La Lettre du Neurologue - n° 2 - vol. II - avril 1998 75
L’insomnie des polyneuropathies subaiguës à sympto-
matologie sensitive prédominante
Les polyneuropathies s’exprimant par des douleurs à type de
brûlures diurnes et nocturnes ou de décharges électriques sont
les plus insomniantes. Parmi celles-ci la polyneuropathie diabé-
tique, surtout dans sa forme d’axonopathie portant sur les
petites fibres amyéliniques avec hypoesthésie thermoalgique,
réflexes ostéotendineux et sensibilité proprioceptive relative-
ment préservés, brûlures spontanées ou provoquées par le
simple frôlement, décharges électriques, voire causalgies ; la
polyneuropathie de l’insuffisance rénale avec brûlures noc-
turnes de la plante des pieds ; la polyneuropathie alcoolique
dont le début est marqué par des crampes nocturnes des mollets
et des brûlures nocturnes des pieds ; la polyneuropathie distale
symétrique du sida, particulièrement douloureuse.
Les troubles du sommeil en rapport avec des perturba-
tions de la respiration liées au sommeil
Les malades atteints de pathologie neuromusculaire, myasthé-
nie, dystrophie myotonique, dystrophie musculaire de
Duchenne, présentent fréquemment des troubles de la ventila-
tion au cours du sommeil, dont les conséquences les plus nettes
sont une fragmentation du sommeil, parfois des éveils nocturnes
avec sensation d’asphyxie.
Un cas particulier et rare, de diagnostic clinique délicat, est le
syndrome d’apnées centrales du sommeil, caractérisé par une
incapacité à s’endormir, avec une impression d’étouffement dès
que le sujet somnole. Le diagnostic repose sur l’enregistrement
polysomnographique montrant l’interruption systématique des
efforts respiratoires lors de l’endormissement. Ce syndrome
peut être primitif. Il peut être secondaire à une pathologie neu-
rologique, lésion intéressant la région bulbaire, poliomyélite
antérieure aiguë, infarctus bulbaire postéro-latéral, atrophie
multisystématisée (8).
Le syndrome d’impatiences des membres inférieurs
dans la veille et les mouvements périodiques des
membres dans le sommeil
Souvent associés, ces syndromes peuvent aussi s’observer iso-
lément. Le premier se révèle sous forme de tiraillements, de
picotements, de tension des membres inférieurs, que le sujet a
de la peine à situer exactement, apparaissant au repos et entraî-
nant un besoin irrésistible de bouger. Le moment électif de sur-
venue est la période suivant le coucher ou lors des éveils de la
nuit, entraînant de sérieuses difficultés d’endormissement ou de
réendormissement. Le point remarquable de ce syndrome est la
disparition des signes lorsque le sujet se lève et marche. Le dia-
gnostic est clinique. La symptomatologie du second correspond
à une dorsiflexion du pied et parfois à une flexion du genou et
de la hanche, relativement lente (plusieurs secondes), pério-
dique (une fois toutes les 15, 30 ou 60 secondes), le plus sou-
vent d’un seul côté à la fois et pour des durées variables, de
quelques minutes à tout ou partie de la nuit. Le sujet n’en a nulle
conscience ; en revanche, il se plaint souvent d’une sensation de
fatigue au lever (11).
Traitement
Le traitement de l’insomnie en relation avec des algies crâ-
niennes ou faciales et celui de l’insomnie liée à une polyneuro-
pathie subaiguë à prédominance sensitive s’adressent à la cause
de l’insomnie. Peut-on donner un hypnotique à ces sujets ? Il
n’y a aucune étude permettant de répondre objectivement à cette
question. Dans notre expérience, l’hypnotique est de peu d’effet
en pareil cas et risque, en outre, de donner au sujet une sensa-
tion d’inconfort pendant la nuit.
Les troubles du sommeil liés à des perturbations respiratoires noc-
turnes consécutives à des maladies neuromusculaires sont a priori
l’indication à une ventilation nocturne en pression intermittente.
Quant aux syndromes d’impatiences des membres inférieurs
dans la veille et de mouvements périodiques des membres dans
le sommeil, ils relèvent soit du clonazépam (0,5 à 2 mg), soit
des agents dopaminergiques (lévodopa + carbidopa, 100 mg, ou
lévodopa + bensérazide, 125 mg) soit même, dans certains cas
particulièrement rebelles, des opiacés. Les limites du clonazé-
pam sont une tolérance s’établissant fréquemment et une som-
nolence matinale
;
celles des agents dopaminergiques, un
rebond des mouvements périodiques dans la deuxième partie du
sommeil et, éventuellement, l’apparition d’impatiences des
membres inférieurs dans la journée si une deuxième dose est
prise dans la deuxième partie de la nuit ; Enfin, celles des opia-
cés l’apparition d’une tolérance puis d’une dépendance (11).
◗ Agenda de sommeil, pour préciser les horaires et les durées de
sommeil sur une période de plusieurs semaines.
◗ Questionnaires spécialisés sur le sommeil “St Mary’s Hospital
questionnaire” explorant le sommeil de la nuit précédente ; “index
de qualité du sommeil de Pittsburgh” explorant le sommeil du mois
précédent.
◗ Questionnaire de typologie circadienne de Horne et Osberg si l’on
suspecte un trouble du rythme circadien du sommeil de type retard
ou avance de phase du sommeil.
◗ Tests psychologiques de personnalité, d’anxiété, de dépression.
◗ Actimétrie au poignet permettant d’apprécier sur une durée de
plusieurs semaines les heures d’activité et de repos de l’individu.
◗ Enregistrement polysomnographique après arrêt de tout médica-
ment psychotrope pendant plusieurs semaines, dans les cas sui-
vants :
• suspicion d’une perturbation respiratoire liée au som
meil d’un syndrome de mouvements périodiques des
membres dans le sommeil ;
• suspicion d’un trouble de la perception du sommeil ;
• absence de tout facteur de nature à expliquer le trouble
et échec des différents traitements mis en œuvre.
Tableau I. Aides au diagnostic.