philosophe que l'on aime lire et dont on se sent proche. Souvent, il accompagne
nos pensées et répond à nos attentes. Tout est dit sans être dit définitivement.
Mais si tout est dit, sans ce que cela soit vraiment dit, est-il possible de parler
de la philosophie de Jankélévitch ? Celle-ci n'implique-t-elle pas plutôt que nous
restions muets et que nous laissions faire ? Si sa pensée et ses écrits ne
s'organisent selon aucun système, si le Faire plutôt que le Dire est sans cesse
prôné, y a-t-il finalement quelque chose à exprimer sur cette philosophie ?
Nous affirmons que sur la philosophie de Jankélévitch, il y a inlassablement et
continuellement à dire. Évasive et ténue, comme toutes les choses essentielles de
la vie selon lui, sa philosophie doit pouvoir encore et encore être discutée. Si
Jankélévitch, comme il est rappelé dans le n° 75 de L'Arc, à lui entièrement
consacré, est un philosophe qui « ne fait rien comme les autres », ce n'est pas pour
autant, bien au contraire, qu'il est à ignorer.
Le choix de la poésie, le style parfois presque plus littéraire que
philosophique, la répétition infatigable des mêmes thèmes, ne sont pas des défauts
de la philosophie. Chez Jankélévitch, ils sont au contraire une manière particulière
de ramener aux choses vraies, aux choses dans leur unicité. Celles qui ne sont pas
caractérisées par des principes et qui ne peuvent être contenues dans un langage
conceptuel. Celles qui correspondent à « la vie intérieure » que célébrait Bergson.
Il existe une philosophie chez Jankélévitch, mais une philosophie de ces
choses-là. Des choses qui ne sont pas fixables, qui sont entièrement libres et qui
ne resteront jamais blotties au creux de nos étouffants concepts. N'allons pas,
selon sa propre expression « au magasin des concepts », mais tentons plutôt de
saisir les choses réelles.
Ces choses, quelles sont-elles ? L'existence, le temps, la nostalgie, l'amour, la
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