prise en charge d`un traumatisme grave ferme du thorax : mise en

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PRISE EN CHARGE D’UN TR
AUMA TISME GR AVE DU THOR AX
PRISE EN CHARGE D’UN TRAUMATISME GRAVE
FERME DU THORAX:
MISE EN CONDITION INITIALE
P. Incagnoli, M. Viggiano, A. Rozenberg, P. Carli, Département d’AnesthésieRéanimation, SAMU de Paris, Hôpital Necker, 75743 Paris.
INTRODUCTION
Les traumatismes thoraciques, dont les accidents de la voie publique sont la principale cause [1] sont fréquents et graves. Ils représentent près d’un tiers des admissions
en traumatologie. Ils sont retrouvés dans 50 % des décès : cause initiale du décès dans
25 % des cas, association à d’autres lésions traumatiques dans 60 % des cas. La prise
en charge préhospitalière est primordiale dans l’évolution de ces patients. Elle a pour
but de définir la gravité initiale du traumatisé et de faire un bilan lésionnel précoce et
complet. Elle permet aussi de stabiliser une détresse vitale respiratoire et/ou circulatoire, et d’orienter le patient soit directement vers un bloc opératoire soit, le plus souvent,
vers une unité spécialisée dans l’accueil des polytraumatisés. Celle-ci doit disposer
d’un plateau radiologique et opératoire adapté à la gravité potentielle du patient. La
mise en condition des patients nécessite une parfaite connaissance des mécanismes
lésionnels et des lésions potentielles.
1. PHYSIOPATHOLOGIE
1.1. MECANISMES LESIONNELS
La cinétique d’un accident (vitesse et déformation du véhicule, la hauteur d’une
chute et la nature du sol), le déplacement des objets lors d’une explosion sont des
éléments qui permettent d’orienter le diagnostic vers la lésion la plus fréquente en
fonction du contexte traumatique.
1.1.1. TRAUMATISMES DIRECTS
Les traumatismes directs sont responsables le plus souvent de lésions pariétales
ouvertes ou fermées, de lésions du parenchyme pulmonaire et des organes sous jacents.
Ces traumatismes ont pour origines :
• Des agents contondants responsables de contusion des organes sous-jacents, mais
aussi d’organes à distance de l’impact.
• Des agents pénétrants (projectiles, arme blanche) responsables de lésions pénétrantes
ou transfixiantes.
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• Une compression thoracique directe responsable lorsqu’elle est violente d’une
désinsertion des troncs vasculaires supra-aortiques ou de ruptures alvéolaires dans
les traumatismes à glotte fermée.
• Une compression thoracique par transmission d’une onde de pression transdiaphragmatique lors d’une compression abdominale violente.
Il n’y a pas de corrélation entre les lésions pariétales apparentes et les lésions des
organes sous-jacents. En effet, un traumatisme thoracique de forte cinétique peut
entraîner, chez un patient jeune au thorax souple, des dégâts parenchymateux pulmonaires ou une contusion myocardique sévère sans aucun dégât pariétal.
1.1.2. LES TRAUMATISMES INDIRECTS
Les traumatismes indirects sont ceux qui entraînent des dégâts intra-thoraciques
majeurs sans aucune lésion pariétale. Ce sont :
• Des lésions de décélérations (accident de voie publique, chute d’une grande
hauteur) responsables de contusions viscérales, de rupture trachéobronchique et
surtout de lésions vasculaires médiastinales graves (la principale est la rupture de
l’isthme aortique) [2].
• Des lésions par effet de souffle (blast), liées à la transmission à travers le corps de
l’onde de choc suivant une explosion. Elles concernent essentiellement le
parenchyme pulmonaire et l’oreille moyenne. Une rupture tympanique retrouvée à
l’otoscopie indique que l’onde de choc a été suffisante pour créer des lésions
pulmonaires.
2. PRINCIPALES LESIONS THORACIQUES TRAUMATIQUES
2.1. FRACTURES COSTALES ET VOLETS THORACIQUES
Les fractures de côtes sont les lésions pariétales les plus fréquentes en particulier
chez le sujet âgé dont le thorax est plus rigide. Ces lésions sont le plus souvent de
diagnostic clinique facile chez le sujet conscient, mais passent souvent inaperçues
lorsque le sujet est inconscient. Les fractures des deux premières côtes sont toujours la
conséquence d’un traumatisme violent et doivent inciter à rechercher une rupture de
l’isthme aortique, une atteinte d’un vaisseau brachio-céphalique ou une rupture
trachéo-bronchique. Les fractures des côtes flottantes peuvent s’associer à des
atteintes diaphragmatiques, hépatiques, spléniques et rénales [3]. Les volets thoraciques, définis par l’existence d’une double série de fractures de côtes, sont retrouvés
chez environ 10 % des traumatisés thoraciques. Ils peuvent siéger à la partie antérieure,
latérale ou postérieure du thorax. Ces volets peuvent être soit impactés et immobiles et
peuvent se déplacer secondairement, soit mobiles avec une respiration paradoxale. Les
volets thoraciques ne sont pas à eux seuls une indication de ventilation mécanique
même s’ils ont des répercussions ventilatoires. L’énergie cinétique nécessaire à la
création d’un volet thoracique implique une recherche particulièrement attentive de
lésions associées intrathoraciques ou abdominales [4].
2.2. FRACTURES DU STERNUM ET DE CLAVICULE
Les fractures du sternum sont le plus souvent le témoignage d’un choc frontal direct
violent et sont souvent associées aux volets thoraciques antérieurs. Elles siègent le plus
souvent au niveau de l’angle de Louis. Les fractures de l’appendice xiphoïde sont rares.
Ces fractures menacent directement les vaisseaux mammaires internes, et peuvent être
associées à des lésions cardiaques et diaphragmatiques. Les fractures de clavicule sont
de diagnostic clinique facile. Elles peuvent être dans de rares cas responsables d’une
atteinte des vaisseaux sous-claviers et du plexus brachial, ou de brèches pulmonaires.
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2.3. LESIONS PLEURALES ET DIAPHRAGMATIQUES
2.3.1. PNEUMOTHORAX
Le pneumothorax est une lésion fréquente au cours des traumatismes du thorax. Il
est secondaire soit à une brèche pleurale, soit à une lésion trachéobronchique ou
œsophagienne. La gravité d’un pneumothorax dépend de son retentissement hémodynamique et ventilatoire, l’urgence vitale extrême est le pneumothorax suffocant. En cas
de décollement pleural minime, les signes cliniques (abolition du murmure vésiculaire,
emphysème sous cutané ou tympanisme) sont souvent inexistants en ventilation
spontanée mais peuvent apparaître brutalement lors de la mise en route d’une ventilation mécanique. L’existence d’un pneumothorax doit être systématiquement évoquée
lors d’une désadaptation brutale du respirateur ou d’une défaillance circulatoire inexpliquée [5]. Le diagnostic de pneumothorax se fait sur le cliché de thorax de face. Les
pneumo-thorax de faible volume, en particulier de localisation antérieure, passent
inaperçus et ne sont visibles que sur une tomodensitométrie thoracique.
2.3.2. HEMOTHORAX
L’hémothorax peut être consécutif à l’atteinte des pédicules intercostaux, à l’atteinte
du parenchyme pulmonaire ou à une lésion des gros vaisseaux. Les répercussions
cliniques de l’hémothorax sont liées à son abondance [6] et à sa rapidité d’installation,
qui peuvent entraîner un retentissement hémodynamique (hypovolémie) et respiratoire
(hypoxémie). Le diagnostic d’hémothorax peut être suspecté sur le mécanisme
lésionnel, sur la clinique (matité à la percussion, abolition du murmure vésiculaire). Il
devra être le plus souvent confirmé par une radiographie de thorax de profil, car l’épanchement peut passer inaperçu dans près de 50 % des cas, sur le cliché de face lorsque
son volume est inférieur à 250 mL. La tomodensitométrie thoracique permet en dehors
de l’urgence d’apprécier le volume de l’épanchement et de différencier l’épanchement
de la contusion pulmonaire sous-jacente.
2.3.3. LESIONS DIAPHRAGMATIQUES
Elles se retrouvent dans 12 % des traumatismes thoraciques fermés, et chez 6 % des
polytraumatisés [7]. Les ruptures de la coupole diaphragmatique sont plus fréquentes du
côté gauche (90 %) que du côté droit (protection par le foie). Elles sont dues à une
compression abdominale violente. La déchirure diaphragmatique siège le plus souvent
au niveau de la zone postéro-latérale tendineuse de la coupole. Tous les viscères
immédiatement sous-diaphragmatiques sont susceptibles d’être herniés, avec un risque
d’incarcération et de strangulation. Cette hernie diaphramatique peut-être responsable
d’une détresse respiratoire et hémodynamique par compression médiastinale gênant le
retour veineux, par compression du poumon homolatéral et par inefficacité de la
fonction inspiratoire du diaphragme avec apparition d’une respiration paradoxale. Le
diagnostic clinique est difficile (auscultation de bruits hydro-aériques dans l’hémithorax lors de la vérification de la bonne position de la sonde gastrique). Sa confirmation
repose essentiellement sur la radiographie de thorax (mais 50 % des lésions passent inaperçues à la phase précoce de la prise en charge) sur l’échographie abdominale et
diaphragmatique ainsi que sur la tomodensitométrie [8]. L’IRM semble la technique de
référence pour visualiser les lésions diaphragmatiques [9], mais elle est difficile à obtenir
en urgence. Il faut penser à la hernie diaphragmatique systématiquement avant tout drainage thoracique : l’association hémothorax - rupture de coupole constitue un piège
classique avec risque de perforation d’un organe abdominal passé en position thoracique.
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2.4. LESIONS TRACHEO-BRONCHIQUES
Les lésions proximales trachéo-bronchiques sont rares et le plus souvent consécutives à un traumatisme antéro-postérieur. Leur diagnostic est souvent retardé. Elles
surviennent le plus souvent suite à un traumatisme à glotte fermée. Plus de 80 % de ces
lésions sont situées à moins de 2,5 cm de la carène [10]. Les lésions de la trachée sont
fréquemment verticales et localisées à l’union membrano-cartilagineuse. Elles se manifestent par l’apparition et l’extension rapide d’un emphysème cervical. Les
lésions bronchiques sont transversales et peuvent s’accompagner, lorsqu’il existe une
communication avec la plèvre, d’une détresse respiratoire, d’un pneumothorax, d’un
pneumo-médiastin et d’une hémoptysie. Lorsqu’il n’existe pas de communication avec
la plèvre, la symptomatologie est plus fruste et le diagnostic retardé. L’intubation et la
ventilation mécanique s’accompagnent généralement d’une aggravation très évocatrice
du diagnostic. L’indication de la fibroscopie bronchique doit être large chez le traumatisé thoracique, car la découverte d’une rupture trachéobronchique peut conduire à une
chirurgie d’urgence.
2.5. CONTUSION PULMONAIRE
La contusion pulmonaire est la lésion la plus fréquente après un traumatisme thoracique [11]. Elle est responsable de toute la gravité du traumatisme thoracique par le
degré d’hypoxémie qu’elle peut induire dans les heures et les jours qui suivent le
traumatisme. Elle est définie sur le plan anatomique par une destruction alvéolaire et
vasculaire s’accompagnant d’atélectasies congestives et d’un oedème alvéolaire
important. L’effet shunt (anomalie du rapport Va/Q) lié à l’œdème péricontusionnel est
responsable de l’hypoxie. L’évolution se fait soit vers un syndrome de détresse respiratoire aiguë de l’adulte avec fibrose pulmonaire, soit vers une guérison spontanée lente.
Ces lésions, souvent méconnues sur une radiographie thoracique précoce, sont parfaitement révélées sur une tomodensitométrie thoracique faite immédiatement après le
traumatisme.
2.6. CONTUSION MYOCARDIQUE
Une contusion myocardique est suspectée chez 15 % des patients victimes d’un
traumatisme grave (Abbreviated Injury Score > 2) [12]. Les lésions myocardiques
siègent le plus souvent sur la partie antérieure du cœur en raison de la nature du traumatisme dans les accidents de voie publique (impacts directs sur la paroi thoracique ou
lésions de décélération). Elles peuvent parfois être multifocales. Chez la plupart des
patients, les lésions limitées aux parois des cavités cardiaques, sont constituées d’une
infiltration hémorragique, d’une désorganisation du tissu myocardique, d’un œdème,
d’une dégénérescence éosinophile et de bandes de contractions coïncidant avec une
surcharge calcique intra-myocytaire [13]. Ces lésions anatomiques sont responsables
des anomalies de la cinétique pariétale ventriculaire et des troubles du rythme observés
chez les polytraumatisés. Un traumatisme cardiaque fermé doit toujours être recherché
au cours de la prise en charge précoce des patients victimes d’un traumatisme sévère, a
fortiori quand il y a un traumatisme thoracique. L’ECG, le dosage de la troponine I
cardiospécifique et l’échocardiographie permettent le diagnostic de la contusion myocardique.
2.7. LESIONS DES GROS VAISSEAUX
La rupture aortique est la principale lésion des gros vaisseaux médiastinaux. Elle a
lieu entre la portion fixe thoracique descendante et la portion mobile de la crosse au
niveau de l’isthme aortique. Cette lésion aortique est généralement due à un mécanisme
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de décélération qui provoque un étirement antéro-postérieur de l’isthme aortique :
celui-ci est entraîné en avant par la masse du cœur, et retenu en arrière par l’aorte
ascendante solidaire du rachis. En cas de rupture complète, le pronostic est catastrophique en raison de l’hémorragie massive. En cas de rupture incomplète (intéressant toutes
les tuniques de l’aorte, sauf l’adventice), le diagnostic peut être difficile. La cinétique
du choc avec décélération brutale (accident de voie publique ou chute de grande
hauteur) doit systématiquement faire évoquer le diagnostic. Certains éléments
recueillis lors de l’examen clinique peuvent également orienter vers le diagnostic :
hématome de la base du cou, asymétrie des pouls ou de la pression artérielle, tamponnade cardiaque, hémothorax gauche, existence d’une paraparésie ou d’une paraplégie.
La radiographie de thorax permet d’évoquer le diagnostic sur des signes indirects
comme un élargissement médiastinal, l’effacement du bouton aortique, un hématome
du dôme pleural gauche, l’abaissement de la bronche souche gauche, la déviation de la
trachée sur la droite. La radiographie de thorax peut néanmoins être normale dans plus
de 10 % des cas [14]. D’autres examens complémentaires sont nécessaires pour faire le
diagnostic de dissection traumatique de l’aorte : tomodensitométrie spiralée avec
injection de produit de contraste, échographie transœsophagienne par un opérateur
entraîné chez un patient intubé-ventilé ou par une aortographie qui reste encore l’examen de référence quand le patient est stable sur le plan hémodynamique.
3. PRINCIPAUX MECANISMES DES DETRESSES VITALES
La prise en charge en urgence des traumatisés thoraciques repose sur l’évaluation et
le traitement d’une détresse vitale initiale. Cette détresse vitale est le plus souvent d’origine respiratoire et/ou circulatoire.
3.1. ARRET CARDIORESPIRATOIRE
C’est la situation extrême. L’arrêt cardiorespiratoire chez un patient traumatisé est
le plus souvent de mauvais pronostic [15]. Les étiologies de ces arrêts sont multiples :
traumatisme crânien sévère, section médullaire haute, rupture complète d’un gros
vaisseau, pneumothorax bilatéral, tamponnade cardiaque. En général, il s’agit d’un
arrêt cardiaque en asystolie ou en rythme sans pouls. La réanimation cardiopulmonaire n’est pas efficace si elle n’est pas associée à un traitement étiologique : un
drainage thoracique (pouvant être précédé par une exsufflation à l’aiguille en cas de
pneumothorax compressif) ou ponction péricardique en cas de tamponnade cardiaque.
3.2. DETRESSE RESPIRATOIRE
Elle se manifeste par une insuffisance respiratoire aiguë. La ventilation paradoxale
liée à un volet thoracique en a longtemps été la cause la plus citée [16]. En fait, elle peut
être multifactorielle :
• Obstruction des voies aériennes supérieures (inhalation de corps étrangers, de liquide
gastrique ou de sang).
• Hypoventilation alvéolaire d’origine centrale (coma, atteinte médullaire haute par
traumatisme du rachis cervical).
• Dégâts pariétaux importants (avec ou sans volet thoracique) associés à une douleur
pariétale intense, source d’hypoventilation alvéolaire et d’encombrement bronchique.
• Epanchement pleuraux bilatéraux et abondants ou compressifs (pneumo ou hémothorax).
• Atteinte parenchymateuse (contusion pulmonaire).
• Ruptures trachéo-bronchiques, ruptures et hernies diaphragmatiques.
• Lésions extra-thoraciques associées (traumatisme abdominal, traumatisme crânien).
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L’association de fractures de côtes, d’un épanchement pleural et d’une contusion
pulmonaire homolatérale est le plus souvent retrouvée lors d’un traumatisme thoracique. Elle regroupe l’ensemble des mécanismes responsables d’une détresse respiratoire :
douleur pariétale avec hypoventilation alvéolaire et hypoxie en rapport avec les lésions
pleuro-pulmonaires sous jacentes.
3.3. DETRESSE CIRCULATOIRE
Elle peut relever de trois causes principales parfois intriquées :
1-Un état de choc hémorragique, le plus souvent secondaire à un hémothorax ou à un
hémomédiastin dont les étiologies sont multiples (rupture isthmique de l’aorte,
lésions des troncs artériels supra-aortiques, des vaisseaux médiastinaux, plaies
artérielles pariétales, plaies du parenchyme pulmonaire). Il peut également être en
rapport avec une lésion extrathoracique (plaie du scalp, hémopéritoine, plaie
artérielle périphérique, hématome rétropéritonéal).
2-Un état de choc par section médullaire : une tétraplégie est alors responsable d’une
hypovolémie par vasoplégie.
3-Un état de choc cardiogénique lié à une défaillance cardiaque par contusion myocardique, à une compression des cavités cardiaques (hémopéricarde, pneumothorax
compressif) ou à des troubles du rythme ou à une dissociation électromécanique en
cas de luxation extra-péricardique du cœur.
4. MISE EN CONDITION INITIALE D’UN TRAUMATISE DU THORAX
La mise en condition de tout patient polytraumatisé, et donc du traumatisé du
thorax, débute dès la phase de prise en charge préhospitalière et se poursuit à l’arrivée
à l’hôpital. Après stabilisation des fonctions vitales, l’examen du polytraumatisé doit
être complet pour inventorier l’ensemble des lésions et définir ainsi les priorités thérapeutiques. Cette mise en condition initiale servira de base à la prise en charge hospitalière.
4.1. PHASE PREHOSPITALIERE
Dès l’arrivée de l’équipe médicalisée sur les lieux du traumatisme, après une brève
analyse du mécanisme lésionnel, la réanimation des détresses vitales est commencée au
plus vite.
4.1.1. STABILISATION DU RACHIS CERVICAL
Il s’agit du premier geste de secourisme à effectuer devant tout patient suspect de
polytraumatisme. La mise en place d’un collier cervical rigide avec immobilisation de
la tête en rectitude doit être systématique, une fracture du rachis cervical compliquant
2 à 3 % des traumatismes graves, en particuliers après une décélération brutale [17].
4.1.2. PRISE EN CHARGE VENTILATOIRE
4.1.2.1. Signes cliniques de la détresse respiratoire
Lors de la prise en charge préhospitalière, le diagnostic de la détresse respiratoire
repose sur des signes cliniques simples : anomalie de la fréquence respiratoire
(polypnée ou bradypnée) et de l’ampliation thoracique, existence de signes de lutte, de
sueurs, d’une cyanose, d’un emphysème sous cutané, d’une anomalie auscultatoire. La
réanimation comporte alors classiquement la libération des voies aériennes, avec si
besoin l’extraction d’un corps étranger, l’oxygénation et la ventilation assistée.
4.1.2.2. Indication d’une ventilation artificielle
Les indications d’une ventilation artificielle doivent être larges en dehors de la
détresse respiratoire aiguë asphyxique. Elles peuvent être déduites du score de préven-
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tion du Syndrome de Détresse Respiratoire Aiguë de l’Adulte post-traumatique [18]
dont une valeur supérieure ou égale à 10 pose l’indication d’une ventilation mécanique.
Barone et coll [19] retiennent comme indication de ventilation mécanique l’association
de 3 des 5 critères suivants : fréquence respiratoire > 25 cycles/minute, fréquence
cardiaque > 100 bpm, une pression artérielle < 100 mmHg, existence de lésions
associées abdominales et/ou neurologiques.
4.1.2.3. Place de la ventilation non invasive
La ventilation non invasive en ventilation spontanée avec pression expiratoire
positive (VSPEP) permet dans un petit nombre de cas d’éviter une intubation orotrachéale et ses potentielles complications. Sa place semble réservée aux traumatismes
thoraciques isolés présentant une hypoxémie modérée. Les principales contreindications sont une mauvaise acceptation du masque facial par le patient, des troubles
de conscience et la survenue d’un épuisement respiratoire. Cette technique ventilatoire
nécessite une analgésie parfaite afin de diminuer la douleur pariétale.
4.1.2.4. Intubation
La première étape est l’oxygénation du patient à fort débit et la libération des voies
aériennes supérieures. L’intubation est effectuée par voie orotrachéale sous laryngoscopie avec maintien cervical par une aide. La voie nasotrachéale est contre-indiquée en
cas de traumatisme crânio-facial associé et en raison du risque de saignement surajouté
et de fausse route. La laryngoscopie et l’intubation doivent être réalisées sous couvert
d’une sédation profonde. Elle doit tenir compte de trois données essentielles : le patient
est presque toujours hypovolémique, hypoxémique et doit être systématiquement
considéré comme «estomac plein». Une induction à séquence rapide associée à une
manœuvre de Sellick est efficace pour l’intubation en pratique préhospitalière [20] et
est recommandée par la SFAR. Le choix de l’anesthésique intraveineux à utiliser en cas
d’hypovolémie reste empirique en l’absence d’études cliniques comparatives. La
plupart des agents anesthésiques, et notamment les barbituriques, induisent une
dépression de la contractilité myocardique et une vasodilatation. Les deux hypnotiques
pouvant être recommandés en pratique préhospitalière sont la kétamine et l’étomidate.
La kétamine a été considérée comme un agent anesthésique indiqué en cas d’hypovolémie en raison de ses effets stimulants sur le système cardiovasculaire. Elle assure une
stabilité hémodynamique à l’induction des blessés et des patients hypovolémiques (peu
ou pas de modifications de la pression artérielle et des résistances vasculaires). Par
contre, elle possède un effet vasodilatateur sur la circulation périphérique avec une
diminution de la pression artérielle qui n’est pas toujours contrebalancée par les effets
sympathomimétiques indirects. Par ailleurs, la kétamine augmente la pression intracrânienne chez le patient normovolémique et peut être contre-indiquée comme produit
d’induction chez les patients traumatisés crâniens sévères. L’étomidate est un agent
anesthésique intéressant dans le choc hémorragique en raison de la stabilité
cardiovasculaire observée après son injection. Le curare de référence dans l’anesthésie
du sujet «estomac plein» est, en préhospitalier comme à l’hôpital, la succinylcholine en
raison de sa rapidité et de sa brève durée d’action. Après l’intubation, la bonne position
de la sonde d’intubation est vérifiée par la détection du CO2 expiré et par l’auscultation.
Dans certains cas, l’intubation trachéale est difficile soit du fait de la morphologie du
patient, soit du fait des lésions traumatiques. Il est alors nécessaire de pouvoir disposer
de techniques rapides d’oxygénation : intubation par voie rétrograde, cricothyroïdotomie, ventilation transtrachéale à l’aide d’une aiguille de Ravussin. Après l’intubation,
la ventilation doit d’abord être manuelle : il faut à nouveau rechercher un hémo-pneumothorax dont le drainage thoracique doit précéder la ventilation contrôlée.
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4.1.2.5. Ventilation artificielle du traumatisé thoracique
Le barotraumatisme lié à la ventilation artificielle aggrave les lésions traumatiques,
d’autant plus qu’il existe des atélectasies, des ruptures des septa alvéolaires, des altérations de la mécanique thoraco-pulmonaire et une altération du surfactant. Il est donc
nécessaire d’avoir une stratégie ventilatoire conservatrice et d’éliminer les facteurs
favorisant le barotraumatisme. Pour cela il faut éviter d’atteindre des pressions de
plateau supérieures à 35 mmHg en associant une ventilation à basse fréquence, une
faible pression télé-inspiratoire et une pression positive télé-expiratoire (PEP).
4.1.2.6 Drainage thoracique
Même si le drainage thoracique préhospitalier semble peu dangereux dans des mains
entraînées [21], il doit être réservé aux hémothorax et aux pneumothorax graves mal
tolérés sur le plan respiratoire et/ou hémodynamique. En l’absence de radiographie
thoracique, il faut vérifier l’existence et la nature de l’épanchement par une ponction
exploratrice à l’aiguille : la simple exsufflation d’un pneumothorax conduit à une
amélioration clinique. Lorsque le drainage thoracique est indispensable, il doit être
effectué sur la ligne axillaire moyenne et le plus haut possible (risque de hernie diaphragmatique). Tout drainage ramenant plus de 500 mL de sang doit être clampé et la
persistance d’un saignement supérieur ou égal à 300 mL.h-1 doit conduire à un geste
chirurgical d’urgence.
4.1.2.7. Mise en place d’une sonde gastrique
La mise en place d’une sonde gastrique par voie orotrachéale est indispensable lors
de la prise en charge d’un patient polytraumatisé : elle permet d’une part de diminuer la
distension gazeuse post-traumatique et d’autre part, elle peut parfois mettre en évidence une hernie diaphragmatique.
4.1.3. PRISE EN CHARGE CIRCULATOIRE
L’hémorragie est à l’origine de 80 % des insuffisances circulatoires du traumatisé.
Une tamponnade liquidienne par hémopéricarde, ou gazeuse par pneumothorax, est
retrouvée dans près de 20 % des cas. Une contusion myocardique responsable d’un état
de choc n’est suspectée que dans 1 % des cas [22]. L’origine de l’hypotension artérielle
peut être un traumatisme crânien (lésion du tronc cérébral), un traumatisme médullaire
(lésion médullaire haute), ou un traumatisme thoracique. Mais les lésions hémorragiques les plus importantes sont souvent liées aux lésions associées (abdominales,
rétropéritonéales, orthopédiques et du cuir chevelu). L’expansion volémique est donc
systématique et précoce chez le polytraumatisé.
4.1.3.1. Signes cliniques de la détresse circulatoire
La détresse circulatoire peut sembler évidente devant l’existence d’une tachycardie, d’un pouls mal perçu, d’une hypotension artérielle, de signes de choc périphérique,
de troubles de la conscience, d’une pâleur importante du patient. Un certains nombre
de pièges doivent être évités : la pression artérielle initiale peut être faussement rassurante en raison de la vasoconstriction intense liée à l’hypovolémie. De la même manière,
la tachycardie classique liée à la douleur et à la spoliation sanguine peut être remplacée
par une bradycardie trompeuse : celle-ci est en rapport soit avec un traitement par bêtabloquant, ou avec une lésion médullaire haute, soit avec une hypovolémie majeure. La
bradycardie (dite «bradycardie paradoxale») est alors un signe de gravité précédant le
désamorçage cardiaque.
4.1.3.2. Abords veineux
La réanimation du patient polytraumatisé nécessite la pose de deux voies veineuses
périphériques de gros calibre (14 à 16 Gauges). En pratique, il est utile d’installer deux
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voies veineuses, l’une dans le territoire cave supérieur (voie périphérique au niveau du
membre supérieur), l’autre dans le territoire cave inférieur (voie fémorale). Lorsque ce
type d’abord n’est pas possible, une voie veineuse centrale est mise en place. La voie
fémorale est préférée en raison de sa facilité d’accès et du faible risque de complication
iatrogénique. La veine sous-clavière doit être évitée chez les traumatisés du thorax sauf
en cas de nécessité absolue. Elle est alors posée du côté traumatisé. Si cela est possible,
la pose d’un cathéter artériel fémoral du même côté permet un monitorage plus précis
de la pression artérielle et des prélèvements sanguins.
4.1.3.3. Remplissage vasculaire
L’expansion volémique chez le polytraumatisé vise à restaurer la volémie en
attendant l’hémostase définitive. Le niveau tensionnel optimal est discuté dans la littérature. Il est variable selon le patient et le type de pathologie. Certaines données cliniques
et expérimentales suggèrent qu’une normalisation des paramètres hémodynamiques
expose à une aggravation de l’hémorragie en cas de situation non contrôlée. Une pression artérielle systolique de 90 mmHg semble raisonnable, sauf quand il y a un
traumatisme crânien associé. Une pression artérielle systolique supérieure à 90 mmHg
permet dans ce cas d’assurer une pression de perfusion cérébrale supérieure à 80 mmHg.
L’expansion volémique du traumatisé repose sur les cristalloïdes et les colloïdes.
Aucune étude ne permet actuellement de faire un choix définitif [23]. Il est par contre
bien établi que les solutés colloïdes permettent de corriger l’hypovolémie avec 4 à 5 fois
moins de volume que les cristalloïdes. Le sérum salé isotonique est utilisé en première
intention en l’absence d’état de choc, tandis que les hydroxyéthylamidons sont les
solutés à privilégier en cas d’état de choc. Les solutés perfusés doivent être si possible
réchauffés pour prévenir et traiter l’hypothermie qui favorise l’apparition d’une coagulopathie et le risque de saignement. De plus un remplissage vasculaire massif par des
colloïdes induit une hémodilution sévère responsable d’une baisse du transport de
l’oxygène en périphérie. Le monitorage de cet hémodilution est réalisé par la mesure
du microhématocrite. Comparé au volume perfusé nécessaire pour maintenir une pression artérielle, c’est un élément indirect de l’évaluation de la spoliation sanguine.
4.1.3.4. Transfusion
Si un seuil transfusionnel de 8 g.dL-1 d’hémoglobine chez un sujet sain sans antécédent semble défini à l’hôpital, l’indication de la transfusion en pratique préhospitalière
n’est pas claire. Les principaux problèmes sont la sécurité transfusionnelle et le temps
nécessaire pour la réaliser. Elle doit être exceptionnelle lors de la prise en charge préhospitalière, et réservée à des cas particuliers de désincarcération de très longue durée
(> 45 min) ou de transport prolongé. Dans les autres cas, elle retarde la prise en charge
chirurgicale du patient (prélèvement sanguin, attente sur place des concentrés globulaires, vérification du sang...). Lorsqu’elle est impérative, le choix doit se porter sur des
culots globulaires O négatifs et des plasmas frais congelés AB positif.
4.1.3.5. Autotransfusion des hémothorax
Le sang d’un hémothorax est incoagulable et contient peu de plaquettes et de fibrinogène. Son hématocrite est proche de celui du patient. Après la mise en place d’un
drain thoracique dans la cavité pleurale, le drain peut être connecté à un collecteur
d’urines par l’intermédiaire d’une valve de Heimlich. Dès que la poche est pleine, elle
est déconnectée du collecteur et reliée à une tubulure de transfusion permettant une
réinjection rapide au patient. Il existe également des kits d’autotransfusion prêts à
l’emploi. L’autotransfusion des hémothorax est une technique de sauvetage pouvant
555
556 MAP AR 2000
permettre au patient d’arriver vivant au bloc opératoire pour bénéficier d’une hémostase
chirurgicale [23].
4.1.3.6. Utilisation du pantalon antichoc
Son utilisation est contre-indiquée dans les traumatismes thoraciques par absence
d’effet hémostatique et aggravation de l’hémorragie. Le pantalon anti-choc peut
néanmoins être considéré comme une technique de sauvetage devant un choc hémorragique difficile à contrôler et dont l’origine n’est pas clairement établie.
4.1.3.7. Utilisation des catécholamines
La nécessité d’éviter une hypotension artérielle prolongée peut conduire à
l’association de vasopresseurs à l’expansion volémique. Cette association peut
permettre le rétablissement d’une pression artérielle moyenne compatible avec la
survie du patient jusqu’au bloc opératoire, tout en limitant le remplissage et ses effets
secondaires. Les drogues utilisées sont la dopamine, la noradrénaline et l’adrénaline.
Aucune d’entre-elle n’a actuellement démontré sa supériorité.
4.1.4. PRISE EN CHARGE DE LA DETRESSE NEUROLOGIQUE
L’examen neurologique initial du polytraumatisé est important car il sert de
référence. L’état neurologique peut être apprécié par le score de Glasgow après stabilisation des fonctions respiratoire et circulatoire. En règle générale, tous les patients
traumatisés ayant un score de Glasgow initial inférieur à 8 doivent être intubés et
ventilés en préhospitalier.
4.1.5. EXAMEN CLINIQUE DU PATIENT TRAUMATISE THORACIQUE
Après stabilisation des fonctions vitales, il est important de faire l’inventaire
complet des lésions du polytraumatisé, afin de définir les priorités thérapeutiques. Cet
examen initial servira de base à l’orientation hospitalière. En cas d’atteinte thoracique,
l’examen recherche : des points d’impact thoracique, des fractures de côtes, des
anomalies pariétales, et une éventuelle atteinte pleurale ou parenchymateuse. Il faudra
ensuite rechercher des lésions associées. Un électrocardiogramme de 12 dérivations
systématiques, à la recherche de décalages du segment ST, de troubles de conduction
ou de troubles du rythme devra faire évoquer le diagnostic de contusion myocardique.
Néanmoins, dans un tiers des cas, l’électrocardiogramme est normal.
Il existe deux situations à la fin de cet examen :
1-Le patient traumatisé thoracique présente une indication de thoracotomie d’hémostase d’urgence et sa survie est avant tout liée à la rapidité du transport vers un bloc
opératoire.
2-Le patient traumatisé thoracique ne présente pas initialement de lésion chirurgicale
urgente et peut être orienté vers une salle de déchocage.
4.1.6. PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR
Un des avantages majeurs de la médicalisation préhospitalière de la prise en charge
des traumatisés est la possibilité d’administrer une analgésie puissante, soit par
anesthésie générale soit par anesthésie locorégionale. L’existence de lésions associées
graves, notamment cranio-encéphaliques, ou une hypoxie sévère avec ou sans
contusion pulmonaire, conduisent systématiquement à une ventilation artificielle
associée à une analgésie par morphinomimétiques intraveineux. En l’absence de
détresse vitale immédiate, l’analgésie peut permettre d’éviter l’intubation trachéale et
ses complications. La douleur pariétale est en effet responsable d’une hypoventilation
alvéolaire et d’un encombrement bronchique par absence de drainage bronchique (toux
impossible). Le contrôle de la douleur permet au patient d’avoir une kinésithérapie
PRISE EN CHARGE D’UN TR
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respiratoire efficace et de supporter une ventilation non invasive en pression positive
(VSPEP). En préhospitalier, le choix de la technique d’analgésie repose sur un
compromis entre l’efficacité, la simplicité et le risque engendré par la technique. La
seule analgésie locorégionale utilisable est l’analgésie intrapleurale. Lorsqu’un drain
thoracique est mis en place, on peut injecter par le drain de la lidocaine à la dose de
2 mg.kg-1 dilués dans 20 mL de sérum physiologique [24]. L’inconvénient de cette
technique est l’obligation de clamper le drain quelques minutes pour éviter la fuite de
l’anesthésique local. Lorsque cette technique n’est pas réalisable (pas de drainage
thoracique), une analgésie multimodale par voie veineuse associant des antalgiques
mineurs, des anti-inflammatoires non stéroidiens et des morphiniques doit être débutée
précocement. L’évolution permet par la suite de définir la meilleure stratégie thérapeutique de prise en charge de la douleur.
4.1.7. MONITORAGE DU PATIENT
La surveillance du polytraumatisé est poursuivie au cours de son transport vers
l’hôpital. En plus des éléments cliniques habituels, le monitorage de la pression
artérielle par brassard automatique (ou mieux par cathéter artériel), l’oxymétrie de pouls
et la capnométrie sont devenus des éléments indispensables. L’oxymétrie de pouls est
très utile pour la surveillance des patients ayant un traumatisme thoracique ventilé ou
non. Quand l’état hémodynamique est précaire, cette technique est perturbée par la
vasoconstriction périphérique et l’hémodilution. La capnométrie est utile pour monitorer globalement la fonction cardiorespiratoire. Elle permet d’une part de vérifier
l’intubation trachéale, et d’autre part d’avoir une approximation du débit cardiaque si
la ventilation est constante.
4.2. PRISE EN CHARGE HOSPITALIERE
Le patient traumatisé thoracique doit être orienté, à chaque fois que cela est
possible vers une structure hospitalière ayant l’habitude de prendre en charge cette
pathologie.
4.2.1. ACCUEIL DU PATIENT EN SALLE DE DECHOCAGE
Le bilan initial fait dans la première heure qui suit l’admission à l’hôpital du
traumatisé du thorax permet de déterminer si une chirurgie thoracique ou extrathoracique d’urgence est nécessaire. A l’arrivée en salle de déchocage, la mise en
condition initiale du SAMU est complétée par la mise en place d’une pression artérielle
sanglante, les abords veineux sont vérifiés et l’examen clinique est rapidement
ré-évalué et comparé à celui de la prise en charge préhospitalière. L’état hémodynamique du patient doit être rapidement apprécié. Le contrôle de l’hématocrite est
indispensable, une valeur inférieure à 20 % traduisant le plus souvent une hémorragie
active qui nécessite une hémostase chirurgicale. Des prélèvements biologiques (ionogramme sanguin, numération sanguine, hémostase, gaz du sang) sont acheminés au
laboratoire. Un bilan radiologique en urgence est réalisé pour déterminer les priorités
thérapeutiques.
4.2.2. EXAMENS COMPLEMENTAIRES D’URGENCE
Ils permettent en salle de déchocage dès l’arrivée du patient de répondre en
quelques minutes à trois questions :
1- Un drainage thoracique urgent est-il nécessaire ?
2- Une chirurgie thoracique d’urgence est-elle nécessaire ?
3- Une chirugie non thoracique urgente est-elle nécessaire ?
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558 MAP AR 2000
Ils associent : un cliché du thorax de face, un cliché de bassin de face, un cliché de
profil du rachis cervical, une échographie abdominale et une échographie cardiaque.
4.2.2.1. Radiographie de thorax
Elle permet :
• De vérifier la bonne position de la sonde d’intubation et de la sonde œsophagienne.
• De mettre en évidence : un pneumothorax (mais les pneumothorax antérieurs ne sont
pas toujours visibles sur les clichés) et/ou un emphysème sous cutané, un hémothorax, des lésions pulmonaires (contusion pulmonaire), des signes évocateurs de
rupture aortique (élargissement du médiastin, hémothorax gauche, hématome extrapleural, effacement du bouton aortique, abaissement de la bronche souche gauche,
déviation à droite de la sonde œsophagienne), des signes évocateurs d’une hernie
diaphragmatique,
4.2.2.2. L’échographie abdominale
L’échographie abdominale permet le diagnostic d’un épanchement intrapéritonéal et/
ou d’une lésion traumatique d’un viscère abdominal. Elle est simple à réaliser et
facilement reproductible sans aucune mobilisation du patient. Elle permet la détection
d’un épanchement intrapéritonéal minime (50 mL) et parfois l’identification de la
lésion causale. Confrontée à la clinique, elle permet une prise de décision rapide :
l’association hypotension artérielle plus épanchement intra-abdominal implique une
laparotomie exploratrice au bloc opératoire. Lorsqu’une solution d’attente est retenue,
la majoration de l’hémopéritoine sur deux examens consécutifs est un signe de gravité
et entraîne la même décision opératoire. Cet examen a ses limites : mauvaise qualité
des images en cas de distension gazeuse, absence de diagnostic de perforation des
viscères creux, peu d’intérêt dans la visualisation des épanchements rétropéritonéaux.
L’échographie abdominale chez la femme enceinte traumatisée permet de plus de
s’assurer de la viabilité du fœtus.
4.2.2.3. Cliché du rachis cervical de profil
Ce cliché de «débrouillage» centré sur C7 et D1 permet de détecter une éventuelle
lésion du rachis cervical. Parfois, les signes indirects comme une modification de la
courbure du rachis, un œdème ou un hématome, peuvent être plus parlants que les
signes osseux. La normalité de ce cliché n’exclut pas une lésion ligamentaire ou une
lésion au niveau de la charnière C1-C2. Le collier cervical doit être laissé en place
pendant toute la prise en charge du patient jusqu’à l’élimination formelle d’une lésion
du rachis cervical.
4.2.2.4. Cliché de bassin de face
Ce cliché permet d’identifier les lésions osseuses pelviennes. Leur stabilité est
corrélée au risque hémorragique, qui est d’autant plus important que la fracture
pelvienne est instable (le risque est maximal pour les disjonctions de la symphyse
pubienne). Devant l’existence de telles lésions associées à un choc hémorragique, l’orientation thérapeutique est un plateau de radiologie interventionnelle pour une éventuelle
embolisation. La présence d’une fracture ilio ou ischiopubienne, ou d’une disjonction
pubienne contre-indique le sondage urétral chez l’homme. Le cliché de bassin de face
peut être associé à une mini urétrographie par injection intraveineuse de 1 mL/kg de
produit de contraste. Elle permet de mettre en évidence un rein muet témoignant d’une
lésion vasculaire à l’origine d’un hématome rétropéritonéal.
4.2.2.5. Echographie cardiaque
L’échocardiographie par voie trans-thoracique est souvent difficile à réaliser chez
le patient traumatisé du thorax en raison de l’existence d’un pneumothorax ou d’un
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emphysème sous cutané. Quand elle est possible, elle permet d’objectiver un
épanchement péricardique et son abondance, de vérifier la qualité du myocarde et de
rechercher les répercussions d’une contusion myocardique sur le ventricule gauche.
L’échographie trans-œsophagienne est plus précise pour les lésions cardiaques : elle
permet de mettre en évidence une lésion de l’isthme de l’aorte thoracique et une éventuelle contusion myocardique et d’apprécier la volémie et la fonction ventriculaire gauche.
4.2.2. STRATEGIE DE PRISE EN CHARGE
Au terme de cette première phase de prise en charge du traumatisé thoracique en
salle de déchocage, une stratégie de prise en charge peut être définie en fonction de son
état hémodynamique :
• En cas de persistance de l’instabilité hémodynamique, une hémostase chirurgicale est
nécessaire.
• En l’absence d’une indication opératoire urgente (thoracique ou abdominale) et
lorsque le patient est stable sur le plan cardiovasculaire et respiratoire, il peut être
transporté dans le service de radiologie pour compléter le bilan lésionnel (tomodensitométrie cérébrale et du rachis cervical, tomodensitométrie
thoraco-abdomino-pelvienne, radiographie osseuse).
CONCLUSION
La meilleure compréhension de la physiopathologie de l’insuffisance respiratoire et
de la détresse circulatoire a permis une amélioration de la réanimation initiale des
traumatisés thoraciques. Il est maintenant possible de proposer une véritable stratégie
thérapeutique qui permet une réanimation adaptée aux patients les plus graves et aux
polytraumatisés. A l’inverse, les traumatisés thoraciques isolés peuvent bénéficier d’une
prise en charge plus réduite qui privilégie l’analgésie.
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