15
DISCUSSION
Le cancer de l’oreille moyenne est une entité très rare qui
représente 1/4000-5000 cas de toutes les pathologies de
l’oreille [1]. Son incidence annuelle est moins de 6/1 million
d’habitants [2]. Il s’agit d’une affection du sujet âgé ayant
un âge moyen de survenue de plus de 60 ans [3, 4, 5, 6], avec
une prédominance masculine [7]. Le principal facteur de
risque serait l’infection chronique de l’oreille moyenne
intéressant jusqu’à 61,5% des patients atteints [5]. Notre
patient était âgé de 50 ans et était suivi pour otite chronique
cholestéatomateuse.
Les symptômes sont identiques à ceux de l’otite moyenne
chronique, ce qui explique le retard diagnostique fréquent
dans ces tumeurs (tableau I). Les principaux signes d’alarme
sont la douleur importante, l’otorragie et la paralysie faciale
[7]. Des signes atypiques ont été rapportés par d’autres séries
tels que : le trismus, l’atteinte trigéminale, les vertiges et le
torticolis [7]. L’ostoscopie peut parfois montrer une
extériorisation de la tumeur par le conduit auditif externe sous
forme de polype inflammatoire ou de tissus granulomateux
nécrosé.
Les cancers de l’oreille moyenne se manifestent sur la TDM
sous forme de processus occupant mal limité, infiltrant, prenant
le produit de contraste de manière hétérogène. Le processus
est responsable également d’infiltration des parties molles
adjacentes [9]. La TDM permet de préciser l’aspect des lésions
osseuses sous formes de lyse de la mastoïde, du conduit auditif
externe et des parois de la caisse, identifie l’extension vers
le canal carotidien, le golf jugulaire, la fosse infra-temporale
et le rhinopharynx. Cependant, elle ne permet pas de faire la
différence entre un envahissement tumoral, un remaniement
inflammatoire et un simple comblement liquidien [9]. L’IRM
est l’examen de choix pour préciser l’extension aux parties
molles (muscle, peau et cartilage) et la présence d’adénopathies
temporales ou intraparotidiennes, ainsi que les rapports de la
tumeur avec le nerf facial [9].
La classification TNM se base essentiellement sur la radiologie
et sur le constat peropératoire ; la clinique a peu d’importance
vu l’inaccessibilité de l’os temporal à l’examen clinique.
Ainsi, la classification de Stell [10] est la plus utilisée pour
les tumeurs de l’oreille moyenne (tableau II).
Le type histologique le plus prédominant dans les cancers de
l’oreille moyenne est le carcinome épidermoïde comme il
était le cas pour notre patient avec une fréquence atteignant
81% dans certaines séries de la littérature [1, 7], suivi du
carcinome adénoïde kystique et de l’adénocarinome. Sont
également retrouvés les rhabdomyosarcomes, les carcinomes
mucoépidermoïdes et les lymphomes [7].
Le traitement repose sur la chirurgie et la radiothérapie.
L’étendue de la résection chirurgicale dépend du stade de la
tumeur. Ainsi pour les T1, une mastoïdectomie avec résection
en monobloc de la tumeur est suffisante [4]. Les tumeurs T2
nécessitent une résection partielle de l’os temporal permettant
le contrôle des marges tumorales [1, 11], parfois on peut
recourir à une pétrectomie totale dans les tumeurs très étendues.
Le traitement chirurgical des T3 est généralement précédé
d’une radiothérapie de réduction tumorale [12, 13]. Le
traitement de tous les stades tumoraux doit être complété par
une radiothérapie adjuvante [1].
Les complications secondaires à la chirurgie sont
essentiellement : les abcès cérébraux, les méningites et les
atrophies du nerf optique [1].
Le pronostic dépend de l’extension tumorale et du traitement
reçu. Ainsi, il est optimal pour les patients traités par chirurgie
associée à une radiothérapie adjuvante avec une survie à 5
ans entre 25% et 61% [4, 6, 13, 14] en comparaison avec une
radiothérapie seule avec une survie à 5 ans entre 11% et 31%
[13, 15] (tableau III). Les marges tumorales positives
constituent un facteur de mauvais pronostic. Les récidives
tumorales ainsi que la survenue de métastases sont considérées
comme un échec thérapeutique avec une survie très diminuée.
CONCLUSION
Les cancers de l’oreille moyenne sont une affection rare qui
touche surtout les sujets âgés de sexe masculin. Ses signes
cliniques ne sont pas spécifiques, ce qui constitue une source
Revue Marocaine du Cancer 2010 ; 5 : 13-16
Tableau I. Comparaison des différents signes cliniques
dans les séries de la littérature et chez notre patient
Série
Korzeniowski [8]
Yin [2]
Hahn [1]
Notre patient
Otorrhée
79%
42%
78%
oui
Otalgie
58%
24%
63%
non
Vertiges
17%
-
11%
non
Surdité
55%
2%
48%
oui
Otorragie
10%
16%
26%
non
Paralysie
faciale
-
4%
29%
oui
Tableau II. Classification de Stell [10]
T1
T2
T3
Tx
N0
N1
M0
M1
Tumeur limitée au site d’origine sans paralysie faciale ni destruction osseuse
à la radiologie
Tumeur dépassant le site d’origine avec paralysie faciale ou destruction
osseuse sans dépasser l’organe d’origine
Extension clinique ou radiologique aux structures de voisinage (dure-mère,
articulation temporo-mandibulaire, base du crâne, parotide…)
Pas assez de données pour permettre une classification, incluent les patients
déjà traités dans une autre structure
Pas d’ADP locorégionale
Présence d’ADP locorégionale
Pas de métastases
Métastases à distance
Tableau III. Comparaison de la survie à 5 ans dans les différentes
séries de la littérature et selon la modalité de traitement
Série
Hahn [1]
Sinha [16]
Ogawa [17]
Yin [2]
Wang [18]
Chirurgie
seule
14%
-
-
50%
-
Association
chirurgie-radiothérapie
50%
40%
65%
55%
37%
Radiothérapie
seule
0%
14%
38%
51%
-