LA SANTÉ DU PAYS, LA FORCE DE L’ÉCONOMIE Mémoire prébudgétaire présenté au Comité permanent des finances de la Chambre des communes Août 2012 L’AIIC a préparé ce document afin de fournir de l’information et en vue d’accomplir sa mission, de réaliser sa vision et d’atteindre ses buts. Tous droits réservés. Aucune partie de ce document ne peut être reproduite, stockée dans un système d’extraction de données ou retranscrite sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit (procédé électronique ou mécanique, photocopie, enregistrement ou autre) sans l’autorisation écrite de l’éditeur. © Association des infirmières et infirmiers du Canada 50, Driveway Ottawa (Ontario) K2P 1E2 Téléphone : 613-237-2133 ou 1-800-361-8404 Télécopieur : 613-237-3520 www.cna-aiic.ca 978-1-55119-392-2 Août 2012 1. REPRISE ÉCONOMIQUE ET CROISSANCE Compte tenu des restrictions budgétaires actuelles au sein du gouvernement fédéral et dans le monde, quelles mesures fédérales particulières jugez-vous nécessaires pour assurer la reprise économique et une plus forte croissance économique au Canada? Une population en bonne santé est essentielle pour une économie en santé, et la santé de la population active joue un rôle clé dans la croissance économique. Chaque année, les maladies chroniques coûtent à l’économie canadienne au moins 190 milliards de dollars. Pour assurer que la conjoncture est propice à la reprise de l’économie et à la croissance, il faut d’abord veiller à ce qu’il y ait de bonnes conditions pour appuyer la santé du pays. L’AIIC recommande que le gouvernement fédéral mène des efforts visant à améliorer la santé nationale en : choisissant de se concentrer sur cinq indicateurs de la santé et du système de santé qui mèneront à l’amélioration de la santé; formulant une vision nationale pour améliorer le classement du Canada par rapport à ces indicateurs d’ici 2017. Le gouvernement fédéral peut intervenir afin de cerner ces indicateurs en obligeant l’Institut canadien d’information sur la santé, Santé Canada, l’Agence de la santé publique du Canada et Statistique Canada à collaborer. Le gouvernement fédéral peut faire preuve de leadership en collaborant avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, les infirmières et infirmiers, d’autres professionnels de la santé, les chercheurs, les responsables de l’élaboration de politiques et le public pour élaborer ensemble et présenter une vision nationale qui optimisera la santé par les soins de santé primaires. L’AIIC est d’avis que la prospérité d’un pays repose sur une population productive et comme l’Organisation mondiale de la Santé, est d’avis qu’une population en santé est synonyme de population active en santé. Selon le Conseil canadien de la santé (CCS), pour que les citoyens du Canada soient en bonne santé et productifs à l’avenir, tous les gouvernements doivent conjuguer leurs efforts dans l’intérêt de toute la population canadienne. Nous pouvons améliorer la santé tout en favorisant la croissance économique et la productivité en établissant et en atteignant un objectif national qui consiste à promouvoir un système de santé viable et intégré. Les mesures des indicateurs de la santé comparables et les rapports sur la question se sont améliorés suite à l’adoption de l’Accord sur la santé, mais les progrès ont été moindres sur le plan des indicateurs de rendement du système. Afin d’améliorer la santé de la population et de la population active, il faut établir un système national de mesure qui produira une définition et une approche normalisées de la mesure des indicateurs prioritaires. L’AIIC recommande d’envisager les indicateurs valables suivants, notamment : obésité mesurée chez les adultes et les enfants qui ont un excès de poids; incidence et prévalence du diabète; prise en charge des conditions médicales sensibles aux soins ambulatoires; taux de réadmission après 30 jours chez les patients atteints d’une maladie mentale; accès permanent à des équipes de soins primaires interprofessionnelles axées sur la collaboration. 1 2. CRÉATION D’EMPLOIS En tenant compte du fait que les entreprises canadiennes sont aux prises avec les pressions qu’exercent sur elles des facteurs comme l’incertitude relative à la reprise économique aux États-Unis, à la crise de la dette souveraine en Europe et à la concurrence que leur fait un certain nombre de pays développés et pays en développement, quelles mesures particulières devrait-on prendre, selon vous, pour promouvoir la création d’emplois au Canada, notamment celle qui est attribuable à l’accroissement du commerce intérieur et international? La mobilité est un facteur important qui joue sur l’offre de fournisseurs de soins de santé. Le Canada a une capacité limitée à suivre la mobilité de ses effectifs infirmiers à la fois à l’intérieur (entre les provinces et territoires) et à l’extérieur (lorsque des infirmières partent travailler à l’étranger). La seule façon que le Canada puisse produire des rapports sur les infirmières et infirmiers autorisés qui travaillent à l’étranger, c’est si ces derniers maintiennent leur autorisation dans une province ou un territoire du Canada. Il n’a jamais été plus urgent de garantir l’offre de prestateurs de soins de santé, étant donné les menaces qui pourraient découler des changements récents de la politique sur l’assurance-maladie aux États-Unis où 30 millions d’Américains de plus auront accès aux soins de santé. La proximité relative du bassin de professionnels de la santé très qualifiés du Canada constitue une source tentante de fournisseurs étant donné la montée des besoins américains. L’AIIC recommande que le gouvernement fédéral dirige la création d’un identificateur national unique (INU) pour tous les professionnels de la santé réglementés au Canada. La mise en œuvre d’un INU pour les professionnels de la santé faciliterait la création d’emplois en : garantissant un dénombrement exact des ressources humaines de la santé (RHS) et permettant une meilleure planification des RHS entre les provinces et territoires, ce qui comprend la prévision de l’offre et de la demande; assurant l’identification solide et uniforme des fournisseurs de soins de santé dans l’ensemble des données et des services liés aux dossiers de santé électroniques (DSE), ce qui garantirait l’identité des prestateurs de soins de santé tout en limitant l’accès aux DES aux personnes autorisées; fournissant aux gouvernements l’information nécessaire pour suivre les tendances de la stabilité au sein de la population active, y compris le statut de la pratique (travailleur actif, congé temporaire, congé de maternité), la répartition des fournisseurs de soins de santé entre les secteurs et les contextes, le lien entre le domaine de la pratique et l’âge de la retraite, les arrivées dans la profession et les départs, ainsi que la mobilité entre les provinces et territoires. Ces projections permettent aux décideurs de planifier la formation et le déploiement des ressources humaines de la santé de façon à répondre aux besoins futurs des Canadiennes et Canadiens dans le domaine de la santé et à appuyer la santé nationale. La mise en œuvre d’un INU constitue une mesure à long terme rentable décrite dans le Cadre de planification concertée des ressources humaines de la santé à l’échelle pancanadienne. Une étude de faisabilité réalisée par l’ICIS sur les RHS a révélé que l’implantation d’un INU dans neuf professions entraînerait des coûts de démarrage modestes de 17,27 millions de dollars en trois ans et des coûts de fonctionnement annuels de 5,18 millions. 2 3. CHANGEMENT DÉMOGRAPHIQUE Quelles mesures précises le gouvernement fédéral devrait-il prendre, selon vous, pour aider le pays à faire face aux conséquences du vieillissement de la population canadienne et des pénuries de main-d’œuvre? Après 65 ans, les dépenses de santé par habitant doublent presque à chaque dix ans pour atteindre 8 425 $ à 75 ans et 16 821 $ à 85 ans. Comme plus de 4,7 millions de Canadiens ont 65 ans et plus et que ce total devrait presque doubler d’ici 2036, la promotion de la santé et la prévention des maladies n’ont jamais été plus importantes pour garder les personnes âgées en aussi bonne santé et aussi autonomes que possible. L’AIIC recommande que le gouvernement fédéral prenne les devants et collabore avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour établir et mettre en œuvre une stratégie intégrée sur le vieillissement en santé afin d’assurer que les systèmes de santé et de services sociaux peuvent répondre aux besoins de notre population vieillissante. La stratégie devrait s’appuyer sur un cadre de soins de santé primaires, devrait intégrer dans sa planification les principes du vieillissement actif (processus qui consiste à optimiser les possibilités pour la santé, la participation et la sécurité afin d’améliorer la qualité de vie à mesure que les gens vieillissent) et devrait comprendre les aspects suivantes : une stratégie nationale sur la santé publique qui accorde la priorité aux aspects suivants : o vie en santé; o prévention de l’obésité, des maladies et des blessures; o santé mentale; o protection et surveillance de la santé; o réduction des inégalités en santé entre les Canadiennes et Canadiens âgés (par l’adoption d’une approche basée sur la santé des populations qui pivote sur la prise en compte des déterminants sociaux de la santé sous-jacents). Un Réseau national de recherche sur la santé financé par le gouvernement fédéral qui cherchera avant tout des pratiques d’équipe rentables et de premier plan de prestation de soins contre la démence et leur diffusion dans tous les systèmes de soins de santé au Canada. Un Fonds d’innovation en santé du Canada qui définira et appliquera des modèles de prestation des soins de santé novateurs et fondés sur les pratiques exemplaires. Beaucoup d’études ont signalé l’efficacité des coûts des modèles basés sur les équipes de collaboration interprofessionnelle pour créer des services de prévention et de prise en charge des maladies chroniques visant les Canadiennes et Canadiens âgés. Le Canada devrait faciliter la diffusion et la mise en œuvre de ces exemples dans tous les systèmes de santé. Du financement frais pour les services de soins palliatifs ou de soins de fin de vie, ainsi que l’accès aux médicaments pour les Canadiennes et Canadiens âgés. Des crédits d’impôt fédéraux supplémentaires pour aider les personnes âgées au Canada à demeurer plus longtemps chez eux. Les crédits d’impôt pour les aidants naturels (membres de la famille) et l’expansion des services de soins à domicile sont deux moyens moins coûteux que les soins de longue durée ou les soins aux bénéficiaires internes, même lorsqu’on tient compte des services de répit. 3 4. PRODUCTIVITÉ Compte tenu des difficultés que connaît le marché de l’emploi en partie à cause du vieillissement de la population et des efforts continus consacrés aux mesures visant à accroître la compétitivité du pays, quelles initiatives fédérales particulières sont nécessaires pour le renforcement de la productivité au Canada? Comme la productivité est fonction de la santé d’un pays, elle augmentera à mesure que les maladies chroniques diminueront. Sans tenir compte des quelque 20 milliards de dollars par année que les maladies mentales nous coûtent (en réduisant le nombre de travailleurs disponibles), les maladies chroniques coûtent à l’économie canadienne 190 milliards de dollars par année. L’investissement dans des mesures ciblées de prévention des maladies chroniques et de promotion de la santé mentale et du rétablissement peut favoriser une population active moins sensible au recul de la productivité. L’AIIC recommande que le gouvernement fédéral prenne des mesures pour appuyer la santé mentale, la promotion de la santé et la prévention des maladies, y compris les suivantes : incitatifs et moyens de soutien financiers pour aider les employeurs à lutter contre la stigmatisation associée à la santé mentale et améliorer les interventions en cas de crises de santé mentale en milieu de travail; incitatifs fiscaux et investissements dans l’infrastructure afin d’encourager l’activité physique; règlements ciblés pour réduire les taux d’obésité mesurés, y compris règlements pour réduire la teneur en sel et en gras des aliments préparés. Les troubles de santé mentale non traités et la stigmatisation associée aux maladies mentales en milieu de travail réduisent aussi la productivité. Le gouvernement fédéral peut promouvoir la santé psychologique et la sécurité au travail en facilitant les programmes en milieu de travail par des incitations fiscales et de l’aide financière visant à lutter contre la stigmatisation, à appuyer une bonne santé mentale et à prévenir et gérer les crises en santé mentale. De même, les huit maladies chroniques liées le plus près à l’obésité ont coûté à l’économie quelque 4,6 milliards de dollars en 2008 seulement. Les initiatives portant sur l’infrastructure comme les pistes cyclables et les sentiers pédestres, les programmes qui encouragent l’activité physique et les incitations aux programmes de mieux-être et d’activité au travail peuvent améliorer la santé et la productivité. Les employeurs tirent de chaque dollar investi dans de tels programmes un rendement estimé à 3,43 $ en cinq ans. La consommation excessive de sel constitue un facteur de risque déterminé d’hypertension, une importante cause de maladies cardiovasculaires, d’accidents vasculaires cérébraux et d’insuffisance rénale, et un important facteur qui contribue aux coûts liés aux décès prématurés, à l’invalidité et aux soins de santé. Tous ces problèmes chroniques comportent un risque de complications qui ont une incidence sur la productivité, mais les bonnes interventions stratégiques éclairées par des données probantes peuvent prévenir l’hypertension. La réduction de l’apport en sodium et la nécessité de traiter des maladies cardiovasculaires associées à l’hypertension pourraient éviter aux Canadiennes et Canadiens des dépenses estimées à 1,4 milliard de dollars par année. Les règlements plus rigoureux sur la teneur en sodium des aliments préparés constituent un pas dans la bonne voie. 4 5. AUTRES DÉFIS On sait que certains particuliers, ainsi que certaines entreprises et communautés connaissent actuellement des défis au Canada. Quels sont, selon vous, ceux qui éprouvent le plus de difficultés, quelles sont ces difficultés et quelles mesures fédérales sont nécessaires pour remédier à ces difficultés? Les Canadiennes et Canadiens dont le revenu est le plus faible ont les défis les plus importants à relever sur le plan de la santé dans notre société. Selon le récent rapport de la Commission nationale d’experts de l’AIIC, le revenu, le logement, la sécurité alimentaire et l’exclusion sociale sont quatre déterminants majeurs de l’inégalité en santé. Rien ne menace toutefois plus la santé que la pauvreté. Pour s’attaquer aux inégalités, le gouvernement fédéral pourrait intégrer la santé dans chaque politique en faisant passer toutes les décisions du cabinet par le filtre de l’évaluation des incidences sur l’équité en santé (EIES). L’AIIC recommande que le gouvernement fédéral soumette toutes les décisions fédérales portant sur la conception de politiques, de la planification, de programmes ou de services à un processus d’évaluation des incidences sur la santé basé sur l’équité. Les EIES déterminent les populations qui ont le plus de défis à relever et lesquels de ces défis découlent de la mise en œuvre de politiques sur, par exemple, l’emploi, le logement, le revenu et le développement de la petite enfance. La mise en œuvre rigoureuse des EIES démontrera la responsabilité et la transparence du gouvernement fédéral tout en garantissant que les décisions prises tiennent compte des Canadiennes et Canadiens qui doivent relever les défis les plus importants. Nous savons que des facteurs externes des services de santé ont une incidence sur 75 % de la santé individuelle, mais il ne faut pas oublier que c’est la même chose dans le cas de la population. Les déterminants sociaux de la santé, en particulier la pauvreté, l’itinérance ou l’appartenance à un groupe de minorité raciale ou ethnique, peuvent rendre une personne plus vulnérable à la maladie et réduire sa capacité à accéder aux services de santé et à prendre sa santé en charge. Les populations autochtones du Canada incarnent les répercussions des déterminants sociaux de la santé. Les Autochtones sont surreprésentés chez les personnes vivant dans la pauvreté, aux prises avec un chômage élevé, peu instruites et vivant dans un logement surpeuplé. Les taux de morbidité plus élevés et les décès précoces constituent une grave préoccupation pour ces groupes. La prévalence du suicide et des maladies chroniques (à la fois non transmissibles et infectieuses) dans cette population est particulièrement alarmante. Les disparités en santé parmi les groupes raciaux et ethniques persistent partout au Canada. L’inaction de tous les ordres de gouvernement au niveau de la conception et de la mise en œuvre de politiques et de services dans leurs collectivités respectives en est une raison. L’application de politiques et de services de santé appropriés oblige de plus en plus les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et les administrations municipales à conjuguer leurs efforts et à élaborer des stratégies multilatérales qui établiront un lien entre la santé et toutes les politiques gouvernementales. 5 6