Introduction `a la logique- Cours 1 1 Détails pratiques 2

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Introduction à la logique, ENS/CO5, 2016, S1
Paul Égré - Cours 1
Introduction à la logique- Cours 1
Paul Égré
(Institut Nicod / ENS)
[email protected]
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Détails pratiques
- 6 ECTS (pour CO5/Philmaster) / 6 crédits ENS (Diplôme)
- Validation: assiduité fait partie de la validation; 5 DM + 1 devoir final
- TD optionnel mais recommandé : le jeudi de 16h à 17h30 (Louis Rouillé) en salle Pasteur bas; une
seconde séance de TD sera peut être assurée le vendredi matin (à confirmer)
- Merci de vous déclarer: NOM, Prénom, email, diplôme, Validation (CO5, DENS, Philmaster, HEC,
ou Auditeur Libre)
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Objectifs
Objectifs généraux:
- vous faire connaı̂tre la logique mathématique telle qu’elle a été formalisée entre 1880 et aujourd’hui (nous étudierons des concepts formalisés surtout vers 1920-1930, au moment où la logique
mathématique prend son essor).
- vous donner des éléments de logique inductive, pas seulement déductive (fin du cours)
- vous montrer quelques liens fructueux entre la logique et la psychologie du raisonnement, mais
aussi entre la logique et la linguistique
Objectifs de cette première séance:
- Préambule: qu’est-ce que la logique ?
- Inférence et types d’inférence: déduction, induction, abduction
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Quels manuels ?
Un manuel utile est celui de Gamut (il est plus susceptible de vous être utile que n’importe quel autre
sur la liste). Sachez néanmoins que nous ne suivrons pas la même progression.
• Manuel d’introduction en français
P. Wagner, Logique et philosophie. Manuel d’introduction pour les étudiants du supérieur, Ellipses.
F. Lepage (1994, réactualisé depuis). Eléments de logique contemporaine. Dunod.
• Manuel plus avancé
R. David, K. Nour et C. Raffali (2001). Introduction à la logique. Dunod.
• Manuel en anglais: [idem]
L.F.T. Gamut (1990). Logic, Language and Meaning, tome 1. University of Chicago Press.
I. Chiswell and W. Hodges (2007). Mathematical Logic. Oxford Texts in Logic 3.
• Articles et anthologie en français: [référence utiles]
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D. Bonnay et M. Cozic (dir.) (2009). Philosophie de la logique. Conséquence, preuve et vérité.
Vrin.
P. Egré (2005). L’analyse logique des langues naturelles. Pour la Science. Oct-Dec. 2005, pp.
45-50.
• Logique inductive
Bryan Skyrms. Choice and Chance (4th ed.)
Ian Hacking. L’ouverture au probable (Armand Colin).
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Qu’est-ce que la logique ?
• Dans l’édifice de la philosophie [la logique comme discipline]: un organon (Aristote); la science
de la démonstration (Aristote); un art de penser (Arnaud et Nicole): une théorie du raisonnement
correct (Boole); une précondition de l’enquête ontologique ou métaphysique (Frege, Russell, Quine,
Montague...)
• Dans la vie courante [la logique comme faculté]: ce qui me permet de résoudre une grille de sudoku;
ce qui me permet de résoudre une équation; ce qui me permet de suivre ou de proposer une preuve
mathématique, ...
La définition que nous retiendrons pour la discipline:
la logique = la théorie des inférences valides
Mais qu’est-ce qu’une inférence ? Que signifie “valide”?
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5.1
Inférences et arguments
Quelques exemples
But du jeu: identifier quelles inférences sont valides ou contraignantes. Quand elles ne le sont pas,
se demander si les inférences en question sont néanmoins raisonnables, dans quelle mesure, et de se
demander pourquoi.
(1)
Tous les hommes sont mortels
Socrate est un homme
Socrate est mortel
(2)
Autre syllogisme Tous les linguistes sont chimistes
Certains chimistes sont dentistes
Certains linguistes sont dentistes
(3)
Je pense
Je suis
(4)
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Le soleil s’est levé tous les matins jusqu’à aujourd’hui
Le soleil se lèvera demain
(5)
La lumière est éteinte
L’interrupteur est en position “allumé”
L’ampoule est cassée
(6)
Dieu est parfait
L’existence est une perfection
Dieu existe
(7)
Personne n’a pu démontrer que les fantômes existent
Les fantômes n’existent pas
Personne n’a pu démontrer que les fantômes n’existent pas
Les fantômes existent
(8)
Aucun des essais n’a démontré que ce médicament était toxique
Ce médicament n’est pas toxique.
Aucun des essais n’a démontré que ce médicament n’était pas toxique
Ce médicament est toxique
5.2
Vérité et validité
Un énoncé: une phrase qui par sa forme grammaticale est évaluable comme vraie ou fausse
Un argument: une suite d’énoncés comportant un ensemble de prémisses et une conclusion (séparée
par “donc”)
La vérité: propriété d’un énoncé
La validité: propriété d’un argument ou d’une inférence
NB: nous dirons parfois d’un énoncé qu’il est valide, mais en un sens technique (à venir). On ne dira
jamais d’un argument ou d’une inférence qu’il sont “vrais” (erreur de catégorie).
NB. “Inférence” et “argument” seront parfois utilisés de façon interchangeable (bien que l’inférence
puisse désigner le processus inférentiel, l’argument son expression linguistique)
5.3
Déduction, induction, abduction
• Depuis Hume (au moins), on oppose deux catégories d’inférence: les inférences déductives et inductives
. Une inférence déductive: une inférence telle que la conclusion est censée suivre de la seule
forme des prémisses de façon absolument certaine
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. Une inférence inductive: une inférence telle que la conclusion ne suit pas de la seule forme des
prémisses. La conclusion suit des prémisses avec une certaine probabilité seulement. L’induction est
toujours une inférence risquée.
. On distingue aussi certaines inférences comme abductives (Peirce): l’inférence en question
est défaisable (comme pour l’induction), mais la conclusion est censée fournir une explication d’au
moins une des prémisses. On parle aussi pour l’abduction d’inférence à la meilleure explication
(“inference to the best explanation”, une terme forgé par G. Harman)
5.4
Validité et Correction
• On dit qu’une inférence est déductivement valide ssi les prémisses ne peuvent être vraies sans que
la conclusion soit vraie.
• Conséquence: une inférence inductive, par définition, ne saurait être déductivement valide. En
revanche, une inférence inductive peut être plus ou moins forte, selon le degré de probabilité conféré
par les prémisses à la conclusion.
• On distingue la validité d’un argument déductif de sa correction. La validité ne concerne que la
forme de l’argument et le lien entre la vérité supposée des prémisses et celle de la conclusion. La
correction revient à se demander si les prémisses de l’argument et la conclusion sont effectivement
vraies ou pas. Il est bien connu que deux personnes peuvent aboutir à une même conclusion vraie
mais sur la base de prémisses distinctes, ou encore de raisonnements distincts.
(9)
Un argument logiquement valide, mais dont la correction est clairement discutable (Ikuenobe
2004):
Tout cas dans lequel un être humain vivant est tué est mauvais.
Tout cas d’avortement est un cas dans lequel un être humain vivant est tué.
Tout cas d’avortement est mauvais.
“This argument may provide adequate proof for someone who already believes that a fetus is a
living human being. However, for someone who does not believe this proposition, this argument is
weak or provides inadequate proof for the conclusion.” (Hahn & Oaksford 2016)
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Deux exemples d’arguments philosophiques
Voici deux exemples d’arguments philosophiques pris in situ. Le but pour vous est de voir de quelle
manière vous pouvez les présenter comme des arguments déductifs, et de mesurer leur validité.
6.1
Sextus sur les biens par nature
“Le feu qui chauffe par nature apparaı̂t échauffant à tout le monde, et la neige qui refroidit
par nature apparaı̂t refroidissante à tous, et tout ce qui agit par nature agit de la même
manière sur tous ceux qui sont, comme ils disent, dans un état naturel. Mais aucun
de ce qu’on appelle les biens n’agit sur tout le monde en tant que bien, comme nous
allons le suggérer. Il n’y a donc pas de bien par nature.” Sextus Empiricus, Esquisses
pyrrhoniennes III, 23.
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Tout ce qui agit par nature agit de la même manière sur tout le monde
Aucun des biens n’agit sur tout le monde de la même manière
Il n’y a pas de bien par nature.
• La validité de l’argument est à distinguer de la vérité des prémisses ou de la conclusion
6.2
J. Fodor sur les concepts
“Concepts are productive and systematic. Since compositionality is what explains systematicity and productivity, it must be that concepts are compositional. But it’s as certain
as anything ever gets in cognitive science that prototypes don’t compose. So it’s as certain as anything ever gets in cognitive science that concepts can’t be prototypes” J. Fodor
Concepts, 1998.
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Un exemple de jeu logique: le Mastermind
(Crédits: SMastermind)
Rappel des règles: on doit deviner une combinaison de 4 couleurs parmi 6 couleurs (répétitions
autorisées), grâce au retour reçu sur chaque coup (feedback). Un taquet noir signifie qu’au moins une
couleur est correcte et bien placée. Un taquet blanc signifie qu’au moins une couleur est correcte,
mais mal placée.
Combien y a-t-il de combinaisons possibles au départ du jeu ? Réponse: 6 × 6 × 6 × 6 = 1296
On place un nombre d’essais maximum: ici 16 coups, pour réussir, il faut donc utiliser autre chose
qu’une recherche exhaustive (inefficace de toute façon).
Questions:
1. Que peut-on conclure déductivement après le premier coup sur les couleurs à choisir au coup
suivant ?
2. Que peut-on conclure déductivement après le second coup sur les couleurs à choisir au coup
suivant ?
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3. La combinaison choisie au quatrième coup est-elle le résultat d’une inférence purement
déductive ?
Conséquence: les transitions au Mastermind ne sont pas purement déductives (certaines). Certaines versions du Mastermind font en sorte d’être purement déductives.
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