La philosophie de la musique chez Vladimir Jank´el´evitch
: dire l’insaisissable, enchanter la vie
Alice Legendre
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Alice Legendre. La philosophie de la musique chez Vladimir Jank´el´evitch : dire l’insaisissable,
enchanter la vie. Philosophie. 2015. <dumas-01326124>
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Alice LEGENDRE
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
UFR de Philosophie
Spécialité Philosophie contemporaine
La philosophie de la musique chez Vladimir Jankélévitch :
Dire l'insaisissable, enchanter la vie
Dirigé par Madame Cohn
2015
Car la musique est là, sur terre, elle existe à nos côtés, comme une amie, et la
plénitude de son évidence donne le courage de vivre, d'écrire, de continuer. 1
1 Vladimir Jankélévitch, Béatrice Berlowitz, Quelque part dans l'inachevé, Gallimard, 1978,
pp. 264-265.
1
Introduction
À la question que lui pose Bernard Pivot, dans l'émission Apostrophes du
18 janvier 1980, À quoi servent les philosophes ?, Vladimir Jankélévitch répond :
« À rien ». Si cette réponse est révélatrice de la profonde ironie qui était la sienne,
ce « rien » donne aussi une indication sur la façon si particulière qu'il avait de
philosopher.
Jankélévitch s'éloigne volontairement et continuellement des idées reçues. Sa
philosophie ne répond par conséquent à aucun principe et s'éloigne de tout
système. Il écrivait à son ami Louis Beauduc :
Vous saurez donc, d'abord, môssieu, que je ne défends jamais les théories qui me sont
chères lorsque le mercure a dépassé les 30 degrés ; apprenez ensuite que l'amour-propre
d'un vitaliste est au-dessus des vaines égratignures et des mesquines railleries du plat
intellectualiste qui n'a jamais entendu chanter au fond de lui-même avec Schopenhauer et
Hartmann, la « sourde mélodie de la vie intérieure ». 2
Il s'oppose explicitement aux thèses conceptualistes et intellectualistes. Ce qui
compte, c'est la vie et ce qui nous rattache à elle. Profiter du soleil plutôt que de
disputer.
Cette façon de penser entraîne un vif enthousiasme et beaucoup d'admiration
pour la philosophie de Jankélévitch. Son écriture, empreinte de poésie, faite
d'images et de métaphores, la simplicité et la franchise de ses mots, la spontanéité
de sa pensée accordée au son et aux oscillations de sa voix, font de lui un
2 Vladimir Jankélévitch, Une vie en toutes lettres (Lettres à Louis Beauduc, 1923-1980), Liana
Levi, 1995, p. 43.
2
philosophe que l'on aime lire et dont on se sent proche. Souvent, il accompagne
nos pensées et répond à nos attentes. Tout est dit sans être dit définitivement.
Mais si tout est dit, sans ce que cela soit vraiment dit, est-il possible de parler
de la philosophie de Jankélévitch ? Celle-ci n'implique-t-elle pas plutôt que nous
restions muets et que nous laissions faire ? Si sa pensée et ses écrits ne
s'organisent selon aucun système, si le Faire plutôt que le Dire est sans cesse
prôné, y a-t-il finalement quelque chose à exprimer sur cette philosophie ?
Nous affirmons que sur la philosophie de Jankélévitch, il y a inlassablement et
continuellement à dire. Évasive et ténue, comme toutes les choses essentielles de
la vie selon lui, sa philosophie doit pouvoir encore et encore être discutée. Si
Jankélévitch, comme il est rappelé dans le n° 75 de L'Arc, à lui entièrement
consacré, est un philosophe qui « ne fait rien comme les autres », ce n'est pas pour
autant, bien au contraire, qu'il est à ignorer.
Le choix de la poésie, le style parfois presque plus littéraire que
philosophique, la répétition infatigable des mêmes thèmes, ne sont pas des défauts
de la philosophie. Chez Jankélévitch, ils sont au contraire une manière particulière
de ramener aux choses vraies, aux choses dans leur unicité. Celles qui ne sont pas
caractérisées par des principes et qui ne peuvent être contenues dans un langage
conceptuel. Celles qui correspondent à « la vie intérieure » que célébrait Bergson.
Il existe une philosophie chez Jankélévitch, mais une philosophie de ces
choses-là. Des choses qui ne sont pas fixables, qui sont entièrement libres et qui
ne resteront jamais blotties au creux de nos étouffants concepts. N'allons pas,
selon sa propre expression « au magasin des concepts », mais tentons plutôt de
saisir les choses réelles.
Ces choses, quelles sont-elles ? L'existence, le temps, la nostalgie, l'amour, la
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