pythagorisme.Le pythagorisme en philosophie de la musique
serait la réduction de la
musique
à l’ordre mathématique qui la sous-tend. Il trouve son expression la plus accomplie dans
l’image leibnizienne d’un esprit qui calcule à son insu alors qu’il croit éprouver
ingénument, par l’oreille, un ordre, une convenance, une proportion. Le pythagorisme faitdu
sensible un intelligible confus et aligne l’auditif sur le visuel. » La Musique nous charme, dit
Leibniz, quoique sa beauté ne consiste que dans les convenances des nombres et dans le
compte dont nous ne nous apercevons pas, et que l’âme ne laisse pas de faire des battements
ou des vibrations des corps sonnants qui se rencontrent par certains intervalles. Les plaisirs
que la vue trouve dans les proportions sont de la même nature... » ( Principes de la Nature et
de la Grâce,§ 17). Mais que gagne-t-on à rappeler que la musique est sous-tendue par le
nombre sinon une revanche , plus rêvée que réelle, de l’intellect sur l’émotion et du modèle
plastique sur le modèle musical ? Le pythagorisme, philosophie spontanée des penseurs
étrangers à l’acte d’entendre, peut avoir une fonction d’obstacle, épistémologique et
esthétique. Certes, Bernard Sève le rappelle, « l’atome de musique est une relation et non
une chose ». Il mène loin lui-même l’analyse des oeuvres et du fait musical: il ne méconnaît
nullement la science musicale. Il semble se méfier en revanche d’un mathématisme faible et
cavalier, idéologique au fond. Kant nous apprend à ne pas tenir le sensible pour de
l’intelligible confus. Pourquoi, sinon par préjugé, l’oubllier si vite lorsqu’il s’agit du sensible
musical? Ce que la musique apprend au philosophe, c’est peut-être à l’occasion la fécondité
de telle ou telle de ses inventions propres.
Faut-il se tourner vers la pensée de Schopenhauer, si longtemps vivante et agissante dans
le monde des poètes et des compositeurs? Ce serait risquer de remplacer un dogmatisme par
un autre. La voie empruntée par Bernard Sève est moins attendue et plus exigeante.
D’Aristote il retient le concept d’altération que la composition même du livre va
progressivement élargir, étager et différencier. Entendre est l’acte commun du musical et du
musicien . Le sens musical de la notion de forme, Bernard Sève le cherche, à l’écart de toute
« philosophie » appliquée et explicite de la musique, dans le travail même de la conceptualité
kantienne sur le « jeu » et le « son pur »: « C’est là où l’on serait tenté de voir le moins de
forme que Kant en voit le plus: dans les fantaisies , les improvisations, les structures qui ne
sont pas conceptuellement réglées et où l’imagination joue sans scrupule. »
Comme dans son précédent ouvrage: La question philosophique de l’existence de Dieu,
Bernard Sève aide généreusement son lecteur par des indications bibliographiques
J'emploie ce terme de manière cavalière. On trouve sur le net des articles de Patrice
Bailhache sur Leibniz et la musique dans lesquels il est est expressément contesté que Leibniz
puisse être dit pythagoricien.