnervation after orthotopic cardiac
transplantation in humans. Circulation 1991 ; 83 : 1210-20.
2. Stark R.P., McGinn A.L., Wilson R.F. Chest pain in cardiac transplant reci-
pients - evidence of sensory reinnervation after cardiac transplantation. N Engl J
Med 1991 ; 324 : 1791-4.
Les essais en ouvert d’Alex Corton*
Enfant, je me demandais à quoi pouvait
bien être utile ce Lefevre,dont le nom,
assorti de ce qualificatif, figurait sur les
paquets de gâteaux. Beaucoup plus tard,
j’ai compris. Il s’agissait de l’accolement,
au propre comme au figuré, du sieur Jean-
Romain Lefevre, natif de Varennes-en-
Argonne, et de la délicieuse Isabelle Utile.
Ils exercèrent la profession de pâtissier,
quittèrent la Lorraine pour fabriquer des
biscuits pour marins en pays de Loire, et
firent des enfants, dont le jeune Louis. Ce
garçon inventif est à l’origine d’une spé-
cialité faite de farine de froment, de sucre
de canne, de lait et de beurre salé, de
forme rectangulaire, comportant quatre
coins dodus et dorés, et des crénelures
–quatorze sur le grand côté, dix sur le
petit : le fameux “véritable petit-beurre
LU”.Admirable piété filiale conduisant le
rejeton à baptiser son invention des ini-
tiales de ses géniteurs, L pour Lefevre, U
pour Utile ! L’idée n’est pas sans risques,
et l’on tremble rétrospectivement à l’hy-
pothèse de patronymes conduisant à une
combinaison dont la sonorité serait
déshonnête. Et si le père s’était appelé
Constant... Le procédé de composition
d’un label par fragmentation de mots peut
conduire à des résultats franchement
farce. L’inventaire des spécialités pharma-
ceutiques vendues aux États-Unis par
SmithKline and French a comporté un
anti-acide dont les propriétés spécifiques
alliaient la stabilité de la concentration
intragastrique à une bonne durée d’action.
DUration, CONcentration.Le nom de
marque allait de soi : Ducon®.Ce petit
bijou n’a jamais rejoint les rayonnages des
officines françaises. Dommage, il aurait
fait des malheurs.
Mais revenons à nos gâteaux. Le petit-
beurre LU conduit à de poignantes inter-
rogations existentielles : doit-on commen-
cer la dégustation par un coin, ou par un
côté, et, dans cette deuxième hypothèse,
par un long ou un court ? Le croque-t-on
en avançant d’un bord vers l’autre ou de
façon circulaire ?
Un colloque s’est tenu à Nantes, sur ce
sujet de société et quelques autres, en mars
dernier. Nantes est la capitale, la cité phare,
la Mecque du petit-beurre. Le minaret de
l’usine de production, détruite récemment,
a été restauré pour en témoigner.
Les organisateurs du congrès avaient
prévu un dîner de groupe à l’Atlantide.
Confidence, ce n’est jamais sans méfiance
que je passe de l’individuel au collectif.
Des restaurants parmi les mieux cotés
n’hésitent pas à servir aux assemblées des
menus misérables, sous le prétexte de prix
serrés, vendant le cadre au détriment de
l’assiette. Rappelez-vous certain repas de
mariage où vous vous êtes laissé attirer par
le mirage d’une grande enseigne...
Ce soir-là, le chef de l’Atlantide, transfuge
du Montparnasse 25, s’est montré à la
hauteur d’une bonne réputation : ravioles
de langoustine, cabillaud en duxelles de
poivrons, fondant au chocolat glacé à la
pistache, un cheverny satisfaisant...
L’ensemble, quoique simple, ne présentait
pas de hiatus avec la luxueuse carte réser-
vée aux clients normaux (que j’avais
secrètement testée le midi même, histoire
de voir).
Rappelons, pour finir, la vaseuse devinette
relative au pluriel de petit-beurre : un
petit-beurre, des touyou**.
Alex Corton, gastrologue de garde
*© La Lettre du Pharmacologue - Volume 13 -
n° 7 - septembre 1999
** Ceux qui ne connaîtraient pas déjà ce
poncif reliront “un p’tit beurre - des toyou”
sur l’air de “Joyeux anniversaire”.
L’Atlantide, Nantes (tél. : 02 40 73 23 23).
GASTRONOMIE