CAS CLINIQUE
La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 322 - juillet-août-septembre 2010 | 25
Discussion
Les tumeurs malignes du CAE et de l’oreille moyenne sont rares.
Du fait de leur symptomatologie initiale similaire à celle des
autres affections bénignes de l’oreille, elles sont fréquemment
diagnostiquées à un stade tardif (3). Il existe une large variété
de types histologiques : les carcinomes sont les formes anatomo-
pathologiques les plus fréquentes (3) ; le carcinome épidermoïde
en représente plus de 50 % (1, 4), et le carcinome indifférencié
est très exceptionnel. Généralement, ces carcinomes surviennent
à partir de 50 ans, et le plus souvent chez les hommes dans la
plupart des séries publiées (3).
Le diagnostic est évoqué cliniquement devant une masse tumorale
suspecte dans le CAE, douloureuse, ulcérée ou bourgeonnante, à
laquelle peut s’associer une otorrhée purulente et une parésie ou
une paralysie faciale. La biopsie confirme le diagnostic histologique.
Elle doit être réalisée en profondeur de la masse. Le bilan radio-
logique est réalisé dans le cadre du bilan d’extension ; il fait appel
à l’échographie, au scanner et à l’IRM. Il fournit des renseigne-
ments concernant le siège, le volume et l’extension de la tumeur
et recherche des métastases locorégionales et à distance (2, 5).
Plusieurs classifications sont utilisées (6), bien qu’aucune n’ait
été acceptée par l’UICC. La classification de Pittsburgh est la plus
couramment admise et présente un intérêt pronostique (2, 5). La
physiopathologie des carcinomes du CAE et de l’oreille moyenne
demeure malconnue. Leurs facteurs étiologiques pourraient être
l’exposition aux rayons X et aux rayons ultraviolets, les antécédents
d’otites moyennes chroniques suppurées à répétition aux germes
producteurs de carcinogènes (Aspergillus et Pseudomonas), le
cholestéatome et l’usage des désinfectants chlorés (2, 4).
Le carcinome épidermoïde du CAE a un mauvais pronostic : le
taux de survie à 5 ans varie de 35 à 63 % selon que les berges
de résection sont atteintes ou non et en fonction des séries
publiées (4, 7). Les facteurs de mauvais pronostic sont le stade T4,
le caractère indifférencié ou peu différencié du carcinome, la
présence d’une paralysie faciale, l’envahissement de la dure-mère
et les métastases à distance (2, 3).
Les stratégies thérapeutiques des carcinomes du CAE et de l’oreille
sont très variables d’une équipe à l’autre, car les classifications et
les types de traitement préconisés sont très hétérogènes (6, 7).
Les modalités thérapeutiques à visée curative des tumeurs primi-
tives sont la chirurgie, la radiothérapie ou une combinaison des
deux. La chimiothérapie est proposée essentiellement à visée
palliative. Les récidives locales sont traitées préférentiellement
par curiethérapie (6).
En ce qui concerne la chirurgie, la plupart des auteurs s’accordent
sur le fait que la résection large en bloc de la tumeur avec des
marges chirurgicales saines est le traitement optimal (7, 8). Suivant
le stade d’extension tumorale, l’exérèse peut consister en une
petrectomie externe (stade T1, T2), subtotale (stade T3) ou totale
(stade T4) [2, 6]. L’efficacité de la radiothérapie postopératoire
dans le contrôle des tumeurs avec des lésions résiduelles aux berges
de résection est largement prouvée. Elle est parfois exclusivement
utilisée dans les tumeurs précoces limitées au CAE, mais le plus
souvent elle fait suite à la chirurgie pour les stades T2, T3 et T4 (9).
Les doses d’irradiation varient suivant l’existence ou non d’une
atteinte des berges de résection : une dose de 54 à 60 Gy est
délivrée en cas de résection radicale ; si les marges sont envahies,
l’irradiation est faite à une dose de 66 Gy ou plus (7). La curie-
thérapie permet de contrôler une tumeur localement évoluée ou
récidivante, tout en évitant les complications de la radiothérapie
externe (6, 7). L’association chimiothérapie et radiothérapie a été
récemment essayée par certains auteurs dans le but d’obtenir des
marges chirurgicales saines (7). La chimiothérapie exclusive est
indiquée à visée palliative pour les stades avancés de la tumeur
(T4) et en cas de métastases à distance. L’association 5-FU et
cisplatine semble être le protocole le plus adapté au carcinome
du CAE (2).
Conclusion
Les carcinomes indifférenciés du CAE sont extrêmement rares,
souvent diagnostiqués à un stade tardif où la tumeur a déjà envahi
simultanément le CAE et l’oreille moyenne. L’évolution rapide
et les métastases précoces et à distance en font une tumeur de
très mauvais pronostic. Le traitement est difficile et doit être
agressif. Il fait appel à la chirurgie suivie de la radiothérapie. La
chimiothérapie ne peut être utilisée qu’à visée palliative au stade
métastatique. ■
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Références bibliographiques