Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n°1, février 2000 21
ximative conclut trop rapidement à tort.
L’évaluation des ingestas est fondamentale.
Elle fait partie de l’évaluation de l’état
nutritionnel qui permettra de poser les indi-
cations thérapeutiques. Celle-ci peut et
devrait être complétée par une mesure de la
composition corporelle (impédancemétrie
au lit du malade), qui aide à préciser le type
de dénutrition dont souffre le malade et qui
permettra de suivre sa correction sous l’ef-
fet du traitement. Dans certains cas un peu
particuliers, la mesure de la dépense éner-
gétique de repos permet non seulement de
préciser les besoins des malades, mais
peut, en outre, aider à trancher sur l’exis-
tence d’une infection opportuniste à diffu-
sion systémique (13).
Au total, la stratégie diagnostique devant
un amaigrissement chez un patient sidéen
est simple et, après évaluation de la dénu-
trition elle-même, peut se résumer à la
recherche de trois points :
–recherche et quantification d’une ano-
rexie ;
–recherche d’une malabsorption digestive ;
–recherche directe ou indirecte d’une
infection secondaire associée à un hyper-
métabolisme.
Stratégie thérapeutique
La première des thérapeutiques nutrition-
nelles au cours de l’infection par le VIH
repose sur la prise en charge diététique et
les conseils nutritionnels, auxquels peut
être adjointe une prescription de supplé-
ments diététiques oraux (14). Cette
approche thérapeutique exige du temps et
de la patience, car elle doit en permanence
remotiver le malade dont les efforts n’ar-
rivent pas toujours à venir à bout de son
anorexie, même débutante. Ce n’est qu’à
un stade précoce que cette thérapeutique
peut espérer donner des résultats. Les sti-
mulants de l’appétit sont, en France,
réduits à l’utilisation de progestatifs à forte
dose (400 mg à 1 g par jour de médroxy-
progestérone) (15). Il peut leur être adjoint
un traitement par androgènes à visée ana-
bolisante, qui permettra de s’opposer à la
castration pharmacologique de la prescrip-
tion de progestatifs chez l’homme. Les
androgènes peuvent également compenser
une diminution de la sécrétion naturelle de
testostérone chez le malade dénutri dont la
perte de masse maigre est prédominante.
Le plus puissant et le plus efficace des trai-
tements anabolisants est, sans doute, l’hor-
mone de croissance recombinante, mainte-
nant largement utilisée aux États-Unis,
avec des résultats sur la reprise de masse
maigre et sur les capacités physiques tout à
fait significatifs (16). Ce traitement n’est
pas encore utilisable en Europe, en raison
de son prix qui en constitue un facteur limi-
tant. Les anticytokines, pentoxyfilline, tha-
lidomide, anticorps anti-IL6 pourraient
avoir une place à la frontière des traite-
ments immunomodulateurs et modulateurs
de l’inflammation. La nutrition artificielle
a une place dans les situations où la dénu-
trition est réelle. Elle sera entérale chaque
fois que l’état du tube digestif le permettra
(17). En revanche, l’existence d’une diar-
rhée chronique et/ou d’une malabsorption
justifieront le recours à la nutrition parenté-
rale (18). Ces deux dernières thérapeu-
tiques peuvent être mises en route à l’hôpi-
tal, mais il sera souvent utile de les pour-
suivre au domicile pour obtenir une véri-
table réhabitlitation nutritionnelle, qui
prend souvent plusieurs semaines. Des
structures véritablement entraînées à ce
type de traitement et à ce type de malades
sont alors indispensables en termes de
sécurité et de qualité de traitement. La prise
en charge de la dénutrition au cours des
infections secondaires pose quelques pro-
blèmes particuliers. Il s’agit tout d’abord
de situtations où la dénutrition est non seu-
lement fréquente, mais où l’amaigrisse-
ment est rapide et difficile à limiter. Dans
ces situations, les premiers traitements de
la dénutrition consiste en un traitement
rapide et efficace de l’infection causale,
encore faut-il l’avoir dignostiquée (19). Le
malade est souvent hospitalisé durant les
épisodes infectieux secondaires, aussi est-il
tentant d’en profiter pour le faire bénéficier
d’une nutrition artificielle. En raison des
perturbations métaboliques propres aux
infections aiguës secondaires, l’efficacité
de la nutrition artificielle est souvent limi-
tée dans ces situations. Au contraire,
lorsque l’infection sera contrôlée, la nutri-
tion artificielle est souvent d’une efficacité
spectaculaire (20).
Conclusion
Le chemin est long, de la prévention de
l’amaigrissement chez le sujet séropositif
asymptomatique à la nutrition artificielle
en fin de vie. Dans tous les cas, savoir
accompagner le malade dans sa longue
route, et surtout savoir l’aider à se remoti-
Suppléments Traitements Nutrition Nutrition
diététiques orexigènes entérale parentérale
Ingesta 80 < 80 < 80 < 80
(% besoins)
Poids (% idéal) 90-100 90-100 < 90 < 90
Diarrhée 000 à ++ +++
Traitements si perte de masse si perte de masse ± ? ± ?
anabolisants cellulaire cellulaire
Tableau. Choix thérapeutique de la dénutrition au cours de l’infection par le VIH.