2-1
Chapitre 2
L’approximation du champ moyen et la
théorie de Laudau des phénomènes
critiques
2.1 Le modèle d’Ising dans l’approximation du champ moyen
2.1.1 Approximation variationnelle, théorie générale
Le champ moyen est un cas particulier d’approximation basée sur une méthode variationnelle. Les mé-
thodes variationnelles sont très générales et jouent un rôle très important dans de nombreux domaines de la
physique. Le champ moyen traité comme approximation variationnelle permet de résoudre le modèle d’Ising
en champ non homogène, de calculer le potentiel thermodynamique et donc de calculer toutes les fonctions de
corrélations de spin. Cela permet en outre de suggérer des améliorations au champ moyen.
2.1.1.a - Hamiltonien d’essai et inégalité de convexité
L’idée de base est d’approximer la dynamique initiale donnée par le Hamiltonien Hpar une dynamique
plus simple à traiter donnée par un Hamiltonien d’essai He. Pour cela on réécrit d’abord la fonction de partition
exacte en fonction de celle pour le Hamiltonien d’essai et d’une valeur moyenne h···ieavec He(c.a.d. avec le
poids de Boltzmann we=exp(He[S]))
Z=Â
S
eH[S]=Â
S
eHe[S]eHe[S]H[S]=Zeexp He[S]H[S]↵e(2.1.1)
avec
Ze=Â
S
eHe[S],hO[S]ie=1
ZeÂ
SO[S]eHe[S](2.1.2)
Cette relation est exacte ! A ce stade on a normalisé T=1.
On utilise maintenant le fait que la fonction exponentielle est convexe et la propriété fondamentale des
fonctions convexes que pour n’importe quelle distribution de probabilité r(x), l’image de la valeur moyenne
est plus petite que la valeur moyenne de l’image
fconvexe =)f(x)f(x)(2.1.3)
pour en déduire l’inégalite de convexité
hexp(A[S])ieexp hA[S]ie(2.1.4)
valable pour toute fonctionnelle A[S](réelle), donc en particulier pour A[S]=He[S]H[S].
Prenant le logarithme on obtient une borne supérieure rigoureuse sur l’énergie libre Fexact en fonction de
l’énergie libre obtenue avec He,Fe=log Ze, et de la valeur moyenne de la différence entre le Hamiltonien
Programme Doctoral de Suisse Occidentale Théorie statistique des champs et groupe de renormalisations
2-2 CHAPITRE 2. LA THÉORIE DU CHAMP MOYEN
exact et le Hamiltonien d’essai, calculée avec He
FFe+H[S]He[S]e(2.1.5)
2.1.1.b - Estimation variationnelle pour l’énergie libre
La méthode variationnelle est la suivante. On choisit une famille Hde Hamiltoniens d’essai He, dépendant
d’un certain nombre de paramètres arbitraires (que pour simplifier on va aussi noter e).
Famille d’essai H={He:e2Eespace des paramètres d’essai}(2.1.6)
et on minimise Fe+H[S]He[S]epar rapport à cette famille pour obtenir l’énergie libre variationnelle Fvar
Fvar =min
e2EhFe+H[S]He[S]ei(2.1.7)
qui est la meilleure minimisation possible de Fcalculée avec la famille de Hamiltoniens d’essai considérée. On
a bien entendu
FFvar
Noter que comme hHe[S]ie=Ee(l’énergie interne) et que Fe=EeTSeSeest l’entropie du système avec
le Hamiltonien d’essai He(on remet la température T6=1) on peut réécrire
Fvar =min
e2EhH[S]eTSei(2.1.8)
2.1.1.c - Estimation variationnelle pour le potentiel thermodynamique :
Ceci se généralise simplement au potentiel thermodynamique. On rajoute les sources externes h={hi}au
Hamiltonien microscopique
H[S]!H[S]hS (2.1.9)
L’énergie libre variationnelle pour le système avec sources est
Fvar[h]=min
e2E[hH[S]hSieTSe]=min
e2EhhH[S]ehhSeTSei(2.1.10)
Le potentiel thermodynamique variationnel Gvar[m]est sa transformée de Legendre
Gvar[m]=max
h(Fvar[h]+hm)=max
hmin
e2EhH[S]ieTSe+hmhSie⇤ (2.1.11)
où les m={mi}sont les aimantations moyennes.
On a maintenant un double problème d’extrémisation par rapport aux sources het aux paramètres varia-
tionnels e, où la dépendance dans les sources hest linéaire. Les sources hjouent donc le rôle de multiplicateurs
de Lagrange, l’extrémisation par rapport à himpose les contraintes sur les aimantations locales
extrémisation par rapport à hi=)m=hSie(2.1.12)
qui portent sur les paramètres edes Hamiltoniens d’essai. On est donc ramené à minimiser l’énergie libre
interne Ge=hHieTSe, calculée avec les Hamiltoniens d’essai He,sous la contrainte sur les e que l’aimantation
moyenne soit fixée
Gvar[m]= min
e2E[m][hHieTSe],E[m]={e2E:m=hSie}(2.1.13)
La dépendance dans les aimantations mest contenue seulement dans les contraintes E[m]sur les paramètres
d’essai e.
c
François David, 2014 Notes de cours – 11 février 2014
2.1. LE CHAMP MOYEN POUR LE MODÈLE D’ISING 2-3
2.1.2 Application : champ moyen pour le modèle d’Ising
2.1.2.a - Hamiltonien d’essai de champ local :
L’approximation du champ moyen pour le modèle d’Ising consiste à prendre une famille de Hamiltoniens
d’essai très simple où pour chaque site ile spin Siest indépendant des autres et couplé seulement à un champ
local ei(a priori différent pour chaque site). La famille des paramètres variationnels Eest donc juste l’ensemble
des champs locaux eisur le réseau
e=(ei,isites du réseau)(2.1.14)
et le Hamiltonien d’essai correspondant est simplement
He[S]=JÂ
i
eiSi(2.1.15)
Chaque spin Sifluctue indépendamment des autres spins. Pour un site donné, avec un champ local e, la fonc-
tion de partition d’un spin est simplement
z=z(e)=2 cosh(Je)(2.1.16)
l’aimantation locale du site est
m(e)=hSie=tanh(Je)(2.1.17)
et l’entropie du site est
s=s(e)=(p+log p++plog p)=log 1+e2Je
1+e2Je +log 1+e2Je
1+e2Je (2.1.18)
p±est la probabilité que le spin S=±1
p±(e)=2 exp(±Je)
cosh(Je)=1
1+e2Je (2.1.19)
On notera que l’on peut réexprimer l’entropie s(e)en fonction de l’aimantation m(e)comme
s(e)=1+m
2log 1+m
2+1m
2log 1m
2◆ ,m=m(e)(2.1.20)
puisque
p±(e)=1±m(e)
2(2.1.21)
L’énergie libre et l’entropie totale pour un Hamiltonien d’essai Hesont simplement
Fe=Â
i2réseau log(z(ei)) ,Se=Â
i2réseau
s(ei)(2.1.22)
2.1.2.b - Energie libre variationnelle
C’est maintenant très simple de calculer l’énergie libre variationnelle pour le modèle d’Ising avec cette
famille de Hamiltoniens d’essai locaux En effet, les spins en différents sites fluctuent indépendamment donc
les valeurs moyennes se factorisent
hSiie=m(ei)=tanh(Jei),hSiSjie=hSiiehSjie=m(ei)m(ej)si i6=j, etc. (2.1.23)
On peut donc facilement calculer l’énergie interne du modèle d’Ising hHIsing[S]ieet en utilisant 2.1.8 on obtient
l’énergie libre variationnelle pour le modèle d’Ising
Fvar =min
eF[e],F[e]=JÂ
<ij>
m(ei)m(ej)Â
i
Bm(ei)s(ei)(2.1.24)
Programme Doctoral de Suisse Occidentale Théorie statistique des champs et groupe de renormalisation
2-4 CHAPITRE 2. LA THÉORIE DU CHAMP MOYEN
où l’aimantation par site m(e)et l’entropie par site s(e) sont données par 2.1.17 et 2.1.18. Pour obtenir le champ
local eiet l’aimantation midans l’approximation du champ moyen, il suffit de résoudre les équations varia-
tionnelles
F[e]
ei
= JÂ
jvoisin de i
m(ej)B!dm
de (ei)ds
de (ei)=0 (2.1.25)
ou de façon équivalente JÂ
jvoisin de i
m(ej)B!ds(ei)
dm(ei)=0 (2.1.26)
De 2.1.20 on obtient
ds(e)
dm(e)=1
2log 1+m
1m=arctanh(m),m=m(e)(2.1.27)
L’équation variationnelle qui détermine les champs eiest donc
m(ei)=tanh JÂ
jvoisin de i
m(ej)+B!(2.1.28)
Elle admet une solution homogène ei=e(si le réseau est invariant par translation), et est équivalente à l’équa-
tion de Curie-Weiss ?? pour l’aimantation locale mi=m.
m=tanh(cJm +B)(2.1.29)
cest la coordinance = nombre de voisins d’un site, c=2Dpour un réseau cubique.
Ce calcul variationnel se généralise de façon très simple au calcul du potentiel thermodynamique G(m].
2.1.2.c - Le potentiel thermodynamique dans l’approximation du champ moyen
Le calcul du potentiel thermodynamique G[m]pour le modèle d’Ising dans l’approximation du champ
moyen est extrêmement simple, car il y a autant de contraintes sur les paramètres d’essai (venant des aiman-
tations locales mi) que de paramètres d’essai (les champs locaux ei) . Comme on l’a vu, les champs locaux sont
entièrement déterminés par les aimantations locales. Les contraintes 2.1.12 donnent en effet
m(ei)=mi)ei=1
2Jlog 1+mi
1mi(2.1.30)
L’entropie par site sis’exprime très simplement en fonction de l’aimantation locale mi
s(e)=s(m)=1+m
2log 1+m
2+1m
2log 1m
2◆ (2.1.31)
On reconnait dans s(m)les probabilités p±pour un spin d’être égal à ±1, si l’aimantation est m.
p±(m)=1±m
2(2.1.32)
En utilisant la définition 2.1.13 pour le potentiel thermodynamique variationnel Gvar[m]on obtient immé-
diatement
Gvar[m]=HIsing[m]Â
i
s(mi)(2.1.33)
HIsing[m]est le Hamiltonien d’Ising pour des spins «continus» mi(et non plus les spins d’ising entiers
S=±1)
HIsing[m]=JÂ
<ij>
mimjÂ
i
Bm
i(2.1.34)
c
François David, 2014 Notes de cours – 11 février 2014
2.2. DIAGRAMME DE PHASE ET POINT CRITIQUE 2-5
Enfin on peut réécrire le potentiel effectif comme somme de deux termes, et un terme contenant les varia-
tions spatiales de met un terme de potentiel local V(m)
Gvar[m]= J
2Â
<ij>
(mimj)2+Â
i
V(mi)(2.1.35)
avec
V(m)= DJ m2Bm +1+m
2log 1+m
2+1m
2log 1m
2◆ (2.1.36)
Le potentiel local V(m)est bien sûr défini pour les valeurs physique de l’aimantation locale 1<m<1. Le
premier terme qui décrit le couplage effectif entre les aimantations est 0(J>0), et s’annule si l’aimantation
est homogène mi=m.
2.1.2.d - Equation d’état variationnelle
La minimisation de Gvar[m]par rapport aux iredonne l’équation d’état pour les aimantations locales, déjà
obtenue plus haut
Gvar[m]
mi
=JÂ
jvoisin de i
mjB1
2log 1mi
1+mi=0 (2.1.37)
En champ externe homogène Bles magnétisations locales sont toutes égales mi=met on a (sur réseau carré
le nombre de voisins d’un site est C=2D)
(2DJ m +B)1
2log 1mi
1+mi=0,tanh(2DJ m +B)=m(2.1.38)
On retrouve donc toujours l’équation d’état obtenue par la méthode du champ local.
2.2 Diagramme de phase et point critique
2.2.1 Equation d’état variationnelle
La minimisation de Gvar[m]par rapport aux iredonne l’équation d’état pour les aimantations locales, déjà
obtenue plus haut
Gvar[m]
mi
=JÂ
jvoisin de i
mjB1
2log 1mi
1+mi=0 (2.2.1)
En champ externe homogène Bles magnétisations locales sont toutes égales mi=met on a (sur réseau carré
le nombre de voisins d’un site est C=2D)
(2DJ m +B)1
2log 1mi
1+mi=0,tanh(2DJ m +B)=m(2.2.2)
On retrouve donc l’équation d’état obtenue par la méthode du champ local.
2.2.2 Diagramme de phase
En champ nul B=0 le potentiel local Vest une fonction paire de m. Ses dérivées sont
V0(m)=B2DJ m +tanh1(m),V00(m)=2DJ +1
1m2(2.2.3)
Sa dérivée seconde à l’origine V00(m=0)change de signe pour la valeur critique du couplage
Jc=1
2D(2.2.4)
Les différentes phases du modèle d’Ising s’analysent facilement à partir de la forme du potentiel V.
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