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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XII), 6, novembre-décembre 2008
Cas clinique
Cas clinique
Image 1.
Image 2.
Cas clinique 1
Mme T. est âgée de 50 ans. Adressée par le service d’hé-
matologie au service d’endocrinologie, elle se présente
en raison de la découverte d’une fixation thyroïdienne
focalisée sur le lobe G en TEP-FDG (images 1 et 2). Il
a été diagnostiqué huit mois auparavant un lymphome
non hodgkinien diffus à petites cellules qui a été traité par
combinaison rituximab et chimiothérapie du type CHOP.
Une rémission complète a été constatée, mais l’hémato-
logue est intrigué par cette fixation thyroïdienne isolée sur
le bilan d’évaluation de fin de traitement.
Mme T. n’a pas d’antécédents thyroïdiens familiaux ou
personnels. La palpation cervicale est rigoureusement
normale. La glande thyroïde paraît de consistance homo-
gène et de volume normal. L’échographie thyroïdienne
montre la présence d’un nodule unique de 6 mm du
lobe G hypoéchogène, de contours réguliers, peu vascu-
larisé. Le balayage de la sonde d’échographie le long
des axes jugulo-carotidiens D et G ne relève pas d’adé-
nopathies suspectes. La topographie du foyer de fixation
scintigraphique peut correspondre au nodule thyroïdien
identifié en échographie. Le dosage de TSH est normal à
2,5 mUI/l (N : 0,4-3,6).
La recherche des anticorps antithyroperoxydase et anti-
thyroglobuline est demandée dans ce contexte de maladie
lymphomateuse : anticorps antithyroperoxydase < 60 U/ml
et anticorps antithyroglobuline < 2,2 U/ml. Une ponc-
tion du nodule pour analyse cytologique est réalisée
sous contrôle échographique : le geste est délicat de par
la proximité immédiate de l’artère carotide. À l’examen
microscopique des lames d’étalement cellulaire, on note
la présence de rares amas de cellules épithéliales présen-
tant quelques irrégularités cytonucléaires, les noyaux
étant légèrement anguleux et parfois rainurés. Il n’est pas
observé d’inclusion intranucléaire.
Une thyroïdectomie totale avec curage ganglionnaire du
compartiment central et une adénectomie jugulo-caroti-
dienne G est effectuée. Les suites de l’intervention sont
simples.
L’analyse anatomopathologique montre que le nodule G
correspond à un foyer de carcinome papillaire de 5 mm
de forme vésiculaire. Il s’agit d’un foyer tumoral unique.
Il n’y a pas de métastases ganglionnaires. Le traitement
complémentaire par iode 131 n’est pas retenu en raison de
la petite taille de la lésion et de son caractère unifocal.
Cas clinique 2
Mme G., 62 ans, est suivie depuis plusieurs années pour
un petit goitre dystrophique prédominant à D, révélé par
une hématocèle lobaire D de 3 cm. Deux ponctions ont
déjà été effectuées sur le nodule dominant responsable de
la symptomatologie cervicale. La première, réalisée deux
semaines après l’apparition de la tuméfaction cervicale D,
a permis d’évacuer 4 ml de liquide brunâtre. Après centri-
fugation, la lecture cytologique évoque un aspect d’hé-
matocèle thyroïdienne devant un culot comportant des
éléments figurés du sang, macrophages et polynucléaires,
ainsi que des cellules lysées. La seconde ponction est
pratiquée après 6 mois de traitement par lévothyroxine
sous contrôle échographique pour obtenir un prélèvement
sur la portion solide du nodule. Le prélèvement comporte
Nodules thyroïdiens fixant en TEP-FDG
Christine Do Cao, Fanny Mouton*
* Clinique Marc-Linquette, service d’endocrinologie et diabétologie,
CHRU de Lille.
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Cas clinique
Cas clinique
Image 3. Image 4.
suffisamment d’amas cellulaires pour être interprété : les
cellules épithéliales thyroïdiennes présentent des noyaux
arrondis, réguliers, dépourvus d’atypies. On note des
dépôts colloïdes. En raison d’une progression nodulaire
s’accompagnant d’une gêne cervicale qui s’accentue en
dépit du traitement frénateur, une prise en charge chirur-
gicale thyroïdienne est décidée. La date de l’interven-
tion est programmée, puis annulée par la patiente qui est
perdue de vue.
Elle revient en consultation trois ans plus tard et explique
qu’elle s’est soustraite à la chirurgie thyroïdienne en
raison de la découverte d’un cancer du sein qui a néces-
sité une prise en charge oncologique lourde. En effet, une
chimiothérapie néo-adjuvante à base d’anthracyclines
et de docétaxel ainsi qu’une irradiation externe ont été
réalisées, encadrant la tumorectomie mammaire et le
curage axillaire. À l’issue de ces traitements, une évalua-
tion morphologique et scintigraphique complète a mis en
évidence un foyer de captation du FDG en TEP au niveau
du lobe D de la thyroïde (images 3 et 4), ce qui justifie
cette nouvelle consultation.
À l’examen clinique, on palpe une hypertrophie thyroï-
dienne lobaire D très nette. Le nodule lobaire D mesure
cliniquement 4 cm et paraît ferme et sensible. Les
aires ganglionnaires jugulo-carotidiennes D et G sont
libres. Le médecin traitant a prescrit des nouveaux
examens thyroïdiens : TSHus : 2,7 mUI/l, calcitonine
< 3 pg/ml, échographie thyroïdienne : lobe droit mesu-
rant 60 x 34 x 31 mm, lobe G mesurant 52 x 28 x 23 ;
échostructure hétérogène des deux lobes, nodule domi-
nant lobaire D ovalaire de 37 x 31 x 25, isoéchogène,
de contours réguliers, halo vasculaire périphérique. Une
ponction clinique du nodule dominant D est effectuée au
cours de la consultation et montre un profil cytologique
rassurant : pas d’anomalies cyto-nucléaires, ni d’aspect
hypercellulaire, et, par conséquent, pas d’argument pour
une métastase du cancer du sein.
Une thyroïdectomie totale est donc pratiquée. L’ana-
lyse histologique de la pièce de thyroïdectomie qui a
été incluse en totalité montre que le nodule lobaire D
correspond à un volumineux nodule colloïde bénin. Au
sein du lobe G, on identifie un foyer de microcarcinome
papillaire à forme vésiculaire de 7 mm, méconnu par
l’échographie et la TEP-FDG. Il n’est pas retenu d’indi-
cation pour une totalisation isotopique par l’iode 131. Un
traitement hormonal substitutif par vothyroxine ciblant
une valeur de TSH à 1-2 mUI/l est proposé avec une
surveillance clinique.
Discussion
Ces deux observations illustrent le problème des inciden-
talomes thyroïdiens en TEP-FDG.
Dans le premier cas clinique, un diagnostic cytologique
est indispensable pour éliminer une localisation thyroï-
dienne du lymphome. Il s’agit d’un cas particulier
une ponction pour analyse cytologique est demandée
sur un nodule infracentimétrique. L’examen est confié à
un radiologue entraîné aux ponctions échoguidées. Les
caractéristiques échographiques du nodule sont rassu-
rantes, car le critère “hypoéchogène” n’est pas ici en soi
inquiétant étant donné que les petits nodules dystrophi-
ques sont très souvent peu échogènes. L’aspect cytolo-
gique évoque la malignité par carcinome papillaire en
raison des anomalies nucléaires typiques. Le foyer de
captation du FDG correspond bien au microcarcinome
papillaire, qui mesure seulement 5 mm à l’étude histopa-
thologique finale.
Dans le deuxième cas clinique, plusieurs ponctions ont
été réalisées sur le nodule fixant, mais sans argument de
malignité cytologique. Le résultat permet tout de même
d’écarter une métastase thyroïdienne du cancer du sein.
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Cas clinique
L’histoire clinique et l’aspect échographique sont ceux
d’une dystrophie thyroïdienne banale. L’indication de
thyroïdectomie a cependant été retenue en raison de la
notion de progression nodulaire, du risque statistiquement
augmenté de malignité en cas de fixation en TEP-FDG, et
de la crainte de méconnaître par la seule analyse cytolo-
gique un carcinome folliculaire sur un nodule déjà volu-
mineux. Finalement, le nodule captant le FDG est bénin.
Le résultat histologique nous met dans une situation de
diagnostic de microcarcinome papillaire occulte. À l’in-
verse du cas précédent, le foyer néoplasique de 7 mm ne
capte pas le FDG alors que le nodule colloïde du lobe D
fixait intensément ce traceur.
Des nodules thyroïdiens sont présents chez la moitié des
patients âgés de plus de 60 ans à l’examen échographique
ou à l’étude histologique de leur thyroïde. L’examen en
TEP-FDG n’est pas indiqué dans le bilan de malignité
des nodules thyroïdiens mais peut s’avérer utile pour le
suivi de certains patients porteurs de cancers thyroïdiens
non guéris, en dédifférenciation tumorale (1). Dans 2 à
4 % des cas, une TEP-FDG réalisée dans le cadre de la
surveillance ou du bilan d’extension d’un cancer non
thyroïdien (mélanome, lymphome ; cancer du poumon,
cancer du sein, etc.) peut mettre en évidence une hyper-
fixation thyroïdienne (2).
Selon les données de la littérature de 2005 à 2007, les
nodules thyroïdiens fixant en TEP sont malins dans environ
30 à 50 % des cas et doivent justifier d’une exploration
cytologique. Le cancer papillaire demeure la principale
cause de malignité (3). Cependant, les métastases thyroï-
diennes de cancers solides ou des localisations thyroï-
diennes de lymphome ne sont pas exceptionnelles lorsque
le néoplasme primitif a atteint un stade évolué (4).
L’interprétation de la fixation du FDG a été facilitée par la
possibilité de coupler les images en TEP et en tomoden-
sitométrie et par le calcul du SUV, coefficient qui permet
de quantifier la captation du FDG par le tissu tumoral
par rapport au tissu sain (2). Le FDG peut être capté par
le parenchyme thyroïdien de manière diffuse ou foca-
lisée. Le caractère diffus de la fixation du FDG évoque
plutôt une situation bénigne telle qu’une thyroïdite de
Hashimoto mais n’exclut pas qu’une sion maligne de
type papillaire puisse coexister. Ces circonstances sont
néanmoins très rares (5, 6). En cas de fixation focalisée
sur un nodule, la plupart des études ne retrouvent pas de
seuil de SUV discriminant pour départager les nodules
malins des bénins, même si la question n’est pas encore
tranchée (1, 6, 7). Les publications sur la prévalence des
cancers thyroïdiens en cas d’incidentalome thyroïdien en
TEP-FDG sont encore peu nombreuses et correspondent
à des séries rétrospectives qui concernent une population
sélectionnée soumise à une surveillance oncologique.
Certains auteurs se sont intéressés à la proportion des
microcarcinomes papillaires découverts incidemment et
ne correspondant pas au foyer de captation du FDG. Dans
un travail qui a pris en compte 15 711 examens TEP, le
risque de malignité propre du nodule fixant (14 %) était
plus faible que celui qui a été rapporté auparavant, tandis
que le risque de malignité globale (32 %) se maintenait
en raison des cas de diagnostic fortuit de microcarcinome
papillaire sur la pièce de thyroïdectomie (3).
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