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La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 1 - janvier-février 2002
PSYCHO-ONCOLOGIE
a dimension psychologique de la prise en charge des
cancers est aujourd’hui reconnue, mieux identifiée et
mieux assumée, tant grâce à l’évolution des pra-
tiques médicales que par l’intégration progressive de psy-
chiatres et de psychologues dans les services. Il existe même,
depuis quelques années, une formation universitaire de “psy-
cho-oncologie” destinée aux médecins et aux soignants. Et, en
effet, à beaucoup d’égards, le cancer est un traumatisme psy-
chique. L’apparition de la maladie, son traitement parfoismuti-
lant, les incertitudes quant au pronostic, la nécessité de faire
face à l’angoisse liée à son caractère potentiellement létal, les
réaménagements familiaux et sociaux qu’elle induit,les repré-
sentations culturelles effrayantes qui la précèdent et la com-
plexité des relations qui vont lier un patient à son environne-
ment médical actualisent des enjeux psychiques considérables,
non seulement pour ce patient mais aussi pour les médecins.
Généralistes ou spécialistes, les thérapeutes sont confrontés à
des situations difficiles à négocier et à des comportements par-
fois déroutants, comme ils sont aussi confrontés, à des niveaux
variés, à leurs propres problématiques. La question de la com-
munication cristallise à elle seule nombre de ces enjeux psy-
chologiques.
COMMUNIQUER AVEC LE PATIENT SUR LA MALADIE
Outre les difficultés immuables du médecin à “ dire ce qu’il ne
veut pas dire à un patient qui ne veut pas l’entendre ”
(N. Alby), de nouvelles contraintes, légales celles-ci, com-
plexifient encore l’échange entre le médecin et son patient.
Annoncer une mauvaise nouvelle, qu’il s’agisse du diagnostic
initial de cancer, de sa récidive ou de l’abandon des traite-
ments curatifs, ne met pas en jeu que de l’information, mais
aussi, fondamentalement, de la relation. Les conséquences
psychologiques de ces moments déterminants en termes de
confiance et de compliance, mais aussi de capacité pour le
patient de retrouver un nouvel équilibre, sont prépondérantes.
Si, intuitivement et empiriquement, les médecins savent sou-
vent adapter leur discours, il n’est pas inutile de mentionner
quelques éléments visant à améliorer la prise en charge du
patient dans ce moment critique de son existence qu’est
l’annonce d’une mauvaise nouvelle médicale.
Le contexte de cette annonce doit être favorable. Le praticien
doit disposer d’un minimum de temps pendant lequel il ne sera
aucunement dérangé et d’une pièce. Il est important que son
regard soit au même niveau que celui du patient, sous peine
d’accentuer encore l’impression d’une sentence, et, dans le
souci de la dignité maximale pour le malade, afin de limiter
l’impact d’un rapport inégalitaire. Cela est évident en consulta-
tion, mais plus délicat dans le cadre d’une hospitalisation, où
le patient peut se trouver allongé et dévêtu.
Au-delà de ces aspects pratiques, il est souvent bénéfique de
reprendre rapidement l’historique médical et des examens, et de
demander au patient comment il se sent, avant de délivrer
l’information. Cette technique permet d’installer une relation de
confiance, qui est nécessaire. L’information sera progressive et
adaptée. Pour cela, il est préférable d’utiliser des termes relati-
vement neutres et généraux au départ et des tournures de phrase
négatives et passives afin de limiter l’impact du discours dans
un premier temps : “ce n’est pas rassurant” plutôt que “ c’est
préoccupant ” ; “ la tumeur n’a pas été réduite par le
traitement ” plutôt que “ le traitement n’a pas fait diminuer la
tumeur ” ; “ il y a quelque chose ” avant de mentionner les mots
“kyste ” ou “ tumeur ”. Quant au mot “ cancer ”, très chargé
idéologiquement, il n’est pas forcément nécessaire de le men-
tionner lors de cet entretien, ni forcément plus tard d’ailleurs.
Le patient y arrivera seul le plus souvent. Les termes trop scien-
tifiques et techniques vont davantage protéger le médecin de
l’angoisse du patient que le patient lui-même, qui trouvera son
thérapeute distant à un moment où il doit le sentir solidaire. Il
est important que le médecin fasse preuve d’empathie (partager
quelque chose de la souffrance de l’autre) en laissant aussi le
patient exprimer ses sentiments, qu’il s’agisse de colère ou de
tristesse (pourquoi ne pas avoir une boîte de mouchoirs si
besoin ?), sans chercher à les empêcher, même s’il peut s’avé-
rer nécessaire d’en limiter l’expression dans le temps. Ce
moment d’extériorisation, aussi déstabilisant soit-il pour le thé-
rapeute, qui pourra se sentir impuissant, est souvent vécu a pos-
teriori par le malade comme une preuve d’écoute et d’implica-
tion du médecin. Une position médicale fermée accentuera le
plus souvent la détresse du patient, les risques psychopatholo-
giques et de non-compliance, les sentiments d’isolement, de
dépendance et les problématiques psychiques de faute et de
punition. Bien entendu, chaque médecin a sa personnalité, et de
nombreux “styles relationnels” sont heureusement compatibles
avec une relation médecin-malade de bonne qualité.
Prise en charge psychologique des patients atteints de cancer
Quelques éléments utiles à l’usage des médecins
K. Kraeuter*
* Hôpital Avicenne, 125, route de Stalingrad, 93000 Bobigny.
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