CORRIGÉ
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LE DEVOIR • SUJET
Le sujet La culture
La raison et le réel La politique
La morale Sujets d’oral
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allant à rebours de mon égoïsme naturel. Agir moralement, c’est en effet
agir conformément à la morale, définie comme un système de valeurs per-
mettant d’ordonner nos actions selon la distinction du bien et du mal. Mais
l’action morale peut aussi se définir comme une action bonne selon ma
nature singulière, le principe d’action n’étant plus la valeur, donnée pour
absolue, du bien et du mal, mais le critère du bon et du mauvais. Ces cri-
tères sont propres à l’éthique, que l’on distingue ainsi de la morale. Or, se
soucier de soi, ce n’est pas seulement prendre en compte sa propre per-
sonne, comprise comme un ensemble d’intérêts particuliers ou égoïstes, et
faire passer ses propres intérêts avant ceux des autres. Se soucier de soi,
c’est aussi prendre soin de soi, c’est-à-dire ne pas se négliger, cultiver ce
que l’on est. Ego en latin signifie « moi », et le souci de soi peut être aussi
cette attention portée à ce que je suis, cette discipline par laquelle je veille à
vivre conformément à mes propres principes. Alors, la morale est-elle
incompatible avec le souci de soi ? Il s’agira donc de se demander si un
acte moral exige nécessairement une forme d’oubli de soi. Autrement dit,
faut-il sacrifier ses intérêts personnels pour agir moralement ? Un acte
n’est-il moral qu’à condition de viser l’intérêt des autres ? On pourrait
même se demander si l’attitude morale est celle par laquelle je peux aller à
l’encontre de mes propres intérêts. Mais qu’est-ce qui, dans le désintéres-
sement, peut être moral ? N’est-on moral qu’à condition de se négliger ?
Dans un premier temps, nous verrons que l’action morale présuppose la
capacité à faire abstraction de nos intérêts égoïstes, en ce que son but est
le devoir. Mais n’est-ce pas faire de l’acte moral un acte contraire à notre
nature ? Nous verrons alors qu’il n’est ni possible ni souhaitable de se
négliger soi-même, dans la mesure où la vertu exige la connaissance de soi
et le respect de notre nature singulière. Finalement, loin d’être ce qui
empêche une action d’être morale, le souci de soi serait la condition néces-
saire de la vertu.
1. Agir moralement exige de ne pas se soucier de soi
A. Agir moralement, c’est écouter sa raison
Dans un premier temps, on peut penser que l’acte moral se caractérise préci-
sément par l’oubli de nos intérêts personnels. Notre aptitude à distinguer le
bien du mal étant liée à l’usage de notre raison, comme l’indique Kant, et la
raison étant la capacité proprement humaine qui nous permet de combattre
notre instinct – qui vise notre conservation et, partant, ordonne notre action à
des motifs égoïstes –, alors, agir moralement c’est agir contre son égoïsme.
Agir moralement n’est rien d’autre qu’écouter notre raison : la loi morale est
en nous et, souligne Kant, est la même pour tous puisque nous sommes tous
des créatures raisonnables. D’où le caractère universel de ses impératifs qui
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