La Lettre du Cardiologue • n° 425 - mai 2009 | 23
MISE AU POINT
La classe ou la molécule ?
Le choix d’un modulateur du système rénine-angio-
tensine et, en particulier, d’un antagoniste de récep-
teur de l’angiotensine paraît logique, car la fixation
de l’angiotensine II sur le récepteur de type I entraîne
une vasoconstriction et une hypertrophie cardiaque.
On pouvait donc anticiper un blocage de cet effet
potentiellement délétère dans cette pathologie sous
l’action de l’irbésartan.
En outre, certaines méta-analyses ont montré que les
antagonistes des récepteurs de l’angiotensine rédui-
saient, dans les essais d’hypertension artérielle, le
développement de l’insuffisance cardiaque de l’ordre
de 15 %, pourcentage comparable à celui observé
avec les inhibiteurs de l’enzyme de conversion.
Enfin, il a été démontré que les antagonistes des
récepteurs de l’angiotensine entraînent une régres-
sion particulièrement importante de l’hypertrophie
ventriculaire gauche dans l’hypertension artérielle
essentielle par rapport à d’autres classes d’anti-
hypertenseurs.
En outre, l’irbésartan est un antagoniste des récep-
teurs de l’angiotensine à longue demi-vie, ce qui
contribue à une bonne compliance, et il s’agit d’un
antagoniste non compétitif, garant de l’absence
d’interactions avec d’autres médications.
Enfin, dans l’étude IDNT, l’irbésartan réduit signifi-
cativement la fréquence de survenue des hospitali-
sations pour insuffisance cardiaque, par rapport à un
groupe contrôle et à un groupe traité par amlodipine
dans une population hypertendue, de diabétiques
avec néphropathie (6).
Dans ce contexte, l’idée de tester un antagoniste
des récepteurs de l’angiotensine dans l’insuffisance
cardiaque à fraction d’éjection préservée, et plus spéci-
fiquement l’irbésartan, paraît donc pertinente.
La dose ?
La dose médiane, dans I-PRESERVE, était de
300 mg/ jour, et la dose moyenne de 275 mg/ jour.
Il a été prouvé que la dose de 300 mg entraîne un
effet hypotenseur marqué par rapport à une dose
de 150 mg d’irbésartan ou de 100 mg de losartan,
tant sur la pression artérielle systolique que sur la
pression artérielle diastolique. Par ailleurs, c’est la
dose de 300 mg/jour qui a montré, dans l’étude
IDNT, une réduction significative de la fréquence des
hospitalisations pour insuffisance cardiaque.
La réduction de la pression artérielle observée dans
I-PRESERVE est modeste, puisqu’elle est de l’ordre
de 4 mmHg pour la pression artérielle systolique
et de 2,5 mmHg pour la pression artérielle diasto-
lique. Néanmoins, cette réduction s’observe dans
une population recevant déjà plusieurs médications
antihypertensives.
Il n’y a donc pas d’argument pour penser que la dose
utilisée dans I-PRESERVE était insuffisante.
Le dessin de l’étude ?
I-PRESERVE est de loin le plus grand essai réalisé
dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection
préservée, puisqu’il a inclus plus de 4 000 patients,
suivis en moyenne près de 50 mois. Il a été noté au
cours de l’étude un nombre important de patients
mis sous inhibiteur de l’enzyme de conversion (19 %)
ou sous spironolactone (10 %) et, à l’inverse, un
nombre important de sorties d’étude (34 % à la
fin de l’essai). Ces deux facteurs ont pu jouer un
rôle et faire perdre de la puissance à l’essai. Des
analyses a posteriori non publiées, censurant les
sorties d’étude et les patients mis sous IEC ou spiro-
nolactone, suggèrent d’ailleurs un effet plus marqué
en faveur de l’irbésartan, même si cet effet n’est pas
statistiquement significatif.
En définitive, les résultats décevants d’I-PRESERVE
sont comparables à ceux des précédentes études
conduites soit avec un inhibiteur de l’enzyme de
conversion (périndopril dans PEP CHF), soit avec
un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine
(candésartan dans CHARM-Preserved).
L’étude PEP CHF était une étude d’envergure limitée
(850 patients), et le critère principal était la morta-
lité toutes causes et les hospitalisations pour insuf-
fisance cardiaque (7). Aucun bénéfice en faveur du
périndopril n’a été retrouvé, principalement en
raison d’une puissance insuffisante de l’essai et d’un
nombre très important de sorties d’étude.
L’étude CHARM-Preserved a testé une dose maxi-
male de 32 mg/jour de candésartan contre placebo
dans une population dont la fraction d’éjection était
supérieure à 40 % et qui présentait une insuffisance
cardiaque symptomatique. Le critère principal était
purement cardiovasculaire : décès cardiovasculaires
ou hospitalisations pour insuffisance cardiaque. La
population de CHARM-Preserved est plus proche
des populations incluses dans les essais d’insuffi-
sance cardiaque avec dysfonction systolique par
ses caractéristiques démographiques : en effet, la
proportion de patients ayant une fraction d’éjection
inférieure à 50 % est de plus d’un tiers, 44 % des
malades avaient des antécédents d’infarctus du