etirements – stretching

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ETIREMENTS – STRETCHING
Hervé de Labareyre
Les étirements sont rentrés dans les mœurs dans les années 80 au
point de devenir obligatoires et incontournables. Ils ont été dotés de toutes
les vertus. Prévention des accidents musculaires : en effet, pourquoi ne pas
admettre qu’un muscle devient moins exposé à la blessure s’il est souple ?
Amélioration de la récupération : pourquoi ne pas imaginer que la pression
musculaire engendrée par un étirement puisse avoir un effet de drainage sur
un muscle fatigué et éliminer les produits toxiques fabriqués par l’effort ? La
séance d’étirements après un entraînement a souvent été appelée la
« toilette des tendons », rentrant parfaitement dans le cadre d’une hygiène
sportive idéale. Enfin, les étirements sont également entrés dans la phase
d’échauffement des athlètes, pour améliorer les capacités du muscle à
produire son effort.
Après une longue période où ces idées intuitives, mais reçues, ont fait
loi et où la pratique des étirements est devenue quasi universelle (« quasi »
car nous avions toujours été surpris de voir les différences de pratique des
étirements qui pouvaient exister sur les pistes d’athlétisme entre les athlètes
des pays occidentaux et ceux de certains petits pays discrets dont les
performances pouvaient s’avérer être similaires), certains auteurs ont remis
en cause le bien-fondé de la réalisation des étirements dans toutes les
circonstances et ont commencé à mettre en avant les limites de ces
pratiques, principalement par le biais de l’analyse de la littérature sur le
sujet (Cometti, Shrier 2004). Nous allons tenter de faire la synthèse des
données actuelles en sachant qu’elles sont parfois contradictoires.
Il faut distinguer les effets immédiats, « aigus », des étirements réalisés
juste avant et juste après un entraînement donné ou une compétition, des
effets à long terme, « différés », dans le cadre d’un entraînement au long
cours ou d’une rééducation.
MODE DE REALISATION DES ETIREMENTS
Pour être efficaces, ils doivent être réalisés à la limite de la douleur. Il
faut arriver à la limite de la déformation plastique du tissu conjonctif pour
espérer produire un allongement ; on se heurte donc à une résistance. Il n’y
a qu’à observer la ténacité des danseuses depuis leur plus jeune âge et les
progrès qu’elles réalisent pour s’en convaincre.
Les étirements passifs sont d’une efficacité limitée. Il s’agit de simples
mises en tension d’une chaine musculo-tendineuse qui doivent être gardées
environ 20 secondes.
Il faut leur préférer les exercices d’ « étirer-contracter-relâcher-étirer »,
souvent appelés exercices de stretching ou techniques de Facilitation NeuroMusculaire Proprioceptive (FNP… ou PNF pour les anglo-saxons). Chaque
exercice dure environ 30 secondes.
Les étirements dynamiques ou balistiques sont souvent déconseillés
car ils entraînent un réflexe myotatique et un risque de lésion musculaire.
Les étirements brutaux ou forcés par quelqu’un d’extérieur font
prendre d’évidents risques de lésions musculaires.
LES EFFETS IMMEDIATS
- L’échauffement musculaire
L’échauffement musculaire résulte de l’augmentation de la circulation
locale, favorisée par l’alternance des contractions et relâchements
musculaires qui jouent un rôle de pompe. L’objectif est d’améliorer les
qualités visco-élastiques de l’appareil musculo-tendineux (et également
ostéo-articulaire) qui va être sollicité lors de l’effort, de faciliter la libération
de l’oxygène à partir de l’hémoglobine et d’améliorer la transmission neuromusculaire. Un muscle chaud nécessite une force et un allongement plus
importants pour être déchiré.
L’étirement engendre une tension des fibres musculaires qui ont
tendance à comprimer les vaisseaux et diminuer l’afflux sanguin jusqu’à
l’interrompre. Le relâchement restaure la circulation mais ne l’augmente pas.
Pour de simples raisons mécaniques de compression vasculaire, les
étirements n’ont pas de vertus pour améliorer l’échauffement musculaire, ils
l’entraveraient plutôt.
Des contractions musculaires contre résistance faible ou moyenne
sont beaucoup plus performantes. L’échauffement ne doit pas entraîner de
fatigue. Certains ont montré que des protocoles associant efforts sousmaximaux et sauts étaient plus efficaces que ceux associés à des étirements
(Young, 2003). L’échauffement idéal est un échauffement spécifique qui
reproduit les gestes qui seront réalisés lors de l’activité. Les exercices
doivent rester inférieurs à 60% de la capacité maximale et n’entraîner qu’une
légère sudation. On est loin de ce que représente un étirement.
Cependant, à l’inverse, Woods et al conseillent au contraire en 2007 de
réaliser du stretching dans les 15 minutes qui précèdent une activité mais
leur option s’est trouvée sévèrement critiquée quelques mois plus tard par
Shrier.
- Production de force et/ou de vitesse
Des études électromyographiques ont montré une diminution de
l’activité musculaire après un étirement prolongé et la constatation a été la
même en ce qui concerne la force volontaire, même si cette diminution est
faible (4,5 à 7,2%) (Shrier, 2004). Cette diminution de force persiste pendant
environ 1 heure. Ces tests ont été effectués pour les fléchisseurs du pied
mais également pour les extenseurs et fléchisseurs du genou. La
performance lors du test de détente verticale est diminuée de 7,5% dans 55%
des cas après la réalisation de stretching (mais elle est augmentée de 2,4%
dans 35% des cas...). Les performances sur 100 mètres sont moins bonnes
après une séance de stretching, ce qui n’a pas été montré sur des distances
plus longues (Shrier 2004).
Il a également été montré que les étirements diminuaient le nombre de
répétitions d’un exercice donné lors de tests d’endurance de force (Kolonen,
2001).
- Prévention des lésions musculaires
Des études sur de grandes cohortes de sportifs réalisées pendant les
années 1998-2000 ne montrent pas de diminution du risque de lésion
musculaire dans les groupes qui réalisent des étirements juste avant leur
effort.
Certains pensent que le stretching aurait même un rôle favorisant sur
les blessures musculaires. La musculature deviendrait moins attentive à la
douleur, par élévation de son seuil douloureux (Shrier, 1999). C’est la notion
de « stretch tolerance ».
Il semblerait même que les étirements soient à l’origine de microlésions, car elles imposent des contraintes équivalentes à celles des tensions
musculaires maximales. Ces micro-lésions étant susceptibles de s’aggraver
en cours d’exercice, il faudrait donc déconseiller la pratique du stretching
avant un effort. Il a été expérimenté de réaliser des exercices de force sur les
deux membres inférieurs en effectuant des étirements avant ou après
l’exercice sur une seule jambe. Deux jours plus tard, les douleurs étaient
plus importantes du côté étiré, comme si on avait ajouté des micro-lésions
musculaires.
Certaines études montrent même qu’il existe moins de blessures dans
les groupes ne pratiquant ni échauffement, ni étirement (Lally, 1994).
- Prévention des lésions tendineuses
Wydra (1997) a décrit le phénomène du « creeping » (pourquoi ce
terme ?). L’étirement a tendance à allonger le tendon par perte de la direction
oblique des fibres collagènes qui s’alignent. Il en résulterait une moindre
efficacité tendineuse par diminution de sa capacité à emmagasiner de
l’énergie. De là à extrapoler et dire que les étirements réalisés juste avant un
effort favoriseraient l’apparition des tendinopathies en faisant perdre au
tendon sa capacité d’absorber les tractions …
- Le gain d’amplitude articulaire
Il est authentique dès que l’on réalise des exercices d’étirement –
stretching. Cela veut dire qu’ils gardent un intérêt dans l’échauffement des
activités nécessitant des amplitudes articulaires extrêmes (danse) et que
tous les effets plutôt négatifs, déjà décrits, sur le plan musculaire, voire
tendineux, s’effacent devant le bénéfice obtenu sur la souplesse articulaire. Il
faut préparer l’athlète à aller sans risque dans les positions articulaires
extrêmes dont il va avoir besoin.
- Dans le cadre de la récupération après une activité
La compression vasculaire créée par l’étirement, déjà mentionnée plus
haut, serait également nuisible au drainage des métabolites accumulés dans
le muscle pendant l’effort.
Certaines études ne montrent pas de différence dans l’apparition de
courbatures avec ou sans étirements (avant ou après l’exercice) alors que
d’autres montreraient que les étirements entraîneraient des courbatures
plus importantes. Cela sous-entendrait que les micro-lésions à l’origine des
courbatures seraient similaires à celles que peuvent entraîner les étirements
et que les étirements sont contre-indiqués lorsque des courbatures existent
déjà.
Pour favoriser la récupération, il est préférable d’effectuer des
successions de contractés-relâchés des différents groupes musculaires
intéressés par l’effort, avec des forces faibles et sur une bonne amplitude
articulaire. De cette façon, les contractions assurent leur rôle de pompe et le
relâchement favorise le drainage, d’autant plus que les groupes musculaires
sont surélevés.
Néanmoins, les étirements permettent de lutter contre la raideur
musculaire induit par l’exercice physique par une action mécanique sur les
fibres musculaires et par diminution de l’activité des motoneurones. Cette
raideur peut engendrer des sensations désagréables pour le sportif et lui
donner envie de s’étirer. L’effet antalgique déjà mentionné joue également
son rôle et permet de procurer une impression de bien-être. Il importe
pourtant de limiter la quantité des exercices d’étirements pour ne pas
tomber dans des effets pervers.
LES EFFETS DIFFERES
- La rééducation après lésion musculaire
La pratique des étirements et du stretching paraît tout à fait indiquée
dans ce cas. L’objectif est de guider la cicatrisation dans le sens de la
fonction que l’on souhaite récupérer. Plutôt que de laisser une cicatrisation
se faire spontanément avec un risque d’anarchie collagène et
d’enraidissement local, il est logique de conseiller d’assouplir la zone qui est
de train de cicatriser alors qu’elle est encore malléable. Il est également
logique de considérer que cette action sera plus facile que la tentative d’un
assouplissement a posteriori alors que la cicatrice est devenue solide mais
rigide.
La réalisation des étirements peut être envisagée très vite après la
survenue d’un accident musculaire et peut ensuite être réalisée pendant
toute la durée de la rééducation. A ceux-ci succèderont des contractions
musculaires de plus en plus fortes qui ont également un effet d’étirement sur
les propres fibres du muscle en cause.
- Les amplitudes articulaires
La pratique des étirements améliore rapidement les amplitudes
articulaires, probablement par un meilleur relâchement neuro-musculaire et
une diminution de la visco-élasticité tendino-musculaire spontanée, qui
provoque un certain enraidissement. Cette amélioration n’est cependant que
de courte durée si les exercices ne sont réalisés que de façon occasionnelle.
S’ils sont répétés, le gain d’amplitude articulaire persiste, autorisant de plus
grandes tensions tendino-musculaires. L’entraînement aux étirements
favorise leur tolérance et ils deviennent plus facilement réalisables.
Il semble également que l’on note progressivement une amélioration
des moments de force maximale et une augmentation de la production de
travail musculaire, en particulier lors d’exercices excentriques.
- La prévention des lésions musculaires
Certaines études des années 90 sont favorables aux étirements,
retrouvant moins de lésions musculaires dans les groupes les pratiquant au
long cours.
Il a été montré que la réalisation d’étirements provoque un
allongement musculaire qui est maximal pendant environ 15 minutes mais
persiste ensuite à un degré moindre pendant 24 heures. La réalisation
d’étirements au long cours, de façon répétitive, aboutit à un authentique
allongement musculo-tendineux autorisant le sportif à réaliser des gestes de
plus en plus amples, gestes également autorisés par les plus grandes
amplitudes articulaires. Ce gain est obtenu par l’allongement plastique du
tissu conjonctif qui semble se faire au mieux à l’aide d’un étirement plus
doux mais plus long sur un muscle chaud. Il n’est pas impossible qu’il se
produise également véritablement un allongement musculaire par
augmentation du nombre de sarcomères qui viennent se mettre en série sur
les précédents.
Cela confirme le fait que nous avons toujours observé que plus un
athlète devenait fort et rapide, plus son risque de lésion musculaire
augmentait. L’intensification des exercices d’étirement nous a toujours
semblé avoir un effet protecteur, respectant le principe : « plus on devient
rapide, plus on doit être souple », l’idéal étant d’ailleurs d’être souple avant
d’être rapide.
- La prévention des lésions de surcharge de l’appareil locomoteur
On a vu que les étirements ont un effet d’allongement sur la partie
musculaire, déformable, de la chaine musculo-tendineuse, et on peut
admettre qu’ils puissent permettre d’obtenir une meilleure compliance
tendineuse face aux tractions qui leur sont imposées au long cours. Cela est
surtout valable pour les sports à connotation excentrique (sauts, basket-ball,
football) alors que le bénéfice n’est pas évident lorsqu’il s’agit de sports à
prédominance concentrique (cyclisme, musculation).
CONCLUSIONS
Un certain nombre d’idées reçues tombent, en particulier tout ce
qui touche à la proximité de l’effort physique.
Les étirements ne devraient pas être utilisés dans le cadre de
l’échauffement des activités explosives. Ils n’ont pas de vertus
« chauffantes », n’ont pas d’effet protecteur immédiat face à la lésion
musculaire ou à la lésion tendineuse et diminuent plutôt les capacités de
force musculaire.
Les étirements sont également plutôt nuisibles en phase de
récupération, la « toilette des tendons » tomberait donc aux oubliettes. Le
footing de décrassage parait insuffisant car le travail musculaire est trop
faible. Il serait préférable d’effectuer des répétitions de contractés-relâchés
ou d’utiliser certains programmes d’électro-stimulation.
Les étirements gardent tout leur intérêt au long cours dans
l’entretien de ce que l’on appelle communément la « souplesse » : le gain
d’amplitudes articulaires qu’ils permettent associé à un authentique
allongement musculo-tendineux permettent de reculer les limites de la
blessure, le « point de rupture musculaire », en autorisant des efforts plus
importants. Ils ont un réel rôle préventif sur la survenue de lésions
musculaires ainsi que sur les lésions tendineuses de surmenage. Cela étant,
il faut bien convenir que les lésions musculaires surviennent
préférentiellement en situation de contraction excentrique alors que
l’allongement n’est pas maximal, ce qui relativise l’effet protecteur d’un
muscle long. Des anomalies de fonctionnement des sarcomères pourraient
être en cause
L’objectif est d’essayer d’élargir au maximum la zone de non-blessure.
Il s’agit d’un travail au long cours.
Idéalement, si les étirements ne sont pas utiles lors de l’échauffement
et plutôt nuisibles en phase de récupération, il faudrait qu’ils soient réalisés
lors de séances spécifiques, indépendantes de l’activité sportive proprement
dite. Il s’agirait d’une véritable séance de travail. Pas très facile ?…Certains
protocoles proposent de réaliser au moins (!) une fois par semaine 3
exercices de stretching de 30 secondes par groupe musculaire, ce qui ne
représente finalement qu’une faible contrainte. D’autres proposent de les
associer aux séances de musculation de façon à provoquer une sommation
des microtraumatismes crées par les étirements et la musculation pour
optimaliser une reconstruction ensuite (sur-compensation).
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