Rôle(s) de la protéine cellulaire gC1qR dans les cycles viraux

revue
Virologie 2012, 16 (2) : 85-94
Rôle(s) de la protéine cellulaire gC1qR
dans les cycles viraux
Cécile Lagaudrière-Gesbert1
Maija Purvina2
Nadine Assrir3
Jean-Michel Rossignol4
1Laboratoire de virologie moléculaire
et structurale, UPR 3296, 91198
Gif-sur-Yvette, France
2Université de
Versailles - Saint-Quentin-en-Yvelines,
laboratoire de génétique et biologie
cellulaire, EA 4589, 78035 Versailles,
France
3Institut de chimie des substances
naturelles, UPR 2301, 91198
Gif-sur-Yvette, France
4Université Paris-Sud, laboratoire
évolution, génomes et spéciation,
UPR 9034 et IDEEV FR 3284 CNRS,
avenue de la Terrasse, 91198
Gif-sur-Yvette, France
Résumé. La protéine cellulaire gC1qR (aussi connue sous le nom de HABP1,
p32, p33 ou TAP) a été identifiée par différents groupes comme une partenaire
de plusieurs protéines virales. Présente initialement dans la mitochondrie, elle
est aussi retrouvée à la surface de la cellule ou dans le noyau. Dans la cellule
normale, les fonctions qui lui sont attribuées sont liées à ces trois localisations
subcellulaires : apoptose pour la localisation mitochondriale, épissage pour la
localisation nucléaire et réponses immunitaires et inflammatoires pour la locali-
sation membranaire. La diversité de ses fonctions, liée à la diversité des fonctions
des protéines virales avec lesquelles elle interagit, en fait une protéine intri-
gante dont le rôle dans les cycles viraux n’est pas totalement élucidé. Le but de
cette revue est de résumer brièvement les connaissances actuelles sur gC1qR,
d’évoquer plus en détail les rôles envisagés pour les complexes gC1qR-protéines
virales, qu’ils soient démontrés ou encore hypothétiques et de proposer un modèle
pour les rôles potentiels de gC1qR dans les cycles viraux.
Mots clés : gC1qR, p32, persistance, mitochondrie, trafic cellulaire
Abstract. The cellular protein gC1qR (also named HABP1, p32, p33 or TAP)
has been identified as a partner of several viral proteins belonging to different
virus families. gC1qR is a mitochondrial protein also present at the cell surface
and in the nucleus. In normal cells, gC1qR seems involved in diverse biological
processes related to its cellular localization. gC1qR could be involved in apoptosis
in mitochondria, in RNA splicing in the nucleus or in immune and inflammatory
responses at the cell surface. The multiple functions of gC1qR, as the variety of
its viral partners, raise the question of its possible function(s) in the viral cycle.
The goal of this review is to: (i) summarize what is known about gC1qR, (ii)
focus on the demonstrated or hypothetical functions of the gC1qR-viral proteins
complexes reported in the literature and (iii) propose a model on the possible
roles of gC1qR in the viral life cycles.
Key words: gC1qR, p32, persistence, mitochondria, cellular trafficking
Introduction
Les infections virales reposent sur des mécanismes dans les-
quels interviennent non seulement des protéines codées par
le génome viral mais aussi des protéines cellulaires. La lit-
térature propose très régulièrement de nouveaux exemples
de ces interactions entre protéine virale et protéine cellu-
laire, composante d’une machinerie cellulaire détournée par
un virus (traduction, épissage, export-import nucléaire) ou
Tirés à part : J.-M. Rossignol
impliquée dans la défense de l’hôte. En revanche, il existe
peu d’exemples de protéines cellulaires ayant plusieurs
fonctions et localisations cellulaires, interagissant avec dif-
férentes protéines virales et pouvant être impliquées dans
différentes étapes du cycle viral, selon le virus considéré.
La protéine gC1qR (aussi connue sous le nom de p32,
p33, HABP1 ou encore TAP) relève de ce cas de figure.
En effet, la protéine gC1qR (seule cette dénomination
sera utilisée dans la suite du texte) a plusieurs locali-
sations subcellulaires (membrane plasmique, cytoplasme,
noyau, mitochondrie). Par ailleurs, elle a été jusqu’à pré-
sent retrouvée associée à 16 protéines virales ayant des
doi:10.1684/vir.2012.0443
Virologie, Vol 16, n2, mars-avril 2012 85
Pour citer cet article : Lagaudrière-Gesbert C, Purvina M, Assrir N, Rossignol JM. Rôle(s) de la protéine cellulaire gC1qR dans les cycles viraux. Virologie 2012; 16(2) : 85-94 doi:10.1684/vir.2012.0443
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
revue
fonctions différentes, ces protéines appartenant à plusieurs
familles virales (Flaviviridae,Hepadnaviridae,Herpesvi-
ridae,Orthomyxoviridae,Retroviridae et Togaviridae). La
situation est donc complexe, puisque :
les interactions protéine virale-gC1qR ont été observées
dans tous ces compartiments cellulaires ;
chacune de ces protéines virales a un rôle différent ;
gC1qR serait une protéine multifonctionnelle.
Dans cette revue, nous allons tout d’abord faire un bref rap-
pel sur les différentes fonctions et localisations décrites pour
gC1qR dans les cellules non infectées. Ensuite, nous ferons
le point des connaissances sur les interactions protéines
virales-gC1qR et leurs implications dans la modulation de
certaines fonctions cellulaires. Enfin, nous proposerons un
modèle permettant d’expliquer comment gC1qR est impli-
quée dans différentes stratégies virales.
Biosynthèse, structure
tridimensionnelle et localisation
subcellulaire de gC1qR
La protéine humaine gC1qR, codée par le gène C1QBP est
exprimée de fac¸on ubiquitaire [1]. Elle est synthétisée sous
la forme d’une préprotéine de 282 aminoacides qui contient
à son extrémité N-terminale, un signal de localisation à la
mitochondrie [2]. La protéine mature (209 aminoacides)
a un pI acide de 4,15 [3]. La résolution de sa structure
tridimensionnelle par cristallographie révèle une structure
assez peu courante, avec une hélice en N-terminal sui-
vie de sept feuillets et de deux hélices en C-terminal
(figure 1) [4]. La structure quaternaire majoritaire est un
homotrimère (figure 1A), avec une distribution asymétrique
des charges sur les deux faces de la molécule [4] mais une
forme hexamérique a aussi été observée dans un environne-
ment oxydant [5]. L’ensemble de ces résultats suggère que
la conformation et le degré d’oligomérisation de gC1qR
varient en fonction de son microenvironnement physico-
chimique, permettant ainsi d’assurer différentes fonctions
[5].
En ce qui concerne sa localisation cellulaire, il convient
de distinguer les travaux effectués avec la protéine gC1qR
endogène de ceux réalisés avec des protéines gC1qR étique-
tées, ce qui peut conduire à une localisation artéfactuelle de
la protéine [6]. En conséquence, nous avons considéré dans
ce cadre uniquement les résultats obtenus avec la protéine
gC1qR endogène.
Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, une des loca-
lisations de la protéine gC1qR est la mitochondrie, peut
être la matrice mitochondriale comme son homologue chez
Saccharomyces cerevisiae [7]. Une localisation nucléaire a
Panneau A Panneau B
N-ter
C-ter
Figure 1. Structure de gC1qR.
Panneau A) Structure quaternaire de gC1qR. La structure est tirée de la Protein Data Bank (pdb1P32) et les boucles absentes (invisibles
dans les cartes électroniques) ont été modélisées à partir du serveur Swiss-MODEL (http://swissmodel.expasy.org/). Chaque monomère a
sa propre coloration (magenta, vert et cyan). Panneau B) Représentation tridimensionnelle d’un monomère de gC1qR. La région incluant
les zones d’interaction des protéines virales est indiquée en bleu (tableau 1). Les chaînes latérales des résidus acides présentes dans
cette partie de gC1qR sont représentées en rouge. Les extrémités aminoterminale et carboxyterminale sont indiquées respectivement par
les abréviations N-ter et C-ter.
86 Virologie, Vol 16, n2, mars-avril 2012
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
revue
aussi été décrite [8, 9] tout comme une relocalisation dans
le réseau golgien après la rupture de l’enveloppe nucléaire
lors de la mitose [10]. Enfin, gC1qR a été mise en évidence à
la membrane plasmique bien qu’elle ne possède ni segment
transmembranaire ni ancre GPI [1]. Il a donc été postulé que
gC1qR s’associe à une ou plusieurs protéines intrinsèques
de la membrane [11], ce qui pourrait être favorisé par sa
présence dans la voie de sécrétion [12].
Rôles putatifs de gC1qR
dans le métabolisme cellulaire
À l’origine, gC1qR a été mise en évidence par son associa-
tion avec le facteur d’épissage ASF/SF2, ce qui suggérait
un rôle dans le métabolisme de l’ARN [13]. Quelques
années plus tard, Petersen-Mahrt et al. ont affiné cette
hypothèse en proposant que gC1qR inhibe la fonction
d’ASF/SF2 en empêchant une association stable entre
l’ARN et ce facteur [14]. Sachant que ASF/SF2 active ou
réprime l’épissage selon son site de fixation sur le pré-ARN
[15], gC1qR pourrait intervenir indirectement dans cette
régulation en bloquant l’interaction entre ASF/SF2 et le
pré-ARN. Ensuite, la démonstration d’une interaction de
gC1qR avec le facteur de transcription CBF/NF-Y a sug-
géré un rôle inhibiteur de gC1qR dans la régulation de la
transcription [16].
Plus récemment, il a été décrit que gC1qR a la propriété
de transporter le facteur d’épissage U2AF26 à travers la
membrane nucléaire [17], les auteurs suggérant que gC1qR
pourrait avoir le même rôle pour d’autres protéines cel-
lulaires ou virales, en accord avec le fait que gC1qR
n’entrerait dans le noyau que de fac¸on transitoire [9].
Deux rôles liés à la localisation mitochondriale de gC1qR
ont été proposés. Le premier repose sur l’analyse structu-
rale de la protéine. Selon Jiang et al., grâce aux charges
négatives présentes sur une des faces du trimère, gC1qR
stockerait des ions Ca++. Ainsi, gC1qR pourrait moduler la
concentration en Ca++ dans la matrice mitochondriale et,
en conséquence, l’ouverture du pore de perméabilité mito-
chondrial impliquée dans l’apoptose [4]. Cette hypothèse a
ensuite été confirmée par les travaux montrant un effet proa-
poptotique de gC1qR [18]. Très récemment, il a été suggéré
que gC1qR soit un régulateur du métabolisme tumoral en
empêchant la glycolyse de se mettre en place au détriment
de la phosphorylation oxydative dans les cellules tumorales
[19].
Le dernier rôle de gC1qR est lié au système immunitaire.
En 1994, gC1qR a été caractérisée comme le récepteur du
facteur C1q du complément et, en conséquence, dénommée
gC1qR [1]. Cette association suggère son implication dans
les processus inflammatoires [20], hypothèse appuyée par
le fait que gC1qR s’associe avec le kininogène [21, 22] et
la fibrine-fibrinogène [23]. Plus récemment, il a été montré
que gC1qR inhibe les réponses antivirale médiées par RIG-I
et MDA5 [24, 25].
Bien qu’il ne s’agisse pas du sujet de cette revue, notons que
gC1qR à la surface de la cellule est sans doute le récepteur
permettant l’entrée de pathogènes non viraux dans la cellule
[26-28]. Les différentes localisations subcellulaires et les
différents rôles proposés font donc de gC1qR une protéine
particulièrement intrigante.
Avant d’évoquer les partenaires viraux de gC1qR, il faut
souligner que, comme le montre la figure 1B, les zones
de gC1qR qui interagissent avec les protéines virales pré-
sentent de nombreux résidus acides. Comme beaucoup de
protéines virales partenaires sont basiques, la spécificité de
ces interactions peut être mise en doute. Ce point a été pris
en compte par les auteurs et les expériences adéquates, sur
lesquelles nous ne reviendrons pas, ont permis d’exclure cet
éventuel artéfact. Le tableau 1 récapitule, virus par virus,
les différentes données présentées ci-dessous.
Un rôle de gC1qR dans le contrôle
de l’expression des gènes viraux ?
Aussi bien au niveau cellulaire que dans le cadre de son
association à une protéine virale, historiquement la fonc-
tion attribuée à gC1qR est liée au contrôle de l’expression
des gènes viraux par une modulation de la transcription, de
l’épissage ou de l’export des ARN non épissés.
Une modulation de la transcription virale via gC1qR peut
être tout d’abord envisagée. En effet, des observations por-
tant sur l’expression des gènes de quatre herpesvirus, du
virus de la grippe et de l’adénovirus (AdV) vont dans le
sens de cette hypothèse.
En ce qui concerne les herpesvirus, les observations concer-
nent, d’une part, le human cytomegalovirus (HCMV), un
virus de la classe des herpesvirus bêta et, d’autre part, trois
gammaherpesvirus. Pour HCMV, deux protéines virales,
pUL84 et pUL97, interagissent avec gC1qR. La protéine
pUL84 est une phosphoprotéine à propriétés multiples :
inhibition de l’activation de la transcription médiée par IE2,
activité UTPase, liaison à l’ARN, présence dans le noyau et
le cytoplasme. Elle est très vraisemblablement la protéine
qui permet l’assemblage du complexe de réplication dans
le cycle lytique. Si l’association de pUL84 avec gC1qR est
clairement documentée par des expériences de protéomique
et de co-immunoprécipitation dans des cellules infectées
par HCMV, la fonction du complexe ne peut actuellement
que faire l’objet d’hypothèses. La plus vraisemblable est
que gC1qR puisse réguler l’activation transcriptionnelle du
promoteur oriLyt [29]. Quant au complexe pUL97-gC1qR,
Virologie, Vol 16, n2, mars-avril 2012 87
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
revue
Tableau 1. Partenaires viraux de gC1qR.
Protéine virale Résidus impliqués dans
l’association
Rôle proposé de gC1qR ou du complexe Références
Adénovirus
Protéine V Arginine-lysine Transport mitochondrie noyau [8]
EBV
EBNA-1 Répétitions arginine-glycine Régulation de l’activité transcriptionnelle [34-36]
HBV
P22 Îlots arginine Inhibition de la prolifération des
lymphocytes T ?
[45, 66]
HCMV
pUL84 ND Régulation de l’activité transcriptionnelle [29]
pUL97 ND Recrutement à la membrane nucléaire [57]
IE63 Îlot riche en arginine Export des ARN [50]
HCV
Protéine core Région contenant des charges
positives
Inhibition de la prolifération des
lymphocytes T
[64]
VIH
gp41 Non chargé Déplétion des lymphocytes T [60]
Rev Région basique Export des ARN [39, 47]
Tat ND Modulation de l’épissage [40, 41]
MHV-68
M2 Région contenant des charges
positives
Régulation de l’activité transcriptionnelle [71]
Virus de la rubéole
Protéine de capside Îlots arginine Redistribution cellulaire des mitochondries [52, 53]
White Spot syndrome virus ND Inhibition de la réplication [72]
Les résidus impliqués dans l’association à gC1qR sont indiqués ainsi que le rôle proposé du complexe ou de la protéine cellulaire dans le cycle viral. EBV :
virus d’Epstein-Barr ; EBNA-1 : Epstein-Barr nuclear antigen-1 ; HBV : virus de l’hépatite B ; HCMV : human cytomegalovirus ; HCV : virus de l’hépatite C ;
VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; MHV-68 : gammaherpes murin 68 ; ND : non déterminé.
il jouerait un rôle dans le transport cellulaire (voir ci-
dessous).
Durant la phase de latence, les gammaherpesvirus se
répliquent de fac¸on épisomique dans les cellules infectées.
Chez les Rhadinovirus, une sous-famille des gammaher-
pesvirus, le produit de l’open reading frame (ORF) 73, la
protéine latency-associated nuclear antigen (LANA), joue
aussi un rôle essentiel dans le maintien du génome dans
sa forme épisomale durant la latence [30]. Dans les cel-
lules infectées par l’herpesvirus du singe Saïmiri (HVS),
gC1qR a été identifiée comme un des partenaires cellulaires
de LANA, les deux protéines agissant de fac¸on synergique
dans l’activation transcriptionnelle de certains promoteurs
[31].
Dans le cas du virus d’Epstein-Barr (EBV), la réplica-
tion requiert la protéine Epstein-Barr nuclear antigen-1
(EBNA-1), une des rares protéines virales synthétisées pen-
dant la phase de latence. EBNA-1 interagit avec l’origine de
réplication utilisée pendant la phase de latence (oriP) [32]
et agirait de plus comme un transactivateur de la transcrip-
tion [33]. Par différentes méthodes et stratégies, plusieurs
groupes ont identifié gC1qR comme un partenaire cellu-
laire de EBNA-1 [34-36]. De fac¸on fort intéressante, des
protéines mutantes EBNA-1 qui ne possèdent plus qu’un
site de liaison à gC1qR (au lieu de deux) ont une capa-
cité de transactivation diminuée et sont déficientes pour la
réplication ou le maintien d’un plasmide contenant oriP
[34, 36]. Bien que des études supplémentaires soient néces-
saires pour valider cette hypothèse, on peut imaginer que
gC1qR joue un rôle dans l’établissement ou le maintien de
la latence de l’EBV via une régulation de la transcription,
comme pour les deux autres gammaherpesvirus.
Très récemment, il a été montré, par des expériences de
protéomique, que la sous-unité PB2 de l’ARN polymérase
du virus de la grippe avait comme partenaire gC1qR. Les
auteurs envisagent bien entendu un rôle dans la régulation
de la transcription, mais les démonstrations expérimentales
restent à faire [37].
Les observations de Ohrmalm et Akusjarvi sur la transcrip-
tion tardive de l’AdV sortent du cadre strict de l’interaction
gC1qR-protéine virale mais méritent cependant notre atten-
tion [38]. En effet, ces auteurs montrent que la surexpression
88 Virologie, Vol 16, n2, mars-avril 2012
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
revue
de gC1qR réprime la transcription tardive via la phospho-
rylation du domaine C-terminal de l’ARN polymérase II.
Ce résultat est à rapprocher des observations de Matthews
et Russell sur ce même virus (voir ci-dessous).
La modulation de l’épissage des ARNm viraux via gC1qR
est une deuxième stratégie qui pourrait conduire à la régu-
lation de l’expression des gènes viraux.
Le rôle de gC1qR dans l’épissage des ARN du virus de
l’immunodéficience humaine (VIH) a été démontré par les
expériences du groupe de Peterlin. Ce groupe a montré que
l’épissage des ARN messagers (ARNm) du VIH n’est pas
régulé dans les cellules de souris, ce qui réduit considéra-
blement la quantité d’ARN génomique exporté et se traduit
par un blocage de la réplication du virus dans ces cellules.
Le remplacement de gC1qR murin par la protéine humaine
lève ce blocage [39], ce qui suggère que gC1qR humain – à
l’inverse de la protéine murine – exercerait une régulation
négative sur la machinerie d’épissage. À l’heure actuelle,
l’hypothèse la plus vraisemblable est que la protéine Tat de
VIH est impliquée dans ce processus. Son association avec
gC1qR a été montrée dès 1991 [40, 41], mais des résultats
décisifs ont été obtenus récemment. Berro et al. ont en effet
démontré que gC1qR en se liant préférentiellement à Tat
sous sa forme acétylée et en complexant la kinase CDK13,
empêche la phosphorylation de ASF/SF2 et par conséquent
l’épissage des ARN viraux, permettant ainsi la production
de l’ARN génomique à la fin du cycle viral [42, 43].
La protéine précore du virus de l’hépatite B (HBV)
humaine, précurseur de l’antigène HBe, est une protéine
présente de fac¸on prédominante dans la voie de sécrétion
mais aussi observée dans le cytoplasme et le noyau [44].
C’est dans ces deux derniers compartiments qu’une asso-
ciation de gC1qR avec la protéine précore a été mise en
évidence [45]. Bien que l’expression des protéines majeures
d’HBV ne nécessite pas d’épissage de l’ARN, on retrouve
des ARNm épissés dans le foie des patients chroniquement
infectés. On peut imaginer que gC1qR joue un rôle dans
cet épissage et que la protéine précore en s’associant avec
cette protéine cellulaire module le taux d’épissage de ces
ARN, ensuite encapsidés dans des particules défectives. Le
fait que le nombre de ces particules défectives varie avec
la gravité de l’atteinte hépatocytaire et pourrait s’expliquer
par cette modulation mais cette hypothèse intéressante reste
pour l’instant à démontrer [46].
Une autre possibilité pour contrôler l’expression des gènes
est de moduler l’export des ARNm viraux et gC1qR inter-
vient aussi dans cette étape pour deux virus, VIH et
HSV. Dans le cas de VIH, une autre protéine accessoire
a été retrouvée associée à gC1qR. Il s’agit de la pro-
téine Rev, une protéine essentielle pour l’export des ARNm
non épissés (ARN génomique) ou incomplètement épissés.
L’association de Rev avec gC1qR (humain ou murin) a été
Figure 2. Zones d’interactions de la forme trimérique de gC1qR
avec les protéines Rev et Tat du virus de l’immunodéficience
humaine (VIH). La protéine Rev interagit avec les régions de gC1qR
indiquées en bordeaux et la protéine Tat avec celles indiquées en
violet.
mise en évidence il y a une quinzaine d’années [47, 48].
L’approche par la technique du double hybride a montré
que Rev s’associait par son domaine basique [48], tandis
que les expériences de co-immunoprécipitation dans des
conditions stringentes permettaient de rejeter l’hypothèse
d’une interaction artéfactuelle [47]. La quantité d’ARN
génomique exportée serait donc plus importante, ce qui
par conséquent favoriserait l’assemblage et la production
de particules virales. Si on rapproche ce résultat de celui
obtenu avec la protéine Tat, on constate que gC1qR favorise,
via son interaction avec Tat et Rev et par deux voies dif-
férentes, la production d’ARN génomique. Il est d’ailleurs
intéressant de souligner que les deux protéines n’utilisent
pas les mêmes sites de fixation sur gC1qR (figure 2),cequi
peut être la traduction de fonctions différentes de gC1qR.
Chez HSV, la protéine IE63 (aussi connue sous le nom
d’ICP27) est une protéine multifonctionnelle exprimée au
tout début de l’infection virale [49]. IE63 interagit avec
différentes protéines cellulaires, dont gC1qR, identifiée
comme partenaire de IE63 par trois stratégies différentes.
De plus, des études d’immunofluorescence ont montré une
colocalisation d’IE63 et gC1qR dans le noyau [50]. En
s’appuyant sur le fait qu’IE63 facilite l’accumulation de cer-
tains transcrits cellulaires dans le cytoplasme [51], Bryant
et al. suggèrent que le complexe gC1qR-IE63 faciliterait
l’export des ARNm viraux non épissés [50].
Virologie, Vol 16, n2, mars-avril 2012 89
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
1 / 10 100%

Rôle(s) de la protéine cellulaire gC1qR dans les cycles viraux

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !